M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit sur l’accord en question, y compris dans le texte de la proposition de résolution très complète qui a été présentée par les sénateurs du groupe Les Républicains et par ceux du groupe Union Centriste.
Je fais évidemment miennes l’ensemble des objections très sérieuses qui ont été soulevées. Cependant, je m’autorise quelques remarques.
Il m’apparaît tout d’abord que l’accord négocié par la Commission européenne et annoncé comme « conclu » dès le mois de juin 2019 n’est pas du meilleur intérêt pour la France. Parlons clair, au risque de ne pas faire montre du meilleur esprit européen : l’accord UE-Mercosur est surtout un accord voulu et promu par l’Allemagne et configuré pour ouvrir de grands marchés latino-américains à ses exportations automobiles et d’équipement industriel !
Plutôt que d’assumer cette divergence d’intérêts commerciaux au sein de l’Union européenne et d’affirmer ouvertement son opposition à la conclusion d’un tel accord, le gouvernement français a préféré tergiverser et se cacher derrière des arguments qui ne sont, pour l’essentiel, que des prétextes. (M. le ministre le conteste.)
Premier argument, l’accord proposé par la Commission européenne ne serait pas suffisamment vertueux dans les domaines climatique et environnemental. Il conviendrait par conséquent de le compléter pour obtenir des pays du Mercosur des engagements additionnels en matière de respect de l’accord de Paris et de lutte contre la déforestation. Dont acte.
Un projet de protocole additionnel est à présent sur la table, mais les pays du Mercosur rechignent encore à l’accepter. Le danger est toutefois réel pour la France que l’accord amélioré ne soit bientôt finalisé et que cet argument à l’encontre de sa conclusion ne tienne plus.
Deuxième argument, les produits agricoles originaires des pays du Mercosur et libéralisés au titre de l’accord n’obéiraient pas aux mêmes normes et standards de production que ceux qui sont imposés aux producteurs européens. Il conviendrait donc d’inclure dans l’accord des clauses dites miroirs, comme préalable à une telle ouverture commerciale. Soit.
Sauf que ce concept même de clauses miroirs est une invention franco-française, un gadget qui n’a jamais été clairement entériné par nos partenaires européens et a fortiori accepté par les pays avec lesquels nous sommes appelés à conclure des accords commerciaux. Des obstacles autant pratiques que juridiques empêchent que l’on puisse généraliser, comme certains voudraient le faire croire, l’imposition aux produits importés de tous les standards de production appliqués dans l’Union européenne. Certes, la Commission européenne a un rapport semblant ouvrir la voie à des progrès dans ce sens. Néanmoins, elle a bien insisté sur les difficultés de l’entreprise et souligné que des dispositions ne pourraient être prises qu’au cas par cas, produit par produit, norme par norme, accord par accord, selon des critères de faisabilité.
Il n’est donc pas étonnant que ce projet français n’ait connu que de très faibles avancées sous les présidences suivantes de la République tchèque, de la Suède et de l’Espagne.
Mes chers collègues, le gouvernement français devrait cesser d’avancer masqué et assumer clairement son opposition ferme à cet accord UE-Mercosur sans chercher de prétextes autres que la défense de nos intérêts nationaux et la protection de nos secteurs agricoles les plus sensibles, déjà lourdement affectés par les accords conclus avec le Canada et la Nouvelle-Zélande. À cet égard, il est important d’empêcher que la Commission européenne ne scinde l’accord, ne mette éventuellement la France en minorité au Conseil et n’ouvre la voie à sa conclusion sur la base de la seule approbation du Parlement européen.
