M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Alexandre Ouizille, il faut le dire de manière très claire, l’eau est le produit alimentaire le plus contrôlé en France. Les agences régionales de santé (ARS) assurent chaque jour des dizaines et des dizaines de contrôles sanitaires sur l’ensemble du territoire. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. C’est inquiétant !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Votre question fait référence à la conformité sanitaire de l’eau en bouteille produite par le groupe Nestlé Waters. Des révélations récentes ont mis en évidence que cette société aurait eu recours à des traitements de l’eau interdits par la réglementation.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Exact !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Une enquête préliminaire pour tromperie a été ouverte à l’encontre de cette entreprise par le parquet d’Épinal. Bien évidemment, je ne commenterai pas ici une affaire judiciaire en cours.
Toutefois, je veux redire que les contrôles sanitaires réalisés par les ARS sur les deux sites qui auraient utilisé des traitements interdits ont toujours témoigné de la conformité sanitaire de l’eau embouteillée. Je tiens donc à rassurer nos concitoyens : les eaux mises en vente respectaient, et respectent, les normes sanitaires. La question est seulement de savoir si elles respectent les normes applicables aux eaux de source ou aux eaux minérales ; la justice est saisie de ce point.
En complément de ces contrôles sanitaires, les ARS du Grand Est et d’Occitanie ont demandé la mise en place d’un plan de surveillance renforcé des sites concernés. À cet effet, une note d’appui scientifique et technique a été produite par l’Anses, afin d’aider les ARS à définir les paramètres et les conditions de cette surveillance renforcée de la sécurité sanitaire des filières d’eau conditionnée. Ce plan est actuellement mis en œuvre à la demande des ARS, et cela sur les deux sites.
L’Anses a par ailleurs rappelé que certaines sources étaient sujettes à des contaminations saisonnières, du fait notamment des intempéries. Il est donc nécessaire que les ARS effectuent des contrôles réguliers de l’eau en vue de suspendre la commercialisation de manière provisoire lorsqu’une contamination temporaire est constatée ; c’est ce que font ces agences.
Je veux le redire ici aux Français, la sécurité sanitaire est une priorité absolue et le Gouvernement restera intransigeant sur ce point.
M. Mickaël Vallet. Et le rapport ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Enfin, ayant été nommé ministre le 8 février dernier, il m’était impossible de répondre à vos collègues le 7 février… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour la réplique.
M. Alexandre Ouizille. Monsieur le ministre, cela fait trois à zéro : trois questions pour zéro réponse ! Arrêtez avec les faux-fuyants et les faux-semblants : ils posent problème. Certes, vous avez été nommé le 8 février, mais il y avait bien un gouvernement dans notre pays avant cette date !
Nous voulons toute la vérité. C’est pourquoi nous avons proposé la création d’une commission d’enquête pour aller jusqu’au bout de ces questions relatives aux eaux minérales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
situation à gaza
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Michelle Gréaume. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, dans une tribune signée conjointement avec le président égyptien al-Sissi et le roi Abdallah de Jordanie, le Président de la République vient d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza et à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Le chef de l’État demande l’arrêt du processus de colonisation et affirme sa volonté de faire aboutir une solution à deux États.
Cette prise de position n’est pas anodine. Elle tient compte de l’exigence mondiale d’un arrêt de la guerre et des massacres en cours à Gaza où, il faut le rappeler, plus d’enfants ont été tués en quatre mois qu’en quatre ans de conflits à travers le monde.
Mais après ? Aussi fortes soient-elles, les déclarations restent sans portée si les décisions ne suivent pas. Depuis six mois, aucune déclaration, aucune résolution de l’ONU, aucune injonction de la Cour internationale de justice, aucune négociation, y compris celle qui a lieu au Caire en ce moment, n’ont fait fléchir la volonté de Benyamin Netanyahou de régler le dossier palestinien à sa manière.
Aux yeux du monde, cette guerre dépasse très largement la seule volonté de punir le Hamas des atrocités perpétrées le 7 octobre dernier, atrocités que nous condamnons de nouveau, sans aucune hésitation.
M. Michel Savin. Voilà !
Mme Michelle Gréaume. Il faut joindre les actes aux paroles et aux écrits.
Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre : agissez concrètement et fermement. Faites immédiatement pression pour qu’Israël applique les mesures conservatoires décidées par la Cour internationale de justice face au risque de génocide en cours à Gaza ! (Mme Valérie Boyer proteste.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Et les otages ?
Mme Michelle Gréaume. Faites pression sur les États-Unis pour qu’ils stoppent leurs livraisons d’équipements et de composants militaires à l’État hébreu, et appliquons aussi cette exigence à nous-mêmes : cessons de prêcher la paix en alimentant la guerre !
Faites pression au sein de l’Union européenne pour abroger l’accord d’association avec Israël et imposer des sanctions ! (M. Max Brisson proteste.)
Enfin, monsieur le ministre, la France s’associera-t-elle à l’Espagne, à la Belgique, à l’Irlande, à Malte et à la Slovénie pour reconnaître l’État palestinien, et ainsi permettre la coexistence pacifique de deux peuples dans deux États pour assurer la sécurité ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, la position française sur le conflit en cours repose sur des principes clairs, qui fondent sa solidité. Permettez-moi de vous les rappeler.
La guerre que le Hamas a déclenchée contre Israël le 7 octobre dernier en se rendant coupable du plus grand massacre antisémite du XXIe siècle engendre une tragédie. Ainsi que vous l’avez rappelé, chacun mesure la gravité des événements. Lors de ces attaques, quarante-deux Français ont été tués ; trois de nos compatriotes sont encore otages à Gaza – nous faisons tout pour les libérer.
Nul ne peut ignorer que cette tragédie est aussi celle des civils palestiniens. La population de Gaza manque de tout : eau, nourriture, médicaments. Elle ne doit pas payer les crimes de guerre du Hamas, et Israël doit également faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir en quantité suffisante aux civils.
C’est donc une obligation, pour la France, que d’agir.
Nous agissons à tous les échelons. Sur l’initiative de la France, les membres élus et les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU sont en pleine concertation pour adopter une résolution réaffirmant la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat, la libération de tous les otages et rappelant les grands paramètres de la solution à deux États.
Nous agissons également sur le volet humanitaire pour remédier à l’urgence. La France peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir été parmi les premiers pays à contribuer à l’aide humanitaire. Encore hier, aux côtés de la Jordanie, nous avons mené une action de largage d’envergure. Nous poursuivons dans ce domaine la coopération que nous menons depuis quelques mois auprès de ce pays et de l’Égypte.
Enfin, même si cela fait actuellement l’objet d’un débat, il n’y a pas à ce stade de projet de sanctions global contre Israël.
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Séjourné, ministre. La France a déjà pris des mesures pour sanctionner les colons responsables de violences en Cisjordanie. Nous continuerons en ce sens si la situation l’exige. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
surpopulation carcérale
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. « La cocotte-minute est prête à exploser », comme le titrait hier Le Télégramme, à Brest et dans l’Ouest, en évoquant la situation des prisons.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté rappelait, le week-end dernier, que 76 000 places sont occupées dans les prisons françaises, pour 61 600 places disponibles. C’est dire l’ampleur du problème !
Le taux d’occupation de la prison de Brest l’illustre particulièrement – tout comme celui de la prison d’Angers, dont notre collègue Emmanuel Capus me parlait tout à l’heure.
M. Emmanuel Capus. Tout à fait !
M. Michel Canévet. Très concrètement, à Brest, il y a aujourd’hui 484 détenus pour 253 places. Il y a un an, il y en avait 384… La situation est particulièrement grave : vendredi et lundi prochains, la cour d’assises du Finistère jugera un détenu de cette prison ayant assassiné un de ses codétenus au mois d’août 2021.
Que se passe-t-il aujourd’hui à la prison de Brest ? Des lames et des paquets de « shit » sont lancés par-dessus le mur d’enceinte ! Dans la prison, les détenus s’entassent à trois dans des cellules de neuf mètres carrés ! Les personnels de l’établissement sont ciblés physiquement : le médecin s’est fait agresser au mois de février dernier, tout comme l’infirmière l’année dernière.
Que compte faire le Gouvernement, au-delà des 4 100 nouvelles places créées sur les 15 000 places prévues en 2017 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Canévet, les conditions de détention sont au cœur des préoccupations du Gouvernement et, plus particulièrement, du garde des sceaux, qui ne peut être présent dans l’hémicycle cet après-midi, puisqu’il est en déplacement au Québec avec le Premier ministre, et qui m’a chargée de vous répondre.
