Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. En effet, en vertu de la dernière convention d’objectifs et de gestion (COG), la participation des CAF au financement du périscolaire a augmenté de 12 %. Le bonus inclusion a quant à lui été porté à 4,5 euros.

On sait très bien que, pour les petites communes, le temps méridien périscolaire, en général d’une demi-heure, représente un investissement important : nous serons au rendez-vous pour accompagner à la fois les enfants, les familles et ces communes. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

propos du président de la république sur les finances locales

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Antoine. Le 16 mai dernier, le Président de la République accordait à LExpress un entretien exclusif sur la situation économique de la France. Il affirmait alors : « Hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités locales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État. » Cette formule à l’emporte-pièce choque profondément les représentants des collectivités locales que nous sommes.

Une telle affirmation est proprement infondée : les collectivités locales contribuent depuis des années à améliorer les comptes publics, tandis que l’État connaît un dérapage structurel de ses dépenses.

Oui, la dette des collectivités territoriales est stable. Elle est même en légère diminution depuis trente ans. Nos collectivités appliquent en effet la règle d’or : elles ne peuvent pas emprunter pour couvrir leurs dépenses de fonctionnement.

D’un côté, l’État prive nos collectivités de recettes sans leur accorder les compensations qui leur sont dues ; de l’autre – le Gouvernement ne peut l’ignorer –, l’exécutif lui-même augmente leurs dépenses de fonctionnement. Il a ainsi relevé le point d’indice des fonctionnaires territoriaux ; il a également revalorisé les allocations sociales versées par les départements et les centres communaux d’action sociale (CCAS). Et ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres… À mon sens, c’est presque un miracle si nos collectivités locales parviennent encore à équilibrer leurs budgets de fonctionnement.

Madame la ministre, dans ce contexte, pouvez-vous nous démontrer que l’État n’est en rien responsable de la situation financière des collectivités locales,…

Mme Jocelyne Antoine. … comme l’affirme le Président de la République dans son entretien à LExpress ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice Antoine, sur ce sujet, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à M. Paccaud, mais votre question me permet de compléter mon propos. En effet, au cours des dernières années, les collectivités territoriales ont fait l’objet d’autres mesures de soutien de la part de l’État.

Ainsi, les départements qui souffrent aujourd’hui d’une baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) bénéficient du fonds de compensation créé et abondé à parité avec l’État. Au total, 106 millions d’euros ont été mobilisés par ce biais. La Meuse, dont vous êtes l’élue, fait d’ailleurs partie des quatorze départements accompagnés à ce titre.

Je précise que, dans votre département, la situation du bloc communal est plutôt satisfaisante et que, d’une manière générale, elle est en voie d’amélioration.

En outre, l’État a beaucoup œuvré pour faire face à la crise que nous avons tous traversée. Aux mesures complémentaires que j’ai déjà égrenées, il faut ajouter le filet de sécurité, l’amortisseur électricité, ou encore la hausse de la dotation pour les titres sécurisés (DTS), dont la délivrance a connu des difficultés.

Au cours des dernières années, les collectivités territoriales ont donc fait l’objet d’un vaste ensemble d’aides – je vous vois sourire, monsieur le sénateur, mais c’est pourtant vrai…

M. Jean-François Husson. Si vous saviez pourquoi je souris… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Au total, plus de 6 milliards d’euros supplémentaires ont été mobilisés.

Madame la sénatrice, l’État prend sa part de l’effort ; mais nous ne pouvons pas faire abstraction des problèmes indépendants de sa propre volonté, lesquels se sont multipliés au cours des dernières années. Je pense à la crise covid ; je pense à la crise ukrainienne ; je pense à la crise de l’énergie. En 2019, nous avions engagé le redressement de nos comptes publics ; mais, en nous imposant des mesures de soutien massives, ces crises nous ont contraints de dégrader notre situation budgétaire.

Pour autant, notre politique est claire : nous menons des réformes ambitieuses pour réduire les déficits, comme la réforme des retraites ou encore celle de l’assurance chômage, qui sera bientôt engagée. En parallèle, l’État fait des économies sur son propre budget.

