M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel. Ma question s’inscrit dans la droite ligne des interventions de mes collègues Lermytte et Fialaire, ce qui permettra de répondre, madame la ministre, sur le problème du financement par les communes des écoles privées.
Le code de l’éducation prévoit la participation des communes aux frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat avec l’État. Cette participation financière est calculée en fonction du coût par élève, que nous avons précédemment évoqué.
Il a été évoqué pour ce qui concerne les situations particulières en matière de niveau, mais je veux pour ma part insister, comme mon collègue Fialaire, sur les difficultés qu’entraîne ce mode de calcul au regard de la dynamique, à un moment où les effectifs baissent dans certaines écoles publiques, en raison d’effets démographiques ou du transfert du public vers le privé de certains élèves. Par conséquent, le coût par élève augmente, sous le double effet de l’augmentation des charges de fonctionnement et de la baisse des effectifs. Ce n’est pas technique, c’est une simple histoire de dénominateur et de numérateur, et de proportionnalité !
Or les communes subissent ces choix ! Vous avez dit qu’elles adoptent des délibérations, mais celles-ci sont totalement contraintes, puisqu’elles sont liées aux coûts de fonctionnement, qui s’imposent à elles ; je pense notamment au coût de l’énergie, sur lequel les communes n’ont pas de prise.
Pour les communes qui n’ont pas d’école publique, la dotation est calculée sur le fondement d’un coefficient départemental, mais les maires et les fonctionnaires de l’éducation nationale nous expliquent que ce calcul est inadapté.
Madame la ministre, nous attendons des réponses à ce sujet. J’ai compris qu’elles ne seraient pas forcément données ce soir, car tout n’est peut-être pas encore au point, mais vous serez obligée de reconsidérer cette question, notamment en raison de la dynamique démographique, notamment dans les communes rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je suis parfaitement au point, même si, parfois, je peux évoluer en fonction des préconisations que vous faites.
Pour ce qui concerne le financement de l’enseignement privé par les collectivités, nous nous appuyons sur le principe de parité, selon lequel la participation de la commune est calculée par élève et par an en fonction du coût de fonctionnement de l’externat des écoles publiques.
Je l’ai dit précédemment et je le répète, seules les dépenses de fonctionnement sont prises en compte, non les dépenses d’investissement. Par ailleurs, les avantages consentis par les collectivités pour le fonctionnement des classes sous contrat ne peuvent pas être supérieurs à ceux qui sont consentis par les mêmes collectivités et dans le même domaine aux classes de l’enseignement public.
Pour répondre directement à votre question, mais également à celle de M. le sénateur Fialaire, s’il est vrai que certaines dépenses sont directement corrélées au nombre d’élèves et de classes, d’autres, en revanche, ne le sont pas. Je pense notamment aux dépenses de chauffage.
Dès lors, les variations d’effectifs à la hausse ou à la baisse au sein de l’enseignement public d’une commune peuvent conduire selon les années à une diminution ou à une augmentation du coût moyen par élève. Il me semble que ces variations peuvent engendrer un effet pervers, comme l’a pointé M. Fialaire, avec une augmentation du forfait par élève du fait du moindre nombre d’élèves dans le public. Toutefois, cet effet pourrait aussi jouer en sens inverse.
Dès lors, l’équilibre trouvé pour le calcul du forfait me paraît difficile à remettre en cause. Cependant, je suis prête à rediscuter de ce sujet avec vous, pour mieux comprendre les éléments que vous avancez.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, le thème du débat de ce jour me touche particulièrement. Ayant enseigné au sein d’établissements privés sous contrat pendant trente-cinq ans, j’en connais les avantages et les inconvénients, tout comme les critiques dont le modèle peut faire l’objet.
Il faut, je le crois, rappeler d’emblée une évidence : l’enseignement privé sous contrat est un acteur essentiel du service public de l’éducation de ce pays. Représentant près de 20 % des effectifs scolarisés, il offre une liberté de choix aux parents qui souhaitent, pour des raisons qui leur sont propres, scolariser leurs enfants dans un établissement plutôt que dans un autre.
