M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. Suivant la même argumentation que celle que j’ai exposée pour l’amendement n° II-783, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-782. En revanche, je m’en remets à la sagesse de notre Haute Assemblée sur les amendements identiques nos II-692 et II-760.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Par souci de cohérence avec ce que je viens d’expliquer et avec l’effort que j’ai rappelé, j’émets un avis défavorable sur les trois amendements.
Néanmoins, je veux souligner que je regarde avec sympathie les orientations défendues par MM. Philippe Tabarot et Jean-François Longeot, ayant moi-même rappelé l’annonce faite à la fin du mois de mai d’une rallonge de 30 millions d’euros au début de l’année 2025. Il est proposé de l’anticiper, mais les équilibres généraux du budget pour 2024 donnent déjà une direction positive et significative.
J’émets donc un avis défavorable, même si je suis forcément sensible à la préoccupation exprimée de renforcer les moyens alloués au secteur du fret.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Au moment du Grenelle de l’environnement – ce qui ne nous rajeunit pas –, la part modale du fret ferroviaire en France se situait, si je ne me trompe pas, autour de 15 %, un niveau identique à celui de l’Allemagne. À l’heure actuelle, elle avoisine 10 % chez nous, avec un petit frémissement au cours des dernières années, quand l’Allemagne en est à 25 %. Il faut tout de même s’interroger sur les politiques publiques qui ont pu faire la différence… Les leviers actionnés en Allemagne pour développer le report modal, que ce soit à travers la contribution poids lourds ou l’aide aux services de wagons isolés, l’ont été de manière plus efficace.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je veux bien que l’on vote des amendements pour soutenir le fret ferroviaire. Notre groupe, avec d’autres groupes de gauche, en dépose d’ailleurs régulièrement – nous sommes même allés jusqu’à défendre des propositions de résolution. Donc, oui, nous voterons tous les amendements visant à renforcer le fret ferroviaire. C’est nécessaire pour le climat et pour l’économie.
En revanche, monsieur le ministre, on ne peut pas passer sous silence ce qui est en train de se passer pour Fret SNCF, qui représente aujourd’hui 60 % des parts de marché.
On le sait, c’était soit l’amende, soit la négociation. Je pense, pour ma part, qu’il aurait fallu engager un rapport de force avec la Commission européenne et refuser le diktat qui nous impose de saccager cette entreprise.
En démantelant Fret SNCF, nous courons à la catastrophe ! On va modifier le statut de l’entreprise, on va privatiser 49 % du capital, on va céder 20 % du chiffre d’affaires à on ne sait pas qui – à des acteurs qui, déjà aujourd’hui, ne font pas le boulot – et 10 % de l’effectif, c’est-à-dire des cheminots bien formés, vont se retrouver sur le carreau. En outre, humiliation suprême, Fret SNCF va devoir changer de nom.
L’examen d’un budget n’est pas qu’une affaire de chiffres… Ici, nous faisons de la politique ! Par conséquent, monsieur le ministre, il va falloir nous dire quel avenir vous envisagez pour Fret SNCF, qui représente, je le redis, 60 % du marché français. Vous le savez très bien, sans Fret SNCF, on ne développera pas le fret ; pis, en continuant comme on le fait depuis quinze ans à tout libéraliser, on réduira sa part modale.
Dites-nous quel sera l’avenir de Fret SNCF et de ses salariés, ce que vous comptez faire dans ce dossier, et après, nous voterons les chiffres. Pour ce qui nous concerne, nous soutiendrons toujours les moyens accordés au développement du fret ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je vais complètement dans le sens de l’intervention de Fabien Gay : on ne peut pas taire ce problème dramatique au moment du budget. Cela étant, on nous a demandé d’être sobres pour respecter nos contraintes de temps. J’indique donc que nous avions préparé un amendement du même type que les trois amendements présentés en discussion commune ; nous l’avons retiré pour faciliter le débat. En conséquence, nous voterons ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Bien que je ne veuille pas débattre trop longuement de Fret SNCF, loin de moi l’idée d’éluder le sujet, sur lequel, d’ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant l’Assemblée nationale comme devant le Sénat.
