M. le président. La séance est reprise.
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Maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, présentée par M. Dany Wattebled, Mme Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 4, texte de la commission n° 325, rapport n° 324).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être coauteure, avec Dany Wattebled, de la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui.
Il ne peut être présent ; je le regrette et lui souhaite un prompt rétablissement.
De plus, il m’est impossible de ne pas faire référence à mon prédécesseur Jean-Pierre Decool, qui est également à l’initiative de cette proposition.
Mme Audrey Linkenheld. Tout s’explique !
Mme Marie-Claude Lermytte. J’ai pris mes fonctions lors du renouvellement d’octobre dernier ; je veux donc assurer mon groupe de ma reconnaissance pour m’avoir accordé sa confiance dans le cadre de sa niche parlementaire.
Mes chers collègues, la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, examinée aujourd’hui, jouit de deux qualités : le pragmatisme et la simplicité.
Elle prévoit d’autoriser les communes rurales de moins de 2 000 habitants à déroger à la fameuse règle des 20 % de participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage, de manière automatique et pérenne.
Je le sais bien, il existe déjà des dérogations accordées au cas par cas par le préfet de département, notamment pour la rénovation des monuments protégés, la réparation des dégâts causés par des calamités naturelles, les opérations concernant le patrimoine non protégé, les ponts et ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense extérieure contre les incendies et la construction, la reconstruction, l’extension et la réparation des centres de santé.
Ces dérogations sont en effet possibles si, et seulement si, le préfet juge la participation minimale disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage.
Comme vous l’avez certainement constaté dans vos départements, ces dérogations sont rarement accordées, ce pour plusieurs raisons.
De nombreuses communes rurales ne sont pas informées de l’existence de telles dérogations.
La complexité administrative, la lourdeur des dossiers à compléter pour demander ces dérogations sont des freins et nombre de communes sont confrontées à des difficultés d’accès à l’ingénierie. Ainsi, les communes se voient contraintes de différer, voire de renoncer au lancement des projets d’équipement.
Oui, les maires des communes concernées se résignent et ne déposent même pas de dossier pour obtenir les subventions. À quoi bon, puisque leurs communes ne peuvent pas apporter les 20 % minimaux ?
Madame la ministre, vous l’aurez compris, le sénateur Wattebled et moi-même visons un objectif simple : il s’agit de rendre cette dérogation automatique et pérenne.
Au début de l’année 2023, le sénateur Decool avait appelé votre attention sur cette proposition de loi ; vous aviez exprimé deux réserves.
La première réserve concernait la responsabilisation des collectivités dans la conduite de leurs projets d’investissement. Initialement, il était en effet proposé de permettre à ces communes de monter des projets complètement subventionnés.
Lors des auditions du rapporteur, dont je salue le travail et la qualité d’écoute – ce fut pour moi une belle rencontre –, les élus auditionnés ont estimé qu’il importait de conserver une participation minimale, afin de responsabiliser les conseils municipaux sur le choix des investissements à réaliser.
Aussi le rapporteur a-t-il souhaité maintenir un reste à charge de 5 %, initiative que l’on ne peut que soutenir.
La seconde réserve exprimée consistait à dire que les attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) conduisaient à limiter le reste à charge en deçà de 20 %.
Dans la majorité des cas, cela n’enlève en rien les 20 % restants. Les communes doivent la plupart du temps avancer la trésorerie en recourant à un prêt relais à deux ans, mais, vous le savez, toutes ne le peuvent pas.
Le dispositif que nous proposons aujourd’hui au Sénat, rééquilibré par les travaux en commission, apporte une réponse à ces questionnements.
Lors d’une interview en novembre dernier, vous avez dit : « La première chose à faire est de dire à nos maires qu’on les aime. » Quand on aime, on en donne des preuves… (Mme la ministre déléguée sourit.)
Le Sénat vous propose aujourd’hui d’adopter une disposition simple et pragmatique fondée sur la confiance en nos élus ruraux. En somme : une preuve d’amour… Ce n’est pas en ce jour de Saint-Valentin que vous pourrez nous dire… leur dire le contraire !
