M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, sur l’article.
M. Fabien Genet. Les articles 40 et 45 de la Constitution ne m’ayant pas permis de déposer des amendements, et craignant l’amendement du Gouvernement tendant à la suppression de l’article 3, je souhaiterais appeler l’attention de Mme la ministre sur un point important.
La plupart des élus locaux investissent leur temps et leur énergie sans compter les heures, parfois au détriment de leur vie professionnelle et familiale. Conjointement, on observe un véritable risque de désengagement des citoyens, notamment des plus jeunes, dans la prise de responsabilités politiques, ce qui, par voie de conséquence, fait pâtir notre système démocratique et sa représentativité.
La possibilité de bonifier la retraite des élus locaux sous la forme de l’attribution de trimestres supplémentaires, telle qu’elle est proposée par la commission, est une excellente idée. Les absences répétées du lieu de travail pour l’exercice d’un mandat électif peuvent entraîner des tensions et de l’incompréhension de la part des employeurs. Elles peuvent aussi contraindre les salariés concernés à recourir aux congés personnels ou à réorganiser leur temps de travail.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. Fabien Genet. Quelquefois, ils se voient contraints de quitter leur emploi en raison de sollicitations trop nombreuses et d’un calendrier extrêmement chargé.
N’oublions pas non plus que l’engagement des élus locaux peut nuire à certaines perspectives. Les arguments présentés au soutien de votre amendement de suppression sont donc tout à fait inopérants, madame la ministre.
Par ailleurs, il me semble nécessaire de réaffirmer la non-interférence des pensions de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) avec les autres régimes de retraite.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Fabien Genet. Ainsi, certains locaux cotisant à l’Ircantec ne peuvent pas accéder à une retraite progressive ou bénéficier du minimum contributif.
Il y a une semaine, je recevais une lettre d’une maire de mon département. Celle-ci m’indiquait que la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) lui refusait toujours le minimum contributif, au motif qu’elle cotisait à l’Ircantec.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Fabien Genet. Cette maire se voit ainsi pénalisée, seulement parce qu’elle est élue. Nous ne pouvons l’accepter : il faut que nous puissions résoudre un problème tel que celui-ci !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 3 est essentiel vu le contexte socioéconomique que la ruralité connaît ces dernières années et dont la crise agricole est le symptôme.
En 2020, nous avions voté la revalorisation des retraites agricoles de manière unanime sur ces travées. Or, près de quatre ans plus tard, la situation est loin de s’être améliorée. La retraite plancher que nous envisagions est en réalité devenue un plafond : en effet, tous les revenus sont pris en compte avant de savoir si la compensation est bien à hauteur de 85 % du Smic net.
Nous prenons acte de la reconnaissance légitime par la Nation de l’engagement des élus locaux au travers de l’article 3 de ce texte, mais celui-ci ne prévoit aucune mesure spécifique pour les retraites agricoles. Il nous faut l’admettre, cette revalorisation sera perdue.
Pourtant, dans la ruralité, très nombreux sont les maires qui étaient d’anciens exploitants agricoles. Dans le Pas-de-Calais, 750 communes comptent moins de 2 000 habitants ; les maires de ces collectivités sont donc particulièrement concernés par ces questions.
Tel était le sens de notre amendement, qui a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution. Je regrette que cette réflexion sur la ruralité ait ainsi été évincée de nos débats.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.
M. Simon Uzenat. Je dirai tout d’abord quelques mots de la fonctionnarisation du mandat d’élu local, qui revient souvent dans nos discussions. Encore une fois, le statut d’agent civique territorial que nous proposons de créer n’est pas une fonctionnarisation.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Si !
M. Simon Uzenat. Soyons clairs : un contrat à durée déterminée ne correspond en rien à une fonctionnarisation ; il apporte simplement des garanties à l’ensemble de nos concitoyens qui ont des difficultés à concilier leur vie professionnelle et leur engagement politique.
