compte rendu intégral

Présidence de Mme Sophie Primas

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Catherine Di Folco,

Mme Patricia Schillinger.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 22 mai 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Modifications de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous commencerons le débat sur le thème « La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? », inscrit à l’ordre du jour du mercredi 29 mai, au plus tôt à vingt et une heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, conformément à ce qui a été décidé par la conférence des présidents réunie le 15 mai dernier, nous pourrions inscrire à l’ordre du jour du 5 juin, à seize heures trente, la création d’un groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier, et, le cas échéant, la désignation de ses trente-sept membres. Les candidatures devront être communiquées avant le 4 juin à quinze heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Enfin, par lettre en date du 24 mai, le Gouvernement retire de l’ordre du jour du Sénat l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, initialement inscrite à l’ordre du jour des 19 et 20 juin.

En conséquence, le Sénat ne siégera pas le lundi 17 juin et examinera le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables le mardi 18 juin à quatorze heures trente et le soir, le mercredi 19 juin en dernier point de l’ordre du jour ainsi que le jeudi 20 juin à onze heures et l’après-midi.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions en conséquence reporter le délai limite pour l’inscription des orateurs des groupes au lundi 17 juin à quinze heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Débat sur le bilan de l’application des lois

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l’application des lois (rapport d’information n° 624).

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en septembre 2022 était déposé au Sénat le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Compte tenu de l’urgence du défi climatique et du retard de la France en matière d’énergies renouvelables, le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur ce texte. Le Sénat l’avait donc examiné dans des délais particulièrement contraints. Pourtant, malgré l’urgence qu’il y a à déployer les énergies renouvelables, malgré la procédure accélérée, ce texte affichait au 31 mars 2024, soit un an après sa promulgation, un très faible taux d’application de 26 %.

Cela n’est pas tout de voter la loi, encore faut-il que les textes d’application soient pris, qu’ils soient pris dans les temps et qu’ils soient pris en respectant la volonté du législateur.

Depuis plus de cinquante ans, le Sénat mène ce travail vigilant et approfondi de suivi de l’application des lois. Les commissions permanentes sont au cœur de ce dispositif. Tout au long de l’année, elles mènent un travail attentif de veille réglementaire pour les textes d’application relevant de leur compétence. Ce travail est rendu possible grâce au dialogue nourri avec les différentes administrations, ainsi qu’avec le secrétariat général du Gouvernement (SGG), avec qui les échanges sont fluides et fructueux. Au mois de mai, le Sénat présente chaque année un rapport détaillé sur l’application des lois de la session précédente.

Je vais donc vous présenter la synthèse du bilan de l’application des lois pour la session 2022-2023. J’associerai aux éléments statistiques, qui dessinent des tendances, des exemples concrets de lois, toujours plus éloquents que des chiffres. Les commissions reviendront ensuite plus en détail sur certaines de ces lois.

Le bilan que je vous présente aujourd’hui analyse la mise en application des lois adoptées entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023. Sur cette période, quarante-quatre lois ont été adoptées : onze d’entre elles étaient d’application directe et trente-trois nécessitaient un total de 574 mesures d’application.

Quatre constats principaux peuvent être tirés de ce bilan.

Le premier bilan est celui d’une stabilisation du taux global d’application des lois. Ce taux s’établit à 64 %, contre 65 % l’année dernière. Si l’on exclut les mesures dont le législateur a autorisé une entrée en vigueur différée, ce taux d’application s’élève à 68 %, soit un niveau identique au taux de 2021-2022. En outre, les mesures d’application ont été publiées en moyenne cinq mois et vingt-trois jours après la promulgation de la loi. Ce délai est pour la deuxième année consécutive sous la limite des six mois fixée par le Gouvernement dans une circulaire de février 2008, limite réaffirmée dans une circulaire de décembre 2022.

Cette stabilisation globale ne permet cependant pas de revenir au niveau d’application des lois observé à la fin des années 2010. Notre taux d’application de 64 % reste ainsi encore loin du taux de 2017-2018, qui s’élevait à 78 %. Certes, le taux global d’application des lois se stabilise, mais 206 mesures d’application sur les 574 prévues n’ont pas été prises, soit 36 %, ce qui est encore beaucoup trop.

Le deuxième constat concerne les lois d’origine parlementaire.