La prison est bien sûr nécessaire pour punir et protéger nos concitoyens. Mais l’incarcération doit se faire dans des conditions dignes, ce à quoi le garde des sceaux s’emploie chaque jour.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé que la livraison de 15 000 nouvelles places de prison constitue un programme ambitieux et un levier essentiel.
Au 1er janvier 2024, dix-neuf établissements ont déjà été livrés, et près de la moitié des établissements du programme immobilier seront opérationnels dès cette année.
En outre, la direction de l’administration pénitentiaire poursuit, avec beaucoup d’énergie et de vigueur, l’accélération des transferts vers ces établissements pour permettre aux condamnés d’y effectuer leurs peines, et ce afin de limiter de fait la surpopulation carcérale.
En ce qui concerne la maison d’arrêt de Brest, monsieur le sénateur, vous avez raison : son taux d’occupation est particulièrement élevé. Le programme immobilier comporte la construction d’un futur centre pénitentiaire à Vannes, qui permettra certainement d’apporter des solutions pérennes.
Au-delà de ces perspectives, la situation de la maison d’arrêt de Brest fait l’objet d’un dialogue nourri entre l’autorité judiciaire et les services pénitentiaires.
Vous me demandez ce que le Gouvernement fait concrètement, maintenant. Des signalements spécifiques ont été réalisés auprès de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rennes. À Brest, le taux d’octroi de mesures de libération sous contrainte prononcées par l’autorité judiciaire est de 69 % plus élevé que la moyenne nationale, parce qu’il s’agit là d’un levier supplémentaire permettant de réduire la surpopulation carcérale. Je parle là de sorties de détention encadrées – et non de sorties sèches –, qui contribuent à combattre la récidive.
Vous avez enfin évoqué les risques auxquels sont exposés les personnels et les détenus de cet établissement. Le site de la maison d’arrêt sera sécurisé grâce à un investissement de plus de 11 millions d’euros destiné à lutter contre les lames et le « shit » et à protéger les professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. La situation, particulièrement préoccupante, appelle des réactions immédiates. Sans cela, les prisons continueront malheureusement d’être une source de faits divers.
Les divers événements relatés depuis le début de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement, tout comme les récentes annonces du garde des sceaux sur le nombre d’incarcérations – une centaine – réalisées à la suite des opérations « place nette », montrent, hélas, que les prisons sont occupées par de plus en plus de détenus. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
liberté d’enseignement
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, « détournement de fonds publics », « caisse noire », « manquements graves », « fraudes », « système hors de contrôle », « ségrégation scolaire », « omerta politique » : voilà ce qui restera du rapport sur le financement public de l’enseignement privé des députés Paul Vannier, du groupe La France insoumise (LFI), et Christopher Weissberg, du groupe Renaissance.
Ces graves accusations n’ont manifestement pas semé le trouble parmi les députés du groupe majoritaire, alors qu’elles jettent l’opprobre sur l’ensemble des établissements de l’enseignement privé sous contrat, ainsi que sur les services de votre ministère ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Madame la ministre, ma question est simple : l’enseignement privé sous contrat concourt-il encore au service public de l’éducation ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Brisson, les choses sont très claires dans mon esprit. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Notre Constitution pose un certain nombre de règles interprétées par le Conseil constitutionnel. Au nombre de celles-ci figure le principe de la liberté d’enseignement, considéré depuis 1977 comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Cela signifie donc qu’aux côtés des établissements publics des établissements privés sous contrat peuvent participer à l’enseignement.
Je suis attachée au respect des textes, et notamment à la loi de 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés.
Disons clairement les choses. Certains établissements privés accueillent des enfants extrêmement divers, à l’image de la population de notre territoire, et à l’instar des établissements publics. Dans d’autres lieux, pour d’autres raisons, il y a moins de mixité sociale et scolaire dans ces établissements. Nous pouvons partager ce constat.
Pour autant, je souhaite suivre les règles en vigueur. Les établissements privés sous contrat doivent respecter un certain nombre de principes, notamment les règles et les programmes.
M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous nous en assurons en vérifiant que les textes sont bien appliqués, et nous souhaitons contrôler encore davantage la manière dont ces établissements privés travaillent. Je veux parler d’un contrôle administratif, pédagogique et financier en lien avec les directions régionales des finances publiques.