L’adoption de notre proposition permettrait de régler d’un seul coup tous les problèmes dont nous débattons ce soir, y compris en matière de retraite et de protection sociale des élus locaux. Nous défendons une mesure très claire de simplification.
Nous sommes d’accord, l’article 3 constitue une avancée. Mais, en l’état, elle reste nettement insuffisante. Le dispositif, dans sa rédaction initiale, profitait à l’ensemble des 500 000 élus de notre pays. Désormais, il a été réduit aux membres des exécutifs locaux.
La réaction des élus locaux est unanime lorsque nous leur présentons le détail de cette mesure. Mon collègue Weber l’a rappelé tout à l’heure : ne comptabiliser qu’un seul trimestre sur un mandat exécutif local de six ans n’est pas à la hauteur de l’engagement des élus.
Méditez cet exemple : une maire a fait l’objet de pressions de la part de son employeur pour signer une rupture conventionnelle ; elle a ainsi vu son parcours et ses garanties sociales futures fragilisées. Il faut le dire, ce genre de situation touche en particulier les femmes, qui ont déjà des carrières hachées.
On oppose souvent à la généralisation et au rehaussement de notre ambition des arguments sur le coût des mesures.
Oui, la démocratie a un coût : assumons-le face à nos concitoyens qui sont prêts à assumer des responsabilités locales dans les conditions proposées ! Or ils sont de moins en moins nombreux à y prétendre, ce que nous ne pouvons que regretter.
M. le président. L’amendement n° 382, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai pris bonne note de votre alerte, monsieur Salmon.
Le présent amendement tend tout bonnement à supprimer l’article 3. Monsieur Genet, je respecte le fait que vous jugiez nos motivations indécentes. Toutefois, permettez-moi de vous les rappeler.
Tout d’abord, vous le savez, nous venons de réformer et de rééquilibrer nos régimes de retraite. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Or l’article 3 crée pour ces régimes une charge nouvelle, qui ne serait pas bienvenue. Elle serait incomprise par l’ensemble de nos concitoyens, qui, eux, viennent de consentir d’importants efforts. Enfin, il existe selon nous d’autres manières de valoriser l’engagement des élus locaux, ce dont témoigne d’ailleurs votre proposition de loi. J’ai bien dit que j’étais favorable au cumul emploi-retraite, qui est un véritable sujet pour de nombreux d’élus.
Cependant, je mesure la nécessité de répondre aux soucis des élus qui justifient d’une perte de pension. Je suis donc prête à travailler avec vous sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame la ministre, j’en suis désolée, mais je me vois contraindre d’émettre un avis défavorable sur cet amendement tendant à supprimer la bonification de la retraite des élus locaux que nous proposons de créer au travers de l’article 3.
Je l’ai dit hier : la République n’a pas de prix, mais elle a un coût, et elle doit en plus être exemplaire. Dès lors, nous ne pouvons pas dire aux Français que l’engagement citoyen vaut bonification de leur retraite.
Nous devons veiller, dans le cadre du présent texte, à préserver un équilibre entre les droits et les devoirs des élus locaux. Je parle non pas de coûts, mais de la logique, partagée par les autres rapporteurs du texte, encourageant l’engagement politique. Gardons-nous de faire croire à nos concitoyens qu’il suffirait de devenir conseiller municipal pour réévaluer sa pension de retraite.
Avec tout le respect que j’ai pour les conseillers municipaux, certains d’entre eux s’absentent du conseil au fil du temps, sans que le maire puisse les contraindre à la démission. (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Or ils finiraient tout de même par profiter d’une bonification de leur retraite. Je ne promouvrai jamais ce genre de mesure, car elle revient à desservir les élus.
Aussi, nous proposons, de manière tout à fait responsable, de retenir un trimestre pour un mandat de six ans pour les titulaires de mandat exécutifs et les conseillers délégués, et deux trimestres pour deux mandats – ceux de conseiller municipal et président d’intercommunalité, par exemple –, avec un plafond de huit trimestres. Une telle mesure me semble juste et exemplaire.
