Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Cet amendement vise à réintégrer une disposition supprimée par l’Assemblée nationale : l’obligation pour les prestataires de conseil de présenter à l’administration bénéficiaire les scénarios qu’ils n’ont pas retenus et d’expliquer pourquoi ils ne les ont pas retenus.
L’Assemblée nationale a estimé, d’une part, que cette obligation ferait peser une charge trop lourde sur les cabinets de conseil, notamment en l’absence de définition précise d’un « scénario non retenu », et, d’autre part, qu’elle s’appliquerait mal à certains types de prestations, en particulier les prestations de conseil informatique.
Au regard de ces arguments, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Les II à V de l’article 1er, les articles 2 et 5, les 1°, 1° bis et 2° du I de l’article 6, l’article 7, le I de l’article 9, les I à III et V de l’article 10, et les articles 11 à 13, 17 et 18 de la présente loi sont applicables aux régions, aux départements, aux communes de plus de 100 000 habitants et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.
II. – Pour l’application du I du présent article, les 1°, 1° bis et 2° du I de l’article 6 entrent en vigueur dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Nous en venons à l’intégration, ou non, des collectivités locales dans le champ d’application de la proposition de loi. Et je sens que mon succès va atteindre son apogée… (Sourires.) Les positions exprimées en discussion générale étaient en effet suffisamment claires pour comprendre qu’il s’agit finalement d’un amendement d’appel.
Je crois cependant qu’il y a un intérêt à cheminer ensemble sur cette question. Reprenons les étapes du processus parlementaire. La question des collectivités ne faisait pas partie du champ des travaux de la commission d’enquête sénatoriale. C’est un fait.
Néanmoins, à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale, une mission flash a été menée de façon transpartisane par un député du groupe communiste et un de la majorité présidentielle. L’Assemblée nationale a très clairement conclu au besoin de continuer ce travail et d’approfondir la question. Je vous présente donc un amendement d’appel, pour que ce travail puisse continuer jusqu’à l’adoption définitive du texte.
Je veux souligner devant vous les premiers enseignements de cette mission flash, qui a mené plusieurs auditions, entendant notamment des représentants d’associations d’élus ou des administrations qui concourent au pilotage des finances locales.
Premier enseignement, la mission – transpartisane, je le rappelle – conclut que l’enjeu financier de l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités est « non négligeable pour les finances publiques locales ». Selon elle, les dépenses en prestations de conseil atteignaient 557 millions d’euros en 2021, un chiffre qu’elle estime elle-même largement sous-estimé. Ces dépenses sont en très forte augmentation ces dernières années, puisqu’elles s’élevaient à 353 millions d’euros en 2019.
À la question de savoir s’il y a un sujet financier, la réponse est donc plutôt oui.
Deuxième enseignement, est-ce que la nature des prestations de conseil demandées par les collectivités locales est totalement différente de celles qui sont demandées par l’État ? En effet, on entend parfois cet argument.
Selon la mission flash transpartisane, certaines prestations sont effectivement différentes. Mais elle conclut que les collectivités recourent aussi à des prestations de conseil en stratégie ayant « pour objectif d’accompagner la collectivité dans les grandes orientations de politique publique, en définissant les objectifs et un plan d’action ». Les collectivités font donc aussi appel à des prestations de conseil sur des sujets qui sont – je reprends une expression que j’ai parfois entendue pour l’État – au cœur de la construction des politiques publiques.
Troisième enseignement de cette mission : « Certaines dispositions prévues par la proposition de la loi adoptée par le Sénat paraissent aisément transposables aux collectivités locales. Tel est notamment le cas de l’interdiction qui est faite aux consultants de prendre des décisions administratives, de l’obligation de mentionner l’intervention des consultants sur les documents auxquels ils ont participé ou encore de l’obligation d’employer la langue française dans les échanges. »
Ces premiers enseignements me conduisent à penser que nous devons poursuivre le travail sur l’intégration des collectivités territoriales dans le champ de la proposition de loi.
Voilà l’objet de cet amendement d’appel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Sans surprise, l’avis de la commission sera défavorable.
Tout d’abord, sur le fond, nous l’avons déjà dit, nous ne souhaitons pas intégrer à l’aveugle les collectivités territoriales dans ce texte.