Au risque de paraître politiquement incorrect, y compris aux yeux des membres de mon propre groupe, je considère que les clauses miroirs sont surtout un miroir aux alouettes ! Si l’on veut véritablement ne pas infliger à nos producteurs agricoles la concurrence déloyale de produits brésiliens et autres obtenus dans des conditions très différentes de celles qu’eux-mêmes doivent respecter, il suffit de ne pas réduire ou éliminer les droits de douane qui les protègent et de ne pas ouvrir les contingents tarifaires prévus dans le projet d’accord. C’est à la fois plus honnête et, surtout, plus efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat l’examen de la présente proposition de résolution, dont je salue les auteurs, Sophie Primas et Jean-François Rapin. Cela nous permet de faire le point sur le potentiel accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Ce sujet, auquel la société civile de même que le Gouvernement prêtent une grande attention, nous mobilise particulièrement.
En effet, un tel débat illustre très concrètement le travail mené par la France pour rendre la politique commerciale européenne plus durable et plus équilibrée. Il s’agit de faire en sorte qu’elle soit bénéfique à tous, et d’abord aux Français, donc à nos intérêts nationaux, monsieur le sénateur Panunzi ; j’entendais vos arguments, qui sont totalement loyaux.
En premier lieu, la France œuvre à renforcer la protection du climat – ce n’est pas incompatible ! – et de l’environnement en général, ainsi que celle des droits des travailleurs au sein de la politique commerciale européenne.
C’est un travail de longue haleine, entamé dès 2017. Il s’est notamment concrétisé avec la nouvelle stratégie de la Commission européenne pour une politique commerciale « ouverte, durable et assertive ». Cette politique s’est aussi traduite par des avancées sous présidence française du Conseil de l’Union européenne, avec, par exemple, l’adoption par la Commission européenne d’une nouvelle approche en matière de commerce et développement durable. Celle-ci est depuis progressivement déclinée dans les nouveaux accords, par exemple avec la Nouvelle-Zélande, le Chili et le Kenya, et dans les négociations en cours.
Il me faut mentionner deux règlements entrés en vigueur en 2023 : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) – certains l’ont mentionné – et le règlement « zéro déforestation ». Je sais que ce dernier rejoint vos préoccupations : il vise à interdire la mise sur le marché européen des produits ayant contribué à la déforestation en Europe comme dans les pays tiers.
Ce sont des avancées majeures et réelles.
Dans le cas du potentiel accord entre l’Union européenne et le Mercosur, le Président de la République a rappelé à la COP28, au mois de décembre dernier, sa position constante : l’accord n’est pas acceptable en l’état. Il n’est pas envisageable de conclure un accord qui ne serait pas à la hauteur des enjeux climatiques et environnementaux d’aujourd’hui et qui ne protégerait pas nos intérêts économiques.
Nous avons signalé à de nombreuses reprises la nécessité d’avoir des engagements additionnels contraignants et ambitieux sur le développement durable. Nous continuerons de le faire.
Je me félicite par conséquent de la convergence de vues entre le Gouvernement et le Sénat sur le sujet.
En second lieu, l’ouverture commerciale reste nécessaire à l’économie française, mais elle ne doit pas s’effectuer au détriment de l’environnement.
L’ouverture reste nécessaire pour nos entreprises françaises, mais aussi pour la sécurité de nos approvisionnements. Toutefois, il ne serait pas compréhensible que les efforts consentis par les producteurs européens se traduisent par une hausse des importations en provenance de pays moins-disants en matière environnementale.
Nous avons obtenu des avancées majeures en ce sens durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. La promotion des mesures miroirs est un élément significatif de ce bilan.
Comme vous le savez, il s’agit de mesures de politique sectorielle : elles sont incluses dans la législation de l’Union européenne et distinctes des accords de commerce. Elles consistent à appliquer certains standards environnementaux et sanitaires européens à l’ensemble des produits importés de tous les pays tiers. De telles mesures sont mises en place lorsqu’elles sont jugées nécessaires. Rien n’empêche les États tiers d’exercer leur souveraineté réglementaire. Nous défendons la nôtre. Lorsque des mesures sont indispensables pour protéger la santé publique ou l’environnement en Europe, nous les assumons.
