M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, pour la réplique.
M. Daniel Gueret. Des solutions qui permettraient de rééquilibrer le financement des collectivités territoriales en matière de diagnostic archéologique existent. Par exemple, entre 2018 et 2022, ce sont un peu plus de 200 millions d’euros qui ont été collectés sur la fiscalité de l’archéologie préventive pour être affectés à d’autres dépenses de l’État.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’espère que les concertations aboutiront et permettront d’aller un peu plus loin.
situation budgétaire des universités et plus particulièrement de le mans université
M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 915, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean Pierre Vogel. Ma question porte sur les inquiétudes financières des établissements d’enseignement supérieur, et particulièrement des universités.
Le Mans Université, avec ses 12 000 étudiants, dont 50 % de Sarthois, en est l’illustration. Le contexte de forte inflation a entraîné une augmentation des coûts de fonctionnement, avec une part importante liée à l’énergie. Il s’agit de 3 millions d’euros, dont près de la moitié a dû être ajoutée au budget 2023 sans avoir été préalablement planifiée, parce que non identifiée. Les difficultés financières sont bien là !
Au mois de juin, le Gouvernement annonçait des mesures de revalorisation salariale nécessaires, mais non compensées par l’État dans le budget des universités en 2023 et seulement pour moitié en 2024.
Ainsi, le Gouvernement a pris des engagements qu’il fait peser sur d’autres, puisqu’il ne donne pas aux universités les moyens d’assumer financièrement ces revalorisations.
La subvention pour charge de service public (SCSP) reçue de l’État représente 76 % des recettes de l’établissement Le Mans Université, dont l’offre de formation s’appuie sur des laboratoires de recherche régulièrement primés pour leurs travaux. Son rôle pour le maintien de la vitalité du territoire est évident. Or, sans attribution de moyens significatifs pour faire face aux difficultés, des mesures drastiques deviendraient inévitables : réduction des capacités d’accueil dans les formations les plus demandées, suppression de formations, report d’investissements dans du matériel scientifique et pédagogique, entre autres.
Madame la ministre, le président de l’université du Mans est inquiet. Il a besoin d’être rassuré. Lors de la discussion en séance des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », le vendredi 1er décembre, vous avez indiqué que le Gouvernement tiendrait compte de l’hétérogénéité du paysage et garderait des marges pour aider les établissements en situation critique.
Madame la ministre, j’aimerais que vous puissiez apporter des éléments de réponse plus précis à la situation financière que vivent les universités françaises, afin qu’elles puissent relever le défi de la réussite et de l’insertion professionnelle des étudiants.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, nous suivons de très près et avec la plus grande attention la situation de l’ensemble des universités, qui – vous l’avez rappelé – sont confrontées à d’importants surcoûts. Le 12 juin dernier, mon collègue Stanislas Guerini a annoncé, pour l’ensemble de nos agents, des mesures de revalorisation salariale, ce dont nous pouvons nous réjouir.
En 2024, nous compenserons aux établissements au moins 50 % des surcoûts liés aux mesures qui portent sur le point d’indice. Je vous confirme par ailleurs que des compensations ciblées seront allouées aux plus fragiles d’entre eux. Nous porterons ainsi la compensation globale à hauteur de 60 %. Pour l’année 2023, la revalorisation du point d’indice sera compensée à hauteur globale de 70 % et profitera aux universités dans les semaines à venir.
Les données fournies par les établissements indiquent qu’au moins 1 milliard d’euros de leurs réserves financières sont libres d’emploi, somme à mettre en regard avec un reste à charge sur les mesures salariales, qui devrait atteindre au maximum 150 millions d’euros sur l’année 2024. Ces réserves disponibles doivent donc permettre aux établissements d’absorber l’effort exceptionnel demandé – il doit rester exceptionnel –, sans renoncer aux investissements programmés ni à leurs recrutements.
Vous évoquez aussi les surcoûts énergétiques. Sur ce point, j’avais annoncé à la fin de l’année dernière le déblocage d’une enveloppe exceptionnelle de 275 millions d’euros pour 2023. Pour l’heure, nous devons rester prudents, car nous ignorons encore les factures définitives de l’année 2023. Toutefois, d’après les données dont nous disposons à ce jour, les surcoûts devraient être intégralement compensés. En 2024, nous pouvons espérer une baisse des factures, et des soutiens pourront être envisagés en gestion, en fonction des coûts réels et des situations financières des universités.
