Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 1er bis
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
il assure
par les mots :
ils assurent
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à corriger une erreur rédactionnelle.
Nous souhaitons que soient correctement désignés les membres du groupement d’intérêt public ou de la structure de coordination comme maîtres d’ouvrage des projets d’infrastructure constituant le Serm.
Je précise qu’un amendement identique a été adopté par vos collègues députés lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Avis favorable sur cet amendement très opportun.
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 décembre 2023
par la date :
30 juin 2024
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à reporter la date de remise d’un rapport au Parlement.
L’article 5 ter, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire, prévoit la remise d’un rapport au 31 décembre 2023. Puisque nous sommes déjà le 18 décembre, chacun conviendra que, même si le Gouvernement faisait preuve de beaucoup de célérité et fournissait de grands efforts, y compris durant les fêtes, il lui serait très difficile de respecter un tel délai.
Pour les services de mon ministère, qui ne rechignent pourtant pas à la tâche, il serait plus raisonnable de prévoir une date de remise au 30 juin 2024.
Je le dis par anticipation – parce que la question m’a été posée par vos collègues députés – : cela ne signifie pas que nous enjamberions la conférence de financement. Je m’engage au contraire à ce que le rapport soit remis au Parlement avant la tenue de cette conférence, car j’ai bien conscience que celui-ci pourrait éclairer utilement ses travaux. Il ne s’agit que d’une date butoir, de telle sorte que, si vous l’acceptez, le Gouvernement dispose d’un peu plus de temps pour travailler.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Avis favorable sur cet amendement pragmatique.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de novembre 2022, le Président de la République s’était engagé à créer dix RER métropolitains.
Cet engagement n’est pas sans rappeler les ambitions affichées par la LOM, promulguée à la fin de 2019, voilà déjà quatre ans : désaturation des villes et de leurs accès, réduction des inégalités territoriales, amélioration des liaisons entre les territoires ruraux ou périurbains et les pôles urbains, des offres de déplacements du quotidien, ainsi que de l’accessibilité des villes moyennes et des territoires mal connectés aux métropoles.
En 2019, M. Jean-Baptiste Djebbari, alors secrétaire d’État chargé des transports, affirmait déjà la volonté du Gouvernement de « doter les métropoles de liaisons transversales rapides, fréquentes et interconnectées ».
Aussi la présente proposition de loi vise-t-elle à accélérer les projets et la réalisation rapide de ces services express régionaux métropolitains. Une nouvelle fois, le Parlement vient au secours du Gouvernement pour aider à concrétiser les annonces du Président de la République…
En première lecture, grâce à l’excellent travail du tout aussi excellent rapporteur Philippe Tabarot, nous avons modifié ce texte sur plusieurs points essentiels.
Sans être exhaustifs, nous avons notamment rendu systématique l’inclusion d’une offre de cars express et de réseaux cyclables au profit des territoires les plus éloignés du centre des métropoles. Parallèlement au renforcement des dessertes ferroviaires, il est indispensable d’offrir aux usagers une offre multimodale de transports collectifs publics.
Nous avons également renforcé le rôle des collectivités territoriales. On ne saurait trop le répéter, il n’existe pas de modèle unique que nous pourrions dupliquer : les Serm doivent être pensés à l’échelle de chacun des territoires concernés, et ils ne se développeront pas sans l’engagement fort des acteurs locaux.
Ainsi que cela a été souligné à plusieurs reprises, ces derniers n’ont d’ailleurs pas attendu ce texte pour commencer de beaux projets, dont beaucoup peinent malheureusement à aboutir faute de financement. Forts de ce constat, sur l’initiative du rapporteur, nous avons prévu l’organisation d’une conférence nationale de financement d’ici au 30 juin 2024.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé dans cet hémicycle que la Première ministre s’était engagée à augmenter de 50 % les financements du ferroviaire d’ici à 2027. Vous avez également affirmé vouloir réduire « significativement la part consacrée aux routes pour augmenter massivement celle du ferroviaire et des transports publics. »
Vous avez annoncé que l’État attribuerait une somme de 767 millions d’euros pour la seule réalisation des études, en souhaitant que les régions s’engagent à financer cette première étape au même niveau. Sans autre précision, vous avez indiqué que les collectivités pourraient mobiliser des recettes fiscales spécifiques. Mais aucun de vos engagements n’est en rapport avec la somme de 13 milliards d’euros qu’en juillet 2022, Jean-Pierre Farandou estimait nécessaire pour mettre en place de ces mêmes RER. Ces déclarations confirment la nécessité d’une conférence nationale de financement.