Notons que la proportion d’enfants scolarisés dans le privé est stable depuis quelques années, tout comme d’ailleurs le financement de ces établissements. Le débat, à mon sens, porte donc non pas sur les moyens investis par l’État, mais véritablement sur les obligations qui incombent à ces établissements, en contrepartie de ces moyens.
J’insiste souvent, au sein de la commission de la culture et de l’éducation, sur le fait que, en tant que citoyens français, nos droits sont nécessairement complétés par des devoirs. C’est là, je le pense, la condition du maintien de notre équilibre démocratique et social. La situation de l’enseignement privé sous contrat doit s’analyser au travers du même prisme. La loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré, n’a cherché ni à priver l’État d’un droit de regard ni à priver les établissements privés de devoirs.
L’objectif du contrat d’engagement était au contraire de dégager un compromis permettant de maintenir la liberté d’enseignement tout en instaurant un véritable contrôle de l’État. À l’aune de ce débat, c’est bel et bien ce contrôle qui semble défaillant. À la suite des récents événements, je vous demande donc, madame la ministre, quelles mesures entend prendre concrètement le Gouvernement pour renforcer le contrôle des établissements privés sous contrat, afin de les maintenir dans le cadre légal et les valeurs instaurées par la loi Debré.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je serai sans doute conduite à me répéter, dans la mesure où vous avez évoqué l’insuffisance des contrôles, en insistant sur les obligations résultant du contrat d’association.
Je rappelle d’ailleurs ici que ce contrat, très souvent, n’est pas matérialisé : il s’agit non pas d’un papier signé, mais de l’application de la loi.
Selon vous, notre système de contrôle est insuffisant. Je le répète, nous avons pris conscience de ces difficultés, nous avons recruté des agents, en leur donnant des objectifs clairs matérialisés dans un vade-mecum et nous avons des programmes d’inspection. En outre, je le précise, les établissements privés sous contrat sont évalués par le Conseil d’évaluation de l’école. Ce système d’évaluation complète ainsi l’ensemble du dispositif.
Nous sommes donc en train de faire monter ces contrôles en puissance, que nous souhaitons développer dans les trois champs que nous avons évoqués précédemment : financier, administratif et, surtout, pédagogique. J’ajoute également le champ des valeurs de la République, qui relèvent d’obligations importantes.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Nous suivrons avec intérêt une telle évolution.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Tout le monde finance l’enseignement privé par ses impôts, mais, les chiffres l’indiquent, tout le monde n’y a pas accès.
La proportion d’élèves très favorisés dans les collèges privés est de 40 %, soit le double de ce qu’elle est dans le public. L’écart s’est creusé de près de dix points en vingt ans, alors même que les effectifs sont stables. La part des élèves boursiers dans le secondaire est trois fois plus faible dans le privé que dans le public. Il y a là un véritable séparatisme, contre lequel nous devons lutter avec acharnement.
Pis, une étude de 2014 menée par trois chercheurs au moyen d’une expérience contrôlée, inspirée de la méthode du testing, a démontré qu’il existe à l’entrée des établissements scolaires privés une sélection ethnique. Malgré tous les protocoles, rien ne change. De fait, nous n’avons pas, aujourd’hui, les moyens de savoir comment les établissements privés sélectionnent leurs élèves ni de contrôler les efforts qu’ils font, ou pas, en faveur d’une plus grande mixité.
L’extension de l’application Affelnet ou la mise en place d’une plateforme d’inscription dans les établissements privés, à l’entrée en sixième et en seconde, permettrait d’avoir des données précises sur le profil des élèves qui se portent candidats et sur celui de ceux qui sont effectivement retenus par les établissements privés. Une telle plateforme donnerait aussi les moyens à l’État de contraindre l’enseignement privé sous contrat à respecter ce contrat, en accueillant tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance.