Je constate que les auteurs de la présente proposition de résolution formulent des regrets quant au manque d’avancées en matière de mesures miroirs. Je ne partage pas une telle analyse. Nous avons des premiers résultats : d’abord – c’est une victoire française –, une mesure miroir concernant l’interdiction d’importer des viandes bovines traitées avec des antimicrobiens ; ensuite – c’était un combat du Parlement européen et des institutions européennes, et la France y a participé –, l’interdiction d’importer des biens agricoles contenant des traces de deux néonicotinoïdes néfastes pour les pollinisateurs.
Ce sont de premiers résultats qu’il convient de conforter : chaque proposition ou révision de législation sectorielle doit faire l’objet d’un réflexe mesure miroir au stade de l’étude d’impact. Je pense qu’il s’agit d’un point essentiel dans notre réflexion collective.
C’est à ce moment-là que la Commission européenne doit s’interroger sur l’utilité d’étendre sa proposition aux importations. Je me félicite que votre texte soutienne ce travail de généralisation.
Cependant – il faut en avoir conscience –, c’est un travail qui demande du temps : de telles mesures doivent reposer sur un fondement scientifique solide. Il y a un risque de rétorsions de la part de nos partenaires. Il faut nécessairement laisser à ces pays le temps de s’adapter aux dispositions que nous adoptons. Nous-mêmes, nous n’accepterions pas non plus que nos exportations soient soumises à de brusques changements de législation des pays tiers sans période de transition.
Nous ne devons pas craindre un agenda commercial ouvert tant qu’il reste durable et équilibré ! La négociation entre l’Union européenne et le Mercosur en est l’illustration concrète : nous ne soutiendrons pas un accord à tout prix. En l’état actuel, l’accord devra être profondément amélioré sur ces thématiques : c’est une position constante du Gouvernement.
Mme Cécile Cukierman. Dans ce cas, autant renoncer à toute idée de souveraineté alimentaire !
M. Stéphane Séjourné, ministre. Je souhaite profiter de l’occasion que vous m’offrez aujourd’hui – c’est mon premier débat en tant que ministre dans cet hémicycle – pour dissiper un doute. Oui, on peut s’opposer à l’accord avec le Mercosur en l’état et, en même temps (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), chercher à approfondir nos liens avec l’Amérique latine !
Pourquoi ? Tout d’abord, parce que l’Union européenne et les États du Mercosur partagent des liens historiques et politiques anciens et étroits. Nous partageons aussi des valeurs, celles de l’État de droit et du respect de la personne humaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique commerciale de l’Union européenne a un rôle important à jouer pour ouvrir des débouchés pour nos entreprises, mais aussi pour sécuriser nos approvisionnements. Pour autant, nous ne soutiendrons pas un accord à tout prix, même avec des pays amis. Le Gouvernement partage en cela les préoccupations que vous avez exprimées dans cette proposition de résolution. Nous sommes à l’œuvre sur de nombreux points qui sont mentionnés dans ce texte.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis de sagesse bienveillante (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) sur la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution relative aux négociations en cours en vue d’un accord commercial entre l’union européenne et le mercosur
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 50 bis du Règlement du Sénat,
Vu l’Accord d’association conclu entre la Commission européenne et le Mercosur le 28 juin 2019,
Vu l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce du 30 octobre 1947,
Vu le traité d’Asunción du 7 mars 1991 fondant le marché commun du Sud entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 3, 4, 7, 11, 12, 13, 206 et 207,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 22 juin 2022, intitulée « La force des partenariats commerciaux: ensemble pour une croissance économique verte et juste », COM(2022) 409 final,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 février 2021, intitulée « Réexamen de la politique commerciale – Une politique commerciale ouverte, durable et ferme », COM(2021) 66 final,
Vu l’avis politique relatif à la consultation publique lancée par la Commission européenne, intitulée « Commerce et développement durable dans les accords commerciaux de l’Union européenne : réexamen de l’approche actuelle », adopté par la commission des affaires européennes du Sénat le 28 octobre 2021, et la réponse de la Commission européenne du 2 février 2022,
