M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme des retraites a marqué le débat public en 2023. Elle déploie désormais ses premiers effets. C’était une réforme courageuse, que le Sénat a votée en responsabilité.
Ce qui n’est pas responsable, c’est de laisser croire aux Français que la retraite à 60 ans ou 62 ans serait un acquis social ou un droit inaliénable, alors que les évolutions démographiques ébranlent l’équilibre de notre régime de retraite – nous l’avons entendu et compris.
Le relèvement à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite est un effort important pour nombre de nos concitoyens. Mais les scénarios du COR sont clairs : ces efforts ne seront pas suffisants pour assurer le financement du régime à long terme.
Ainsi, dès 2027, le système de retraite présentera un déficit à hauteur de 0,3 % du PIB, déficit qui ne cessera de se creuser au cours des prochaines décennies.
Or ces chiffres n’intègrent pas le régime de retraite des fonctionnaires. En effet, les dépenses liées au versement des pensions sont comptabilisées non pas dans le budget de la sécurité sociale, mais dans le budget général, et précisément dans la mission « Régimes sociaux et de retraite », que nous examinons aujourd’hui.
Le chiffre est pourtant colossal : en y ajoutant le compte d’affectation spéciale « Pensions », le montant global de ces crédits atteint 74 milliards d’euros. C’est plus d’un quart des pensions de retraite versées par les régimes de base.
Ces pensions sont financées non par les cotisations des assurés, mais par l’impôt. On pourrait dire que c’est du pareil au même, puisque les impôts, comme les cotisations, sont des prélèvements obligatoires. Mais cette différence pose un problème de fond, qui tient à la lisibilité de notre système de retraite. Il faut dire les choses clairement : l’équilibre de notre régime dépend de la solidarité nationale.
Cela vaut tout particulièrement pour les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Tous deux ont été fermés, mais, en vertu de la clause dite du « grand-père », ils continuent d’être financés par la solidarité nationale pour tous les salariés qui étaient employés avant la réforme.
Ces deux régimes représentent plus de 70 % des subventions d’équilibre des régimes spéciaux. Au total, cette dépense représente plus de 6,2 milliards d’euros.
Il nous semble plus pertinent de conserver le schéma de financement actuel, afin de garder un suivi précis du coût de ces régimes pour nos finances publiques.
Avant de terminer, je souhaite évoquer la mission « Gestion des finances publiques », qui regroupe les crédits alloués à Bercy.
En 2024, le schéma d’emplois serait stabilisé, après plusieurs années de réduction des effectifs. Notre groupe tient à saluer les efforts qui ont été réalisés pour rationaliser ces effectifs.
Bercy a prouvé que l’on pouvait faire mieux avec moins. Ses services sont largement reconnus comme particulièrement performants et efficaces au sein de notre administration. Pourtant, cette qualité de service n’implique pas une hausse continue des effectifs. C’est peut-être un exemple à suivre.
Vous le savez, mes chers collègues, notre groupe avait proposé une réduction globale du schéma d’emplois des effectifs de l’État, à hauteur de 5 % sur l’ensemble du quinquennat. Le Sénat avait adopté cette proposition.
Le Gouvernement n’a intégré cet objectif ni dans la loi de programmation ni dans le projet de loi de finances. Il s’agit pourtant d’une étape indispensable pour engager le désendettement de l’État.
Malgré cette réserve, notre groupe soutient l’orientation de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le programme 156 est un programme bien excitant (Sourires.) : c’est celui qui porte la lutte contre la fraude fiscale. Cependant, afin d’éviter les doublons, je laisserai Éric Bocquet évoquer ce sujet, sur lequel nous sommes tous deux engagés.
Je tiens d’abord à saluer la création de la cellule de lutte contre la fraude aux aides publiques, que vous avez annoncée récemment. C’est une bonne nouvelle.
À l’examen des différents documents budgétaires, on ne compte plus l’emploi des termes « transformation », « numérique », « rationalisation »… Je veux, à cet égard, vous soumettre une proposition.