Il existe d’ores et déjà des mécanismes de contrôle et de transparence au sein des collectivités territoriales et de leurs assemblées délibérantes qui n’existent pas entre le Parlement et le Gouvernement. Je les rappelle très brièvement.
Le code de la commande publique s’applique pleinement aux prestations de conseil contractées par les collectivités territoriales. Le code général des collectivités territoriales permet aux assemblées délibérantes locales, dans lesquelles, selon les strates concernées, les membres de l’opposition siègent, d’exercer un contrôle sur ces prestations, ce qui représente une différence essentielle avec les administrations centrales et les établissements publics nationaux. Et je pourrais aussi mentionner la possibilité de saisir la chambre régionale des comptes.
Il existe donc déjà, même si elles sont loin d’être parfaites, des modalités de contrôle et de suivi qui permettent d’assurer une transparence au sein des collectivités territoriales.
Ensuite, la méthode présente à nos yeux trois difficultés majeures.
Premièrement, les travaux de la commission d’enquête n’ont pas porté sur le recours par les collectivités territoriales aux prestations de conseil. Nous n’avons donc, à ce jour, aucun panorama exhaustif en la matière. Il semble en outre que même le Gouvernement rencontre des difficultés à disposer de données agrégées.
Deuxièmement, si l’Assemblée nationale a bien mené une mission flash sur le sujet, celle-ci s’est opposée à une large extension du périmètre du texte aux collectivités territoriales et elle a suggéré d’approfondir l’étude de la question avant de légiférer.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la rapporteure.
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Troisièmement, le Gouvernement, qui est pourtant le principal demandeur de cette extension, n’a mené aucune consultation auprès des associations d’élus locaux avant de déposer son amendement. Or, lorsque nous les avons consultées, toutes s’y sont opposées !
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je ne vais pas reprendre les excellents arguments que vient de présenter Mme la rapporteure.
Je vais simplement faire une suggestion à M. le ministre : s’il tient absolument à ce qu’il a proposé, qu’il prépare un projet de loi ! Cela lui évitera d’être accusé de proposer une mesure dilatoire et de retarder l’adoption de cette proposition de loi, dont l’adoption est pourtant urgente, maintenant.
Nous examinerons alors ce projet de loi visant à prendre des mesures particulières sur le recours par les collectivités territoriales à des cabinets de conseil.
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je voudrais repartir de la réunion constitutive de la commission d’enquête, qui a eu lieu le jeudi 25 novembre 2021 et dont le compte rendu est tout à fait explicite : « En revanche, nous pouvons nous accorder sur le fait que notre commission d’enquête ne couvrira pas les prestations de conseil pour les collectivités territoriales, les contrats de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre pour les travaux et les délégations de service public, non pour éluder ces questions, mais pour cadrer notre travail et mener nos investigations avec sérieux et efficacité dans les délais impartis. »
Alors, oui, il y a eu une mission flash à l’Assemblée nationale et il y a eu consensus sur un point : le besoin de retravailler la question dans ses différents aspects.
J’ai l’impression que le rapport de la commission d’enquête constitue en quelque sorte une étude d’impact de la présente proposition de loi…
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Chapitre II
Renforcer la transparence dans le recours aux prestations de conseil
Article 2
I. – (Non modifié) Les consultants sont tenus d’indiquer leur identité et le prestataire de conseil qui les emploie dans leurs contacts avec l’administration bénéficiaire et les tiers avec qui ils communiquent pour les besoins de leurs prestations. Ils ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire, sauf dans le cadre des prestations prévues au 3° du II de l’article 1er lorsque l’attribution d’une telle adresse électronique est justifiée pour assurer la sécurité des systèmes d’information et la protection des données de l’administration bénéficiaire.
II et III. – (Non modifiés)
IV. – (Supprimé)
V. – Le II du présent article n’est pas applicable aux documents destinés à l’information du public produits dans le cadre des prestations mentionnées au 4° du II de l’article 1er – (Adopté.)
Article 3
Le Gouvernement remet au Parlement et au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, puis tous les ans, un rapport relatif au recours aux prestations de conseil au sens de l’article 1er.