Nous avons adopté à l’unanimité un texte remanié en ce sens le 23 octobre dernier. Je me réjouis qu’un accord conservant largement les apports du Sénat et réservant donc une place à l’excellent travail de notre rapporteur Philippe Tabarot ait pu depuis être trouvé en commission mixte paritaire.
Les Serm constituent un premier pas vers les nouvelles mobilités. Il reste désormais à trouver le modèle adapté à chaque territoire, et surtout à les financer. Nous suivrons donc avec une attention particulière la conférence nationale de financement à venir. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Merci ! au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter répond à plusieurs enjeux très actuels.
La mobilité d’abord, bien sûr : le texte permet à nos concitoyens de trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable à destination des métropoles.
La transition écologique, ensuite : comme le ministre l’a rappelé, le secteur des transports est central à cet égard. En permettant de réduire l’usage de la voiture, les Serm répondent à la fois à l’objectif de décarboner les transports et aux problématiques propres aux territoires.
Celles-ci sont nombreuses : lutter contre l’artificialisation des sols, faire en sorte que nos transitions s’inscrivent dans un aménagement du territoire écologiquement et socialement plus juste, permettre une offre de transports dans des territoires aux spécificités très différentes. En l’occurrence, le ferroviaire offre une solution extrêmement intéressante.
Avant d’aller plus loin, je souhaite saluer le travail effectué par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et particulièrement par son rapporteur. Plus largement, je salue le travail réalisé par les deux assemblées, qui sont au rendez-vous des sujets structurants pour notre société.
En première lecture, notre groupe avait soulevé plusieurs points, sur lesquels je souhaite revenir rapidement, car ils sont indissociables, à notre avis, du succès des Serm.
Tout d’abord, même si nous travaillons dans le sens de solutions pragmatiques, je tiens à dire que les financements et les investissements nécessaires restent à trouver, comme le rapporteur l’a indiqué : sans argent, pas de projet. Notre groupe a défendu tout au long de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 l’idée que les Serm supposeront évidemment des financements publics et privés, qui devront être bien orientés.
Des solutions pérennes sont essentielles, comme la transformation des ressources fiscales et financières des collectivités territoriales.
À ce titre, je salue la création de la conférence nationale de financement des Serm, qui est fondamentale, ainsi que la précision de ses missions lors de la commission mixte paritaire. C’est un pas en avant très important.
Nous avons également soulevé des questions plus techniques. En première lecture, nous avions exprimé nos inquiétudes concernant les sillons ferroviaires déjà exploités au maximum de leurs capacités. C’est un élément dont dépend la réussite du projet dans son ensemble.
En outre, certains sénateurs de notre groupe ont défendu des amendements visant en particulier à organiser les Serm entre plusieurs métropoles, ce qui semble relever du bon sens.
Les Serm constituent également une chance pour relever le défi de l’intermodalité et donnent un vrai coup d’accélérateur aux liaisons entre banlieues et centres-villes, afin de faciliter les trajets domicile-travail.
Dans cette logique structurante, il conviendra de cibler la desserte de certaines gares RER et Transilien pour assurer la connexion entre le rail et la route, qui relèvera du ressort de la SGP, de SNCF Réseau et de la région. Toutes ces actions devront être coordonnées afin de répondre à un objectif d’ensemble.
Enfin, je veux évoquer la place des collectivités et des élus locaux. Comme nous avons l’habitude de le répéter dans notre groupe, les acteurs de terrains sont le plus à même de régler les problèmes de terrain. Nous avons bien pris note de la volonté du Président de la République de développer ces services de mobilité de manière décentralisée, et nous souscrivons à ces objectifs. Le groupe Les Indépendants votera donc en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Dhersin, pour le groupe Union Centriste.
