compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Avant toute chose, j’excuse l’absence du Premier ministre, qui effectue un voyage officiel au Canada, ce qui ne lui permet pas d’être présent parmi nous aujourd’hui.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

difficultés de la filière photovoltaïque française et nécessaire planification territoriale de la transition énergétique

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Monsieur le ministre, à la fin de cette semaine, l’entreprise Systovi, située à Carquefou, commune de la banlieue de Nantes, fermera peut-être ses portes faute de repreneurs. Il aura suffi de quelques semaines et d’un dumping extrême des fabricants chinois de panneaux photovoltaïques pour détruire son modèle économique, pourtant solide.

Face à cette situation, l’État reste muet. Alors que les déclarations en faveur d’un réarmement industriel saturent les discours gouvernementaux, ici, rien, le silence…

Certes, on nous parle – je le dis pour éviter que cela ne soit le cœur de votre réponse – de la construction de gigafactories, mais ces projets ne pourront voir le jour que si l’Europe se met vraiment en ordre de bataille en matière douanière contre le dumping chinois, ce qui est très loin d’être acquis. En attendant, les entreprises les plus innovantes meurent, faute de soutien.

Le succès de Systovi résultait aussi des commandes de collectivités territoriales, de Milizac à Saint-Joachim, à la fois intéressées par les innovations de cette entreprise et soucieuses d’acheter des produits locaux et nationaux.

Nous savons que la transition territoriale est au cœur de la planification écologique : le ministre Christophe Béchu le martèle lors de toutes les COP régionales. Nous l’avions d’ailleurs souligné au moment de l’examen au Sénat de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nous avions tous votée, et qui prévoit un dispositif précis de partage de la valeur de la recette financière des énergies renouvelables (EnR) au profit du bloc communal.

Pourtant, un an après, les décrets d’application ne sont toujours pas publiés – ils seraient, selon la rumeur, bloqués à Bercy –, ce qui prive les collectivités de ressources précieuses.

Je vous pose donc deux questions précises. Les décrets sur le partage de la valeur vont-ils être publiés ? Allez-vous préserver la filière photovoltaïque française existante ?

Il y a urgence climatique ! Or, d’après le Haut Conseil pour le climat (HCC), vous seriez en train de l’oublier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Roland Lescure, auquel vous aviez initialement adressé votre question, et qui accompagne le Premier ministre durant son déplacement au Canada.

Il m’a chargé de vous répondre en vous communiquant un certain nombre d’éléments sur l’action du Gouvernement et sur ses objectifs, que vous partagez pour une large part.

Nous voulons ainsi faire de notre pays la première grande nation verte et continuons à investir – vous le savez – comme jamais auparavant dans les énergies renouvelables. À cet effet, il faudra pousser tous les curseurs : l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables, la sobriété.

Permettez-moi de vous donner quelques chiffres, car, vous avez raison de le dire, seuls les résultats comptent.

En 2023, notre pays a battu un record pour ce qui est de l’installation de nouvelles capacités photovoltaïques, puisque celles-ci sont passées de 2,7 à 3,1 gigawatts.

M. Ronan Dantec. Ce n’est pas la question…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La production électrique de toutes les filières décarbonées a progressé. Bruno Le Maire et Roland Lescure ont d’ailleurs annoncé vendredi dernier, à Manosque, le rehaussement à 6 gigawattheures par an de nos objectifs de déploiement de procédés de production d’énergie solaire.

M. Yannick Jadot. C’est l’industrie qui produit !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous sommes là au cœur de la question que vous m’avez posée en évoquant la situation d’une entreprise de votre territoire.

Grâce à la publication du décret relatif à l’agrivoltaïsme, nous pourrons libérer du foncier. Vous le savez, les communes ont déjà identifié 180 000 zones témoins, ce qui nous permettra d’accélérer le mouvement.

Je vous rejoins lorsque vous dites que nous ne pourrons pas reprendre le contrôle de notre souveraineté énergétique si nous ne saisissons pas l’occasion que représente le déploiement des énergies renouvelables pour réindustrialiser notre pays.

Tel est bien l’objectif que nous visons (M. Ronan Dantec le nie.) au travers du crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV) et de l’aide à l’installation des gigafactories, ces très grandes usines que vous avez mentionnées.

Je terminerai mon propos en évoquant la situation de Systovi. Sachez que nous examinons avec beaucoup d’attention ce dossier, et notamment le modèle économique de l’entreprise.