Il n’existe pas de lien, aujourd’hui, entre les services destinés aux étrangers, qu’il s’agisse de l’Administration numérique pour les étrangers en France (Anef) ou de l’Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref), et les organismes de sécurité sociale.
Prenons le cas d’un individu qui serait, par exemple, grand, blond, de nationalité américaine, canadienne ou suédoise, et viendrait travailler en France. Il aura, et c’est bien normal, un contrat de travail, une carte de séjour et une carte Vitale. Or l’expiration de son titre de séjour ne désactive pas ses droits.
Il suffirait pourtant de peu de chose pour pouvoir coordonner les systèmes ! Cela permettrait de réaliser quelques économies. Ne pouvant déposer un amendement au projet de loi de finances en ce sens – il tomberait sous le coup de l’article 40 de la Constitution –, je soumets cette idée à votre sagacité, monsieur le ministre. En matière de gestion des aides, ce serait assez cohérent.
Votre prédécesseur, M. Attal, avait été séduit par le système de la Banque-carrefour de la sécurité sociale qui existe en Belgique. Je pense que nous pourrions essayer de travailler sur une carte de séjour qui serait aussi une carte de soins. C’est un vrai sujet, sur lequel le Gouvernement peut avancer à la fois sur le plan de la rationalisation des aides et sur celui de la numérisation. Ce serait aussi un gain écologique, puisqu’une seule carte plastique en remplacerait deux.
Je veux aussi attirer votre attention sur les douanes. Le rapporteur spécial en parle longuement dans son rapport, notamment à la page 44, s’agissant des effectifs lors des jeux Olympiques : « La mobilisation des agents des douanes concernera la quasi-totalité des effectifs douaniers. »
Je vous propose, monsieur le ministre, d’organiser, au moment des jeux Olympiques, une campagne très importante contre la contrefaçon. Puisque vous gérez les deniers publics et que les douaniers gèrent les questions de contrefaçon, vous savez que la contrefaçon est un sujet extrêmement important au sein de la délinquance financière : elle représente 25 milliards d’euros par an.
J’y insiste, les jeux Olympiques seraient probablement le moment de mener une grande campagne, de façon à éviter le déferlement de fausses chemises Lacoste, de faux sacs de marque…
La contrefaçon nourrit non seulement la délinquance financière, mais aussi le terrorisme et le trafic d’êtres humains. Elle séduit, parce que ces activités criminelles rapportent beaucoup d’argent aux organisations terroristes : là où le trafic de produits stupéfiants rapporte 200 %, un contrefacteur de médicaments ou de biens de luxe retire un bénéfice net de 2 000 %.
Dois-je vous rappeler le cas des frères Kouachi, qui avaient été coincés pour une affaire de contrefaçon de chaussures de sport avant d’être relâchés et de commettre les actes que l’on connaît ?
Je pense donc que les douaniers mobilisés pourraient mener une opération assez importante à cette occasion. Voilà qui serait conforme aux objectifs de lutte contre la fraude que Bercy s’est donnés.
Il est d’autant plus important de s’attaquer à la contrefaçon que celle-ci nourrit – je me permets d’en parler – des organisations terroristes comme le Hezbollah, ou encore le Hamas, aujourd’hui au cœur d’une actualité dramatique. Il existe des preuves évidentes de trafics – cigarettes, médicaments, etc. – servant aux organisations terroristes.
Il me semble que l’action menée par le Gouvernement en matière de lutte contre la fraude doit être amplifiée au travers des moyens humains à disposition et de nouveaux moyens, notamment numériques – c’est très important.
Profitons de l’organisation mise en œuvre autour de la douane à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques pour prévenir ces pratiques de contrefaçon qui non seulement ruinent nos entreprises, mais font aussi courir des risques très importants aux acheteurs, notamment lorsqu’il s’agit de médicaments. Il y a là, messieurs les ministres, une action à entreprendre.