J’y insiste, c’est collectivement que nous devons œuvrer au redressement des comptes publics.

Mme Nathalie Goulet. Et la lutte contre la fraude fiscale ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Notre objectif reste d’être, en 2027, au rendez-vous du pacte de stabilité. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 5 juin 2024, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Au cours de la séance du soir du 28 mai 2024, lors du scrutin n° 204 portant sur l’ensemble de la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, mes collègues Daniel Fargeot, Annick Billon, Jean-François Longeot, Annick Jacquemet, Anne-Catherine Loisier, Jean-Michel Arnaud, Pascal Martin et Sonia de La Provôté ont été enregistrés comme ayant voté pour, alors qu’ils ne souhaitaient pas prendre part au vote.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Candidature à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Contrôle des investissements étrangers en France comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté

Débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, sur le thème : « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté ».

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur, pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de réplique, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une première et, une fois de plus, cela se passe au Sénat ! En effet, si Marie-Noëlle Lienemann et moi-même avions émis le souhait que soit institutionnalisé un débat sur le contrôle des investissements étrangers en France, et si la commission des affaires économiques avait adopté à l’unanimité cette recommandation, encore fallait-il passer l’acte. Aujourd’hui, c’est chose faite !

Je remercie mes collègues du groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, tout particulièrement son président, François Patriat, d’avoir permis une telle avancée, sur le temps de la niche du groupe.

Ce débat vise à nous assurer que le patrimoine économique tricolore est bien protégé face aux menaces croissantes, dans un monde en état de guerre économique permanente – l’expression n’est pas trop forte.

Nous sommes à l’ère de la course à l’innovation qui, pour certains, justifie que tous les coups soient permis pour s’emparer et maîtriser les technologies critiques. Bonne nouvelle, la France est bel et bien dans la course, grâce à France 2030 et aux stratégies de filières qui se déploient dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la quantique et de l’hydrogène.

Une forme de planification est de retour : c’est heureux et cela produit des résultats. Ainsi, le secteur de l’intelligence artificielle a vu le nombre de start-up augmenter de 20 % et a bénéficié de six fois plus de fonds levés en quatre ans.

Nous sommes aussi à l’ère où la compétition fait rage, notamment entre rivaux, mais aussi entre alliés. Adversaires ou alliés, qu’importe : ils peuvent avoir recours aux mêmes armes, telles que les subventions massives, les droits de douane, les barrières non tarifaires, voire les mesures de privation de liberté, comme Frédéric Pierucci, ancien président de la division chaudière d’Alstom, l’a, hélas ! expérimenté aux États-Unis.

Les chiffres sont édifiants : d’après le service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse), les alertes de sécurité ont crû de 30 % entre 2022 et 2023, leur nombre étant passé de 694 à 900. Face à cela, la France a pris des mesures fortes depuis 2017. À l’échelon national comme à l’échelon européen, le Président de la République, Emmanuel Macron, s’est constamment engagé pour que l’Union européenne soit moins naïve et pour que nous cessions d’être les idiots du village global en étant ouverts à tous les vents.

Alors que les Français sont amenés à s’exprimer le 9 juin prochain sur l’Europe qu’ils souhaitent, ils doivent savoir que la France a été un artisan du réveil des nations européennes, pour moins de naïveté et plus de souveraineté.

Cependant, avec ce débat, notre groupe a voulu aller au-delà du seul contrôle des investissements étrangers en France (IEF). Reprenons les termes du débat : ce contrôle est « un outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté ». Il s’agit donc d’un élément compris dans la palette des mesures et des actions à mettre en œuvre.

La notion d’intelligence économique a véritablement émergé en France il y a trente ans, avec le rapport d’Henri Martre de 1994, intitulé Intelligence économique et stratégie des entreprises.

Qu’est-ce que l’intelligence économique, demanderont certains ? Au-delà de la définition académique, le rapport Martre, dans son introduction, précise qu’il s’agit de « [la] gestion stratégique de l’information économique permettant à la France d’appréhender efficacement les opportunités et les risques liés à la mondialisation des échanges ».