M. le président. Il faut conclure !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous accompagnons cette société et sommes prêts à travailler avec vous sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, vous ne vous êtes pas engagé sur le partage de la valeur, alors qu’ici, au Sénat, nous avions tous voté en faveur de ce dispositif.

Votre réponse, qui n’a fait qu’ajouter deux minutes de silence supplémentaires à ce sujet, est extrêmement inquiétante ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

drame survenu à viry-châtillon

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, nonobstant son déplacement au Canada…

La classe politique, dans son ensemble, a exprimé sa profonde indignation et sa compassion après la mort de Shemseddine le vendredi 5 avril, à Viry-Châtillon, dans mon département de l’Essonne. La disparition tragique de cet adolescent de 15 ans, sauvagement massacré par cinq individus, dont quatre mineurs, vient malheureusement s’ajouter à une liste déjà trop longue et insupportable.

Au-delà des éternelles déclarations médiatiques, d’une fermeté de façade qui ne trompe plus personne, du gigantesque déni idéologique qui paralyse l’action publique, des sempiternelles déclarations solennelles du Président de la République jurant que « la main de l’État ne tremblera pas » et que « l’école doit rester un sanctuaire », alors qu’elle est devenue un coupe-gorge (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.), quelle réforme en profondeur allez-vous enfin engager, monsieur le Premier ministre, avec l’aide de votre gouvernement, pour lutter contre ce qui n’a plus rien à voir avec la fatalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Non, monsieur le sénateur Hugonet, l’école n’est pas un coupe-gorge ! Et je trouve gravissime que vous employiez ces mots, alors même que l’ensemble de nos équipes éducatives, de nos personnels, sont arc-boutés précisément pour que l’école reste un lieu de sécurité et de sérénité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST, RDPI et RDSE. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe et Mme Isabelle Florennes applaudissent également. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est en tout cas la volonté du Gouvernement, et nous nous employons à faire en sorte qu’il en soit ainsi.

Je voudrais redire la gravité, que vous avez soulignée, des instants qui nous ont réunis auprès de Shemseddine lorsque nous nous sommes rendus à Viry-Châtillon. J’étais présente au moment où la mort de cet élève a été annoncée à ses camarades. J’ai pu, aux côtés de la communauté éducative, partager leur douleur et dire l’infinie tristesse qui a saisi le collège.

Monsieur le sénateur, ce ne sont pas que des mots ! Lorsque l’on appartient à une famille, on vibre de ces sentiments et de ce ressenti, et l’on n’a qu’un désir, c’est de protéger cette famille. C’est ce que nous faisons !

Je ne répéterai pas ce que j’ai eu l’occasion de dire, ici même, à plusieurs reprises. C’est un véritable bouclier de sécurité que le Gouvernement dresse autour des établissements scolaires (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) : un bouclier fondé sur les forces de l’ordre, le travail pédagogique, le respect des valeurs républicaines et l’ensemble des dispositifs de formation, de prévention, de protection juridique que nous établissons pour l’ensemble de nos personnels éducatifs.

S’y ajoutent, bien entendu, un enseignement aux valeurs de la République, un enseignement fondé sur la science, et l’ensemble des apprentissages que nous devons à nos élèves. Tous ces éléments constituent ce bouclier de sécurité que nous entendons dresser et préserver. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, l’ouvrage collectif intitulé Les territoires perdus de la République  Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire est paru en 2002. Les plus grands spécialistes ont posé les diagnostics depuis bien longtemps !

L’ultraviolence juvénile n’est pas le fruit du hasard. Partout, l’autorité est bafouée et l’anomie nous guette. Alors, au moment même où les piliers de notre société sont consciencieusement dynamités les uns après les autres, l’heure n’est plus aux missions flash ou à je ne sais quel autre sabir !

L’urgence commande désormais d’agir. Mais quand allez-vous enfin ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

recul du trait de côte

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, le 8 mars 2024, l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) publiait un rapport sur les conséquences du recul du trait de côte. Ce rapport, bien que déjà très alarmant, a été complété la semaine dernière par celui du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

Les chiffres qui en ressortent font froid dans le dos. En 2028, environ un millier de bâtiments pourraient être touchés par le recul du trait de côte à l’échelle nationale. Encore pire, en 2050, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le niveau de la mer aura augmenté d’un mètre ; à cette même échéance, le Cerema estime que 5 200 logements et 1 400 locaux d’activité, représentant une valeur totale de plus de 1,2 milliard d’euros, pourraient être affectés par ce recul.