Nous adopterons bien évidemment les crédits des missions et articles rattachés et serons à vos côtés dans cette lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. C’est un sujet de première importance pour la République. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme la rapporteure spéciale et M. Bernard Buis applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous attelons aujourd’hui à un exercice particulier. Cette séquence de la deuxième partie du projet de loi de finances constitue effectivement un invraisemblable fourre-tout, peu lisible, flirtant avec les limites de ce qui est acceptable, voire sincère lors d’un examen budgétaire.
Quatre missions différentes, deux comptes spéciaux, quatre rapporteurs, deux ministres au banc pour un total cumulé de 87 milliards d’euros en crédits de paiement, soit davantage que le budget de l’éducation nationale !
Les sujets traités ne sont pas des moindres : immobilier de l’État, administration fiscale, pensions de retraite. Pour tout cela, nous avons droit à quarante-cinq minutes de discussion générale et deux heures quinze minutes d’examen au total.
Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner du décalage entre l’importance de nos travaux en séance publique et l’intérêt de nos concitoyens. Ce que nous nous apprêtons à faire cet après-midi y contribue grandement !
Sur le fond, trois grands sujets se détachent de cette séquence.
Tout d’abord, l’immobilier de l’État.
Ne nous y trompons pas, le compte d’affectation spéciale du même nom ne représente qu’une petite partie de l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État : il fait état d’un montant de 340 millions d’euros sur une valeur comptable estimée à 73,3 milliards d’euros, donc seulement 13 % des dépenses d’investissement de l’État en la matière.
Ce compte, destiné à abonder les entités et ministères qui auraient mutualisé leurs produits de cession, n’est manifestement qu’un gadget comptable à l’intérêt plus que limité. La question de son maintien se pose dès lors clairement et j’aimerais que l’on m’explique ce qu’il apporte en lisibilité et en efficacité à une discussion budgétaire déjà bien complexe.
Ce n’est pas à travers lui, en effet, que se joue la question pourtant centrale et cruciale de la rénovation énergétique des bâtiments. Les montants correspondants se retrouvent principalement dans la mission « Transformation et fonction publiques » et présentent une croissance de 300 millions d’euros en crédits de paiement. Si cette augmentation est à saluer, le retard, lui, est à déplorer : il a effectivement fallu attendre cinq ans après la création du programme 348 pour que tous les travaux des cités administratives débutent, ceux-ci ne devant s’achever qu’en 2025.
Ensuite, l’administration fiscale, au travers de la mission « Gestion des finances publiques ».
La DGFiP, selon les propres termes du Gouvernement, bénéficie d’un « budget de reconduction », après un budget 2023 qui avait interrompu une série noire de dix années successives de baisses de crédits. Le Gouvernement fait preuve d’une ambition qu’il faut saluer : 1 500 postes seront créés pour le contrôle fiscal d’ici à 2027, dont 350 pour 2024. Mais, quand on regarde dans le détail, 250 découlent en fait de moindres suppressions de postes et 100 de redéploiements.
Pourtant, comme cela a déjà été souligné, il y a là un véritable enjeu. Les montants encaissés au titre du contrôle fiscal s’élèvent à 10,6 milliards d’euros pour 2022, un chiffre rigoureusement identique à celui de 2021. Ce n’est pas satisfaisant au regard de l’évasion fiscale en France, qui est évaluée à près de 80 milliards d’euros. Seul un renforcement des moyens humains et techniques nous permettra de récupérer ces sommes importantes dont nous avons bien besoin.
Ce n’est visiblement pas la direction que compte prendre la majorité sénatoriale. En effet, au sein de la mission « Transformation et fonction publiques », qui traite aussi de tous les emplois de l’État et de ses opérateurs, le rapporteur général va proposer une baisse indifférenciée de 2,5 % des emplois des opérateurs de l’État, soit 10 000 équivalents temps plein (ETP) pour la seule année 2024. Dans quels services ? Avec quelle finalité ? Pour quelle incidence sur le service public ? Tout cela, nous ne le saurons pas. Il s’agit d’un pur affichage comptable pour une vraie vision dogmatique de l’action publique !
