Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, notre temps étant limité, mon propos s’intéressera aux retards d’application dont souffrent trois lois principales, retards emblématiques de la manière de légiférer en matière de santé sous l’actuelle législature.
Je pense en particulier à la proposition de loi de Mme Fadila Khattabi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, dont M. Jean Sol était le rapporteur pour le Sénat. Nous avions alors subi de fortes pressions pour que notre assemblée adopte ce texte conforme, afin d’en assurer une promulgation rapide. Pour autant, aucune des cinq mesures d’application de cette loi n’avait été prise le 31 mars dernier.
Je pense aussi à la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist 2. Seules six des vingt mesures d’application avaient été prises à la fin de mars, soit un taux d’application de 30 % seulement.
J’ajoute à cette liste la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, issue de la proposition de loi de l’actuel ministre Frédéric Valletoux, qui semble suivre le même chemin, avec un taux d’application de 8 % à ce jour. Je pense pourtant que notre rapporteure, Mme Corinne Imbert, se souvient bien que le Gouvernement avait refusé de reporter l’examen de ce texte au Sénat en octobre dernier, en dépit de la tenue concomitante de négociations conventionnelles, du fait de l’urgence des mesures qu’il contenait.
En conclusion, madame la ministre, il me semble que le Gouvernement ferait mieux d’arrêter ce flot quasi continu de propositions de loi, afin de proposer une véritable stratégie en matière de santé et, dans un premier temps, d’appliquer ce que le Parlement a voté et qui reste trop souvent lettre morte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. La question de l’accès aux soins est une priorité du Gouvernement, et je sais que la commission des affaires sociales la partage. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail qui est mené par les sénateurs qui en sont membres.
Au sujet de la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, différents décrets sont attendus. À ce titre, je vous confirme que les décrets relatifs aux diététiciens, aux opticiens et aux orthèses plantaires et le décret relatif à la commission d’assistants de régulation médicale devraient être publiés prochainement. C’est une question de jour pour plusieurs d’entre eux.
S’agissant des autres textes, la préparation du décret simple mettant en place notamment l’expérimentation relative aux infirmiers en pratique avancée a mis en lumière la nécessité de prendre un décret en Conseil d’État complémentaire. L’Académie nationale de médecine doit d’ailleurs rendre un avis d’ici à la mi-juin.
Pour ce qui est enfin des travaux relatifs au décret définissant les conditions de la prise en charge par les infirmiers de la prévention et du traitement de plaies, il nous faut un nouveau vecteur législatif pour pouvoir avancer sur le sujet. Il en est de même pour le décret relatif aux modalités d’exercice de la profession d’assistant dentaire.
Concernant le décret d’application de la loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, nous attendons un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui devrait être rendu le 6 juin prochain ; il sera soumis à relecture en vue d’une publication qui devrait avoir lieu d’ici à la fin du mois de juin. Le délai d’adoption de ce texte s’explique par le grand nombre de concertations et de consultations qui ont dû être menées auprès d’une quinzaine, au bas mot, d’organismes représentatifs du secteur de la santé.
Monsieur le président Mouiller, vous l’avez compris, nous sommes conscients de vos attentes sur ces différents textes réglementaires ; le Gouvernement travaille à publier l’ensemble des décrets attendus dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, mon sentiment est que nous n’avons pas la même définition de la notion d’urgence en matière de santé. Quant à nous, nous voyons que notre système est en grande difficulté, que des promesses sont faites aux professionnels et aux patients et que, des mots aux actes, l’application tarde.
Permettez-moi un simple conseil : pour éviter une trop longue attente en matière de publication des décrets, déposez des projets de loi plutôt que d’en passer par des propositions de loi ; l’obligation d’y joindre une étude d’impact vous fera gagner du temps à l’autre extrémité du parcours législatif.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de l’aménagement du territoire.
M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la ministre, le bilan de l’application des lois revient à l’ordre du jour avec une régularité métronomique et les constats que nous dressons à cette occasion se caractérisent, hélas ! par une monotonie confinant bien souvent à la litanie. La démonstration par le législateur de sa capacité à élaborer des normes dans des délais contraints par la procédure accélérée est rarement suivie de la même célérité du côté de l’autorité réglementaire. Le fait est connu et souvent déploré dans cet hémicycle.