M. Franck Dhersin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis une nouvelle fois très heureux d’exposer la position de notre groupe politique sur cette proposition de loi relative aux services express métropolitains, déposée par notre collègue député Jean-Marc Zulesi.
Je ne ferai pas durer le suspense : notre groupe est plus que favorable à une telle évolution législative.
Comme je l’avais déjà exposé voilà quelques semaines en première lecture, cette proposition de loi offre tout simplement l’occasion unique de faire bénéficier la Société des grands projets du retour sur expérience absolument formidable accumulé par la Société du Grand Paris dans le cadre du Grand Paris Express.
Peu de pays, de métropoles et même d’entreprises peuvent se prévaloir d’avoir mené de front la construction de quatre nouvelles lignes de métro et le prolongement de deux d’entre elles, pour un total de quasiment 200 kilomètres de nouvelles lignes.
Alors que les chantiers du Grand Paris Express tournent à plein régime et que certains touchent même bientôt à leur fin, il me semble que cette proposition de loi arrive au bon moment. Cette évolution législative permettra à la SGP de dépasser son statut initial, d’utiliser son expérience, afin que les grandes métropoles françaises bénéficient du même savoir-faire que celui dont bénéficieront bientôt – j’en suis convaincu – les Franciliens.
En outre, cette évolution permettra de sécuriser les carrières des collaborateurs de la SGP, qui pourront poursuivre ce grand dessein écologique que constitue le développement de transports publics efficaces aux quatre coins de l’Hexagone.
Je suis convaincu que le développement des services express métropolitains peut rapidement prendre une ampleur importante, à condition de réunir plusieurs prérequis essentiels.
Au sein des groupements d’intérêt public (GIP) locaux qui piloteront le développement des Serm, le dialogue constant et le travail en bonne intelligence entre tous les acteurs seront primordiaux. Je fais confiance à la SGP et à SNCF Réseau pour mettre en commun leurs forces mutuelles et pour créer les synergies à même de déployer le plus efficacement possible des solutions de transports efficaces.
En outre, le législateur a souhaité confier, à juste titre, le pilotage de ces groupements d’intérêt public aux collectivités locales, en l’occurrence aux métropoles ou aux régions.
Il faudra donc, toujours en s’inspirant de l’expérience du Grand Paris, que les opérateurs publics que sont la SGP et SNCF Réseau fassent preuve d’une transparence totale et d’une fluidité absolue dans leurs échanges avec les collectivités à la tête des projets.
Si nous voulons que les Serm soient un succès, comment ne pas à nouveau évoquer le sujet du financement ? Monsieur le ministre, notre collègue Philippe Tabarot l’a très bien rappelé à de nombreuses reprises ces dernières semaines : la question du financement n’est pas traitée avec sérieux depuis le début de l’examen de ce texte. De manière plus générale, elle ne l’est pas non plus depuis plusieurs années dans le débat relatif au financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
Comment voulez-vous que les collectivités s’engagent dans des projets dont les financements s’étaleront sur plusieurs dizaines d’années et dont l’exploitation nécessitera des sommes colossales, alors qu’elles n’ont pas la moindre visibilité à l’heure actuelle des ressources que l’État leur permettra de mobiliser ?
Si le Gouvernement veut bel et bien donner aux AOM et donc aux collectivités la compétence de construire des réseaux de transports ambitieux, il est non seulement nécessaire, mais indispensable de permettre à ces collectivités soit de percevoir des ressources déjà existantes, soit de lever en propre de nouvelles ressources.
Je me réjouis par avance de l’application de l’article ajouté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur l’initiative de son rapporteur, pour prévoir l’organisation d’une conférence du financement des Serm d’ici à la fin du mois de juin 2024. Ce point, je le sais, fait l’unanimité.