Madame la ministre, y êtes-vous favorable ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. J’y suis bien sûr favorable, monsieur le sénateur !
Le constat est partagé : je rappelais dans mon propos introductif les IPS des établissements privés sous contrat, qui sont effectivement plus élevés que ceux des établissements publics hors REP. Cela n’est pas contradictoire avec ce que j’indiquais précédemment à M. Brisson, puisqu’il existe des établissements privés qui accueillent des élèves dont les parents appartiennent à des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) défavorisées. Néanmoins, nous partageons le constat d’un écart entre les IPS.
Certes, le principe de la liberté de choix des familles existe, il découle des exigences liées à la liberté d’enseignement, mais il ne saurait y avoir de ségrégation ethnique. Un établissement ne peut pas refuser d’accueillir un candidat pour des motifs tenant à je ne sais quel critère. Si une telle ségrégation existait, elle serait pénalement répréhensible. Je crois d’ailleurs savoir que certains établissements ont été condamnés pour avoir refusé d’accueillir des élèves qui présentaient un profil refusé par le chef d’établissement. Nous devons être extrêmement vigilants sur ce sujet.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai indiqué précédemment sur le protocole lié à la mixité.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Il y a pourtant une recherche, menée par des chercheurs sérieux, qui montre l’inverse ! Avec ce que je propose, vous avez la possibilité d’exiger de telles données.
Je tiens à le rappeler, la France est le seul pays, avec le Chili de l’ère Pinochet – inspiré par l’école ultralibérale de Chicago –, à subventionner les écoles privées sans exiger aucune contrepartie de mixité sociale scolaire.
À un moment, il faut agir ! Or vous avez la possibilité de contraindre les établissements privés, en exigeant ces données. Dès lors, vous ne pourrez plus dire que vous ne savez pas ou que cela n’existe pas. Je vous le dis, cela existe ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une contrainte, le premier point du protocole sur la mixité conclu avec l’enseignement catholique porte sur la constitution d’une base de données partagée. J’ai eu l’occasion de rencontrer très récemment le secrétaire général de l’enseignement catholique. La base est constituée, elle sera opérationnelle à compter du mois de septembre prochain. Nous disposerons alors des éléments incluant les indicateurs que vous avez évoqués et que nous contribuerons à renseigner au sein du ministère de l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. C’est un de vos prédécesseurs, M. Pap Ndiaye, qui l’a mis en place.
Vous vous engagez à nous communiquer des données que nous pourrons partager avec le monde universitaire, afin que les chercheurs puissent les exploiter : oui, la publicité de ces informations est indispensable. Nous pourrons ensuite revenir vers vous pour vous demander, sur le fondement de telles données, de prendre des mesures à l’endroit de l’enseignement privé,…
M. Yan Chantrel. … c’est-à-dire de le contraindre à respecter la trajectoire définie. Nous savons déjà, en effet, que telle sera la conclusion de ce cheminement, car nous disposons d’ores et déjà des informations utiles, grâce aux recherches menées sur le sujet. Je les partagerai volontiers avec vous, d’ailleurs : vous y trouverez de quoi appuyer les décisions que vous serez conduite à prendre. Ainsi pourrez-vous cette fois faire pleinement respecter le protocole d’accord en y contraignant les établissements ; car il ne sert à rien de signer des protocoles si, au bout du compte, on s’assoit dessus, s’il ne se passe jamais rien, si la mixité n’est jamais au rendez-vous.
Nous comptons sur vous, madame la ministre. (Mme Colombe Brossel applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, au mois de décembre dernier, Gabriel Attal annonçait, pour la rentrée 2024, la mise en place de trois groupes de niveau en français et en mathématiques pour les élèves de sixième et de cinquième. Cette réforme nécessite de recruter de nouveaux professeurs. Pour ce qui est de l’enseignement public, la création de 2 330 postes a été annoncée. Qu’en est-il pour l’enseignement privé ? Aucune dotation n’est prévue pour le moment, alors que ses établissements scolarisent, comme vous l’avez dit, près de 20 % des élèves.