Monsieur le rapporteur, lors de nos différents échanges, nous nous sommes très vite aperçus d’un point de divergence.
En effet, vous proposez de limiter le champ des projets d’investissement pouvant ouvrir le bénéfice de cette dérogation aux communes rurales, afin de cibler les projets les plus structurants.
Or Dany Wattebled et moi-même pensons qu’il n’est pas de la responsabilité du législateur d’indiquer aux élus ce qui mérite d’être financé et ce qui ne le mérite pas.
Aussi – je le redirai certainement au cours de l’examen de l’article unique –, je voterai contre cet amendement.
Vous proposez également d’exclure du bénéfice de cette dérogation les communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants. L’objectif de ce texte étant de permettre de soulager les communes les plus fragiles, nous soutenons cette initiative.
Mes chers collègues, nos communes rurales sont à bout de souffle financièrement.
À défaut d’une mise à plat du système de financement des collectivités locales, que Pierre Moscovici appelait de ses vœux au Sénat le 12 octobre 2022, il incombe au législateur d’assurer l’application pleine et entière du principe constitutionnel de libre administration.
Ce texte n’est évidemment pas la panacée, mais il ferait une réelle différence s’il était adopté. Il est grand temps d’accorder aux élus locaux la confiance qu’ils méritent, en leur redonnant de véritables moyens d’agir.
Mes chers collègues, j’espère pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hussein Bourgi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, qu’il me soit permis de dire à Mme la ministre Dominique Faure le plaisir qui est le mien de la retrouver au banc des ministres aujourd’hui. (Mme la ministre déléguée remercie l’orateur.)
Madame la ministre, je suis persuadé que nous serons très nombreux à souhaiter œuvrer à vos côtés, pour les années à venir, au service de nos collectivités territoriales et de la ruralité.
Nous le savons toutes et tous, les élus locaux nous font régulièrement part de leurs difficultés pour lancer les projets d’investissement dont leurs communes ont pourtant cruellement besoin.
Cette situation touche particulièrement les communes rurales, dont les budgets sont les plus contraints, alors qu’elles ont, comme les plus grandes, des besoins en matière d’équipement et d’aménagement.
Ce constat s’explique en partie par l’érosion des ressources financières des collectivités locales, mais aussi par l’existence de règles trop rigides, introduites afin de limiter la pratique des financements croisés. Il faut cependant reconnaître que cette régulation des financements croisés pénalise parfois la réalisation de certains investissements particulièrement onéreux dans les communes rurales.
La règle de participation financière minimale des collectivités territoriales aux projets d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage, issue de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, illustre parfaitement cette problématique.
Cette règle impose aux collectivités territoriales – vous le savez – de participer à hauteur de 20 % minimum aux projets d’investissement qu’elles lancent en qualité de maître d’ouvrage.
Ce reste à charge de 20 % paraît disproportionné pour les communes rurales et contraint de nombreux élus de ces communes à différer certains projets d’investissement pourtant indispensables, voire à y renoncer.
À titre d’exemple, le reste à charge pour la restauration d’une église représente parfois l’équivalent de trois années de budget pour ces communes.
M. François Bonhomme. Exact !
M. Hussein Bourgi, rapporteur. Plusieurs mécanismes de dérogation ont été introduits par le législateur pour appliquer de manière moins rigide cette règle.
Ainsi – et c’est automatique –, les collectivités ultramarines qui font face à d’importantes difficultés budgétaires structurelles ne sont pas tenues de respecter cette règle.
D’autres dérogations sont accordées au cas par cas par le préfet de département. Celui-ci peut, par exemple, accorder des dérogations au taux de participation minimale de 20 % pour la réparation des dégâts provoqués par les calamités naturelles, notamment lorsqu’il estime que la participation minimale est disproportionnée au regard de la capacité financière du maître d’ouvrage. Nous devons cet amendement à notre collègue la présidente Françoise Gatel, qui avait fait voter un amendement allant en ce sens dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité.