Ce rapport présente :
a) Le bilan des moyens consacrés par l’État au conseil interne ;
b) La cartographie des ressources humaines dont chaque ministère dispose en matière de conseil en interne ;
c) Les mesures mises en œuvre pour valoriser ces ressources humaines et développer les compétences en matière de conseil en interne au sein de la fonction publique de l’État.
Ce rapport comprend la liste des prestations de conseil réalisées au cours des cinq années précédentes à titre onéreux ou qui relèvent du champ d’application de l’article 238 bis du code général des impôts.
Pour chacune de ces prestations, la liste indique, sous réserve du secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de la sécurité des systèmes d’information :
1° La date de notification de la prestation et sa période d’exécution ;
2° Le ministère ou l’organisme bénéficiaire ;
3° L’intitulé et la référence de l’accord-cadre auquel se rattache la prestation, le cas échéant ;
4° L’intitulé et le numéro d’identification du marché, l’intitulé et le numéro du lot et, lorsque la prestation se rattache à un accord-cadre, le numéro du bon de commande ou du marché subséquent ;
5° L’objet résumé de la prestation ;
6° Le montant de la prestation ;
7° Le nom et le numéro de système d’identification du répertoire des établissements du prestataire et de ses éventuels sous-traitants ;
8° Le groupe de marchandises auquel se rattache la prestation au sens de la nomenclature des achats de l’État.
Les informations mentionnées aux 1° à 8° respectent des normes d’écriture fixées par arrêté du ministre chargé des comptes publics. Elles sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
des cinq années précédentes
par les mots :
de l’année précédente
La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. L’article 3 crée une obligation de publication des données relatives aux prestations de conseil extérieur que les administrations ont sollicitées au cours des cinq années précédentes. Le présent amendement, qui est également cohérent avec la position que j’ai défendue devant vous en première lecture, a pour objet de ne faire porter cette obligation que sur l’année précédente.
Les raisons en sont assez concrètes : à l’heure actuelle, les administrations ne disposent pas de solutions techniques leur permettant de produire toutes les informations demandées dans les alinéas 8 à 15 de cet article. Cette obligation susciterait un travail faramineux pour consolider toutes les informations demandées sur les cinq années précédentes.
C’est pourquoi nous vous proposons de ne le faire que sur l’année précédente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Pour le coup, monsieur le ministre, vos explications m’invitent plus que jamais à émettre un avis défavorable sur cet amendement, puisque vous reconnaissez vous-même, finalement, que l’article 179 de la loi de finances pour 2020, modifié par la loi de finances pour 2023, qui instaure un jaune budgétaire dédié aux prestations de conseil, n’est pas appliqué convenablement.
Je voudrais citer ce que les rapporteurs de l’Assemblée nationale ont écrit dans leur rapport : « La liste des prestations de conseil réalisées n’est pas publiée dans son intégralité. »
Vous nous parlez, monsieur le ministre, de charge de travail supplémentaire pour les administrations centrales. Cet argument est difficilement compréhensible pour la première année d’exécution de la présente loi.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par Mme Duranton, MM. Lemoyne, Haye, Patriat et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Bitz, Buis et Buval, Mme Cazebonne, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
et de la sécurité des systèmes d’information
par les mots :
, de la sécurité des systèmes d’information et à l’exclusion des marchés entrant dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 1113-1 du code de la commande publique
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Compte tenu de leur sensibilité, les données relatives aux marchés de défense et de sécurité ne peuvent pas être librement accessibles. Le présent amendement vise donc à exclure du champ du rapport prévu par l’article 3 les prestations de conseil ayant fait l’objet d’un marché de défense et de sécurité.
Ces données sont par nature très sensibles, et nous ne pouvons pas risquer leur divulgation, car ce serait une atteinte aux intérêts de la défense nationale. Je tiens à le rappeler, les marchés de défense et de sécurité supérieurs au seuil européen sont soumis à une obligation de publication permettant déjà de garantir la transparence de nos achats en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture à l’occasion de l’examen d’un amendement du Gouvernement. Nous l’avions rejeté, en estimant, à juste titre, que l’exception déjà prévue par l’article 3 pour les informations relatives au secret de la défense nationale était suffisante.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par M. Bazin, Mme N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.