Enfin, les pensions de retraite – le gros morceau de cette séquence budgétaire, la première depuis la réforme des retraites. Elles représentent 60 milliards d’euros, soit la plus grande part des 87 milliards d’euros évoqués précédemment.
La réforme des retraites a eu peu d’impact sur ces comptes. Si l’on élargit le spectre, le constat reste le même : le solde de l’ensemble du système de retraite atteindra un déficit équivalent à 0,3 % du PIB en 2027, ce qui vient confirmer que cette réforme n’était ni de justice ni de rigueur budgétaire.
En conclusion, nous nous abstiendrons ou voterons contre les crédits de chacun des éléments de cette « méta-mission » ou « super-mission ». Que ce soit sur la forme ou sur le fond, ces crédits ne sont pas à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Audrey Linkenheld applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2024 devait concrétiser les annonces de l’ancien ministre du budget, M. Gabriel Attal, en matière de lutte contre la fraude fiscale. Mais ce plan Fraude se traduit par la poursuite des baisses de moyens humains au sein de la direction générale des finances publiques et des douanes, respectivement pour 219 millions d’euros et 26 millions d’euros.
Cette diminution n’est certes en rien comparable avec les 43 000 emplois perdus par la DGFiP depuis les années 1999, mais la trajectoire est continue – à défaut d’être soutenue –, maintenue et, surtout, inexorable.
Nous récusons l’idée selon laquelle, à l’heure de l’intelligence artificielle, nous aurions besoin de moins de contrôleurs fiscaux.
Notre collègue députée Charlotte Leduc, dans son rapport documenté sur les moyens de la lutte contre l’évasion fiscale, fait état d’une diminution de 16,67 % des effectifs alloués aux contrôles fiscaux en dix ans. On invoque le ciblage grâce à l’exploitation des données – j’emploie délibérément l’expression française – et aux nouvelles technologies, qui accroissent l’efficience des contrôles. Ce budget prévoit d’ailleurs de renforcer les moyens technologiques au détriment des moyens humains.
Les contrôles sur place s’effondrent depuis 2013, et c’est la lutte contre la fraude fiscale qui en pâtit, car elle représente 30 % de cette modalité de contrôle.
Le fait que les droits mis en recouvrement augmentent de 1,2 milliard d’euros en 2022 signifie, non pas que la méthode est bonne, mais que la fraude est plus importante. D’ailleurs, en dépit de cette augmentation, les montants recouvrés diminuent de 20 millions d’euros en 2022. Difficile, dans ces conditions, de se féliciter de droits recouvrés inférieurs de 1,15 milliard d’euros à ceux de 2015.
Dans un rapport de 2019 sur la fraude, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) expliquait que cette stratégie de baisse des moyens « aurait dû se traduire par un meilleur ciblage des contrôles et une réduction du nombre d’affaires à faible rendement et d’affaires conformes ». Le Gouvernement dispose-t-il de données plus actualisées que celles de 2018 – dernières en date – sur ce point ?
L’efficacité du recours à l’intelligence artificielle, en substitution des agents publics, dans le domaine du contrôle fiscal peut tout de même être mise en question. Nous attendions avec impatience ce débat pour dévoiler la supercherie qui consistait à annoncer, lors de la présentation du plan Fraude, un renforcement sans précédent des moyens, à hauteur de 1 500 équivalents temps plein supplémentaires, pour le contrôle et la lutte contre la fraude fiscale d’ici à 2027, quand il ne s’agissait en réalité que de redéploiements.
Les moyens de la DGFiP vont diminuer et il n’y a aucune création nette de postes. Nous défendrons donc un amendement visant à engager un vaste plan de recrutement de contrôleurs fiscaux : 500 cette année, 500 l’année prochaine et 500 l’année suivante. Pas de tour de passe-passe ! Les personnels méritent mieux que des annonces tronquées !
Malgré la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, ses effectifs ne seront aucunement renforcés. On nous disait que ce n’était pas le moment à l’été 2023, que les moyens seraient dégagés dans le PLF pour 2024. Nous y sommes, et nul moyen supplémentaire !