Ces possibilités de dérogation sont toutefois peu connues, comme l’a rappelé Marie-Claude Lermytte, tant de la part des élus que – cela est plus surprenant – des préfets, qui méconnaissent ces dispositions ; en outre, les demandes de dérogation sont complexes à formuler, alors que les communes rurales éprouvent des difficultés d’accès aux dispositifs d’ingénierie locale.
Ainsi, en raison de ces difficultés, en 2022, trois ans après le vote de la loi Engagement et proximité, seule une centaine de dérogations avaient été octroyées dans toute la France, pour 22 000 subventions accordées, ce qui représente à peine 0,45 % des projets. Pourtant, cette année-là, le nombre de communes impactées par les calamités naturelles était bien plus important que ces cent dérogations.
Ce constat étant fait, j’en viens à la proposition de loi présentée par nos collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, dont je tiens à saluer le travail, qui vise précisément à répondre à cette problématique, en créant une nouvelle dérogation pour le financement des projets dont les communes rurales assurent la maîtrise d’ouvrage.
Dans sa version initiale, l’article unique de cette proposition de loi prévoyait ainsi d’exonérer intégralement les communes rurales de l’obligation de participation minimale du maître d’ouvrage, sur le modèle de l’exonération intégrale et permanente dont bénéficient déjà les collectivités ultramarines, pour leur permettre de réaliser les investissements dont elles ont besoin.
La commission des lois s’est montrée favorable à la création de cette nouvelle dérogation pour les communes rurales, et a par la même occasion relevé que cette proposition de loi répondait à une préoccupation exprimée par le Sénat dès l’introduction de cette règle en 2010 : en effet, dans son rapport pour avis sur la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite loi RCT, notre ancien collègue Charles Guené se demandait déjà : « Est-il possible d’appliquer aux petites communes rurales les mêmes règles en matière de cofinancement qu’à de vastes communes riches ? »
Cette réflexion pleine de bon sens reste toujours d’actualité. Elle a éclairé les travaux de la commission des lois, qui a par conséquent adopté cette proposition de loi après avoir procédé, avec l’aval des auteurs de la proposition de la loi à trois modifications, que je vais énoncer successivement.
En premier lieu, nous avons supprimé la référence à un article réglementaire du code général des collectivités territoriales qui figurait dans la proposition de loi, pour inscrire directement dans la loi les communes concernées par cette dérogation.
La commission des lois a souhaité centrer cette dérogation sur les communes de moins de 2 000 habitants, afin de cibler les communes rurales dont les budgets sont les plus contraints ou les plus modestes.
En second lieu, la commission des lois a souhaité remplacer l’exonération intégrale prévue par la proposition de loi initiale par une participation minimale de 5 % aux opérations d’investissement dont les communes concernées assurent la maîtrise d’ouvrage.
Sur proposition des maires auditionnés et des présidents de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), nous avons retenu une participation minimale, qui méritait d’être conservée pour responsabiliser les conseils municipaux sur les choix des investissements à réaliser.
En troisième lieu, la commission a supprimé le gage financier, qui n’apparaissait pas nécessaire.
Dans la continuité de la ligne suivie par la commission des lois, je vous proposerai tout à l’heure d’adopter deux amendements, afin de mieux cibler la dérogation créée par la présente proposition de loi.
Le premier amendement vise à limiter le champ des projets d’investissement pouvant ouvrir le bénéfice de la dérogation créée par la proposition de loi, afin de cibler les projets les plus structurants et d’éviter de subventionner des projets dont l’importance n’est pas certaine.
Le but de cet amendement est de centrer la dérogation sur les projets essentiels, par exemple en matière de rénovation du patrimoine, pour des églises et des chapelles, de travaux d’eau et d’assainissement, de restauration de ponts et d’ouvrages d’art, de travaux de voirie ou encore de protection contre les incendies et de rénovation thermique des bâtiments. Ainsi, nous nous inscrivons dans le droit fil des travaux de notre collègue Nadège Havet, dont je rappelle la pertinence de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.