Vous comprendrez que je ne puis approuver la suppression de cette excellente et juste idée de bonification des pensions, madame la ministre, car l’objet de nos discussions est précisément d’encourager et de valoriser l’engagement citoyen. Nous n’allons tout de même pas commencer à nous contredire vingt-quatre heures seulement après la discussion générale !
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Madame la ministre, vous qui êtes élue locale, vous ne pouvez être en phase avec l’amendement que vous venez de présenter.
Nos collègues sénateurs qui ont été titulaires de mandats locaux savent combien est faible la retraite des élus des communes de moins de 1 000 habitants, la pension versée par l’Ircantec étant réduite au minimum.
Les élus en viennent à demander à cotiser au fonds de pension des élus locaux (Fonpel) et à la Caisse autonome de retraite des élus locaux (Carel) pour bénéficier d’une retraite complémentaire, ce qui alourdit encore l’impact sur le budget communal, avec des taux qui peuvent atteindre à 8 %.
Vous affirmez que vous souhaitez favoriser le statut de l’élu et permettre à davantage de personnes d’y accéder, mais vous continuez à pénaliser leur carrière. Cette position n’est ni acceptable ni réaliste !
Ce n’est sans doute pas cela qui rendra la fonction d’élu plus attractive. Mais une telle reconnaissance est tout de même nécessaire.
Si nous voulons que notre République soit aboutie et que notre démocratie reconnaisse que les 36 000 élus – conseillers municipaux, maires, et tous les autres – sont une chance pour la cohésion des territoires, il faut leur donner les moyens d’agir et admettre que nous leur devons un soutien jusqu’à leur retraite, par le biais de ces trimestres bonifiés.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous sommes favorables à une bonification en termes de trimestres de retraite pour les élus, sans qu’elle soit nécessairement similaire pour l’ensemble des élus et des mandats ; en effet, les engagements diffèrent selon qu’on est conseiller municipal, président d’un exécutif ou maire.
Cependant, un point m’inquiète, madame la ministre : vous affirmez vouloir indemniser tous les élus, mais vous aviez l’occasion de le faire en proposant un amendement en ce sens, et vous ne l’avez pas fait. De plus, lorsque nous proposons ensemble une bonification de leur retraite, votre première réaction est de chercher à la supprimer, au motif qu’une telle mesure serait mal comprise par les Français !
Votre gouvernement a imposé à nos concitoyens deux années de travail supplémentaires ; je comprends donc votre malaise. Ce n’est pas notre cas : il y a un an, nous combattions cette réforme ici même, et nous la combattons toujours.
Au-delà de la reconnaissance légitime due aux élus, j’appelle votre attention sur un point : actuellement, plus de la moitié des maires sont des retraités, et cette proportion est encore plus élevée en milieu rural, car conjuguer vie professionnelle et mandat de maire ou d’élu est extrêmement compliqué.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui !
Mme Céline Brulin. Cette bonification est donc à nos yeux non seulement une juste reconnaissance, mais aussi un moyen d’assurer l’administration de nos communes dans les mois et les années à venir, car l’effet conjugué du report de l’âge de la retraite et de la difficulté à concilier mandat et profession risque d’accroître le manque de vocations que nous connaissons aujourd’hui.
Il faut accorder notre reconnaissance aux élus, mais cela doit être suivi d’effet : une telle mesure a été décidée en faveur des sapeurs-pompiers, mais, à ma connaissance, les décrets qui doivent la concrétiser ne sont toujours pas publiés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. C’est vrai !
M. Fabien Genet. Très bonne remarque !
M. Jean-François Husson. Prenez les décrets !
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.
M. Olivier Bitz. Le groupe RDPI ne suivra pas la proposition du Gouvernement (Exclamations amusées.), pour les raisons qui ont déjà été avancées.
Il nous semble absolument fondamental que l’engagement des élus soit reconnu au moment de leur retraite. La proposition contenue dans ce texte et soutenue par la commission me semble raisonnable ; avoir mené une réforme qui a permis de rééquilibrer le système des retraites doit nous permettre de reconnaître l’engagement citoyen des élus.