Vu l’avis 2/15 de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accord de libre-échange avec Singapour,
Vu la Charte des droits fondamentaux, et notamment son article 37,
Vu l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016,
Vu le cadre mondial sur la biodiversité de Kunming-Montréal du 18 décembre 2022,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l’Europe », COM(2019) 640 final,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, intitulée « Ramener la nature dans nos vies », COM(2020) 380 final,
Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, dans un document intitulé « L’urgence d’agir », 11829/20,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie « De la ferme à la table », intitulée « Pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », COM(2020) 381 final,
Vu la note du 4 février 2022, présentée par la France lors du Conseil de l’Union européenne en formation « Agriculture et pêche » du 21 février 2022, intitulée « Renforcer la cohérence entre le Pacte vert, la PAC et la politique commerciale pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables »,
Vu le rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil du 3 juin 2022, intitulé « Application des normes sanitaires et environnementales de l’Union aux produits agricoles et agroalimentaires importés », COM(2022) 226 final,
Vu l’article 118 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE,
Vu l’arrêté du 21 février 2022 portant suspension d’introduction, d’importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d’animaux provenant de pays tiers à l’Union européenne ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement,
Vu l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime,
Vu l’article 12 bis de la proposition de loi n° 349 (2022-2023) pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France,
Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010,
Vu la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée 2018-2030, adoptée le 14 novembre 2018,
Vu le rapport du Sénat intitulé « Alimentation durable et locale », n° 620 (2020-2021) – 19 mai 2021 – de MM. Laurent Duplomb, Hervé Gillé, Daniel Gremillet, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Frédéric Marchand et Mme Kristina Pluchet, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques,
Vu le rapport du Sénat intitulé « Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique », n° 755 (2021-2022) – 6 juillet 2022 – de Mmes Sophie Primas, Amel Gacquerre et M. Franck Montaugé, fait au nom de la commission des affaires économiques,
Vu la réponse de Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, à la question posée au Sénat par M. Jean-François Rapin le 21 juin 2023,
Vu la résolution de l’Assemblée nationale relative à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur du 13 juin 2023,
Considérant que le président de la République fédérative du Brésil, M. Luiz Inácio Lula da Silva, en visite officielle en France les 22 et 23 juin 2023, a jugé la signature de cet accord « urgente et hautement indispensable » pour son pays et qu’il a indiqué souhaiter « soulever [avec le président de la République française] la question du durcissement de l’accord par le Parlement français » ;
Considérant que la Commission européenne, dans son programme de travail pour l’année 2023, plaide en faveur de la ratification intégrale des accords commerciaux, notamment ceux conclus avec le Chili, le Mexique et la Nouvelle-Zélande, afin de renforcer la résilience de l’Union et de diversifier ses chaînes d’approvisionnement, et qu’elle souhaite présenter un nouveau programme pour l’Amérique latine et les Caraïbes ;
Considérant que la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a déclaré, le 13 juin 2023, espérer une ratification de l’accord conclu avec le Mercosur le 28 juin 2019 d’ici la fin de l’année 2023 ;
Considérant que la signature puis la ratification de l’accord avec le Mercosur constitueront, pour des raisons géopolitiques et d’affinités culturelles, l’une des priorités de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne, qui débutera le 1er juillet 2023 ;
Considérant que l’Union européenne s’est fixé comme objectif de contribuer, « grâce à une politique commerciale commune, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux » ;
Considérant que les accords de libre-échange offrent l’opportunité de stimuler les exportations, de développer la concurrence et l’innovation au sein du marché intérieur et, ainsi, de créer des emplois et de la richesse ;