Le second amendement a pour objet d’éviter les effets d’aubaine. En effet, certaines communes rurales de moins de 2 000 habitants ne sont pas confrontées à des difficultés budgétaires particulières, parce qu’elles ont la chance de bénéficier par exemple de retombées économiques importantes liées à des activités touristiques. Je pense en particulier aux communes de montagne qui exercent des activités thermales.
Il importe donc de cibler les communes rurales éprouvant réellement des difficultés pour lancer les projets d’investissement dont elles ont besoin. Dans cette optique, l’amendement vise à réserver le bénéfice de la dérogation aux communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants.
Je rappelle enfin que, si cette proposition de loi constitue indéniablement un progrès qui permettra aux communes rurales de lancer enfin certains projets d’investissement, elle ne suffira pas à elle seule à résoudre l’ensemble des problèmes que rencontrent les communes rurales et les élus locaux pour lancer des opérations d’investissement.
Lors des auditions, comme l’a indiqué Mme Lermytte, d’autres problèmes nous ont été signalés, à commencer par la question du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, qui pose des problèmes récurrents de trésorerie, puisque cela contraint les collectivités territoriales à avancer des frais importants. Les maires que nous avons auditionnés m’ont ainsi indiqué que la TVA n’était parfois remboursée que l’année suivante, voire deux ans après.
Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l’adoption des deux amendements que je vous présenterai tout à l’heure, la commission des lois, mes chers collègues, vous invite à voter la proposition de loi ainsi amendée.
Lisibilité, clarté, efficacité : telles sont les trois boussoles qui ont guidé les auteurs de la proposition de loi, Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte. Ce sont ces mêmes boussoles qui ont guidé mes travaux.
Je forme le vœu que vous réserviez un accueil favorable à cette proposition de loi, qui est unanimement attendue par les élus des communes rurales concernées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des lois Frassa, monsieur le rapporteur, madame l’auteure de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales. Ce texte des sénateurs Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte prévoyait dans sa version initiale une dérogation complète pour la maîtrise d’ouvrage dans les communes rurales.
Le Gouvernement est particulièrement conscient des besoins des communes rurales ; je crois qu’il a su démontrer à quel point il était attaché à soutenir leurs projets et à leur permettre de se développer.
Je n’ai jamais manqué de demander aux préfets de se saisir des possibilités de dérogation qu’ils ont à disposition, pour porter le soutien aux communes rurales au plus haut niveau. Ainsi, je reconnais que je partage au moins l’objectif de la présente proposition de loi.
Voilà les preuves que nous sommes bien sur cette ligne : depuis deux ans, nous avons décidé d’augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et de nouveau de 320 millions d’euros dans le PLF pour 2024. Ces efforts en faveur de la DGF ont permis de soutenir massivement les communes rurales ; ils leur ont donné la capacité de financer des dépenses de fonctionnement et ont permis de lever un frein à leur investissement.
Parallèlement, le Gouvernement a fait des efforts significatifs pour soutenir directement les dépenses des collectivités territoriales au cours de ces dernières années. Nous avons porté le fonds vert à 2,5 milliards d’euros cette année, et nous avons acté le doublement des dotations d’investissement en deux ans. Vous le savez, c’est inédit.
Vous m’interpellez en réclamant encore plus de preuves d’amour pour nos élus locaux.
M. François Bonhomme. On va étouffer ! (Sourires.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même si nous ne répondons pas à toutes vos attentes, les preuves d’amour sont là,…
M. François Bonhomme. N’abusez pas ! (Mêmes mouvements.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … dans ce que nous proposons à nos élus locaux et aux maires de notre ruralité.
Cette logique d’accompagnement est aussi très présente dans le plan France Ruralités, annoncé par Élisabeth Borne le 15 juin 2023. J’ai pu mesurer tout à l’heure, dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, à quel point ce plan était attendu. Je vous invite à vous en saisir. Il permettra des recrutements pour les programmes Villages d’avenir. Il bénéficiera directement aux communes de moins de 2 000 habitants.
Villages d’avenir, vous l’avez dit, madame Lermytte, c’est de l’ingénierie gratuite pour aider ces communes qui étaient jusqu’alors oubliées des différents programmes déployés, en les aidant à passer de l’idée au projet.