Les lois issues de propositions de loi affichent un très faible taux d’application de 43 % ! Il y a un différentiel de plus de vingt points entre ce taux et le taux d’application toutes lois confondues. L’écart se creuse cette année – il était de dix points l’an dernier. Quand elles sont prises, les mesures d’application des lois d’initiative parlementaire le sont en moyenne sept mois et neuf jours après l’adoption de la loi. La limite de six mois n’est alors pas respectée.

À titre d’exemple, je citerai le cas de la loi du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire. D’origine parlementaire, cette loi vise à remédier à deux difficultés majeures : le coût et les délais d’obtention du permis de conduire. Certaines dispositions étaient d’application directe, cependant que d’autres nécessitaient des mesures réglementaires. Sur les trois mesures prévues, aucune n’a été prise ! L’article 3 de la loi visait à étendre la possibilité d’utiliser le compte personnel de formation (CPF) à toutes les catégories de permis de conduire et un décret devait préciser les conditions et les modalités d’éligibilité au CPF des formations concernées. Ce décret n’a toujours pas été pris ! Cet article 3 constituait d’ailleurs un point de vigilance pour M. Loïc Hervé, rapporteur de ce texte pour la commission des lois.

Je vous présenterai un autre exemple, issu d’une proposition de loi sénatoriale, la célèbre loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite loi ZAN, qui assouplit les conditions d’application des mesures relatives à l’artificialisation des sols de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience. Au 31 mars 2024, un seul décret avait été pris, portant le taux d’application de la loi à seulement 25 % !

Concernant la santé, j’évoquerai la loi du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, pour lutter contre les graves dérives de certains d’entre eux. Le Gouvernement avait fait pression pour que le Sénat adopte ce texte conforme, afin d’en assurer une promulgation rapide. Pour autant, aucune des cinq mesures d’application n’avait été prise au 31 mars dernier !

J’en viens au troisième constat, qui porte sur les lois considérées comme urgentes, et qui sont examinées selon la procédure accélérée.

Pour la session 2022-2023, les lois examinées après engagement de la procédure accélérée présentent de manière paradoxale des taux d’application particulièrement insatisfaisants. D’année en année, ce taux d’application se détériore. Il est désormais de 50 %. Au 31 mars 2024, la moitié des mesures d’application de ces lois – pourtant présentées comme urgentes – n’ont pas été prises.

Pour l’examen de ces lois, le Gouvernement impose au Parlement une célérité à laquelle lui-même ne s’astreint pas. Cette année, vingt-six lois sur quarante-quatre ont été examinées suivant cette procédure. L’accélération de leur examen parlementaire ne s’est pas forcément concrétisée par une rapidité accrue dans leur mise en application.

Pour ce qui concerne la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite loi de programmation militaire (LPM), vingt-trois mesures réglementaires d’application n’ont pas été prises à ce jour. Il s’agit notamment de nombreuses mesures concernant le renforcement du lien entre la Nation et ses armées, et en particulier celles qui sont liées à la réserve opérationnelle. Le Gouvernement envisageait la publication de ces mesures en décembre 2023. Cinq mesures d’application relatives à la crédibilité stratégique, qui devaient être prises en février de cette année, ne l’ont pas encore été. Compte tenu du contexte international et de la nécessité de renforcer nos armées, nous ne pouvons que déplorer ces retards.

Enfin, j’en viens à mon quatrième constat, qui concerne la remise des rapports du Gouvernement au Parlement.

La doctrine, bien établie, du Sénat en la matière est de faire preuve de parcimonie, et de s’appuyer sur ses propres publications. Cette politique a de nouveau été suivie pour la session 2022-2023, puisque seuls quinze rapports ont été demandés au détour d’un amendement d’origine sénatoriale, contre cinquante-sept à l’Assemblée nationale. Cette réserve du Sénat dans les demandes de rapport commence à être récompensée, puisque, contrairement aux années précédentes, le taux de remise des rapports demandés par le Sénat s’améliore : il s’établit à 27 %, contre un taux de remise nul au cours de la session précédente.

Madame la ministre, encore un petit effort !