Faut-il rappeler – tout le monde le sait ici – que les élus sont mobilisables le soir, la nuit et les week-ends, ce qui entraîne évidemment une fatigue importante ? Il ne paraît pas illégitime d’en tenir compte au moment de leur départ à la retraite.
Disons-le, un engagement électif emporte des conséquences sur le niveau de la retraite perçue : les carrières ne se déroulent pas de la même façon ; les promotions, dans le privé comme dans le public, n’interviennent pas au même rythme. Cela se traduit, au moment du départ à la retraite, par des pensions souvent minorées par rapport à celles de personnes qui auraient décidé, ce qui n’est pas moins légitime, de consacrer leur temps exclusivement à leur activité professionnelle.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’amendement proposé par le Gouvernement et par Bercy. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-François Husson. L’affaire est grave. Il faudrait une suspension de séance ! (Sourires.)
M. le président. Madame la ministre déléguée, l’amendement n° 382 est-il maintenu ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Qui ne demande rien n’a rien, monsieur le président ! Vous faites donc bien de poser la question. Pour autant, oui, je le maintiens. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 409, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Conseiller des collectivités territoriales mentionnées aux 1° à 9° qui bénéficient d’une délégation de fonctions. »
II. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
du premier alinéa
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à élargir la bonification de trimestres de retraite à tous les élus municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Il est défavorable, par cohérence avec notre amendement précédent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 117, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet un rapport au Parlement un an après la promulgation de la loi portant sur l’amélioration des dispositifs de retraites et de cotisations des élus locaux.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Les dispositifs de retraite des élus locaux sont aujourd’hui fortement éparpillés et inégalitaires. Si les élus des grandes collectivités bénéficient de mécanismes de cotisation et de pension acceptables au regard de leurs montants, la situation est différente pour les élus locaux qui ne disposent de presque aucun mécanisme efficace et lisible.
Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement un rapport de clarification, d’évaluation et de proposition relatif au dispositif de cotisation des élus locaux, un an après la promulgation de cette loi.
Nous connaissons, comme vous, le caractère parfois artificiel d’une demande de rapport. C’est en partie le cas ici : bien sûr, cette proposition fait suite au rejet de notre amendement visant à élargir la bonification à l’ensemble des élus municipaux. Il nous apparaît toutefois qu’une clarification par l’administration des modalités de cotisation des élus locaux, ainsi que la formulation de propositions efficaces, constitue une mesure urgente pour répondre à cette question centrale pour nos élus dans un prochain texte.
Cette proposition de loi va clairement dans le bon sens, mais elle ne sera pas exhaustive.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Roiron, Kerrouche, Cozic, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey et Linkenheld, MM. Redon-Sarrazy, Lurel et Gillé, Mme Narassiguin, MM. Uzenat et M. Weber, Mmes Bonnefoy, Brossel et Canalès, M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner et Marie, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Briquet, M. Darras, Mme Féret, MM. Jacquin et Mérillou, Mmes Monier et S. Robert, MM. Ros, Temal, Tissot, Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2025, un rapport évaluant les difficultés rencontrées par les élus locaux du fait de cotisations auprès de l’Ircantec ou de la perception d’une retraite de ce régime, et dressant les perspectives pour consolider le principe de non-interférence de l’Ircantec avec les autres régimes de retraite.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cette disposition découle d’une difficulté rencontrée par des élus locaux. Il s’agit, par le biais d’un rapport réalisé à l’issue de la promulgation de la loi, de consolider le principe de non-interférence de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) et de sa pension avec les autres régimes de retraite.
En effet, depuis plusieurs années, de nombreux élus se sont heurtés à de graves difficultés en raison de cotisations auprès de l’Ircantec ou de la perception d’une retraite de ce régime au titre de mandats locaux en cours ou échus.