Nous parlons du financement des infrastructures et de l’exploitation par les collectivités, mais il semblerait, monsieur le ministre, qu’il existe également un problème de financement de l’opérateur SGP. Nous avons eu vent du fait que le plafond d’emplois appliqué à la SGP en tant qu’opérateur de l’État ne serait pas ou peu relevé, alors même que le législateur élargit considérablement le cadre de ses missions.
Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous conviendrez sans peine que si ce plafond d’emplois n’était pas relevé dans la version finale du projet de loi de finances pour 2024, cela susciterait une incompréhension totale chez les parlementaires.
Certes, le Grand Paris Express sera progressivement livré, ce qui libérera des emplois. Mais, dans l’intervalle de temps qui nous sépare de ces livraisons, les études préparatoires des Serm vont avoir lieu, notamment au moyen des fonds alloués dans le cadre des contrats de plan État-région. Ces études mobiliseront nécessairement la SGP, alors même que la livraison des ouvrages du Grand Paris nécessitera la plus grande attention de ses collaborateurs.
L’État ne peut pas donner son aval au Parlement pour modifier les attributions de la SGP sans accorder à cette dernière les moyens de faire face à ses nouvelles missions : cela n’aurait aucun sens. Je suis convaincu que cet avis est tout à fait partagé par le Gouvernement et que nous trouverons très vite une solution à ce problème.
Une fois donc ces non minces obstacles surmontés, il sera temps pour tous les acteurs de se mettre au travail, afin d’offrir à nos grandes métropoles des réseaux de transport répondant aux meilleurs standards mondiaux. Notre pays est une grande nation de transports, et nous disposons d’acteurs absolument remarquables dans ce secteur. Je n’ai aucun doute qu’ils auront tous à cœur, comme le législateur, d’envisager ces Serm comme un grand dessein national industriel et écologique.
Mme la présidente. Je salue les nombreux enfants présents en tribune. (Applaudissements.)
La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi engagée par Jean-Marc Zulesi est de contribuer à un essor puissant des mobilités durables du quotidien.
Cet essor puissant ne correspond pas à une volonté nouvelle, mais a déjà connu des annonces et des échecs. Dès 1995, l’idée de RER en province surgit, mais elle est vite reléguée par d’autres priorités à grande vitesse. En 2007, le Grenelle de l’environnement fixait comme objectif que la part modale du ferroviaire atteigne 20 % du volume des transports en 2020. Cette trajectoire et cet objectif ont été largement manqués.
L’idée a ressurgi en 2018, dans le premier rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), dirigé par Philippe Duron. Elle a ensuite été reprise dans la LOM en 2019, avant que le Président de la République n’annonce l’an dernier un déploiement du réseau pour dix métropoles et que le dernier rapport du COI ne précise cette ambition au cœur de ses recommandations.
Des intentions, des annonces, mais qu’en est-il concrètement ? Aujourd’hui, une dizaine de projets sont identifiés, en net retard par rapport à une bonne partie de l’Europe. Nombre de ces projets n’avancent pas vraiment clairement : seules ressortent les exceptions du Léman Express dans l’espace transfrontalier suisse, du RER métropolitain de Bordeaux, ainsi que de Strasbourg, où le réseau express métropolitain européen a montré autant les embûches et les nettes difficultés posées par la modernisation d’un nœud ferroviaire complexe que les progrès qui y sont possibles, avec, somme toute, une très forte augmentation du nombre des dessertes.
Avec cette proposition de loi, nous avons enfin un texte utile pour faciliter les Serm et leur donner de la cohérence. Cette ambition est tout simplement d’en finir avec la logique selon laquelle 90 % des déplacements compris entre 10 kilomètres et 80 kilomètres sont réalisés en voiture, la plupart du temps seul. Pour nos concitoyens résidant hors de l’Île-de-France, à peine 2 % des kilomètres parcourus chaque année le sont en TER. Il faut changer la donne, ou alors il devient inutile de parler de décarbonation ou de sobriété énergétique des transports.