Considérant que le Mercosur constitue un ensemble économique dynamique, de plus de 250 millions de consommateurs, disposant également de ressources, en particulier en métaux rares, utiles pour mener à bien la transition énergétique ;
Considérant que plus de 1 000 entreprises opèrent sur le marché brésilien et que la France est le troisième pourvoyeur d’investissements directs étrangers au Brésil ;
Considérant qu’un accord commercial avec le Mercosur constituerait une opportunité pour les départements, les régions et les collectivités d’outre-mer de la zone caribéenne, leur permettant de renforcer leurs liens économiques avec l’Amérique du Sud ;
Considérant que les surfaces boisées ont diminué de 129 millions d’hectares entre 1990 et 2015 dans le monde, que la déforestation contribue, pour environ 11 %, aux émissions mondiales de gaz à effet de serre et à l’effondrement de la biodiversité, et que le changement d’usage des terres en Amérique latine, en particulier pour l’élevage bovin ou la production de soja, est un facteur majeur d’aggravation de la déforestation ;
Considérant les promesses de l’Union européenne d’une contribution de 20 millions d’euros au fonds pour l’Amazonie ;
Considérant que la quantité de pesticides épandue est de 6 kg/ha au Brésil, contre 3,6 kg/ha en France, et que l’Union européenne n’a toujours pas renoncé à ses procédures d’évaluation des limites maximales de résidus (LMR) de produits phytosanitaires sur les produits importés, dites « tolérances à l’importation » ;
Considérant que l’Union européenne recense 1 498 substances actives, en interdit 907, et que le plan de contrôle européen, décliné par les États membres, ne prévoit que 176 substances à analyser ;
Considérant la nécessité d’une mise en cohérence de la politique commerciale commune avec les autres politiques de l’Union européenne, en particulier sa politique environnementale et la PAC ;
Considérant le caractère paradoxal d’un tel accord, qui entrerait en contradiction avec l’agenda environnemental et social de la Commission, et établirait une concurrence déloyale pénalisant d’autant plus les États et les acteurs économiques qu’ils se sont investis dans l’amélioration de leurs standards de production ;
Considérant les déclarations du président de la République au Salon international de l’agriculture, le 25 février 2023, selon lesquelles « un accord avec les pays du continent latino-américain n’est pas possible s’ils ne respectent pas comme nous les Accords de Paris et s’ils ne respectent pas les mêmes contraintes environnementales et sanitaires qu’on impose à nos producteurs » ;
Considérant cependant que les mesures miroirs constituaient une priorité de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022, mais qu’elles n’ont connu que de très faibles avancées depuis lors, sous les présidences tchèque puis suédoise, traduisant la perte d’influence de la France au sein de l’Union européenne ;
Considérant l’absence d’évaluation globale de l’impact cumulé des accords de libre-échange à l’échelle d’un secteur économique, alors que l’accord avec la Nouvelle-Zélande ou celui, en cours de négociation, avec l’Australie octroient déjà ou envisagent d’octroyer des quotas supplémentaires pour les produits agricoles ;
Considérant les distorsions de concurrence qui résulteraient de la souplesse des réglementations relatives aux méthodes d’élevage et de transport des animaux dans les pays du Mercosur, comparée au haut degré d’exigence de la législation européenne sur le bien-être animal, que l’Union s’apprête à réviser et qui proscrit notamment l’élevage en cage ;
Considérant que les États parties au Mercosur sont de grandes puissances agricoles ayant le potentiel de déstabiliser le marché européen et que l’accord avec le Mercosur ouvrirait des quotas supplémentaires sans droits de douane ou avec droits de douane réduits pour 99 000 tonnes de bœuf, 180 000 tonnes de sucre, 1 million de tonnes de maïs, 650 000 tonnes d’éthanol et 180 000 tonnes de volaille ;
Considérant qu’un tel afflux, sur le marché européen, de produits alimentaires issus de pays ne connaissant pas les mêmes contraintes sur leurs méthodes de production exposerait nos entreprises et nos exploitants agricoles à une concurrence déloyale ;
Considérant que le secteur primaire a trop souvent été par le passé la variable d’ajustement des accords de libre-échange, les gains macroéconomiques globaux masquant un impact parfois fortement négatif pour le monde agricole, en particulier pour certaines filières de production animale à l’équilibre économique déjà fragile ;