Au-delà de l’aspect quantitatif, plusieurs commissions insistent dans leur bilan sur la qualité variable des rapports transmis. Ainsi, la loi de finances pour 2023 prévoyait la remise d’un bilan des évaluations réalisées dans le cadre du dispositif national d’évaluation de la qualité de l’action publique. La commission des finances déplore que le Gouvernement ait remis au Parlement un rapport de vingt-cinq pages qui est essentiellement consacré à une présentation du mécanisme de revue des dépenses et qui n’identifie que quelques mesures d’économie, sans détail ni chiffrage.

Avant de laisser la parole à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, je souhaite conclure cette intervention par un satisfecit, aussitôt accompagné d’une requête.

Le satisfecit concerne la prise en compte des arrêtés. Le SGG, répondant à une demande répétée du Sénat, a commencé à partir du 1er janvier 2024 à suivre les arrêtés nécessaires à l’application des lois. Nous saluons cette décision. Je rappelle que, pour l’application d’une loi, peu importe que la disposition adoptée renvoie à un décret ou à un arrêté : la non-adoption de l’un ou de l’autre a pour effet, dans les deux cas, d’empêcher la volonté du législateur de se traduire pleinement dans le droit et dans les faits.

La requête porte sur le bilan de l’année prochaine. Nous comptons sur le Gouvernement pour qu’il nous adresse un tableau de suivi des arrêtés et qu’un travail de rattrapage soit effectué pour les lois adoptées depuis le début de la XVIe législature. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la présidente, madame la présidente de la délégation du Bureau, madame, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de saluer la qualité du rapport présenté par Mme la présidente Vermeillet et des contributions des commissions permanentes, ainsi que l’importance de ce débat, qui constitue un temps fort du calendrier de suivi de l’application des lois.

Au 31 mars 2024, hors mesures différées, le taux d’application des lois publiées entre octobre 2022 et septembre 2023 était de 69 %, contre 74 % à la même date l’an passé.

Ce taux a toutefois connu une nette amélioration ces dernières semaines, car, en prenant en compte les textes réglementaires adoptés depuis la fin de mars, il atteint désormais 75 %, contre 78 % à la fin du mois de mai 2023, soit un écart réduit à trois points.

Malgré cette forte accélération, je partage, madame la présidente, le constat que ce taux global doit continuer à progresser, et que les mesures d’application de certaines lois tardent à être prises. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur plusieurs d’entre elles dans la suite du débat.

Le retard observé s’explique en partie par l’augmentation tendancielle des renvois au règlement introduits au cours de la navette, qui représentent désormais plus de la moitié des mesures à prendre, ainsi que par la concentration des mesures d’application sur un nombre réduit de ministères.

En effet, le ministère du travail, de la santé et des solidarités, le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi que le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires représentent à eux trois 80 % de l’ensemble des mesures réglementaires à prendre.

Je constate par ailleurs, comme vous, un écart important des taux d’application entre les lois d’origine gouvernementale et les lois d’origine parlementaire.

Toutefois, en examinant dans le détail l’origine des renvois à des mesures réglementaires, toutes lois confondues, nous constatons que l’écart est seulement de quatre points entre ceux d’origine gouvernementale et ceux d’origine parlementaire. Il n’y a donc bien sûr aucune forme de discrimination de la part du Gouvernement, dans l’application des lois, en fonction de l’origine des mesures.

Quant à la remise des rapports, elle reste non satisfaisante, car le taux de réponse aux demandes formulées par le Parlement est de 35 % pour la session 2022-2023, contre 43 % pour la session précédente. Je connais la parcimonie de votre assemblée en la matière, et me tiens à la disposition du Sénat pour alerter les ministres sur les rapports spécifiques pour lesquels les travaux d’élaboration doivent être priorisés.

Concernant les ordonnances prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement a considérablement réduit le nombre de demandes d’habilitation, conformément aux engagements pris à l’été 2022. Ainsi, alors que 353 ordonnances avaient été prises au cours de la XVe législature, seulement trente-neuf ont été publiées depuis le début de cette législature, en majorité pour transposer des dispositions européennes d’ordre technique.

Enfin, comme le Gouvernement s’y était engagé devant vous l’an passé, et à la suite de l’annonce faite par le ministre chargé des relations avec le Parlement lors du dernier comité interministériel de l’application des lois, le secrétariat général du Gouvernement a engagé une démarche de suivi des arrêtés pris pour l’application des lois, lorsqu’ils sont directement mentionnés par celles-ci.