Évidemment, il est indispensable d’avoir un opérateur ferroviaire public, notamment au regard des activités de wagons isolés, mais pas seulement. D’ailleurs, les opérateurs privés n’en disconviennent pas. C’est cet opérateur public qui, si je puis dire, « fait » le marché du fret ferroviaire.
Je vais par ailleurs être très direct, monsieur le sénateur Gay : si nous avions pu nous dispenser de la procédure européenne, nous l’aurions fait volontiers ! J’ai moi-même combattu son contenu et son fondement. Être un Européen convaincu, comme je le suis, ne signifie pas être toujours en accord avec les décisions de la Commission européenne. Mais nous sommes dans une communauté de droit, et donc, une fois la procédure engagée, il faut choisir la solution la plus protectrice.
Je ne vais pas exposer l’ensemble des arguments, mais je suis convaincu que la solution la plus protectrice pour le fret ferroviaire, y compris public, doit être négociée, rapide et respectueuse des lignes rouges en matière d’emploi. Ainsi, 100 % des personnes travaillant aujourd’hui au sein de Fret SNCF garderont leur emploi, dont 90 % au sein de l’opérateur de fret ferroviaire public qui succédera à l’entreprise.
Autre élément important, il est essentiel de conserver un opérateur ferroviaire à capital majoritairement public. Il ne s’appellera plus Fret SNCF, car il s’agira d’une nouvelle structure – d’où le passage par un plan de « discontinuité » –, mais il demeurera majoritairement public et percevra, comme tous les autres opérateurs, les aides à l’exploitation précédemment citées, notamment les aides à l’exploitation des services de wagons isolés, qui passeront, comme je l’ai dit, de 170 millions à 200 millions d’euros.
M. Fabien Gay. Une partie des activités devront être cédées !
M. Clément Beaune, ministre délégué. Le budget est un objet politique, vous avez raison, monsieur le sénateur Gay, et il s’agit de savoir quel niveau d’investissement nous consentons pour le fret ferroviaire.
Il y a tout de même un point factuel qui devrait nous réunir : c’est l’exemple allemand évoqué par M. Fernique. Notre voisin allemand a le même cadre juridique européen que nous, il a libéralisé comme nous – ni plus ni moins et au même moment – puisqu’il s’agissait d’une exigence européenne et, pourtant, la part du fret ferroviaire y est beaucoup plus importante. C’est la preuve que d’autres facteurs entrent en jeu et que l’on peut développer la part modale du fret ferroviaire dans le cadre européen actuel.
Comment le fait-on ? En renforçant les aides à l’exploitation – je n’ai aucun problème avec cela et c’est compatible avec les règles européennes, l’Europe n’interdisant pas le soutien au fret ferroviaire – et en investissant dans les infrastructures. Or, je le redis avec conviction, nous n’en avons pas fait assez – loin de là – dans ce domaine, alors que nous avons fait beaucoup pour le soutien à l’exploitation. Nous avons massivement subventionné Fret SNCF – de là, d’ailleurs, provient le problème avec la Commission européenne, qui estime que nous n’avons pas toujours été dans la légalité. En tout cas, si cela suffisait, on le saurait !
L’aide à l’investissement est donc la clé. Vous avez sans doute visité des installations de fret en France et dans d’autres pays européens, mesdames, messieurs les sénateurs : nos infrastructures sont parfois indignes. En réinvestissant dans nos gares de triage, nous offrirons aux chargeurs, aux entreprises, aux salariés publics ou privés du secteur du fret ferroviaire un outil en état de fonctionnement, dont ils pourront être fiers.
La priorité absolue sur le plan budgétaire doit être, je l’assume, l’investissement dans les infrastructures de fret ferroviaire. C’est à mon sens ce qui explique la différence importante entre les parts modales de la France et de l’Allemagne, ou encore de la Suisse, pour prendre un autre cas exemplaire en matière de fret ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Ce débat est important. M. le ministre a évoqué certaines insuffisances. Pour compléter, je suggérerais que le Gouvernement dialogue beaucoup plus qu’il ne le fait avec les chargeurs et utilisateurs potentiels. Il y a là, je pense, un manque, une forme de faiblesse : le fret ferroviaire peut aussi se développer par une incitation beaucoup plus forte à l’utiliser.