Seule la suppression de l’heure de sixième actuellement dédiée à l’approfondissement du français et des mathématiques contribuera au financement, ce qui est loin de couvrir les besoins. Et ce sont donc les moyens ordinaires consacrés par le privé à la création d’options ou de filières ou à des ouvertures de classes qui devront être utilisés ; voilà qui n’est pas acceptable.
Madame la ministre, comment financerez-vous les groupes de niveau dans le privé ?
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi dite Debré de 1959, les chefs d’établissement et leurs équipes définissent ensemble leur organisation et un projet éducatif spécifique, pourvu qu’ils respectent les programmes de l’éducation nationale. Pour ce qui concerne les groupes de niveau, les établissements semblent donc les mieux à même de définir leurs besoins. Je rappelle que, dans le privé sous contrat, les collégiens en difficulté en français représentent 15 % des effectifs de sixième, contre, dans le public, 25 % hors éducation prioritaire et 52 % en éducation prioritaire renforcée. On ne saurait donc appliquer la même règle à tous.
Aussi ma deuxième question est-elle la suivante : les établissements privés sous contrat conserveront-ils, en vertu du principe d’autonomie, leur liberté de choix dans l’application de la réforme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. J’ai eu l’occasion de le dire, nous partageons, avec le Premier ministre et avec l’ensemble du personnel éducatif, privé ou public, une ambition, celle d’élever le niveau scolaire de nos élèves. Nous considérons qu’à cet égard la possibilité de travailler en groupe, en sixième et en cinquième, sur les matières fondamentales que sont le français et les mathématiques constitue l’une des méthodes pédagogiques qui permettent d’élever le niveau de tous les élèves, mais également de prendre en compte la spécificité de chacun d’entre eux.
Pour ce qui est du financement de ces groupes en sixième et en cinquième, nous avons adopté pour le privé la même méthode de répartition que pour le public : d’une part, nous avons redéployé la vingt-sixième heure, dans le privé comme dans le public ; d’autre part, nous avons considéré qu’en fonction des situations propres à chaque établissement des dotations supplémentaires pouvaient ou non être accordées.
Je le disais, j’ai rencontré le secrétaire général de l’enseignement catholique voilà quelques jours. Nous avons évoqué ensemble les difficultés que les établissements qui relèvent de cet enseignement peuvent rencontrer ici et là ; ce sont à peu près les mêmes que dans l’enseignement public. Je veillerai à ce que, dans un cas comme dans l’autre, les groupes puissent être mis en place, car ils sont l’un des éléments qui permettront de garantir le respect et l’effectivité des programmes, dans le privé comme dans le public.
Madame la sénatrice, vous évoquez la liberté des établissements privés, sujet dont il a été beaucoup question cet après-midi. Ma conviction, je le répète, est que le privé et le public partagent une ambition, celle de mieux faire réussir nos élèves. Dès lors, les groupes doivent absolument remplir leur office dans tous les établissements, aussi bien publics que privés, donc être partout mis en place ; je m’y attache résolument.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Je vous remercie, madame la ministre. Peut-être ces groupes de niveau pourraient-ils devenir des « groupes de besoin », selon la situation des établissements, afin que la même règle ne s’applique pas à tous, mais qu’au contraire, le cas échéant, les spécificités de leurs publics soient prises en compte.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Dans le privé comme dans le public, je fais confiance aux établissements, c’est-à-dire aux équipes pédagogiques : je souhaite évidemment que tous puissent disposer, en fonction des réalités locales, d’un peu de souplesse pour mettre en place ces groupes. Reste que ceux-ci doivent absolument être mis en place ; nous y veillerons.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. N’en déplaise à certains, dans notre pays, plus de 2 millions d’enfants sont scolarisés dans les établissements privés du premier et du second degré, soit environ un élève sur six.