Cette évolution répond à une demande ancienne et légitime du Sénat, qui permettra à terme de rendre compte de l’application des lois de manière encore plus exhaustive et de mieux piloter la mise en œuvre de ces textes par les ministères.

En réponse à votre requête, madame la présidente de la délégation, je vous confirme que nous pourrons présenter au Sénat un taux d’adoption des arrêtés, lors du prochain débat, incluant l’ensemble des lois promulguées depuis le début de la législature.

Voici les éléments dont je souhaitais vous faire part en introduction. Je conclus mon propos en remerciant les services du secrétariat général du Gouvernement pour leur engagement et le travail considérable qu’ils effectuent au quotidien afin de coordonner l’application des lois au niveau interministériel.

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif. Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum, y compris l’éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente.

Je vais tout d’abord donner la parole aux représentants des commissions.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, cinq ans après la publication de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui prévoyait l’adoption d’une loi quinquennale sur l’énergie devant fixer les objectifs et les priorités d’action de notre politique énergétique nationale avant le 1er juillet 2023, force est de constater que celle-ci n’a toujours pas vu le jour.

Pis, le Gouvernement a successivement annoncé renoncer à légiférer, non seulement sur le projet de loi de souveraineté énergétique en mars, mais également sur toute programmation énergétique en avril.

Décider une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et une stratégie nationale bas-carbone (SNBC) par décret, alors que les objectifs législatifs nationaux, datant de 2019, sont obsolètes et n’intègrent pas les règlements et les directives issus du paquet européen Ajustement à l’objectif 55 de 2023, serait contraire à la volonté du législateur et aux engagements qui avaient été pris. Cela serait même très périlleux sur le plan juridique, mais aussi, bien sûr, sur le plan politique. Voilà qui exposerait ces textes à des critiques et, surtout, à des contentieux, en raison de leur articulation avec le cadre légal ou européen.

Madame la ministre, comment intégrez-vous ce risque juridique et politique ? Entendez-vous les critiques faites sur ce point par le Sénat ? Entendez-vous qu’il est nécessaire de légiférer sur nos objectifs énergétiques ? Soutenez-vous la proposition de loi déposée en ce sens par le groupe Les Républicains, qui sera débattue en séance publique à partir du 11 juin ? (M. Philippe Mouiller applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour répondre à ces excellentes questions. (Sourires.)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la présidente Estrosi Sassone, en matière de politique énergétique, le Gouvernement a un impératif, celui qui consiste à donner de la visibilité aux acteurs économiques et à accélérer notre dynamique économique et industrielle face à l’urgence climatique. Vous partagez ces mêmes préoccupations et je tiens à saluer l’investissement des sénateurs Gremillet et Chauvet, qui sont particulièrement impliqués.

Face à l’urgence d’agir, nous sommes malheureusement confrontés à une forme de guerre de religion, si vous me permettez l’expression, entre les pronucléaires et les pro-énergies renouvelables. Le Gouvernement, face à une telle situation, a fait le choix du pragmatisme. (M. François Bonhomme ironise.) Il souhaite définir une programmation énergétique qui nous permette à la fois de sortir des énergies fossiles, de développer en priorité l’atome et de nous appuyer sur les énergies renouvelables. Je sais que vous partagez ces ambitions sur le fond.

Pour ce faire, et pour mettre en œuvre cette programmation énergétique, nous allons lancer une consultation nationale d’ici à l’été au travers de la Commission nationale du débat public…

M. François Bonhomme. Un numéro vert !

Mme Marie Lebec, ministre déléguée. … et, à l’issue de ce débat, les objectifs et les moyens seront fixés.

Le Gouvernement prévoit par ailleurs de proposer prochainement des mesures législatives de protection des consommateurs, pour tirer toutes les leçons de la crise énergétique.

Ensuite, nous souhaitons renforcer notre filière hydroélectrique, pour relancer les investissements et libérer les potentiels, en surmontant le contentieux en cours au niveau européen. Le Parlement sera bien sûr étroitement associé à ce travail.

Enfin, concernant l’initiative parlementaire sur laquelle vous m’avez posé une question, le débat aura lieu dans l’hémicycle le 11 juin prochain. Le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie vous fera alors part de l’avancée des travaux en la matière.