Emblématique de cette situation est la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité. Promulguée depuis quatre ans, elle prévoit la prise d’un décret relatif aux modalités de constitution et de mise à jour du fichier national du permis de chasser. Oui, mes chers collègues, vous avez bien entendu : quatre ans et demi après le vote de cette loi, ce dispositif reste lettre morte ! Voilà qui pousse à s’interroger sur la capacité de l’État à mener à bien la fonction régalienne qui lui revient au titre de la police de la chasse et sur sa capacité à piloter les opérateurs chargés de cette mission. La commission n’a cessé de déplorer cette situation, rapport après rapport.
Mais, cette année, nous pouvons compter sur un allié de poids pour appuyer nos demandes pressantes : le Conseil d’État. Celui-ci a en effet enjoint au Gouvernement de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous peine d’astreinte de 200 euros par jour de retard. Dans ses considérants, le juge administratif a fort pertinemment indiqué que « l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi ».
Ma question est donc simple, madame la ministre : quand paraîtra ce décret, qui est réclamé à la fois par une assemblée législative et par l’autorité judiciaire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le vice-président Mandelli, vous m’interrogez sur le retard observé concernant la publication du décret relatif aux modalités de constitution et de mise à jour du fichier national du permis de chasser prévu par l’article 13 de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.
Le Conseil d’État a en effet enjoint au Gouvernement d’avancer rapidement sur ce sujet, mais je me dois de dresser, à ce propos, un historique des faits : le 2 décembre 2019, un premier projet de décret avait fait l’objet d’un avis favorable de la part du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS), ce qui démontre la volonté du Gouvernement d’avancer en la matière. Mais la Cnil avait quant à elle formulé des réserves et demandé la réalisation d’une étude d’impact relative à la protection des données. Par ailleurs, la création du fichier national du permis de chasser exigeait une mise à jour de deux fichiers centraux constitutifs.
Le Gouvernement s’est donc attelé à cette tâche tout en veillant à répondre à la demande de la Cnil. Un nouveau projet de décret a ainsi été proposé. Cette nouvelle mouture n’a cependant pas recueilli l’aval du CNCFS. À l’issue d’échanges supplémentaires, un projet de décret modifié a finalement fait l’objet d’un avis favorable émis à l’unanimité par les membres de cette dernière instance au début du mois de mai.
Le Gouvernement a ensuite très rapidement saisi de nouveau la Cnil, celle-ci disposant d’un délai de trois mois pour se prononcer sur le projet de décret. S’il recevait un avis favorable de la Cnil, il serait bien sûr publié dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de l’aménagement du territoire, pour la réplique.
M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. Je reprendrai attache avec vous au début du mois de septembre pour vérifier que les dispositions dont il est question sont bien mises en œuvre.
En tout état de cause, je veux saluer la jurisprudence du Conseil d’État, qui ne fait que rappeler la position qui est celle du Sénat depuis des décennies : le pouvoir réglementaire est tenu de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi. Il est toutefois regrettable que les mises en garde du Sénat ne suffisent pas et qu’il faille un jugement pour que le Gouvernement prenne les mesures appropriées. Je le rappelle : voilà quatre ans et demi que nous attendons !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Madame la ministre, aux yeux de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et – désormais – du sport, le bilan de l’application des lois tel que l’on peut l’établir au 31 mars 2024 est contrasté.
Si l’applicabilité de certains textes s’avère satisfaisante – je pense notamment à la loi relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, texte adopté par notre assemblée en première lecture au mois de mai dernier, et à la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France –, les mesures réglementaires attendues pour d’autres textes peinent à voir le jour.
Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais insister, madame la ministre, sur trois d’entre elles.
Je commencerai par évoquer l’une des mesures réglementaires prévues par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Je souhaiterais m’assurer de l’intention du Gouvernement de publier enfin le décret mentionné à l’article 30 de ce texte promulgué à l’été 2019, qui prévoit l’élaboration de conventions de coopération entre établissements médico-sociaux et établissements scolaires pour la scolarisation des élèves en situation de handicap.
L’an dernier, votre prédécesseur nous assurait que la publication de ce décret interviendrait à la suite de la Conférence nationale du handicap, soit avant la fin de l’année 2023. Il n’en a rien été !
Alors que la prise en charge du handicap à l’école fait partie des sujets sur lesquels notre commission a pris de nombreuses initiatives, il me semble que cette mesure pourrait contribuer à faire avancer significativement les choses en ce domaine.