Nos grands bassins de transport sortiront de la mobilité subie du tout-voiture lorsque l’offre de TER, de transports publics et de cars express sera attractive, parce qu’elle sera continue, cadencée et bien connectée avec les mobilités durables de rabattement de premier et de dernier kilomètre que sont le vélo, le covoiturage et l’autopartage. C’est ce développement qu’il faut réussir.
La présente proposition de loi est le fruit d’un travail riche et transpartisan entre les deux chambres. Elle résulte aussi de nombreux échanges avec les élus locaux, les métropoles, la Société du Grand Paris, la SNCF, auxquels j’ai voulu contribuer en organisant un colloque à ce sujet au Sénat.
Le travail accompli par la commission lors de l’examen du texte a été positif. Les ajustements de convergence, lors de la commission mixte paritaire, ont été constructifs. Je salue à cet égard notre collègue Philippe Tabarot et son homologue de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Zulesi.
Le texte comprend des dispositions innovantes et pertinentes pour permettre le déploiement des Serm, garantir leur maillage territorial et la multimodalité, y intégrer de façon cohérente les réseaux des différents modes de transport et assurer leur gouvernance. Il tire parti de l’expérience de la Société du Grand Paris, notamment de sa faculté à mobiliser les taxes affectées et à capter une part de la rente foncière profitant de l’attractivité dégagée.
Il est déterminant pour l’avenir que les « réseaux cyclables » aient été placés dans le corps de l’article 1er avant et non après les « cas échéants » énumérés, car ils sont, avec les bus et les cars express, des accélérateurs d’intermodalité et de décarbonation. Grâce à l’interopérabilité billettique, et à condition de diffuser l’information auprès des voyageurs, l’on renforcera la fluidité à laquelle aspirent les usagers.
Notre groupe est satisfait de la mention claire du caractère « gratuit » de la remise des nouvelles infrastructures à SNCF Réseau. Nous espérons que la question des péages ferroviaires sera effectivement reconsidérée, afin que ceux-ci ne freinent pas le développement des Serm, sans compromettre pour autant les moyens de régénérer et de moderniser le réseau ferré.
Par contre, nous n’approuvons pas l’article 5 ter A, qui a pour conséquence d’imputer les consommations foncières résultant des Serm au forfait national des projets d’intérêt général exempté de l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Cela nous semble contre-productif, car ces projets d’intérêt régional ont leur place dans le forfait régional !
Reste la lourde incertitude du financement. Bien sûr, une proposition de loi ne peut pas déterminer une telle programmation financière, mais l’examen parlementaire a permis de faire monter la pression sur ce point. Personne ne peut plus nier qu’il est nécessaire de construire des trajectoires financières afin d’assurer les coûts d’exploitation devant les fortes augmentations de services et les éventuels investissements nouveaux.
L’apport sénatorial que constitue le rendez-vous de la conférence nationale de financement est essentiel. À ce jour, seulement 767 millions d’euros ont été attribués pour cinq ans, dans le cadre des contrats de plan État-région.
Monsieur le ministre, à vous de jouer pour que, par une programmation, votre gouvernement propose des financements solides et stables pour les Serm.
C’est avec cette attente forte et en exigeant de ne pas revivre une nouvelle grande annonce déçue que notre groupe votera pour ce bon texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 30 % des émissions de gaz à effet de serre sont attribuées au secteur des transports. Sortir des énergies fossiles d’ici à 2050, voilà le chantier prioritaire.
Il y a donc urgence à trouver des alternatives écologiques et économiques à la voiture et au camion. Pour cela, le transport ferroviaire est devenu la pierre angulaire de la stratégie du Gouvernement en matière de réduction des émissions.
Comme mes collègues du groupe CRCE-Kanaky, je me réjouis du consensus trouvé sur ce texte, qui, certes, est le fruit d’un travail important de la part de notre rapporteur comme de la commission, mais dont l’ambition avait auparavant été défendue au Sénat par notre groupe, qui avait déposé une proposition de résolution à ce sujet adoptée en décembre 2022.
Aujourd’hui, des moyens importants sont enfin annoncés pour faire du ferroviaire une grande cause nationale.