Ingénierie, fonctionnement, investissement : nous sommes pleinement mobilisés auprès des territoires ruraux pour les aider à se développer et à mener à bien leurs projets.
Bien évidemment, si nous sommes pleinement mobilisés aux côtés des collectivités pour accompagner la mise en œuvre de leurs projets, nous ne perdons pas de vue que la règle de la participation minimale du maître d’ouvrage, aujourd’hui fixée à 20 % du montant de l’investissement, peut parfois être un frein.
Il existe déjà des dérogations possibles à cette règle. C’est notamment le cas pour la rénovation des monuments protégés, les ponts et ouvrages d’art en cas de situation d’urgence, de nécessité publique ou de calamité publique. Ces dérogations sont laissées à l’appréciation du représentant de l’État dans le département, dans un souci de déconcentration de la décision publique.
Je partage le constat selon lequel ces dérogations ne sont pas suffisamment fréquentes. Vous pouvez compter sur mon complet soutien, pour encourager les préfets, comme Gérald Darmanin le fait régulièrement, à se saisir de ces possibilités de dérogation.
Au mois de décembre dernier, dans cet hémicycle, vous avez voté à l’unanimité une proposition de loi visant à abaisser le taux de participation minimale du maître d’ouvrage pour les travaux de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. J’avais émis un avis favorable sur ce texte.
Vous l’aurez donc compris, je suis favorable par principe à ce type de dérogation. Je reste néanmoins attachée à deux principes essentiels.
Nous ne devons pas déresponsabiliser totalement les communes. S’il convient bien sûr de les aider, elles doivent rester parties prenantes de leurs projets. Sinon, vous nous direz encore que l’État fait tout à leur place, alors que nous voulons exactement le contraire ! Ce que nous voulons, c’est rendre les communes capables de choisir et de porter jusqu’au bout leurs projets. Faisons-leur donc confiance en leur demandant de continuer à participer au financement de leurs projets à hauteur de 20 %, en exceptant les cas que je viens de citer et qui feront l’objet de dérogations.
Comme je l’avais précisé lors de nos débats sur le bâti scolaire, il me paraît essentiel de conserver une participation minimale du maître d’ouvrage, qui permet de le responsabiliser tant dans le choix de l’investissement qu’il entreprend que dans sa capacité à assurer ensuite le fonctionnement et l’entretien de cet investissement.
Initialement, cette participation minimale n’était pas prévue dans la proposition de loi sénatoriale. Je remercie la commission des lois d’avoir rehaussé, dans le cadre de l’examen du texte, cette participation minimale à 5 %.
Si une telle évolution était nécessaire, comme je l’ai rappelé lors de l’examen de la proposition de loi sur le bâti scolaire, une participation minimale au moins égale à 10 % me semble indispensable pour que les communes se sentent pleinement responsables financièrement des projets qu’elles entreprennent.
Je regrette par ailleurs que la proposition de loi prévoie une dérogation aussi générale et absolue, qui ne permet pas de tenir compte de la capacité de la commune à porter le projet, y compris pour ce qui concerne les charges de fonctionnement. Allons-nous mettre en danger nos communes en les poussant à réaliser des investissements trop lourds dont elles ne pourraient peut-être pas supporter les charges ? Nous devons pouvoir tenir compte de la situation financière spécifique de chaque commune, avant de décider de l’accompagner à hauteur de presque 100 % du coût du projet. À nos yeux, il s’agit simplement d’un principe de réalité.
Vous l’aurez compris, je partage totalement l’objectif d’accompagner le plus fortement possible les communes rurales. Je salue les améliorations qui ont été apportées lors de l’examen de ce texte en commission. Néanmoins, je ne peux en l’état qu’émettre un avis défavorable sur ce texte, qui ne permet pas de garantir le niveau de responsabilisation de nos communes que nous attendons.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une proposition de loi qui a du sens et qui n’est pas sécuritaire, c’est bien, par les temps qui courent ! (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) L’attention réelle que porte notre chambre des territoires aux problèmes rencontrés par nos collectivités locales n’a d’égale que la qualité des travaux et le pragmatisme dans la recherche de solutions souvent unanimement acceptées.