Nous n’en avons pas beaucoup parlé cet après-midi, mais certains établissements font le choix de rester sous le régime des établissements privés hors contrat, qui avait fait l’objet, en 2018, sur l’initiative de notre collègue Françoise Gatel, d’une loi visant à mieux encadrer leur ouverture et leur contrôle.
D’autres, en revanche, saisissent la possibilité, après un minimum de cinq années d’existence, de solliciter un contrat avec l’État, soit sous la forme d’un contrat simple soit sous celle d’un contrat d’association.
Quelle est la nature exacte de ce contrat ? Celui-ci produit des droits, à savoir essentiellement le paiement des salaires des enseignants par l’État et la participation des collectivités territoriales, à des degrés divers, selon la forme du contrat, aux dépenses de fonctionnement. Mais il impose aussi des devoirs, en particulier celui de dispenser les enseignements par référence aux règles et aux programmes de l’enseignement public, ou encore celui d’accueillir les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance.
Dès lors, nonobstant certaines réactions – il faut le dire – un peu épidermiques et quelques névroses idéologiques que le temps a décidément bien du mal à soigner, ce contrat repose sur un équilibre qui concilie confiance entre les acteurs et contrôle par l’État. Nous savons, du reste, que le contrôle des établissements sous contrat – simple ou d’association – est particulièrement strict ; il inclut par exemple l’évaluation des enseignants, organisée à peu près de la même façon que dans l’enseignement public, ainsi que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021, la garantie du respect des valeurs de la République.
Je n’ai aucun doute sur les faits que d’éventuels manquements à ces engagements puissent être identifiés et signalés, dans le privé comme ailleurs.
Madame la ministre, vous avez plusieurs fois fait état, durant ce débat, des moyens dont dispose votre ministère pour effectuer ces contrôles selon une périodicité raisonnable. Pouvez-vous nous communiquer des chiffres un petit peu plus précis quant aux manquements identifiés dans l’exercice des fonctions des enseignants et des directeurs d’établissement de l’enseignement privé au cours des dernières années ? Pouvez-vous nous indiquer également, le cas échéant, de quelle nature sont lesdits manquements ?
M. Pierre Ouzoulias. Il n’y a aucune remontée des chiffres !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, pour information, et bien qu’en effet cela ne soit pas le sujet de notre débat, je vous signale qu’en matière de contrôle des établissements hors contrat nous avons beaucoup progressé : ces établissements sont désormais systématiquement contrôlés la première année. Le nombre de contrôles y a été multiplié par trois en cinq ans. L’effort est donc massif et 20 % des contrôles débouchent sur des mises en demeure, qui peuvent donner lieu à fermeture administrative, comme récemment à Nice.
Pour ce qui est du contrôle des établissements privés sous contrat, je ne reviens pas sur tout ce que j’ai dit, car je craindrais de vous lasser. Je vais en revanche vous décevoir : je ne dispose pas de données chiffrées sur les manquements relevés dans le cadre des enseignements dispensés dans ces établissements. Je ne sais d’ailleurs même pas si mon ministère est en possession de tels chiffres ; il faudrait interroger les académies, ce que nous n’avons pas fait : nous n’avons pas centralisé les données qui remontent des académies.
Je ne peux donc pas vous répondre, monsieur le sénateur ; j’en suis confuse. Cette centralisation des informations peut sans doute être organisée, mais, au moment où je vous parle, elle fait défaut.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. Alors que nous occupent cet après-midi les sujets du contrôle de l’enseignement privé et de l’équité des moyens entre celui-ci et l’enseignement public, la question que pour ma part je me pose, et que d’autres se posent avec moi, est plutôt de savoir si l’engouement croissant pour les écoles privées, dont nous parlons depuis l’ouverture de notre débat, n’est pas le miroir des faiblesses actuelles de l’école publique.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, tant que l’État n’investira pas davantage dans son école publique, tant que l’on continuera à fermer des classes sans apporter de réponses claires et fermes aux crises successives que vivent trop d’établissements, les familles seront toujours plus nombreuses à se poser la question du public ou du privé et à faire le choix de scolariser leurs enfants en école privée.