L’amendement n° 24 est présenté par MM. Bocquet, Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, de même que le bon de commande ou l’acte d’engagement lorsque la prestation de conseil se rattache à un accord-cadre
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ces informations figurent dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire prévu à l’article L. 231-1 du code général de la fonction publique.
La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.
M. Arnaud Bazin. Avec cet amendement, nous visons le même objectif que la commission, en réintroduisant deux dispositions présentes dans la proposition de loi initiale.
Tout d’abord, il s’agit de la publication en données ouvertes des bons de commande ou des actes d’engagement, pour avoir une vision plus claire des prestations de conseil réalisées au bénéfice de l’État et de ses opérateurs. Aujourd’hui, les citoyens qui demandent ces documents se voient opposer des refus de la part de l’administration, qui ne respecte pas la jurisprudence de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).
Ensuite, il s’agit de l’insertion des listes de prestations de conseil dans le rapport social unique (RSU) de l’administration bénéficiaire, pour garantir la bonne information des agents publics.
Cet amendement tend donc à s’inscrire dans la démarche de transparence que nous mettons en œuvre avec cette proposition de loi.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 24.
M. Éric Bocquet. Le rapport de la commission d’enquête avait montré comment, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les cabinets avaient bouleversé les agents.
Je cite un témoignage : « Là, on est censés attendre de gens travaillant dans le privé, qui ne comprennent pas toujours ce qu’est le service public, ni ce qu’on fait à l’Ofpra, qu’ils trouvent à notre place des solutions pour travailler plus efficacement, comme si on ne s’était jamais posé la question avant. »
Tout cela par trois cabinets, pour un montant de 458 817,60 euros et avec un programme : « déterminer les irritants », notamment – je cite de nouveau un agent de l’Ofpra – « par un outil dit “management visuel”, consistant en une très grande feuille de papier accrochée sur les murs de l’étage avec des items tout à fait infantilisants, du type “météo RH”, “horoscope des OP”, “boîte à questions”, que nous sommes invités à alimenter nous-mêmes avec des post-it »…
Armée de PowerPoints et de bouts de papier, cette république des post-it, comme l’a qualifiée la commission d’enquête, infantilise, méprise et finalement maltraite les agents publics. Ils méritent donc d’être informés du recours à des cabinets de conseil dans le rapport social unique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture et nous avions entendu l’argument sur le temps consacré par l’administration à cette tâche. Le Gouvernement avançait une estimation qui me paraît obsolète, et je crois que nous devons continuer à avancer ensemble.
L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Là encore, le Gouvernement fait preuve de constance, en cherchant l’effectivité des mesures qui seront adoptées.
Or, si l’on souhaite la publication en données ouvertes de l’ensemble des bons de commande, je crois que l’on peut partager ce point : un certain nombre d’informations ne doivent pas figurer dans les données publiées, par exemple celles qui sont relatives aux prix ou aux stratégies commerciales, sauf à complètement remettre en cause le droit de la concurrence ou le secret des affaires.
De ce fait, convenons que la publication de ces bons de commande nécessiterait de biffer des informations. Si nous sommes d’accord sur ce point – j’espère que tel est bien le cas –, cela veut dire qu’il faut disposer de moyens techniques qui, vous le comprenez aisément, ne sont pas automatisés.
J’invite plus largement la représentation nationale à s’interroger sur l’utilité même de publier, pour l’intégralité des missions de conseil, des informations comme le nom des commanditaires ou certains montants.
Imaginez un instant la charge que représenterait pour les administrations, pour l’intégralité des missions de conseil, de devoir biffer ou corriger les bons de commande pour leur publication future. Je crois d’ailleurs que l’on peut s’interroger sur l’intérêt de publier une telle masse d’informations en données ouvertes.
C’est pour ces raisons que je suis défavorable à ces amendements. Je crois qu’il faut penser un instant à nos administrations, qui vont devoir appliquer les mesures de ce texte. Dans nombre de prises de parole, j’entends un soutien aux administrations de l’État ; nous devons donc penser au caractère effectif de ce qui sera adopté et à la charge de travail que cela représenterait.
Le Sénat dénonce régulièrement la complexité administrative que nous faisons peser sur nos administrations. Je crois que nous aurions là un bel exemple d’une charge totalement disproportionnée.