La douane subit encore, à l’article 18 du présent texte, des transferts de ses missions fiscales vers la DGFiP, laquelle ne sait plus qu’en faire. Nous ne cesserons de le répéter, celle-ci n’a ni l’expertise ni les moyens de sécuriser des bases d’imposition complexes, nécessitant des contrôles importants sur le terrain.
Nous sommes, par exemple, le deuxième domaine maritime mondial après les États-Unis. Le contrôle et la surveillance d’espaces maritimes de plus de 10 millions de kilomètres carrés mériteraient au moins une flotte sérieuse, afin de permettre aux quelques agents des douanes disséminés aux quatre coins du monde d’assumer réellement leurs fonctions.
La lutte contre la fraude ne trouve pas de réponse satisfaisante dans une mission censée concrétiser les annonces de votre prédécesseur, monsieur le ministre Cazenave, annonces elles-mêmes insuffisantes. Cela nous contraint à voter contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dispose de quatre petites minutes pour aborder les défis que doit relever l’État au travers de quatre missions substantielles et de deux comptes spéciaux non moins déterminants. C’est bien peu !
Vous me pardonnerez donc d’avance de ne pas être exhaustif. Au nom du groupe RDSE, je m’autoriserai à effectuer des choix et, comme nous le disons à Marseille, à aller droit au but. (Sourires.)
Tout d’abord, je veux évoquer la mission « Gestion des finances publiques », dotée d’une enveloppe proche de 11 milliards d’euros.
Très sommairement, je m’attellerai à rappeler les moyens alloués pour poursuivre et finaliser la modernisation de la DGFiP. L’intelligence artificielle, le big data, les capacités cyber, les drones permettent de parfaire la qualité du service rendu tant aux usagers qu’aux agents, tout cela sans oublier, évidemment, la sécurisation des échanges.
Je pense notamment à la technique de la fouille de données que l’on nomme plus communément – utilisant un affreux anglicisme – datamining, et au programme de mobilité Télémac pour cibler avec efficience les contrôles, dont le produit est évalué à près de 10 milliards d’euros.
J’ai aussi à l’esprit le portail Chorus factures, qui s’adresse aux entreprises pour une meilleure facturation interentreprises.
Ensuite, comment ne pas parler ici des collectivités territoriales, en se félicitant de la poursuite de l’expérimentation du compte financier unique ? Celui-ci a pour objectif de rendre lisible la production des états comptables et devrait être pérenne d’ici à 2027.
Je veux aussi évoquer la mission « Transformation et fonction publiques », qui connaît, quant à elle, une hausse de 379,5 millions d’euros par rapport à 2023 pour atteindre 1,2 milliard d’euros.
On se félicitera des actions tendant à rendre la fonction publique attractive ; à lutter contre la crise du sens apparue chez nos serviteurs de l’État ; à juguler la déperdition des talents vers le secteur privé.
Ces trois objectifs appellent une mobilisation constante afin de redonner du muscle et du tonus à notre service public. L’effort devrait être plus marqué, mais, disons-le franchement, il donne tout de même une orientation !
Dans cette perspective, je me réjouis de la mise en orbite de la complémentaire santé à l’horizon de 2026 et des contrats de prévoyance à compter du 1er janvier 2025 – réformes tant attendues par les agents.
L’enveloppe budgétaire de 275,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 282,6 millions d’euros en crédits de paiement du programme 148 prévoit des hausses en faveur des aides individuelles à l’installation, des aides à la préparation des concours et à la formation.
La fidélisation des agents passe aussi, au travers du programme 348, par une offre d’un environnement professionnel de qualité, grâce au lancement d’une nouvelle séquence de rénovation énergétique des bâtiments de l’État.
Enfin, il m’importe de ne pas passer sous silence les crédits non répartis, c’est-à-dire les crédits dont la dépense est difficilement prévisible.
Une question, messieurs les ministres… Quelle suite réserverez-vous à la demande de bilan formulée par la Cour des comptes, en mai dernier, sur le recours systématique au programme 551 pour financer des décisions prises lors des rendez-vous salariaux annuels ?