Il est question, dans ce débat, d’équité et de moyens ; mais qu’en est-il de l’équité territoriale ? La ruralité, quant à elle, ne peut pas se payer le luxe de la guerre scolaire, comme le rappelle souvent Max Brisson ; or toutes les politiques publiques qui s’y rapportent se fondent sur des logiques comptables qui ne tiennent pas compte de ses spécificités. Depuis quelques années, on y ferme un à un tous les services publics et une à une toutes nos classes, jusqu’à l’abandon pur et simple de nos écoles de campagne. On crée des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), qui sont bientôt fusionnés à leur tour pour créer des regroupements pédagogiques concentrés (RPC), des établissements neufs, rationalisés, dans lesquels on continue pourtant encore et toujours à fermer des classes.
Comment, dans ce contexte, ne pas se poser la question de la fiabilité de ce modèle ? En éloignant l’école des habitants, on a petit à petit porté atteinte à la qualité de vie dans nos campagnes et réduit l’attractivité de nos territoires.
Afin de répondre aux attentes des Français, qui sont plus attachés que jamais à leur ruralité, et face au désengagement de l’État, beaucoup de maires prennent aujourd’hui position pour recréer en milieu rural une offre scolaire de proximité, privée ou associative, car ils savent que c’est essentiel pour donner à leurs jeunes l’envie d’y rester et d’y faire leur vie.
Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour rapprocher l’école rurale publique des habitants de ces territoires ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Drexler, le Gouvernement est particulièrement attaché à la place de l’école dans la ruralité. Lorsque j’étais rectrice de l’académie de Limoges – c’était il y a très longtemps –, cette question comptait parmi mes préoccupations majeures.
À la rentrée 2023, près de 18 % des élèves français étaient scolarisés dans 14 800 écoles publiques situées en zone rurale ; ces chiffres vous donnent une idée de la densité de notre maillage scolaire territorial. Les taux d’encadrement y sont favorables et s’améliorent d’année en année, en raison de la déprise démographique. Le nombre moyen d’élèves par classe est à ce jour de 19,4 dans les communes rurales éloignées et de 21,5 dans les autres communes rurales ; ces chiffres sont bas, inférieurs au ratio national, qui est, hors éducation prioritaire, de 22,7 élèves par classe.
Des politiques dédiées aux écoles rurales sont mises en œuvre ; elles ont été renforcées depuis 2018.
Je tiens ici à rappeler que le Président de la République s’est engagé à ce qu’aucune école rurale ne soit fermée sans l’accord du maire de la commune.
M. Jean-Michel Arnaud. L’engagement portait sur les fermetures de classes !
Mme Marie-Pierre Monier. Non, sur les fermetures d’écoles.
Mme Nicole Belloubet, ministre. L’engagement du Président de la République a bien trait aux fermetures d’écoles.
Je pense également au développement des regroupements pédagogiques intercommunaux – vous les avez cités, madame la sénatrice – ou des réseaux d’écoles. Nous avons pris un certain nombre d’engagements qui tous visent à maintenir la présence des écoles dans la ruralité.
Je rappelle en outre qu’un plan d’action pour notre école dans les territoires ruraux a été lancé par Élisabeth Borne et confirmé via le déploiement du plan France ruralités. C’est dans ce cadre qu’a été créée une instance de dialogue et de coordination entre l’État et les élus, l’Observatoire des dynamiques rurales.
Bref, un véritable effort est consenti pour maintenir la place de l’école publique dans les territoires ruraux. Nous devons bien entendu continuer et je veillerai notamment à ce que, dans les années à venir, les procédures de carte scolaire soient mieux préparées et fassent l’objet d’une anticipation de plus long terme, afin de prévenir les difficultés que vous évoquez.