Mme Valérie Boyer. Mais ces établissements respectent déjà les règles !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous allons accentuer ces contrôles – le secrétariat général de l’enseignement catholique y est d’ailleurs tout à fait favorable –, et je présenterai à cet effet un plan pluriannuel.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Pour terminer, permettez-moi de rappeler que le premier article du code de l’éducation, l’article L. 111-1, prévoit que la mixité soit assurée par les établissements publics et par les établissements d’enseignement privés sous contrat. Je m’y attacherai également. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Bien sûr, pour vous répliquer, j’aurais pu parler de la diversité, de la souplesse, des réussites de l’enseignement privé dans de nombreux territoires, et de ses difficultés dans d’autres.
Bien sûr, j’aurais pu inviter ses détracteurs à sortir de la caricature et à trouver dans l’enseignement privé quelques clés de réussite, afin de redonner ses lettres de noblesse à l’enseignement public.
M. Mickaël Vallet. Faites donc un rapport !
M. Max Brisson. Je souhaiterais plutôt vous faire part d’une impression. Ceux qui, au nom de leur dogme, ont malmené l’école publique n’enragent-ils pas désormais de constater, impuissants, la réussite de ceux qui ont gardé leurs distances avec certaines folies destructrices ?
Est-ce vraiment la faute de l’enseignement privé s’il n’a pas passé par-dessus bord les concepts d’autorité, de mérite, de respect, de discipline, d’assiduité et d’excellence qui, pendant longtemps, ont fait les beaux jours de l’école publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Si l’école publique se portait mieux, l’école privée serait-elle vraiment un problème pour eux ?
M. Mickaël Vallet. Et l’éducation à la sexualité ?
M. Max Brisson. Devons-nous, pour faire plaisir à quelques enragés, piétiner la liberté de choix des parents et détruire l’école qui fonctionne encore ?
Mes chers collègues, allons-nous vraiment les laisser faire ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
avenir de la politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, le 26 mars dernier, une révision de la politique agricole commune (PAC) a été validée par les ministres européens de l’agriculture.
Une nouvelle fois, les ennemis de la PAC ont été rapidement identifiés : il s’agirait de la conditionnalité des aides et des mesures environnementales, pourtant déjà particulièrement timides.
Ce détricotage environnemental, pour lequel la France a œuvré vaillamment, néglige pourtant deux constats majeurs.
En premier lieu, les agriculteurs sont et seront les premières victimes du dérèglement climatique. Il n’y a qu’à observer les risques pesant sur les régions viticoles pour le constater.
En second lieu, les agriculteurs demandent avant tout des revenus convenables, à la hauteur de leur travail.
Plutôt que ce terrible retour en arrière, la France devrait encourager une révision de cette PAC, qui est à bout de souffle, qui ne protège ni les agriculteurs ni les consommateurs contre la forte volatilité des prix, et qui n’incite pas suffisamment à lancer l’indispensable transition agroécologique.
Monsieur le ministre, il est essentiel de revoir le logiciel de la PAC, en commençant par le système des aides. Sortons des aides à l’hectare et au volume, pour passer à un système fondé sur l’actif agricole. (M. Laurent Duplomb proteste.) Fixons un plafonnement pour assurer une meilleure répartition entre les agriculteurs, comme le fait déjà l’Espagne. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Mettons en place un système d’aides contracycliques plafonnées permettant de dégager des moyens pour soutenir les filières en crise.
Surtout, renforçons les mesures favorisant la transition agroécologique, avec des critères ambitieux et une valorisation des services environnementaux rendus par les paysans.
Alors que le Conseil d’État a sévèrement commenté le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, et que le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer sur la sincérité de l’étude d’impact élaborée par votre gouvernement, il est peut-être temps, monsieur le ministre, de changer de méthode.
La France va devoir adapter son plan stratégique national pour permettre cette révision, contrairement à ce que nous a indiqué Mme la ministre déléguée Pannier-Runacher à la fin du mois de février. Comptez-vous, monsieur le ministre, profiter de cette occasion pour inclure des mesures qui permettront vraiment de remettre du revenu dans les fermes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – MM. Jean-Marc Boyer et Laurent Duplomb s’exclament.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, je vous remercie de cette question, qui me permettra d’apporter diverses précisions.