Ma deuxième interrogation concerne la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, qui se caractérise au demeurant par un excellent taux d’application. Cependant, deux décrets manquent toujours à l’appel. Madame la ministre, pourriez-vous non seulement nous préciser le calendrier de publication de ces mesures, mais aussi et, peut-être, surtout nous dire à quelle échéance le Gouvernement souhaite mettre en œuvre la clause de revoyure prévue par ce texte en 2023 ? Voilà qui nous permettrait d’établir un premier bilan de ce texte essentiel pour la recherche française.
Je conclurai mon propos en évoquant le cas de la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. En effet, l’absence de publication de la seule mesure réglementaire du texte rend malheureusement celui-ci inopérant. Je souhaite savoir si la mise en œuvre de cette loi, fruit d’une initiative parlementaire bienvenue, demeure d’actualité ou est définitivement abandonnée par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président Lafon, pour ce qui est de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, deux mesures relatives à la prise en charge du handicap restent en effet à prendre.
Concernant la coopération entre les écoles et les établissements sociaux et médico-sociaux, premièrement, les dernières orientations nationales prévoient d’inscrire la mise en œuvre de cette mesure au sein des pôles d’appui à la scolarité, dont la création a été annoncée lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023.
Si la préfiguration de ce dispositif doit se faire à droit constant dans quatre départements à la rentrée prochaine, la mise en œuvre complète de la réforme appelle un texte législatif, comme l’a annoncé le Gouvernement. L’objectif est que nous soyons fixés à la rentrée scolaire de 2025.
Concernant le contenu du cahier des charges du dispositif intégré destiné à accompagner les personnes présentant des difficultés psychologiques dont l’expression perturbe gravement la socialisation et les apprentissages, deuxièmement, le texte d’application a fait l’objet d’une importante concertation avec les associations. Toutes les consultations ont désormais été réalisées ; la synthèse des demandes de modification est en cours et sera finalisée d’ici à la fin du mois de juin, pour une publication du décret dans la foulée.
Pour ce qui est de la mise en application de la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, des difficultés ont en effet été rencontrées.
Deux difficultés majeures ont été identifiées.
Premièrement, la frontière entre les deux régimes définis par la loi est difficile à établir. Deuxièmement, le régime d’autorisation préalable est complexe à mettre en œuvre, car l’identification du lieu de diffusion et d’enregistrement des vidéos, donc de contrôle du respect de ses obligations par l’auteur de ces vidéos, est particulièrement difficile à assurer.
Pour ce qui est de la loi de programmation de la recherche, une seule mesure reste à prendre sur un total de trente-cinq, celle qui a trait à l’extension du dispositif des chaires de professeur junior (CPJ) aux personnels enseignants et hospitaliers. L’application de cette mesure se heurte à un problème de fond, à savoir l’absence de véritable vivier. En réalité, ce que nous observons, c’est que l’objectif consistant à faire émerger des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) à haut potentiel scientifique pourrait être atteint de façon plus simple via des mesures ciblées dont certaines sont déjà en cours de mise en œuvre.
Enfin, vous avez évoqué la clause de revoyure de cette loi. C’est ma collègue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est la plus à même de vous répondre ; nous lui transmettrons donc votre demande.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la ministre, pour ce qui concerne la commission des finances, le taux de mise en application des lois est en légère baisse de six points, 81 % des textes prévus ayant été adoptés, hors mesures différées.
Je ferai toutefois deux remarques positives : d’une part, les délais moyens de publication des mesures attendues continuent de diminuer, près de trois quarts d’entre elles ayant été publiées avant le délai de six mois ; d’autre part, la quasi-totalité des mesures attendues issues d’une initiative sénatoriale ont été adoptées.
Parmi les lois récentes qui attendent d’être pleinement appliquées, je note que la loi de finances initiale pour 2023 comptait encore, à la fin du mois de mars, quatorze mesures d’application non prises. Par ailleurs, 50 % des mesures réglementaires de la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces restent attendues ; tel est notamment le cas pour la mise en place de la réserve douanière. Quand ces textes seront-ils pris ? Je rappelle que le Gouvernement avait justifié la création de cette réserve par l’organisation des jeux Olympiques : il est donc plus que temps !