En conclusion, le groupe RDSE votera les crédits de ces missions et comptes spéciaux au regard de l’importance des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes de nouveau rassemblés, cette année, pour examiner conjointement les missions « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Régimes sociaux et de retraite ». Dans un souci de concision, je vais souligner brièvement les points clés de chaque mission.
Les missions « Gestion des finances publiques » et « Transformation et fonction publiques » poursuivent la dynamique engagée depuis 2017 pour moderniser notre action publique et transformer notre administration, tout en améliorant la qualité des services publics.
La mission « Gestion des finances publiques », qui inclut la DGFiP et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), maintient en 2024 un niveau élevé de crédits, après l’augmentation notable de 2023 qui avait marqué une rupture avec la tendance antérieure.
Le groupe RDPI se réjouit de l’amplification des actions de lutte contre la fraude et de contrôle, avec le recrutement prévu de 1 500 agents supplémentaires d’ici à 2027 pour renforcer les équipes de la DGFiP.
Les investissements destinés à renforcer les capacités d’enquête de Tracfin sont également salués, tandis que la mobilisation de la douane à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques contribuera à la sécurisation des entreprises et des citoyens.
Nous saluons également la modernisation des espaces de travail dans le cadre de la stratégie immobilière en cours, démontrant un engagement fort envers la transition écologique et la réduction de l’empreinte carbone.
La mission « Transformation et fonction publiques », notamment via le programme 349, contribue à inverser la dynamique de rupture des Français avec leur administration, pour des services plus accessibles et plus proches.
Le groupe RDPI soutient les efforts visant à renforcer l’attractivité de la fonction publique, notamment avec la poursuite du programme « Fonction Publique + ».
Concernant la mission « Régimes sociaux et de retraite », soulignons le contexte particulier marqué par l’entrée en vigueur en septembre 2023 de la réforme paramétrique des retraites.
Malgré des économies réalisées, la réforme n’aura pas d’effet avant 2025 sur les principaux régimes spéciaux bénéficiaires des crédits de cette mission, à savoir ceux de la SNCF et de la RATP.
Avec 6,2 milliards d’euros, cette mission demeure cruciale pour le versement des pensions de milliers d’affiliés.
En ce qui concerne la mission « Crédits non répartis », la hausse significative des crédits du programme 551, consacrée principalement aux évolutions statutaires de la couverture de prévoyance des agents publics de l’État, contraste avec la baisse conséquente du programme 552, rompant avec les années de crise sanitaire.
En conclusion, ces missions du PLF 2024 représentent des avancées substantielles dans la modernisation de notre administration, la gestion financière de l’État et la soutenabilité de nos régimes sociaux et de retraite.
Avec les membres du groupe RDPI, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la présidente, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord saluer et remercier les rapporteurs et orateurs pour les travaux que le Sénat a, cette année encore, conduits sur ces crédits.
Le budget du ministère de la transformation et de la fonction publiques, doté de 567 millions d’euros, vise à contribuer au réarmement de nos services publics. Cette présentation me permettra de revenir sur certains points abordés au cours de la discussion générale.
Pour assurer ce réarmement, il convient – vous le savez – de relever le défi de l’attractivité des métiers de la fonction publique, et ce en vue d’assurer l’efficacité de nos services publics – c’est la raison d’être de la fonction publique.
C’est pourquoi je vous propose de profiter de cet examen budgétaire pour présenter mes priorités d’action au travers des quatre programmes structurants composant le budget du ministère.
Je débuterai par une remarque globale : à périmètre constant, c’est-à-dire hors effets de transfert, le budget progresse de 42 millions d’euros.
Nous procéderons en 2024 à deux transferts principaux pour un montant de 82 millions d’euros. Le premier concerne la dotation de l’Institut national du service public (INSP), désormais sous tutelle de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), qui est rattachée aux services de la Première ministre. Le deuxième concerne la gestion des conseillers numériques France Services, placée sous l’égide du ministre délégué au numérique, qui coordonne l’ensemble de la politique d’inclusion numérique.