Premièrement, je vous rappelle que nous n’en sommes qu’à la première année d’exécution de la PAC, puisque cette dernière a été mise en place en 2023. Il ne me semble pas judicieux de changer les règles en cours de route et de procéder à la grande réorientation que vous souhaitez, car les agriculteurs ont besoin de stabilité.
M. Mickaël Vallet. Tout comme le budget de l’État !
M. Marc Fesneau, ministre. En revanche, nos paysans ont besoin de simplification. C’est tout le sens des mesures prises sur l’initiative de la France. Je les assume, et je ne suis pas le seul, puisque ces dispositions ont été approuvées par vingt-six des vingt-sept pays membres, dans leur diversité et leur pluralisme. C’est dire si le besoin de simplification était grand ! Au sujet de la PAC, il nous faut faire preuve d’un peu de pragmatisme.
Nous n’en avons pas rabattu pour autant sur les objectifs environnementaux. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) En ce qui concerne les jachères, nous maintenons les capacités de rotation des cultures, les infrastructures agroécologiques et les cultures captant des nitrates.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, les agriculteurs ont besoin d’être accompagnés, car les défis liés aux transitions sont immenses.
Deuxièmement, conformément à ce que le Premier ministre et le Président de la République avaient annoncé, nous avons engagé un débat sur la rémunération des agriculteurs à l’échelle européenne. La Commission européenne s’est engagée à travailler à un « Égalim européen » sur le volet de la rémunération, afin d’éviter les distorsions entre pays membres. La commande publique doit également pouvoir soutenir la production bio et les produits sous d’autres signes de qualité.
Troisièmement – vous avez raison sur ce point –, nous devons préparer la PAC de 2027. Que devons-nous faire pour préparer l’agriculture aux chocs climatiques, géopolitiques et économiques qui sont devant nous ?
Nous devons réfléchir, dans ce cadre, aux meilleurs outils à mettre en place. Aujourd’hui, nous faisons en sorte que la PAC permette aux agriculteurs de faire face aux défis auxquels ils sont exposés. D’ici à 2027, nous aurons largement le temps d’en rediscuter.
M. Hervé Gillé. Quand ?
M. Marc Fesneau, ministre. Quatrième et dernier sujet, le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles comporte des dispositions en matière de transition écologique – nous aurons là encore l’occasion d’en parler. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
gestion des finances publiques
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Sautarel. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
Monsieur le ministre, je n’imaginais pas venir au secours du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, tant sa responsabilité est engagée dans la situation catastrophique de nos finances publiques depuis sept ans. (M. François Patriat s’exclame.) Et pourtant, le voilà devenu l’allié du Parlement, plaidant pour le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative (PLFR), tant la digue de nos déficits et de notre dette a lâché.
Ce tsunami menace l’archipel français et inquiète désormais nos compatriotes.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Stéphane Sautarel. Toutefois, le jugement élyséen est tombé lundi après-midi dernier. Le Président de la République a déclaré ne pas voir « l’intérêt » d’un PLFR, et a ajouté : « Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives, mais un problème de moindres recettes. »
M. Éric Bocquet. Tout à fait !
M. Stéphane Sautarel. Bref, c’est pas nous, c’est la conjoncture, ou pire, ce sont les Français qui ne contribuent pas suffisamment !
Non ! C’est vous et votre gouvernement, monsieur le ministre, qui avez engendré 1 000 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires et porté notre dette à bientôt 3 200 milliards d’euros. C’est vous qui avez surestimé les recettes, dopées à l’argent public du « quoi qu’il en coûte », et désormais en repli. (M. François Patriat proteste.)
L’examen de ce collectif budgétaire par le Parlement ne doit pas être le fait du prince. Il est dicté par la Constitution et, plus encore, par l’intérêt général.
Le Président de la République accable les partenaires sociaux, ainsi que les collectivités territoriales, peut-être même désormais ses ministres, et surtout les Français, coupables de ne pas payer assez d’impôts, lesquels les assomment pourtant déjà. Sans doute s’agit-il de la préfiguration d’un plan caché d’augmentation des impôts à la suite des élections européennes… Cela n’est pas acceptable !
Recevoir des leçons de la part du mauvais élève de la classe, qui ne reconnaît jamais ses erreurs, est humiliant pour chacun d’entre nous, pour les élus locaux que nous sommes, et dangereux pour notre pays !