M. François Bonhomme. Belle information !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, vous parlez de pragmatisme, mais vous avez souhaité, une nouvelle fois, contourner le Parlement. Le fait que vous ne vouliez pas inscrire un tel débat à l’ordre du jour le démontre.

Nous n’hésiterons pas à vous prendre à contre-pied, et nous débattrons de tous ces sujets ô combien importants, ici même dans l’hémicycle. J’espère que le Gouvernement saura se saisir du fond et de la forme de cette proposition de loi, à la fois sur la programmation et sur la simplification. (Mme Béatrice Gosselin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bilan de l’application des lois pour notre commission repose sur deux lois principales.

D’abord, ce bilan s’intéresse à la loi de programmation militaire pour les années 2024-2030. Elle connaît, à ce jour, un taux d’application de 30 %, avec neuf décrets d’application publiés. Il reste à ce jour au Gouvernement vingt-trois mesures réglementaires d’application à prendre.

Selon le calendrier communiqué, certaines auraient dû être prises depuis décembre ou février derniers. Il s’agit notamment de mesures relatives au renforcement du lien entre la Nation et ses armées : mesures liées à la réserve opérationnelle, mesures sur la modernisation des réquisitions ou encore mesures relatives à la crédibilité stratégique ou à la sécurité des systèmes d’information.

Vu l’évolution défavorable du contexte géopolitique, notre commission souhaite que les autres mesures d’application soient prises dans les meilleurs délais.

Notre commission souhaite être informée des travaux préparatoires à ces mesures d’application, en particulier en ce qui concerne les mesures relatives à l’industrie de défense.

La LPM contient une autre innovation, à savoir la commission parlementaire d’évaluation de la politique du Gouvernement d’exportation de matériels de guerre et de matériels assimilés, de transfert de produits liés à la défense ainsi que d’exportation et de transfert de biens à double usage, prévue à l’article 54 de la loi. Ses membres ont été désignés. Ils devraient se réunir rapidement pour examiner pour la première fois le rapport annuel sur les exportations d’armement.

En matière d’aide publique au développement, la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, est, depuis l’exercice précédent, totalement applicable, d’autant que nous venons d’adopter la loi du 5 avril 2024 relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, qui devrait permettre la mise en place rapide de ce nouvel organisme.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le vice-président Paul, la loi de programmation militaire pour 2024-2030 permet de porter une ambition financière sans précédent et donc de faire de notre pays une puissance militaire de premier plan. Nous avons pour objectif d’assurer une application pleine et entière de ce texte majeur, qui a été publié en août dernier.

De nombreux décrets d’application de cette loi ont d’ores et déjà été publiés concernant les dispositions sur le renforcement des liens entre la Nation et les armées. Je vais vous citer quelques exemples de décret : le décret du 20 décembre 2023 sur la carte du combattant, le décret du 28 décembre 2023 relatif au recrutement des anciens militaires d’active et au maintien en service des militaires ayant atteint la limite d’âge ou la limite de durée des services, ou le décret du 21 décembre 2023 relatif à la promotion fonctionnelle du personnel militaire. Le décret sur la réserve opérationnelle est en cours de finalisation ; les derniers arbitrages devraient être rendus prochainement.

En ce qui concerne les mesures de modernisation des réquisitions, la loi indique que le Gouvernement doit publier les décrets d’application avant le 1er août 2024. Nous avons la ferme volonté de faire aboutir ces travaux dans les meilleurs délais.

Certaines mesures réglementaires ont d’ailleurs déjà été prises en matière d’économie de défense, comme le décret du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la crédibilité stratégique et à la sécurité des systèmes d’information, la majeure partie des mesures d’application ont été publiées. Il reste deux décrets qui sont attendus sur les articles 60 et 61 ; ils devraient être publiés très prochainement.

Enfin, la transmission des rapports du bilan d’exécution de la LPM pour la période 2019-2023, prévue à l’article 9, a été effectuée le 26 mars 2024. Les rapports présentant un bilan sur la mise en place du service national universel (SNU) et sur l’exécution de la programmation militaire devraient être publiés dans les prochains jours.

Enfin, le rapport sur les enjeux et les principales évolutions de la programmation budgétaire de la mission « Défense » et celui sur la mise en œuvre des articles 47 à 51 portant sur l’économie de défense devraient être publiés dans les délais fixés par la loi, c’est-à-dire respectivement avant le 30 juin et le 30 septembre.