Si certains cas ont été résolus, notamment pour les agriculteurs retraités, par une modification de la loi, certains élus, par ailleurs affiliés à des caisses de régimes spéciaux, font encore face à des difficultés qui n’ont pour effet que de créer une profonde lassitude face aux refus à répétition d’accès à la pension professionnelle à laquelle ils ont normalement droit.
À titre d’exemple, à ce jour, cotiser à l’Ircantec empêche d’accéder à une retraite progressive et fait obstacle au bénéfice du minimum contributif. De même, les élus qui sont par ailleurs avocats se retrouvent dans l’impossibilité de liquider leur retraite professionnelle, sauf à renoncer au bénéfice de leur indemnité ou à démissionner, et cela malgré les évolutions issues de la dernière réforme des retraites.
Par ailleurs, en 2023, les agriculteurs anciens élus, percevant la pension Ircantec, auraient été privés des aides de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027 si cette situation n’avait pas été dénoncée auprès du Gouvernement.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
M. Thierry Cozic. En revanche, la pension agricole des anciens élus n’a pu être portée à un niveau minimal en raison de la prise en compte de la pension Ircantec.
Il apparaît donc aujourd’hui plus que nécessaire de sanctuariser dans la loi la non-prise en compte du régime Ircantec et de sa pension par d’autres régimes de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Des questions récurrentes nous sont en effet posées sur ce sujet.
Comme vous l’avez souligné, mon cher collègue, nous avons apporté, dans le cadre d’un projet de loi de finances, des améliorations pour les agriculteurs. Je tiens à saluer à ce sujet l’expertise remarquable de notre collègue Sylvie Vermeillet sur les retraites : c’est elle qui nous a alertés sur certains points et qui nous a aidés à y voir plus clair.
Concernant l’amendement de M. Szczurek, nous en avons discuté lors des débats sur les retraites : chaque situation est unique, car chaque personne accédant à la retraite a un parcours professionnel qui lui est propre. Il est donc difficile d’établir un rapport exhaustif. Nous avons conscience qu’il existe des situations extrêmement difficiles, qu’il faut régler, mais nous pouvons les identifier sans pour autant exiger un tel rapport.
Mes chers collègues Pierre-Alain Roiron et Thierry Cozic, vous soulevez un véritable problème concernant l’Ircantec et les conséquences que celui-ci emporte sur d’autres régimes de retraite. Nous l’avons bien cerné.
Prenons l’exemple de la caisse de retraite des avocats : si un élu est avocat, les particularités de son régime professionnel font qu’il ne peut bénéficier de sa retraite s’il n’a pas fait valoir ses droits dans tous les régimes qui le concernent. Nous sommes ainsi confrontés à des situations singulières qu’il nous faut identifier. Madame la ministre, j’ai observé que vous aviez pris des notes ; il est impératif que nous travaillions sur ces questions.
Pour autant, je suis défavorable à cette demande de rapport, car le Gouvernement aura l’occasion de nous rendre des comptes. Soyons réalistes : un rapport qui arriverait aux calendes grecques ne ferait pas avancer les choses, d’autant que nous avons déjà identifié les problèmes.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En ce qui concerne l’amendement n° 117, pour les raisons qu’a invoquées Mme le rapporteur, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Je souhaite en revanche apporter quelques éléments sur l’amendement n° 44 rectifié.
Monsieur le sénateur Roiron, vous souhaitez limiter les interférences entre l’Ircantec, auquel sont affiliés les élus locaux, et leurs régimes professionnels. Cet objectif est partagé par le Gouvernement, qui a déjà pris différentes mesures, afin de ne pas pénaliser les retraités exerçant un mandat électif local.
En ce qui concerne les minima de pension, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu de ne pas tenir compte des droits en cours de constitution à l’Ircantec, afin de permettre aux élus concernés de bénéficier des minima de pension et des majorations de pension de réversion.
Néanmoins, le calcul de ces minima peut faire l’objet d’un écrêtement dont le plafond s’apprécie en prenant en compte l’ensemble des pensions de l’assuré, de base et complémentaires, françaises et étrangères. Les pensions de retraite de l’Ircantec perçues au titre d’un mandat d’élu local sont dès lors logiquement prises en compte. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette règle précise.