Ces scénarios illustrent les possibles conséquences de l’inaction face aux effets du changement climatique, qui obligeront nombre de nos compatriotes de l’Hexagone comme des outre-mer à changer de logement ou à l’adapter.

Parmi les personnes les plus affectées figurent les habitants de mon département, la Guadeloupe, où 500 foyers, composés majoritairement de personnes âgées, voient leur vie menacée du fait de leur exposition aux phénomènes climatiques naturels.

Dans le cadre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, le Gouvernement a instauré un nouvel instrument, le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, afin d’accompagner ces familles et de les aider à se reloger. Toutefois, ce bail concerne avant tout les propriétaires. Or la majorité des victimes de l’érosion en Guadeloupe ne le sont pas ; elles ne peuvent donc pas bénéficier de ce dispositif de droit commun.

Monsieur le ministre, face à l’ampleur de ces scénarios, l’anticipation s’impose. Les acteurs locaux sont déjà prêts et engagés, mais ils ont besoin de ressources.

Quelles sont les mesures prévues pour les accompagner et rendre le relogement de ces familles le moins pénible possible ? Quelles actions l’État mettra-t-il en place pour mieux appréhender ce phénomène et renforcer l’information des acquéreurs comme des locataires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur Théophile, compte tenu de votre engagement en faveur de la sauvegarde des récifs coralliens, des départements et régions d’outre-mer (Drom) de façon générale, et de la Guadeloupe en particulier, je ne suis pas surpris que vous me posiez cette question véritablement d’actualité. En effet, le Cerema a publié la semaine dernière les cartes aux horizons 2030, 2050 et 2100 des départements les plus touchés par la montée des océans, ainsi que les scénarios qu’il envisage.

La première raison pour laquelle mon ministère a commandé cette cartographie et fait en sorte qu’elle soit publiée est exactement la même que la vôtre lorsque vous m’interrogez sur ce sujet : il s’agit de favoriser la prise de conscience. Car 2050, ce n’est pas si loin !

En 2050, plus de 5 000 logements seront touchés par le recul du trait de côte et, sur ce nombre, 10 % se situent en Guadeloupe. Il est donc nécessaire d’examiner précisément l’évolution de ce phénomène sur votre territoire.

Une mission d’inspection spécifique aux outre-mer est en cours, afin d’étudier de manière plus fine la typologie particulière des habitats ultramarins. Dans l’Hexagone, on observe une surreprésentation des propriétés et des résidences secondaires parmi les 20 % d’habitations les plus touchées sur le littoral. Ce n’est pas nécessairement le cas partout, comme vous l’avez dit.

Très concrètement, le plan national d’adaptation au changement climatique, qui sera présenté dans les prochaines semaines et que connaît bien le sénateur Dantec, comprend un volet consacré à la montée des océans. Quant au projet de loi de finances pour 2025, il prévoira les dispositifs d’accompagnement budgétaire nécessaires.

La mission confiée à la députée Sophie Panonacle vise à définir, en concertation avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel), et en particulier le maire des Sables-d’Olonne, la meilleure répartition possible des financements dédiés à l’information, à l’indemnisation et à la capacité de construction en zone rétro-littorale.

Voilà ce à quoi nous travaillons, avec un impératif : ne pas rester dans l’inaction. Dans certains endroits il faudra construire des digues ; dans d’autres, il faudra replanter des mangroves ; et, dans d’autres encore, il faudra éviter de mener un combat perdu contre la mer, selon ce que nous diront les experts.

Vous aurez l’occasion de vous exprimer très rapidement sur cette panoplie de mesures que nous envisageons, qui vont de l’étude des phénomènes à l’indemnisation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

meurtre de shemseddine

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Laure Darcos. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Madame la ministre, Shemseddine avait 15 ans. Il sortait de son cours de musique quand il a été tabassé à mort par plusieurs jeunes encapuchonnés pour la simple raison qu’il fréquentait une jeune fille et que cela déplaisait aux frères de celle-ci.

Présente, comme vous, vendredi sur les lieux de ce meurtre barbare aux côtés de mon ami Jean-Marie Vilain, maire de Viry-Châtillon, j’ai croisé à la sortie du collège ses camarades, en pleurs, incrédules et terrorisés. Malgré leur désarroi, ils posaient tous la même question : « À qui le tour ? ».

Au cœur d’une société déboussolée, l’école a vocation à être un sanctuaire de la République, formant génération après génération nos enfants au respect mutuel et aux droits humains élémentaires, où les élèves comme leurs professeurs se sentiraient en sécurité.