Je resterai donc très attentive aux situations individuelles, hétérogènes, car ces chiffres globaux peuvent masquer des cas plus en difficulté.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Nous avons aidé l’université du Mans – je pourrais vous communiquer les chiffres pour l’année 2022 –, et nous continuerons de suivre avec attention la situation dans laquelle elle se trouve.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, j’appelle chacune et chacun à respecter son temps de parole, afin que nous puissions finir dans les temps.
lutte contre les guets-apens homophobes
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 900, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Anne Souyris. En France, on humilie, on frappe, on vole, on tue des homosexuels dans le plus grand des silences. Selon une enquête de Mediapart, 300 personnes gays seraient tombées dans un guet-apens homophobe entre 2017 et 2021. Ce chiffre est sûrement sous-estimé compte tenu de la honte ou de la peur ressentie par ces personnes à l’idée de dévoiler leur homosexualité, mais aussi du faible nombre de plaintes, étant donné les trop nombreux obstacles.
En 2022, il y aurait eu une agression tous les trois jours. Samedi dernier encore, un homme fut victime d’une agression homophobe dans le Val-d’Oise après avoir été entraîné dans un guet-apens qui s’est révélé meurtrier pour l’un des agresseurs.
Face à la multiplication de ces agressions, SOS homophobie a appelé le Gouvernement à interdire l’accès au site de rencontre Coco et à obliger les autres sites de rencontre à diffuser des messages d’alerte et de prévention. Il faut en effet faire tout ce qui est possible pour mettre fin à l’impunité de Coco, qui est devenu un terrain de chasse pour les homophobes. Nous devons sécuriser ce site ou, du moins, le rendre le moins accessible possible.
Que peut faire le Gouvernement face à ce genre de site ? Et qu’a-t-il prévu pour attaquer en justice ses responsables ?
Il est urgent de faciliter le dépôt de plainte en formant les gardiens de la paix aux discriminations LGBTQIA+phobes et en permettant le dépôt de préplaintes par téléphone. Il n’est plus acceptable qu’en 2023, l’on refuse de prendre une plainte ou l’on puisse se gausser d’une personne victime d’homophobie, qui a déjà dû prendre son courage à deux mains pour se rendre au commissariat.
Enfin, quelles sont les mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour prévenir et condamner les guets-apens homophobes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Souyris, vous appelez l’attention de Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur les guets-apens homophobes. En 2022, le ministère de l’intérieur a comptabilisé 4 040 actes anti-LGBT+.
Nous estimons néanmoins qu’une grande majorité des victimes, notamment d’injures homophobes, ne déposent pas plainte : elles ont en effet pu souhaiter organiser une rencontre anonyme et ainsi désirer ne pas se faire connaître auprès des forces de l’ordre, de peur que leur orientation sexuelle ne soit exposée, en particulier à leur entourage.
Il faut donc prévenir au maximum ce risque d’agressions. Pour cela, le ministère de l’intérieur s’est engagé, dans le cadre du plan national pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, à cartographier les lieux et horaires où les agressions sont le plus souvent commises. L’objectif est de renforcer les patrouilles de sécurité pour lutter contre de nouvelles agressions, sur la base des informations dont disposent les autorités.
L’enjeu de la formation des forces de l’ordre est majeur, et le Gouvernement rappelle son engagement de former 100 % de policiers et de gendarmes. L’écoute des personnes qui viennent déposer plainte et la libération de leur parole sont également essentielles. Le réseau de référents LGBT dans les commissariats a ainsi été lancé dès 2018 sous l’impulsion du Gouvernement.