S’agissant du cumul emploi-retraite, l’article 11 de ladite loi a sanctuarisé la possibilité pour les élus d’ouvrir des droits à l’Ircantec après la liquidation de leur pension. Néanmoins, des difficultés persistent, notamment au regard de la condition de subsidiarité exigeant la liquidation de l’ensemble des pensions dans le cadre du cumul emploi-retraite libéralisé.
Cette condition ne peut être remplie par des élus dont le mandat est en cours, du fait de droits demeurant ouverts à l’Ircantec. En effet, une lettre ministérielle de 1996 prévoit que les élus locaux ne peuvent pas liquider leurs droits à l’Ircantec avant la fin de leur mandat, alors qu’une telle liquidation permettrait à un élu de satisfaire à la condition de subsidiarité.
C’est pourquoi le Gouvernement s’engage à supprimer cette lettre ministérielle de 1996, afin qu’un élu local puisse justifier de la condition de subsidiarité exigée en liquidant ses droits à l’Ircantec sans avoir à interrompre son mandat ou à en attendre la fin.
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit de déposer un amendement permettant de préciser les règles d’ouverture, de constitution et de liquidation des droits à l’Ircantec pour les élus locaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, nous sommes défavorables à cet amendement ; pour autant, nous allons travailler sur ce sujet, parce que celui-ci n’est pas pour autant dénué de sens.
M. le président. Monsieur Roiron, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Alain Roiron. Non, à la faveur des explications de Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 383, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa des articles L. 2123-30, L. 3123-25, L. 4135-25, L. 7125-32 et L. 7227-33, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Caisse des dépôts et consignations est autorisée à assurer la gestion de ces régimes, à recevoir les fonds y afférents et à verser les pensions de retraite, dans les conditions prévues par une convention prise selon les mêmes modalités que celles prévues à l’article L. 518-24-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, ainsi que par une convention tripartite avec l’organisme auprès duquel les droits ont été constitués et les collectivités concernées. » ;
2° Au deuxième alinéa des articles L. 2123-30, L. 3123-25 et L. 4135-25, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Au cours des années 1960, de nombreux élus locaux, surtout départementaux, ont pris l’initiative de créer des régimes spécifiques de retraite. Ils ont ainsi constitué des droits auprès de ces régimes extra-légaux de retraite par répartition, portés juridiquement par de simples associations de loi 1901.
Le législateur a entendu mieux encadrer ces pratiques, en définissant un régime unifié de retraite pour les élus, via l’Ircantec, tout en mettant en extinction les régimes existants, dans l’article 32 de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.
Les droits acquis au sein de ces régimes ont en outre été préservés : les pensions liquidées tout comme les droits acquis avant le 30 mars 1992 continuent d’être honorés. De plus, les élus en fonction, ou ayant déjà acquis des droits dans ces régimes avant le 30 mars 1992, ont été autorisés à continuer à cotiser, la collectivité devant alors apporter une contribution égale à celle de l’élu.
L’extinction progressive de ces régimes entraîne néanmoins, pour les associations concernées, des difficultés croissantes pour assurer leur gouvernance, leur fonctionnement et leur financement.
C’est pourquoi plusieurs départements ont transféré la gestion de ces régimes historiques à un acteur tiers, la Caisse des dépôts et consignations. Néanmoins, la gestion de ces régimes par cette dernière ne se fonde pas sur une base juridique suffisante, le code général des collectivités territoriales se contentant de mentionner la possibilité d’un transfert.
Or les dépenses des collectivités liées aux régimes de retraite des élus locaux ne font pas partie de celles que la Caisse des dépôts et consignations est autorisée à gérer en application de l’article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales et de l’article L. 518-24-1 du code monétaire et financier. Il convient donc d’en clarifier la possibilité dans la loi.
Tel est l’objet de cet amendement, au bénéfice des élus concernés.