Pour ce qui est du décret prévu pour permettre l’application de l’article 26 de la loi organique du 28 décembre 2021 révisant la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), qui habilite le président et le rapporteur général des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat à accéder à l’ensemble des informations relevant de la statistique publique ainsi qu’à des données fiscales éventuellement couvertes par le secret statistique ou fiscal, je constate qu’il n’a toujours pas été pris et que les conditions expresses permettant cet accès spécifique n’ont donc toujours pas été définies. Pourtant, il semblerait que le Gouvernement considère que ledit article est mis en œuvre, estimant – on peut l’imaginer – que les règles de droit commun s’appliquent. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Enfin, je reviens sur un sujet à propos duquel j’ai déposé des amendements dont certains ont d’ailleurs été suivis d’effets par le passé : plusieurs dispositions anciennes, qui ont plus de dix ans, restent dans le stock de la commission des finances. Le Gouvernement compte-t-il mener une revue de ces mesures d’application inutiles ? Ne faudrait-il pas les abroger lorsqu’elles n’ont plus à être mises en œuvre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président Raynal, en ce qui concerne l’application de la loi du 18 juillet 2023, il reste cinq textes à prendre ; deux devraient être publiés prochainement, l’un sur la réserve opérationnelle, l’autre sur l’expérimentation pour trois ans des lecteurs automatisés des plaques d’immatriculation.
Pour ce qui est du décret sur la réserve opérationnelle de l’administration des douanes, ce sujet soulève d’importants enjeux de formation et de recrutement ; des échanges sont en cours entre les douanes et la police nationale. Des précisions doivent par ailleurs être apportées sur les pouvoirs et habilitations des réservistes ainsi que sur la notion de « position d’accomplissement des activités dans la réserve opérationnelle ».
Pour ce qui est de l’accès aux informations relevant de la statistique publique ainsi qu’aux données fiscales éventuellement couvertes par le secret, l’article 57 de la Lolf autorisait déjà l’administration fiscale à transmettre aux commissions des finances des assemblées les données couvertes par le secret fiscal et, comme vous le savez, la direction générale des finances publiques (DGFiP) répond déjà aux questions provenant des rapporteurs généraux à ce sujet. L’analyse du Gouvernement est que les articles 14 à 18 du décret du 20 mars 2009 relatif au Conseil national de l’information statistique (Cnis), au comité du secret statistique et au comité du label de la statistique publique permettent déjà d’assurer l’application pleine et entière de cet article de la Lolf sans qu’il soit besoin de textes supplémentaires.
Enfin, nous souscrivons pleinement à votre ambition de simplification et d’abrogation des dispositions anciennes qui restent inappliquées. Une étude doit être menée par le secrétariat général du Gouvernement pour identifier les dispositions inappliquées depuis plus de cinq ans. Une fois ce travail réalisé, l’abrogation des mesures concernées pourra être proposée via un véhicule législatif adapté.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la ministre, permettez-moi, tout d’abord, de souligner une évolution positive : au 31 mars 2024, nous constatons une légère amélioration, à hauteur de six points, du ratio entre le nombre de mesures d’application attendues et le nombre de mesures prises, pour ce qui est des textes relevant de la commission des lois. Nous nous en réjouissons.
Concernant les mesures réglementaires restant à prendre, je souhaite néanmoins attirer votre attention sur le caractère souvent erroné, sinon trompeur, des délais annoncés par le Gouvernement dans les échéanciers et rapports communiqués au Parlement, faussant toute visibilité quant à leur publication.
Ces retards se doublent d’une certaine imprévisibilité dans la programmation de l’application des lois par le Gouvernement.
Prenons la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
Selon l’échéancier transmis au Parlement et mis en ligne sur Légifrance, le décret relatif à l’administration de l’île de La Passion – Clipperton devait être publié à la fin du mois de juillet 2022. Or il n’a été effectivement publié qu’en décembre 2023, accumulant ainsi dix-sept mois de retard par rapport à la date initialement prévue.
L’article 11 de cette même loi renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation des modalités d’application d’une disposition relative à l’encadrement des jours et des heures d’ouverture au public de certains établissements commerciaux en cas de déséquilibre du tissu commercial de proximité. Très attendu par les élus locaux, ce décret n’a toujours pas été pris, alors qu’il était annoncé pour la fin du mois de juillet 2022.
Concernant la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dite loi Sécurité globale, le décret relatif au port d’arme hors service des agents des forces de l’ordre dans les établissements recevant du public, prévu pour novembre 2021 selon l’échéancier en ligne, n’a été publié que le 25 octobre 2023, soit avec deux ans de retard sur les prévisions initialement portées à la connaissance du Parlement.
Madame la ministre, l’absence de prévision fiable laisse le Parlement, mais plus encore les citoyens et les acteurs économiques, dans une incertitude dommageable. Comment expliquez-vous les incohérences observées ? Que proposez-vous pour affiner vos prévisions et annoncer des délais de publication réalistes ?