Pour finir, je rappelle que le Gouvernement soutient le déploiement de l’application Flag !, qui permet de signaler anonymement des actes anti-LGBT, notamment les guets-apens. Elle facilitera l’identification des situations d’atteinte aux personnes LGBT+ sans que celles-ci aient besoin de révéler leur identité si elles ne le souhaitent pas.
choix du vaccin contre l’influenza aviaire
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, auteure de la question n° 795, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Florence Lassarade. Ma question porte sur le choix du vaccin contre l’influenza aviaire produit par le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim, au détriment du vaccin que le laboratoire Ceva Santé animale produit en France.
Le ministère de l’agriculture a décidé d’injecter, dès le mois d’octobre dernier, 80 millions de doses de vaccin contre l’influenza aviaire chez les canards de tous les élevages commerciaux du territoire métropolitain. L’État prend en charge 85 % du coût de cette campagne de vaccination.
Après l’appel d’offres lancé par l’État, trois entreprises se sont positionnées. Au mois de mai 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) annonçait que les résultats du laboratoire girondin Ceva Santé animale et ceux de l’allemand Boehringer Ingelheim apportaient tous deux des garanties suffisantes. Pourtant, seul le laboratoire allemand a été retenu pour la production de ces 80 millions de doses.
C’est un choix étonnant, car la première dose du vaccin développé par Ceva Santé animale garantit une meilleure couverture et impose le moins de contraintes logistiques aux éleveurs. Il peut en effet être injecté par les vétérinaires dès le couvoir, avant que les canards ne rejoignent les élevages. Cette innovation technologique a d’ailleurs été saluée par la filière des éleveurs.
La deuxième dose est administrée à quatre semaines, chez les éleveurs cette fois, au moment où un autre vaccin contre la pasteurellose est injecté aux canards. L’intervention en élevage se trouve donc limitée à une fois, ce qui est un plus pour la biosécurité. Et, comme cette deuxième injection est couplée à une autre vaccination, elle nécessite seulement une personne supplémentaire quand les deux attrapeurs sont déjà mobilisés.
Pourtant, l’administration a décidé d’attribuer ce marché au seul laboratoire allemand Boehringer Ingelheim. Cette décision est incompréhensible en termes de souveraineté, de relocalisation industrielle et d’innovation puisque ce vaccin a été soutenu par le plan France 2030. De plus, contrairement à son concurrent allemand, Ceva Santé animale prévoit de fabriquer son vaccin en France.
Au regard de l’importance de la souveraineté stratégique de la France dans le domaine de la vaccination des virus émergents chez l’animal,…
M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Florence Lassarade. … et au moment où la relocalisation des activités pharmaceutiques est affichée comme une priorité, je souhaiterais savoir pour quelles raisons le ministère de l’agriculture a choisi d’exclure le vaccin Ceva Santé animale produit en France.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je commencerai par rappeler que cette campagne de vaccination est inédite. Elle a deux objectifs : couvrir au maximum le risque de contamination par l’influenza aviaire, et le faire dans des délais raisonnables.
Par ailleurs, nous avons fait en sorte de mettre en place un protocole garantissant une traçabilité rigoureuse de cette vaccination, y compris pour maintenir nos capacités d’export.
Vous parlez de souveraineté. Le premier enjeu consiste pour nous à maintenir la souveraineté et la capacité de production de nos élevages aviaires en dépit de la grippe. Le 17 avril dernier, mon ministère a lancé un appel d’offres pour la commande de 80 millions de vaccins, afin de déployer cette vaccination. Trois firmes y ont répondu : Boehringer Ingelheim, Ceva Santé animale et Zoetis. Seules les offres de Boehringer Ingelheim ont été jugées recevables.
Notez d’abord qu’il ne restait plus que deux offres. Ensuite, rappelez-vous qu’il s’agit d’un marché public : les offres sont analysées tant du point de vue du prix proposé que de la qualité de la prestation. À l’issue des analyses, il se trouve que Boehringer Ingelheim était le mieux placé.
L’État prenant en charge 85 % du coût de la campagne de vaccination, il n’était pas illogique que cet élément soit un critère de choix.
Par ailleurs, il ne s’agit pas de remettre en cause la qualité du vaccin produit par Ceva Santé animale. La question qui se posait était celle de la disponibilité. Conformément à l’engagement que j’avais pris, je souhaitais qu’un laboratoire puisse démarrer la vaccination dès le début du mois d’octobre. Reconnaissons que nous avons été au rendez-vous de la qualité et de l’échéance voulue ; c’est sur la base de ces éléments que la décision a été prise.