Comme je l’avais expliqué ici même en première lecture, cette proposition de loi va dans le bon sens. Les services express régionaux métropolitains permettront de matérialiser un véritable maillage de transport dans nos grandes agglomérations. Inscrire l’intermodalité au cœur de ce projet doit également permettre à ces services de se substituer à la voiture.
Reste la question des moyens.
À ce jour, seuls 750 millions – peut-être 765 millions – d’euros ont été fléchés pour les cinq prochaines années, pour financer des études. Quant à l’investissement, les quelques milliards inscrits au projet de loi de finances pour 2024 seront malheureusement bien insuffisants pour répondre aux enjeux de ce texte. En effet, d’après le rapport du COI, pas moins de 15 milliards à 20 milliards d’euros sont nécessaires dès maintenant pour développer les lignes, investir dans l’acquisition de matériel roulant et anticiper les futures dépenses d’exploitation.
Nous serons particulièrement attentifs aux débats qui se tiendront et aux décisions qui seront prises lors de la conférence nationale de financement, inscrite dans la proposition de loi et qui devrait avoir lieu avant le 30 juin prochain. Les résultats de cette conférence nous indiqueront si nous avons des raisons d’espérer ou si ces projets resteront dans les tiroirs.
Je le répète, ces projets ne pourront pas reposer sur les seules finances des collectivités, tant en investissement qu’en fonctionnement ; chacun connaît la situation financière de nos collectivités, notamment des régions. L’État doit prendre ses responsabilités pour que le développement du réseau ferroviaire ne se réduise pas à une simple opération de communication. Quelque 100 milliards d’euros seront investis d’ici à 2040 pour lancer une « nouvelle donne ferroviaire », mais combien seront réellement destinés au financement de services express régionaux métropolitains ?
Par ailleurs, nos débats autour de ces futurs services ne doivent pas occulter la situation préoccupante des lignes du quotidien et du fret ferroviaire.
Le droit à la mobilité doit être garanti partout, que l’on habite une métropole ou un territoire rural. Or ce n’est malheureusement pas toujours le cas. De nombreux territoires ruraux sont aujourd’hui littéralement rayés de la carte. Leurs habitants – et leurs élus – ressentent un sentiment de déclassement douloureux. Sur certaines lignes, comme la ligne de l’Aubrac, des dessertes sont menacées de disparition et sur d’autres, comme sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), les fréquences sont considérablement réduites.
Le fret ferroviaire n’est pas en reste : la part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019, au profit du transport routier, pourtant bien plus polluant. Certaines lignes essentielles pour les entreprises sont même remises en cause, faute de financement. Je pense ainsi à la ligne de Flamboin-Gouaix à Montereau, en Seine-et-Marne : l’État demande à l’entreprise Cemex de trouver 40 millions d’euros pour pérenniser la desserte. Pourquoi sacrifier cette ligne et les emplois qui vont avec ?
Le groupe CRCE-K a porté ce débat sur les moyens durant l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Il a proposé d’allouer, dès cette année, 3,9 milliards d’euros au ferroviaire : c’est la seule façon de faire vivre cette nouvelle donne que vous appelez de vos vœux. Mais nous n’avons pas été entendus…
En dépit de cela, les sénateurs de mon groupe voteront en faveur de ce texte. Mais nous serons extrêmement vigilants quant aux décisions qui seront prises, car, au travers de cette proposition de loi, c’est l’avenir du rail qui est en jeu. En effet, en moins d’un siècle, le réseau ferroviaire français a été divisé par deux : 20 000 kilomètres de lignes ont été abandonnés depuis 1945. L’effort à accomplir est donc colossal pour retrouver les infrastructures permettant d’offrir une réelle solution de substitution à l’automobile et aux camions.
Monsieur le ministre, vous avez aujourd’hui la possibilité de soutenir réellement cette alternative que nous appelons de nos vœux. Nous avons envie de vous croire ; ne décevez pas les millions de Françaises et de Français qui ont besoin dès aujourd’hui de se déplacer dans de meilleures conditions, tout en préservant notre environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)