Considérant ainsi le risque substantiel que cet accord ferait peser sur la sécurité des approvisionnements agricoles et la traçabilité alimentaire en France et en Europe, portant de ce fait atteinte à la souveraineté alimentaire de l’Union et à la bonne information des consommateurs au sein du marché intérieur ;
Considérant que l’Accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement, CETA), adopté en juillet 2016, est entré en application, à partir de 2017, pour les aspects de l’accord qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union, soit environ 90 % de l’accord, sans avoir jamais été soumis à la ratification du Sénat, malgré ses demandes répétées ;
Considérant que l’Union européenne exerce une compétence exclusive en matière de politique commerciale, dans les limites et sous les réserves précisées par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa jurisprudence dite « Singapour » ;
Considérant que certains accords de commerce, enrichis de dispositions allant au-delà de la seule réduction des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges de biens et de services, sont des accords mixtes, nécessitant la ratification expresse du Parlement européen à la majorité et des États membres à l’unanimité, selon leurs procédures constitutionnelles respectives ;
Considérant que la pratique de la Commission européenne consistant à découper les accords commerciaux pour isoler les dispositions relevant de sa compétence exclusive de celles relevant d’une compétence partagée avec les États membres fragilise l’assise démocratique de la politique commerciale commune ;
Considérant que la Commission européenne a suivi ce mode opératoire pour l’accord-cadre avec le Chili en décembre 2022, qui ne sera soumis à la ratification des États membres que de façon tronquée, et qu’elle envisage de faire de même pour l’accord avec le Mexique ;
Considérant que la résolution n° 1173 (2022-2023) adoptée par l’Assemblée nationale pose, elle aussi, trois conditions, à savoir l’instauration de mesures miroirs, l’intégration de clauses suspensives en cas de non-respect de l’accord et la ratification de cet accord conformément à la procédure prévue pour les accords mixtes ;
Estime que les conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales ne sont pas réunies pour la conclusion de l’accord trouvé avec le Mercosur le 28 juin 2019 ;
Rappelle que la France a posé trois conditions à la signature de l’accord, à savoir : ne pas augmenter la déforestation importée dans l’Union européenne, mettre l’accord en conformité avec l’accord de Paris et instaurer des mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale ;
Demande au Gouvernement de tenir avec fermeté cette ligne lors des négociations à venir au Conseil, en conformité avec les conclusions de ce dernier du 17 octobre 2022, qui affirment que l’Union doit être à l’avant-garde des efforts en faveur du développement durable et soulignent que la durabilité est l’une des principales priorités de l’Union et constitue, avec l’ouverture et la fermeté, l’un des trois piliers de la stratégie de l’Union européenne en matière de politique commerciale ;
Invite donc le Gouvernement à refuser tout accord commercial avec le Mercosur tant que des mesures miroirs en matière environnementale, sociale et de bien-être animal ne seront pas appliquées pour empêcher la concurrence déloyale des importations d’Amérique du Sud ;
Appelle de manière plus générale le Gouvernement à accentuer ses efforts au sein du Conseil pour obtenir l’adoption et l’application systématiques de mesures miroirs dans nos relations commerciales avec les États tiers et à renforcer la qualité et la quantité des contrôles aux frontières, une fois ces mesures miroirs instaurées, pour en assurer l’effectivité ;
Insiste sur l’importance, afin d’assurer la solidité de l’accord dans la durée, de se doter d’un mécanisme de règlement des différends efficace, crédible, rapide et dissuasif, ainsi que de moyens effectifs pour son application, incluant des sanctions ;
Considère que l’accord mixte conclu avec le Mercosur doit faire l’objet d’une ratification par les États membres ;
S’oppose en conséquence fermement à toute scission de l’accord pour contourner le contrôle démocratique exercé par les Parlements nationaux et demande instamment au Gouvernement de refuser toute démarche en ce sens, conformément à la position qu’il a affirmée devant le Sénat le 21 juin 2023 ;
Appelle de manière plus générale à une meilleure association des Parlements nationaux au processus de négociation des accords commerciaux internationaux et invite le Gouvernement à refuser à l’avenir toute scission d’un accord mixte ;
Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.