Si nombre de constats alors dressés demeurent d’actualité, saluons aussi les efforts qui ont pu être faits grâce à la persévérance d’acteurs de l’intelligence économique, dont certains assistent aujourd’hui à notre débat. Je pense en particulier à Christian Harbulot, qui a contribué au rapport Martre et a fait des petits, si vous me permettez cette expression, grâce aux cohortes d’élèves issus de l’École de guerre économique (EGE).

Je pense aussi à Claude Revel qui, dans la lignée d’Alain Juillet, fut une déléguée interministérielle à l’intelligence économique pugnace, quand cette fonction existait encore.

N’oublions pas non plus Pascal Dupeyrat, qui a décortiqué le fonctionnement du Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) – soit le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis –, afin d’en tirer un certain nombre de leçons, au profit tant des Français que des Européens.

Je veux aussi mentionner la personne morale qu’est l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), qui fait énormément via les formations à l’intelligence économique qu’il organise lors de toutes ses sessions. Il a ainsi créé une sorte de réserve du patriotisme économique très utile.

Enfin, je citerai notre assemblée, car c’est tout à l’honneur du Sénat de veiller au maintien de la flamme de l’intelligence économique et d’être une vigie de la protection des intérêts et du patrimoine économiques de la Nation.

Ainsi, je vous renvoie à la mission d’information mise en place par la commission des affaires économiques, dont les travaux ont abouti à vingt-trois recommandations adoptées à l’unanimité, ainsi qu’à la proposition de loi transpartisane visant à faire de l’intelligence économique un outil de reconquête de notre souveraineté, déposée au Sénat en septembre 2023 par Marie-Noëlle Lienemann, Serge Babary, Franck Montaugé et moi-même.

Par ailleurs, un amendement transpartisan a été adopté la semaine dernière, lors de l’examen de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France. En cas d’adoption définitive du texte, ce que je souhaite ardemment, il permettrait que le rapport remis au Parlement sur le contrôle des investissements étrangers en France soit enrichi d’un suivi dans la durée des engagements pris par les investisseurs.

Le Sénat opère aussi comme vigie de l’intelligence économique grâce aux travaux de la mission d’information sur l’avenir d’Atos, à laquelle a participé notre collègue Fabien Gay,…

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Il est partout, décidément ! (M. Fabien Gay sourit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. … et de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérateurs d’influences étrangères, conduite par Dominique de Legge et Rachid Temal.

Le Sénat s’honore donc par sa constance, et il ne doit pas craindre de persévérer, car c’est bien l’échelon législatif qui constitue la clé de voûte de l’équilibre entre liberté des investissements et sécurité nationale.

C’est la loi de 1966 qui, la première, a posé le principe de liberté des relations financières entre la France et l’étranger. Simultanément, elle a prévu que ce principe pouvait connaître des restrictions au nom de la défense des intérêts nationaux.

Quant à la loi de 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, défendue par M. Lescure dans ses précédentes fonctions, elle a donné plus de pouvoirs non seulement au ministre de l’économie en matière de sanctions, mais aussi au Parlement en matière d’information et de contrôle.

Combien de dossiers seraient passés sous les radars si le Parlement ne s’en était pas emparé ? Je pense par exemple à Photonis, cette pépite de l’optronique, qui serait passée sous pavillon américain sans l’intervention de lanceurs d’alerte au sein de l’État, du Parlement et des médias – n’est-ce pas, cher Pascal Allizard ? (M. Pascal Allizard opine.)

Cette mobilisation a conduit l’État à s’opposer au rachat du groupe par l’américain Teledyne Technologies. Aujourd’hui, Photonis, devenu Exosens, est adossé au fonds européen HLD. Autrefois chassé, le groupe Photonis est devenu chasseur : il a procédé à cinq acquisitions et a doublé son chiffre d’affaires.

Cet exemple montre que la France doit savoir « dire non », pour citer les grands auteurs. Pour cela, elle a musclé son jeu depuis 2017, veillant à ce que toute dépendance soit minime, consentie et maîtrisée – tels sont les critères énoncés par le directeur de l’industrie de défense, Alexandre Lahousse.