Une mise à jour régulière des programmes prévisionnels d’application serait à tout le moins une première étape : on regrettera par exemple qu’il continue d’apparaître sur l’échéancier en ligne d’application d’une disposition de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt : « Publication envisagée en juin 2018 »…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le vice-président Frassa, dès la promulgation d’une loi, le SGG établit une programmation des mesures d’application, des échéances de publication étant fixées en réunion interministérielle, puis publiées en ligne et transmises au Parlement. Des réunions de suivi sont régulièrement convoquées pour faire un point d’étape sur l’avancement des mesures de chaque loi et rappeler aux administrations concernées la nécessité de prendre celles qui sont manquantes dans un délai raisonnable. Des bilans sont également réalisés pour l’ensemble du Gouvernement chaque semestre et un comité interministériel est convoqué chaque année en septembre pour accélérer sur les mesures manquantes.
Le Gouvernement se fixe pour objectif de publier les textes d’application dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, à l’exclusion, bien sûr, des mesures différées.
À considérer l’ensemble des lois de la XVIe législature, 77 % des mesures ont été prises dans un délai de six mois, et 12 % dans un délai de plus d’un an, ce qui témoigne de notre volonté de respecter les échéanciers.
J’en viens aux quelques exemples plus précis sur lesquels vous avez sollicité le Gouvernement.
L’échéancier de la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite a été récemment mis en ligne sur Légifrance, avec – vous avez raison – un peu de retard, les échéanciers étant habituellement plutôt publiés deux à trois mois après la publication de la loi.
Concernant les mesures d’application que vous évoquez se rapportant à des lois plus anciennes, je vous confirme que nous continuons de suivre la mise en œuvre des lois de la XVe législature, dont certaines appellent encore, en effet, de telles mesures.
Après analyse, il s’avère que les dispositions de l’article 11 de la loi 3DS, relatives à l’ouverture des centres commerciaux, sont contraires au droit de l’Union européenne. Le décret attendu ne pourra donc être pris. Je rappelle que cette loi appelait soixante-quinze mesures réglementaires, dont 93 % sont d’ores et déjà appliquées.
Pour ce qui est de l’article 14 de la loi Silt, qui est appliquée à 88 %, une réflexion est en cours afin de regrouper son application avec celle de l’article 57 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qui porte sur le même sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Madame la ministre, je voudrais profiter de ce débat sur l’application des lois pour aborder deux sujets majeurs : celui du suivi des résolutions européennes du Sénat et celui du recours aux ordonnances pour transposer les directives européennes.
Pour ce qui est du suivi des résolutions européennes, la commission des affaires européennes a présenté au début du mois un bilan relatif à l’impact du Sénat sur l’élaboration des textes européens. Ce rapport démontre la réelle influence du Sénat à Bruxelles, mais également la nécessité d’une poursuite de notre engagement pour consolider cette influence européenne.
Sur la base des textes européens reçus, dix-huit résolutions européennes ont été adressées par le Sénat au Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution. Le bilan est positif : dans plus de la moitié des cas, ces positions exprimées par le Sénat ont été prises en compte en totalité ou en majorité.
Nous sommes reconnaissants au secrétariat général des affaires européennes (SGAE) d’établir une fiche de suivi pour chaque résolution européenne du Sénat, ce qui nous est précieux pour dresser ce bilan. Cette année, le SGAE a transmis à la commission des affaires européennes la quasi-intégralité des fiches attendues et nous saluons la grande qualité des informations qui nous sont communiquées.
Après les félicitations, j’en viens à une préoccupation récurrente de notre commission, celle qui a trait à l’information du Parlement sur les ordonnances de transposition de directives européennes en droit national.
Vous le savez, madame la ministre, le règlement du Sénat a investi la commission des affaires européennes d’une mission de veille en matière de surtransposition. Il s’agit d’identifier les dispositions que le Gouvernement propose et qui vont au-delà de nos strictes obligations européennes, puis d’évaluer si elles sont justifiées, tant ce zèle risque de nuire à la compétitivité de l’économie française. Encore faut-il pour ce faire disposer, de la part du Gouvernement, de toute l’information nécessaire quand ces transpositions sont effectuées par le biais d’ordonnances.
Nous réitérons donc notre demande déjà formulée en 2022 et en 2023 : lors des demandes d’habilitation, le Gouvernement peut-il s’engager à systématiquement fournir la liste des directives qu’il envisage de transposer par ordonnance et préciser leur périmètre et leur date de publication ?