Au-delà d’une simple évolution des moyens, l’accroissement du budget traduit une ambition, des choix politiques forts, avec le renforcement de plusieurs leviers d’intervention.
Je dirai un mot, d’abord, des emplois.
Le schéma d’emplois du ministère connaît une progression de quarante-huit ETP en 2024. Nous renforçons notamment nos capacités de conseil interne de vingt ETP supplémentaires, à la suite de la progression de trente ETP que vous aviez validée, l’année dernière, pour la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Ces évolutions traduisent la mise en œuvre de notre réforme de réinternalisation de nos capacités de conseil.
Je m’arrête un instant sur ce sujet, que je sais d’importance pour la Haute Assemblée. Alors que nous nous étions engagés sur une baisse de 15 % de nos dépenses de conseil externe, notamment en stratégie, notre consommation a en réalité décru de 35 %. Cette année encore, nous allons dépasser l’objectif : ce sont plus de 70 millions d’euros – il faut le souligner – que nous allons rendre au budget grâce à ces efforts de réinternalisation.
Par ailleurs, nous renforçons aussi la DITP de vingt-cinq ETP afin de consolider le réseau des laboratoires d’innovation territoriale. C’est une façon de déconcentrer notre action et de simplifier en partant du terrain.
J’en viens au programme 148, qui concerne les ressources humaines de l’État et retrace principalement les crédits consacrés à la formation des fonctionnaires de l’État et à l’action sociale interministérielle.
Hors effets de transfert, ce programme voit ses moyens progresser de 22 millions d’euros, sur deux axes.
En matière d’action sociale, 5 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au financement de places de crèches, pour un total de 30 millions d’euros – le nombre de places de crèche, multiplié par dix en dix ans, atteint désormais 5 000 places. Par ailleurs, 13,8 millions d’euros supplémentaires sont destinés à l’accélération de la rénovation des restaurants interadministratifs et 2,1 millions d’euros supplémentaires à l’aide au maintien à domicile des agents retraités.
Le reste de la hausse budgétaire bénéficie aux instituts régionaux d’administration (IRA). Nous avons besoin d’accroître le nombre d’attachés d’administration. C’est un point important pour l’avenir de notre fonction publique. Nous renforçons donc nos capacités d’accueil dans les IRA, avec l’objectif d’accueillir 20 % d’élèves supplémentaires.
Je tiens à souligner que ce budget permet de préserver le financement de deux dispositifs que Mme la rapporteure Di Folco a salués dans son rapport : d’une part, l’apprentissage dans la fonction publique territoriale, sur lequel je reviendrai à l’occasion de la présentation de certains amendements ; d’autre part, le dispositif des prépas Talents, auquel je crois beaucoup et dont nous assurons la stabilité en pérennisant les moyens qui lui sont accordés.
Enfin, je voudrais évoquer le volet numérique.
Nous consacrons des moyens supplémentaires à l’accessibilité de nos démarches numériques aux personnes en situation de handicap – on parle beaucoup de fracture numérique ; nous faisons en sorte de ne pas en être nous-mêmes à l’origine…
Un certain nombre de moyens sont également dédiés à l’accompagnement numérique de la transition écologique. C’est un engagement très important.
Souhaitant laisser du temps de parole à mon collègue ministre, je ne dirai que quelques mots sur le volet de la transformation publique.
Je reviendrai ultérieurement sur les enjeux relatifs au fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP). L’effort de sincérisation que nous portons se traduit par une baisse de 50 millions d’euros des crédits. Je souhaite que ce fonds ait aussi une forte orientation vers les enjeux de transition écologique.
Nous nous donnons par ailleurs des moyens pour valoriser et animer le programme France Services, auquel je vous sais tous attachés – je salue à cet égard le travail du sénateur Bernard Delcros. C’est une politique publique qui porte des fruits.
Sans plus attendre, je cède la parole à mon collègue Thomas Cazenave. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)