L’enjeu n’est autre que de garantir notre souveraineté et notre résilience dans les domaines industriels et technologiques. Ainsi, sur l’initiative du Président de la République, une véritable politique de sécurité économique a été mise en place, une doctrine a été posée par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) et une gouvernance a été établie par le décret du 20 mars.

L’État est donc en ordre de marche sur ce volet défensif, grâce à une structuration très opérationnelle.

Le contrôle des investissements étrangers en France a été renforcé à plusieurs reprises via l’abaissement des seuils de déclenchement et l’extension des domaines d’activité concernés.

À l’échelon européen, c’est bien la France qui a été le moteur de l’évolution de la doxa parmi les États membres ; on lui doit ainsi la mise en place d’un mécanisme de coopération en matière de contrôle des investissements étrangers. L’action de la France n’a pas toujours été une promenade de santé – je peux aisément en témoigner, ayant siégé au conseil des ministres chargés du commerce extérieur de l’Union européenne –, même si elle a abouti à des progrès notables. Plus d’États se sont dotés d’une législation en la matière et une culture et des principes communs ont été forgés.

En définitive, la France est désormais mieux armée pour faire face aux menaces et aux risques de prédation économique, sans que cela porte toutefois atteinte à son attractivité. En effet, les chiffres montrent que nous sommes toujours en haut du podium.

Je ne serai pas plus long. Mes chers collègues, je ne doute pas que, sur ce sujet d’intérêt national, nos convergences seront plus fortes que nos divergences. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Jean-Baptiste Lemoyne d’avoir proposé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de notre assemblée. Dès 2015, j’avais personnellement appelé l’attention de la commission des affaires économiques sur ce sujet resté confidentiel : je me suis donc réjoui qu’une mission d’information puisse le mettre en lumière.

Dans le prolongement de cette mission, les enjeux et la place de l’intelligence économique dans notre stratégie de souveraineté nationale sont objectivés dans la proposition de loi transpartisane de Marie-Noëlle Lienemann, à l’élaboration de laquelle j’ai participé au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Notre pays s’est jusqu’ici focalisé sur le contrôle des investissements étrangers en France, en faisant évoluer le dispositif par différentes mesures procédant du décret de mars 2019. C’était nécessaire, dont acte !

Au-delà de l’évaluation du dispositif actuel et de son impact réel sur notre économie, je pense que l’intelligence économique devrait constituer le cadre global de notre stratégie de souveraineté économique nationale, le contrôle des investissements étrangers en France étant l’une de ses déclinaisons.

Pour quelle raison ? Le concept de guerre, aujourd’hui trop galvaudé à mon sens, se révèle pertinent dans le contexte mondial de libre-échange économique, dès lors qu’il est nécessaire de prendre en compte les risques divers d’agression auxquels nos entreprises sont en permanence soumises, sous des formes hybrides.

En quelques décennies, la guerre économique a émergé comme un domaine de savoir et de recherche ; l’École de guerre économique en illustre aujourd’hui la reconnaissance et le bien-fondé. Les enseignements et la culture qui résultent de cette science doivent faire l’objet d’une appropriation par tous les acteurs économiques et leurs partenaires, dont les collectivités locales.

Au plus haut niveau de la République, l’État doit définir et se doter des moyens de pilotage et d’administration d’une stratégie nationale d’intelligence économique englobant notamment les dispositifs actuels relatifs aux investissements étrangers en France, sans les remettre en question, je le précise.

C’est tout le sens de la proposition de loi déposée en septembre 2023, qui vise à inscrire dans la loi l’intelligence économique et à en faire le cadre d’une politique publique de reconquête de notre souveraineté économique.

Cette politique publique, débattue et votée par la représentation nationale, serait pilotée par une structure dédiée, dont la loi permettrait de garantir la pérennité.

À partir de cette analyse du contexte, jugez-vous utile, monsieur le ministre, voire nécessaire, que la France se dote d’une stratégie nationale d’intelligence économique et d’un secrétariat à l’intelligence économique, structure interministérielle qui serait rattachée au Premier ministre ?