Les communes ne cessent d’investir dans les quartiers populaires pour que chacun, dans sa différence, vive en harmonie avec les autres. L’effort consenti est colossal. Je peux témoigner que le maire de Viry-Châtillon et son équipe développent de nombreuses actions dans leur ville pour que les habitants s’y sentent heureux.

Alors, que faire de plus ? Que faire de mieux ? Comme vous tous ici, je me sens découragée devant l’ultraviolence de mineurs de plus en plus jeunes. Ceux-ci perdent le sens du bien et du mal, notamment à travers les réseaux sociaux, qui influencent leurs comportements et répandent de manière virale des rumeurs abjectes sur leurs camarades.

Pouvons-nous accepter de cette jeunesse une haine des forces de police, des pompiers, des élus et de leurs enseignants ? Pouvons-nous nous habituer à cet ensauvagement, qui vire à la barbarie ordinaire ?

Bien sûr, il faudra punir ces assassins très sévèrement et, autour d’eux, rappeler qu’en France il existe un devoir fondamental de respect de la vie d’autrui.

Par ailleurs, en 2024, l’infantilisation des femmes par un patriarcat moyenâgeux n’a pas sa place dans la République, et l’éducation à la sexualité à l’école doit pouvoir être enseignée en toute sérénité.

Notre indignation ne ramènera pas Shemseddine à la vie. Sa maman, une veuve courageuse, son frère et sa sœur sont brisés à tout jamais. Pouvons-nous espérer que ce drame serve à une véritable prise de conscience et à un sursaut collectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, RDPI et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Laure Darcos, je sais que vous vous êtes rendue à Viry-Châtillon ; nous y étions à peu près au même moment. Je partage votre émotion, ayant eu l’occasion de parler avec la maman de Shemseddine qui m’a dit combien elle était, comme nous tous ici, anéantie par ce qui s’est passé. Et j’ai la volonté de tout faire pour que le bouclier dont je parlais en réponse à une précédente question d’actualité soit effectivement mis en place.

Vous vous demandez, madame la sénatrice, ce que nous pouvons faire de plus. Je crois que nous ne devons en aucune manière nous décourager. Nous devons continuer à nous arc-bouter pour que l’école soit un sanctuaire, non pas totalement fermé, mais un sanctuaire qui protège les jeunes et la communauté éducative, et qui permette de construire des ponts vers l’extérieur, vers les collectivités qui nous aident tant.

Vous avez cité le maire de Viry-Châtillon, M. Vilain, que je salue ici tout particulièrement pour la mesure de ses propos et pour l’action qu’il conduit. Il a notamment mis en place des cellules de soutien psychologique à la maison des jeunes et de la culture (MJC) de sa ville pour que tous les jeunes, choqués comme ils le sont, puissent venir s’y exprimer en cette période de fermeture du collège pour cause de vacances scolaires.

Pour le reste, au sein même de notre communauté éducative, je veux dire – sans reprendre ici l’ensemble des dispositions juridiques applicables – que l’enseignement fondé sur la science, que l’égalité entre les filles et les garçons, que le respect des valeurs de la République, que le respect entre les jeunes, et notamment entre filles et garçons, que l’éducation à la vie affective et à la vie sexuelle, sont des incontournables que nous nous emploierons à diffuser auprès des élèves.

C’est par la diffusion de ces valeurs républicaines et de nos enseignements scientifiques que nous contribuerons à l’emporter en toute hypothèse. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

jeux en ligne illégaux

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. L’année passée, plus de 4,5 millions de Français ont utilisé, souvent à leur insu, des applications et des sites illégaux de jeux de casino en ligne. Basées à l’étranger, ces entreprises profitent de l’absence de régulation française pour cibler un jeune public et réaliser des profits importants.

L’absence de règles applicables à ces jeux de casino en ligne surexpose nos concitoyens à la captation de leurs données personnelles, à la fraude aux moyens de paiement, à l’installation de programmes informatiques malveillants, au non-paiement des gains et, au travers de la cybercriminalité, participe au financement d’activités terroristes.

Ces sites frauduleux posent également de sérieux problèmes en termes de santé publique : près de 80 % de leurs bénéfices sont réalisés grâce à des joueurs ayant une pratique de jeu à risque ; un quart d’entre eux sont âgés de 18 à 24 ans.

Alors que nos établissements de jeux physiques ou les sociétés de paris en ligne, à l’instar de Betclic, sont soumis – heureusement ! – à une obligation de surveillance et de traitement de l’addiction, ce qui engage leur responsabilité civile et pénale, c’est le jackpot – en toute impunité ! – pour les sites illégaux.