Par ailleurs, vous savez très bien que la plupart de ces laboratoires ne produisent pas en France, mais se contentent d’embouteiller les vaccins ; c’est le cas du laboratoire Ceva Santé animale. Il n’en demeure pas moins que je suis sensible, autant que vous, à la question de la présence de ce laboratoire sur le territoire, en particulier dans votre région.
Nous étions confrontés à une situation d’urgence au début du mois d’octobre. Désormais, la vaccination a pu se déployer. Je vous annonce d’ores et déjà qu’un nouvel appel d’offres sera lancé au cours du mois de décembre afin que l’ensemble des laboratoires concurrents puissent y participer – le laboratoire Ceva Santé animale y a, bien évidemment, toute sa place.
C’est bien dans cette logique-là que nous avons agi, dans l’intérêt des éleveurs et de notre souveraineté.
dérogation annuelle des néonicotinoïdes
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 905, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Depuis 2018, les néonicotinoïdes sont interdits en France et en Europe au titre de la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Si, sur le papier, nous pouvons nous réjouir de formuler une telle ambition, nous sommes bien souvent rattrapés par la réalité. Et celle-ci est beaucoup plus cruelle qu’on l’imagine parfois.
Depuis cette interdiction brutale, qui n’est assortie d’aucun régime dérogatoire, nos agriculteurs sont dans l’impasse et souffrent du manque de solutions alternatives efficaces et pérennes. En effet, l’apparition et la recrudescence de certaines espèces d’insectes, comme la cicadelle, porteuse de virus, compromettent désormais les productions.
Si on parlait jadis presque exclusivement de la vigne, on constate maintenant des dégâts dans de nombreux fruits, y compris dans les céréales. Mon département du Lot-et-Garonne, premier producteur de polycultures, est presque arrivé à un point de non-retour, ce qui met à mal un pan de l’économie locale.
Monsieur le ministre, vous connaissez, comme moi, nos agriculteurs ; vous savez qu’ils sont raisonnables et raisonnés et qu’ils ne cessent d’améliorer leurs techniques pour préserver l’environnement. C’est la raison pour laquelle ils vous demandent une dérogation mesurée pour une application provisoire de certains néonicotinoïdes au début du printemps. Au fond, il me semblerait sans doute plus judicieux d’utiliser chaque semaine des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle.
Ne pourrait-on pas trouver une voie plus juste, un compromis durable, qui consisterait à appliquer chaque année un régime dérogatoire raisonnable des néonicotinoïdes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question sur l’usage des néonicotinoïdes. Vous cherchez, comme moi et comme tout le monde, une voie raisonnable, et vous faites bien ! Ce qui est déraisonnable, c’est la décision qui a été prise en 2016 d’interdire les néonicotinoïdes sans mettre en œuvre les moyens pour rechercher d’autres solutions.
Concernant la betterave, nous avons essayé de trouver des solutions alternatives. C’est ainsi que, dès 2020, nous avons lancé un programme national de recherche et d’innovation avec une dérogation à l’usage des néonicotinoïdes sur trois ans ; malheureusement, elle n’a pu être appliquée que sur deux ans.
Nous devons continuer à agir dans ce sens pour l’ensemble des filières, en anticipant en amont les situations de risques et les situations d’impasse, pour mieux les éviter. C’est pourquoi nous devons allouer les moyens nécessaires à la recherche et à l’innovation. Vous parlez des solutions de biocontrôle, mais il existe d’autres types de solutions. Il peut s’agir de solutions chimiques, mais leurs effets sur l’environnement sont d’une nature tout à fait différente. C’est là-dessus que nous devons travailler.