Le cas échéant, comment entendez-vous sensibiliser les acteurs économiques de nos territoires à ce sujet qui les concerne tous, à des degrés divers ?

À cette fin, nous proposons que des comités régionaux à l’intelligence économique déclinent et pilotent la stratégie nationale, en lien avec les entreprises locales et les chambres de commerce et d’industrie (CCI.) Ces dernières seraient missionnées dans le cadre de leurs contrats d’objectifs et de performance pour prendre en compte, sur leur territoire, la stratégie nationale d’intelligence économique.

En cohérence, les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) devraient aussi intégrer un volet consacré à l’intelligence économique.

In fine, l’évaluation de cette politique publique de souveraineté ferait l’objet d’un rapport annuel traitant spécifiquement de l’intelligence économique, en sus des investissements étrangers en France.

Monsieur le ministre, l’intelligence économique doit occuper une place centrale dans les politiques publiques visant à améliorer notre souveraineté économique nationale.

Il n’est pas question, ici, de remettre en cause le dispositif actuel des investissements étrangers en France, qui doit faire l’objet d’évaluations spécifiques. Pour autant, on ne peut s’en contenter, car il ne couvre qu’une partie, au demeurant très importante, du champ de la souveraineté économique.

La guerre économique n’est pas une vue de l’esprit. Dans un monde de menaces et d’affrontements qui vont croissant, elle est une réalité géopolitique qui nous oblige en tant que Français, pour le destin de la France. Elle concerne toutes nos entreprises et nécessite une acculturation spécifique, voulue au plus haut niveau de la République et de l’État français.

Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner à nos propositions concernant la mise en place d’une stratégie nationale d’intelligence économique et d’un secrétariat spécifique ? Entendez-vous favoriser l’implication des entreprises via la mobilisation des conseils régionaux et des chambres de commerce et d’industrie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur Montaugé : l’intelligence économique ne se limite pas au contrôle des investissements étrangers en France, même s’il en est une composante importante, elle va au-delà.

Il faut ainsi garantir les lignes d’approvisionnement ; à défaut, comme on l’a vu pendant la crise du covid 19, le risque est de provoquer un réel problème économique. Il faut aussi protéger les actifs stratégiques, notamment dans le cadre du décret relatif aux investissements étrangers en France, et prévenir l’application de réglementations étrangères susceptibles d’affecter nos entreprises. Tous ces éléments sont très importants.

La politique de sécurité économique existe depuis 2019, monsieur le sénateur ; elle a été élaborée et présentée par l’État. Vous souhaitez qu’elle puisse être placée sous l’autorité du Premier ministre. Or, aujourd’hui, elle est conduite par le ministre de l’économie et des finances, que la commission des affaires économiques peut régulièrement auditionner dans le cadre de ses travaux ; au-delà, le ministre pourrait même vous présenter cette politique et son application.

Le Sisse, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), l’ensemble de l’appareil économique et financier de l’État et le Quai d’Orsay sont tous attachés, dans une logique interministérielle, à la mise en œuvre de la politique d’intelligence économique. Leurs représentants sont d’ailleurs présents à mes côtés aujourd’hui même au banc du Gouvernement.

Nous considérons que le dispositif mis en place en 2019 et piloté par Bercy est utile, nécessaire et efficace. Nous devons conserver l’organisation existante, mais toutes les améliorations proposées par la représentation nationale, qu’il s’agisse du rapport sur les investissements étrangers en France ou du suivi de l’ensemble de la politique d’intelligence économique, sont les bienvenues.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, je partage vos propos. Nous souhaitions surtout insister sur l’émergence et la prise en compte de la notion d’intelligence économique dans la démarche de l’État visant à améliorer la sécurité de l’économie française.

La notion d’intelligence économique mérite d’être mise en lumière, d’être utilisée et diffusée dans les territoires. L’enjeu d’acculturation est considérable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est vrai !

M. Franck Montaugé. Les véritables pépites que sont les petites entreprises peuplant nos territoires sont exposées à des risques profonds. D’où la proposition de loi que j’évoquais précédemment, dont l’objectif central est de mettre en lumière l’intelligence économique, dans l’intérêt de tous les acteurs économiques français.