M. Bruno Sido. Trente-neuf heures !
M. Stanislas Guerini, ministre. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié bis et 24.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
L’article L. 518-10 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comprend également une annexe faisant état des informations mentionnées à l’article 3 de la loi n° … du … encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. » – (Adopté.)
Article 4
(Suppression maintenue)
Chapitre III
Mieux encadrer le recours aux consultants
Article 5
(Non modifié)
Il est interdit aux personnes mentionnées aux III et IV de l’article 1er de proposer, de réaliser ou d’accepter des prestations de conseil à titre gracieux, à l’exclusion de celles qui relèvent du champ d’application de l’article 238 bis du code général des impôts. – (Adopté.)
Après l’article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Durant les cinq années qui précèdent une action de mécénat, il est interdit aux prestataires et consultants de réaliser, de proposer ou d’accepter une prestation de conseil à destination de leurs bénéficiaires d’actions de mécénat mentionnés à l’article 238 bis du code général des impôts.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’interdire aux prestataires et consultants de fournir des prestations de conseil à un client ayant bénéficié de mécénat de leur part dans les cinq années qui précèdent, afin de prévenir et d’empêcher l’instrumentalisation du mécénat à des fins commerciales.
Cet amendement, en relation directe avec l’article 5 de la proposition de loi, est inspiré des travaux de l’association Sherpa.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. J’entends la volonté de limiter les risques d’instrumentalisation des opérations de mécénat auprès des administrations par les cabinets de conseil. C’est d’ailleurs toute la portée de l’article 5 que nous venons de voter et qui interdit les prestations de pro bono.
Pour autant, il me semble regrettable d’aller jusqu’à rendre incompatibles les opérations de mécénat et les prestations de conseil. En effet, cette interdiction désinciterait fortement les prestataires à réaliser des opérations de mécénat. La rédaction actuelle de l’article 5 permet d’atteindre un équilibre satisfaisant au regard des objectifs des uns et des autres.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une prestation de conseil ne peut être confiée à un prestataire de conseil par l’une des administrations mentionnées au I de l’article 1er que si celle-ci ne dispose pas en interne des ressources humaines nécessaires à sa réalisation dans des délais utiles.
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Depuis plusieurs années, nous assistons à une véritable prolifération des prestataires, souvent issus de grands cabinets d’audit et de conseil internationaux. Leur influence ne cesse de croître, au point de soulever de légitimes interrogations sur leur poids réel dans l’élaboration et la mise en œuvre de nos politiques publiques.
Bien que le recours ponctuel à l’expertise externe puisse se justifier dans certains cas complexes, force est de constater que cette pratique s’est banalisée, voire généralisée, au sein de notre administration. Des missions stratégiques, touchant aux fondements mêmes de l’action publique, sont désormais confiées à des cabinets privés, au détriment de nos propres agents.
Cette situation pose un double problème. D’une part, elle représente un coût financier considérable ; d’autre part, et c’est peut-être le plus préoccupant, le recours systématique aux cabinets de conseil remet en cause la capacité de notre administration à définir et à mettre en œuvre ses propres politiques de manière indépendante et impartiale.
Comment garantir l’intérêt général lorsque des acteurs privés, animés par des logiques commerciales, influencent autant les décisions publiques ?
C’est pourquoi nous proposons aujourd’hui un amendement visant à encadrer strictement le recours aux prestataires de conseil. Celui-ci ne pourra intervenir que de manière subsidiaire, lorsque l’administration ne dispose pas en interne des ressources humaines nécessaires pour réaliser la mission dans des délais utiles.
Il s’agit d’un principe de bon sens, de bonne gestion des deniers publics, qui vise également à préserver notre souveraineté et notre indépendance décisionnelle. Nos agents publics, formés et compétents, doivent redevenir les véritables artisans de nos politiques, au service de l’intérêt général.
Trop longtemps, nous avons laissé se développer une forme d’ubérisation de l’action publique, qui voit des cabinets privés vendre leurs services au plus offrant. Il est temps de reprendre le contrôle et de revaloriser l’expertise de notre fonction publique.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à soutenir cet amendement essentiel pour l’avenir de nos services publics et la défense de notre indépendance décisionnelle.