L’interdiction ne produit pas la solution, mais la dérogation n’invite pas non plus à chercher la solution. Partout où nous le pouvons, nous devons rechercher des solutions alternatives avec des moyens adéquats, qui ont déjà une réalité budgétaire. Ainsi, pour la première fois, nous affectons 250 millions d’euros par an à la recherche des solutions alternatives aux produits interdits ou à ceux dont on peut penser qu’ils risquent d’être de nouveau homologués. Nous aurons l’occasion d’en reparler à la fin de la semaine lors de l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Dans l’intervalle, des dérogations sont parfois appliquées, et pas seulement en biocontrôle, puisqu’elles valent aussi pour les secteurs du Lot-et-Garonne que vous connaissez bien. C’est ainsi que nous parviendrons à sortir les agriculteurs de l’impasse.
Nous avons un chemin à reconstruire, celui de la crédibilité vis-à-vis des agriculteurs, et j’en sais quelque chose ! Nous devons les assurer que nous cherchons des solutions.
Reposons-nous la question de l’usage des néonicotinoïdes. Je me souviens des débats qui ont eu lieu ici, au Sénat, pour décider s’il fallait prévoir une dérogation pour trois ans au maximum. Si, à chaque fois, on ne parvient pas à trouver la solution et qu’on pousse à la dérogation, on risque de compromettre toute crédibilité.
Enfin, un obstacle juridique se pose : le principe de non-régression environnementale, qui est inscrit dans la loi, empêcherait une réforme de voir le jour.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui va dans le sens des propos du Président de la République : « Pas d’interdiction sans solution. » Je vois que vous vous rapprochez du bon sens paysan ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Je m’en réjouis.
retard de versement aux associations caritatives du fonds pour une aide alimentaire durable
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 935, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Christian Redon-Sarrazy. Comme sans doute plusieurs de mes collègues, j’ai été alerté par les associations de solidarité sur le retard de versement de deux fonds relatifs à l’aide alimentaire : le fonds social européen (FSE+) et le nouveau fonds pour une aide alimentaire durable annoncé par la Première ministre en novembre 2022.
Depuis 2020, les Français ont dû faire face successivement aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de covid-19, puis à la crise économique et à l’inflation galopante des produits énergétiques et alimentaires qui en ont découlé. Face à cette succession de crises, nombre de nos concitoyens sont désormais obligés de recourir à l’aide alimentaire pour vivre.
Dans ce contexte, les deux programmes européens que sont le Fonds européen d’aide aux plus démunis (Fead) et le FSE+ apparaissent comme des piliers indispensables de la lutte contre la précarité alimentaire et ont, de ce fait, été largement abondés par l’Union européenne.
Pourtant, après avoir recueilli des informations auprès du commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux, les associations ont pu constater avec surprise qu’une large part de la dotation française au titre du Fead n’avait pas fait l’objet dans les temps d’appels de fonds auprès de la Commission européenne.
On constate le même immobilisme de la part du Gouvernement concernant le versement de près de 60 millions d’euros au titre du plan Mieux manger pour tous, qui dépend du nouveau fonds pour l’aide alimentaire durable. Bien qu’il ait été concrétisé en mai 2023, cinq mois plus tard, les associations attendaient toujours les versements.
La situation de grande précarité dans laquelle se trouvent 9 millions de Français ne préoccupe-t-elle pas le Gouvernement ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces fonds n’ont pas été réclamés ou n’ont pas encore été versés aux associations pour aider les plus démunis, eux qui en ont tant besoin ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, pardon de vous le dire, mais je ne suis pas sûr qu’on gagne à caricaturer ainsi la position du Gouvernement, qui se préoccupe, comme vous – je ne fais de grief à personne – de la situation de précarité de nos concitoyens et de l’inflation qu’ils subissent.
Le Gouvernement a mis en place plusieurs boucliers, notamment sur les prix de l’électricité, afin de protéger le pouvoir d’achat des Français. Il n’en demeure pas moins que nous restons très vigilants aux autres questions, en particulier celle de la forte inflation des prix alimentaires.
Tout d’abord, le programme Mieux manger pour tous, qui est un instrument supplémentaire pour aider les plus modestes, a été lancé dans le cadre du Pacte des solidarités 2023-2027. Ainsi, 60 millions d’euros ont été dégagés pour l’année 2023, somme qui aura vocation à s’accroître d’ici le terme du pacte en 2027.