Aussi, j’adresse mes sincères remerciements aux auteurs du texte, qui, face aux difficultés d’agir de l’échelon local, tentent d’apporter une réponse rapide, pratique et efficace.
Lors des travaux de la délégation aux collectivités territoriales menés sous la présidence de Françoise Gatel, ainsi que du groupe de travail sur la décentralisation sous la présidence de Gérard Larcher,…
M. François Bonhomme. Tout le monde a gagné ! (Sourires.)
M. Laurent Burgoa. Que de belles références ! (Mêmes mouvements.)
M. Guy Benarroche. … nous avons pu appréhender, au travers d’échanges toujours fructueux, les différents points durs qui bloquent l’action de nos territoires.
Vous le savez, notre groupe, comme les écologistes en général, est particulièrement attentif à ces problématiques. Notre mouvement a en effet toujours été partisan d’aller « du local au global ».
Comme tous ici, nous sommes très conscients des difficultés budgétaires des plus petites communes et des freins qu’elles représentent pour ce qui concerne leur investissement dans des projets souvent nécessaires.
Nous faisons également le constat, depuis plusieurs années, d’une raréfaction et d’une complexification des ressources fiscales et financières, faisant des finances locales un système imprévisible, illisible et inaccessible, notamment pour les élus des plus petites collectivités. La libre administration des collectivités est mise à mal par cette perte d’autonomie fiscale, puisque, en quinze ans, trois fiscalités locales ont disparu : la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Nous alertons également sur le rôle sans cesse croissant du préfet dans la gouvernance des projets d’innovation ou d’investissement. Nous insistons sur ce point : ce n’est ni aux préfets ni aux sous-préfets de dicter les projets locaux qui doivent se développer. Donner trop de pouvoirs au préfet et à l’État au détriment du maire et des élus locaux affaiblit les initiatives locales, et constitue de fait une recentralisation déconcentrée des pouvoirs.
M. le rapporteur, dont je salue le travail, a mis en avant la problématique du rôle joué par le préfet.
Si, à l’heure actuelle, la règle générale que la proposition de loi vise à modifier pour les petites communes est un taux de participation minimal de 20 % des collectivités pour les projets d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage, il existe déjà des dérogations.
Toutefois, peu connues, très limitées dans leurs objets, et complexes pour ce qui concerne la constitution des dossiers de demande, ces dérogations, qui sont à la main des préfets, ne se font que trop rares. Ainsi, en 2022, seulement une centaine de projets ont-ils vu le jour, sur les 22 000 projets d’investissement lancés. L’amendement déposé par M. le rapporteur et permettant de centraliser et de définir précisément le périmètre des projets susceptibles de bénéficier de la dérogation créée par ce texte nous paraît tout à fait pertinent. C’est la raison pour laquelle nous le voterons.
L’an dernier, j’ai eu la chance de mener une mission d’information relative à la transition environnementale dans les collectivités territoriales avec mes collègues Pascal Martin et Laurent Burgoa. Un grand nombre des auditions que nous avons menées insistent sur la complexité du « premier pas », c’est-à-dire du premier investissement. Nos collectivités sont au centre de l’action nécessaire en faveur de la transition écologique.
Je le rappelle, leurs difficultés à investir sont aussi une question d’ingénierie. Sans une aide en matière de fonctionnement et d’ingénierie, les petites communes ne pourront pas mettre en œuvre certains projets de transition. Outre cette aide pour les projets d’investissement, il est également nécessaire – il semble que M. le ministre Christophe Béchu nous ait quelque peu entendus sur ce point – que l’État puisse accompagner et aider au financement des charges de fonctionnement très souvent induites par ces investissements.
Notre groupe votera l’amendement de M. le rapporteur que j’ai évoqué, ainsi que l’ensemble de ce texte, afin de libérer les initiatives des petites communes et de mettre fin aux décisions discrétionnaires des préfets. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et INDEP.)