En 2019, par le biais de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, vous avez confié des pouvoirs étendus à l’Autorité nationale des jeux (ANJ) pour lutter contre cette offre illégale. Après quatre années de mission, force est de constater son impuissance, alors que l’inspection générale des finances (IGF) souligne la nécessité de lutter contre ces pratiques illicites.

Pourtant, la légalisation du casino en ligne est un moyen efficace d’assécher l’offre illégale. L’exemple des Pays-Bas montre que 85 % de ces sites ont disparu après cette légalisation et que celle-ci n’a absolument pas fragilisé les casinos physiques, bien au contraire.

De plus, dans un contexte de déséquilibre budgétaire, cette régulation pourrait rapporter près d’un milliard d’euros de recettes fiscales à l’État.

Face à ces multiples constats, le Gouvernement compte-t-il, comme le font le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique et tant d’autres pays, légaliser le casino en ligne ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Mickaël Vallet. Rien ne va plus ! (Sourires.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Nathalie Delattre, nous partageons tous ici l’idée selon laquelle les jeux illégaux en ligne posent de nombreux problèmes.

Vous dites qu’il n’y a pas de règles. Or il en existe bien une : les jeux de casino en ligne sont interdits !

Ces jeux sont problématiques, je le répète, et d’abord pour tous ceux qui respectent les règles, c’est-à-dire les casinos physiques et les jeux de paris en ligne.

Ils posent surtout un énorme problème de santé publique. Je citerai deux chiffres. Le taux de prévalence du jeu excessif, qui permet d’évaluer le nombre de personnes se trouvant dans une situation de dépendance au jeu, est de 46 % pour les joueurs de jeux de casino en ligne, contre 11 % pour ceux qui s’adonnent aux paris sportifs.

La libéralisation, que vous appelez de vos vœux, soulève plusieurs questions.

Tout d’abord, si l’on considère l’écosystème existant, composé de casinos physiques et de sites en ligne, et les pays qui ont fait le choix de la libéralisation, on constate qu’il y a toujours une offre illégale de jeux de casino en ligne. Notre objectif est de bloquer ces jeux et d’interdire l’accès à ces sites.

Vous avez cité la loi Pacte de 2019. Or nous avons encore fait évoluer la réglementation : ainsi, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France prévoit une procédure administrative qui autorise désormais la présidente de l’ANJ à décider de bloquer un site ; c’était auparavant de la seule compétence du juge. Et cela marche ! En un an et demi seulement, 946 procès-verbaux ont été dressés ; 355 ordres administratifs ont été établis ; et 1 500 sites ont été bloqués.

Avant d’envisager d’autres évolutions législatives, madame la sénatrice, continuons de dresser ensemble le bilan des dispositifs en vigueur, pour resserrer l’étau autour de celles et de ceux qui ne respectent pas la réglementation actuelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

politique sanitaire de l’eau

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Alexandre Ouizille. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, en vous posant cette question relative au scandale des eaux minérales Nestlé, j’ai une pénible impression de déjà-vu.

Le 7 février dernier, mes collègues Hervé Gillé et Élisabeth Doineau interrogeaient le Gouvernement à propos des pratiques illégales des industriels du secteur de l’eau minérale. Bruno Le Maire leur avait répondu qu’il s’agissait d’une affaire de tromperie commerciale, que l’autorité judiciaire en était saisie, que cela valait quitus pour le Gouvernement et qu’il n’avait rien à en dire de plus.

Depuis lors, cependant, il y a du nouveau d’un point de vue sanitaire.

Le Monde et France Info ont en effet révélé que, depuis octobre 2023, le Gouvernement avait entre les mains une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mettant gravement en cause le groupe Nestlé, et selon laquelle la qualité sanitaire des eaux minérales de cette marque n’est pas garantie ; de la matière fécale a ainsi été trouvée dans les prélèvements effectués.

Monsieur le ministre, cette question ne relève pas seulement de l’autorité judiciaire : elle est au cœur des prérogatives de l’État sanitaire et du Gouvernement !

Allez-vous publier cette étude de l’Anses pour que nous puissions objectiver la situation sanitaire ? Pourquoi n’en avoir pas fait mention, le 7 février dernier, devant la représentation nationale ? Où en êtes-vous de la mise en œuvre du plan de surveillance renforcé préconisé par l’Anses ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Michel Savin applaudit également.)