Par ailleurs, un volet national pour l’aide alimentaire, doté de 40 millions d’euros, profite aux associations habilitées. Il a pour objectif la réalisation d’achat de denrées, afin d’accroître l’aide alimentaire en fruits légumes et légumineuses et produits sous label de qualité. Il permet aussi de respecter la saisonnalité des produits. Un volet à l’échelon territorial, doté de 20 millions d’euros, vise, quant à lui, à assurer le développement d’alliances locales.
Vous déplorez le retard engrangé, mais sachez que les conventions de financement des associations à l’échelon national pour une période de trois ans ont toutes été élaborées et signées. Elles résultent de l’arbitrage rendu sur des crédits alloués à chaque association au terme d’un dialogue de gestion effectué au courant de l’été. Il est normal que les choses prennent un peu de temps, et le mois de décembre n’apparaît pas comme une échéance déraisonnable. Il fut un temps où la mise en œuvre de certaines politiques publiques était beaucoup plus lente.
Un appel à projets a été lancé en mai sur les politiques locales. Sur les 2 200 projets déposés, 478 ont été sélectionnés, et les conventions ont toutes été signées.
J’en viens aux crédits reçus en 2023 par les associations qui n’auront pas été dépensés avant la fin de l’année. Évidemment, leur report sur l’exercice 2024 est tout à fait envisageable, après sollicitation. Les associations en ont été informées. La poursuite du projet sera facilitée grâce à la capitalisation des enseignements. Il s’agira de poursuivre les conventions engagées en 2023 par avenant, avec un versement, avant le 31 mars 2024, d’une avance correspondante à 50 % du montant prévisionnel.
Nous sommes donc en avance de phase pour 2024 compte tenu des rattrapages. Quant au FSE+, nous nous efforçons de trouver une solution au problème que vous évoquez.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous savez autant que moi que l’accès à une alimentation décente est une nécessité aujourd’hui pour tous nos concitoyens, surtout lorsque des fonds de l’Union européenne existent à cet effet.
Les élus locaux et les donateurs privés n’ont pas à jouer systématiquement le rôle d’amortisseur social. Or ils y sont souvent contraints lorsqu’il y a du retard dans la mise à disposition des fonds auprès des associations. Ce retard met en difficulté leur trésorerie, avec des conséquences immédiates sur les trop nombreux bénéficiaires, qui, très souvent, attendent tout de ces associations.
chenilles noctuelles et détresse des lavandiculteurs de la région sud-est
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 873, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Lucien Stanzione. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la détresse des lavandiculteurs de la région Sud-Est, qui traversent une crise profonde, aggravée par une série de difficultés, dont l’invasion des chenilles noctuelles l’été dernier.
Pour situer le contexte, le territoire de production de la lavande en Vaucluse se situe sur le plateau d’Albion, qui est sec et aride et connaît un climat de montagne. Cela rend de prime abord la production difficile. Depuis 2021, dans ce contexte pédoclimatique, se sont succédé des épisodes de gel, de sécheresse et de pluies excessives. Nous avons connu également la crise du covid-19, qui a provoqué des dérèglements économiques.
Il y a un problème de surproduction dans certaines zones géographiques, entraînant une chute des prix sur l’ensemble du territoire. Bref, la conjoncture n’est pas très favorable, d’autant qu’il faut y ajouter la nouvelle menace de l’invasion des chenilles noctuelles, qui ravagent la lavande et contre laquelle il n’existe, à ma connaissance, aucun dispositif de soutien.
En effet, cette catastrophe ne correspond à aucun mécanisme d’aide, qu’il s’agisse du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), de la couverture des calamités agricoles ou de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale. Les lavandiculteurs, déjà fragilisés, ont reçu un coup de grâce.
C’est pourquoi je vous interpelle, monsieur le ministre. Je vous demande de formuler des mesures concrètes pour aider les lavandiculteurs avant la fin de l’année. Ces derniers ont besoin d’une indemnisation financière rapide, afin de pouvoir payer à court terme leurs charges, les cotisations pour la Mutualité sociale agricole et les traites du prêt garanti par l’État (PGE). Ils ont également besoin de moyens pour prévenir l’invasion des ravageurs.
Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre ? Et à quel montant pourraient s’élever ces aides ?