Ma remarque n’a rien d’abstrait. Sur mon territoire, nous avons des lignes anciennes, complètement désaffectées, qui pourraient servir à des chargeurs, notamment dans le secteur céréalier. Ceux-ci ne veulent pas franchir le pas ou disent qu’ils ne peuvent pas le faire, pour des raisons diverses et variées. Il faudrait, je pense, les accompagner et les aider. Tout le monde y gagnerait !
Vous avez évoqué les investissements, monsieur le ministre, et, incontestablement, il y a beaucoup à faire en la matière. Pour autant, il ne faut pas négliger l’incitation des usagers potentiels à l’utilisation du fret ferroviaire. Celle-ci doit être développée.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Je ne voudrais pas laisser penser une seconde qu’il n’y a pas d’accompagnement des opérateurs de fret ferroviaire ou d’attention qui leur soit portée.
Je le répète, il faut un opérateur de fret ferroviaire public aujourd’hui, comme demain. Mais les opérateurs de fret ferroviaire privés constituent aussi une part de la solution pour développer ce secteur. Je participais encore la semaine dernière à leur congrès, ce qui témoigne de l’écoute régulière que je leur prête : alors que l’alliance 4F préconise 3,5 milliards d’euros d’investissements supplémentaires d’ici à 2030, nous proposons 4 milliards d’euros ! On ne peut pas dire que nous ne répondons pas à leurs préoccupations.
Quand des complications ou des difficultés temporaires surviennent – je pense aux conséquences de l’éboulement dans la vallée de la Maurienne –, nous essayons de trouver des solutions et, au-delà des aides à l’exploitation, qui bénéficient à l’ensemble des acteurs du fret ferroviaire – donc, aussi, aux chargeurs –, nous avons également répondu présent en octroyant l’an dernier plus de 40 millions d’euros pour les aider à passer le cap difficile de la hausse des coûts de l’énergie, lesquels, comme l’a rappelé Mme la rapporteure spéciale, sont fort heureusement en train de baisser.
Par conséquent, nous réunissons régulièrement les acteurs du secteur du fret ferroviaire, notamment les chargeurs, et cherchons avec eux des solutions pour rendre ce secteur attractif, solutions qui, je le redis, passent prioritairement par les investissements.
J’en termine avec ce vaste débat, qui dépasse notre strict cadre budgétaire : s’il faut, une fois que les investissements sont réalisés, une fois que nous disposons d’infrastructures dignes de ce nom à proposer aux chargeurs et aux acteurs du secteur, passer par la voie réglementaire pour imposer sur certains axes une part minimale de fret ferroviaire, c’est un levier à envisager.
J’ai été interpellé sur le sujet par la profession la semaine dernière : ce n’est pas pour tout de suite, car on ne peut pas obliger à passer du camion au train s’il n’y a pas de trains, mais il n’y aura plus d’excuse quand les infrastructures auront été améliorées. À la logique de marché, on peut sans doute adjoindre une forme de contrainte. Toutefois, cette incitation ou obligation réglementaire ne peut survenir que dans un second temps.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-692 et II-760.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-776, présenté par M. Jacquin, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
33 800 000 |
|
33 800 000 |
|
Affaires maritimes, pêche et aquaculture |
|
|
|
|
Paysages, eau et biodiversité |
|
|
|
|
Expertise, information géographique et météorologie |
|
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|
|
Prévention des risques dont titre 2 |
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|
|
|
Énergie, climat et après-mines |
|
|
|
|
Service public de l’énergie |
|
33 800 000 |
|
33 800 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires |
|
|
|
|
TOTAL |
33 800 000 |
33 800 000 |
33 800 000 |
33 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° II-755 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° II-755 rectifié, présenté par MM. Jacquin et M. Weber, et ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Infrastructures et services de transports |
16 900 000 |
|
16 900 000 |
|
Affaires maritimes, pêche et aquaculture |
|
|
|
|
Paysages, eau et biodiversité |
|
|
|
|
Expertise, information géographique et météorologie |
|
|
|
|
Prévention des risques dont titre 2 |
|
|
|
|
Énergie, climat et après-mines |
|
|
|
|
Service public de l’énergie |
|
16 900 000 |
|
16 900 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires |
|
|
|
|
TOTAL |
16 900 000 |
16 900 000 |
16 900 000 |
16 900 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Olivier Jacquin. Je voudrais aborder, avec ces amendements, le sujet des relations entre l’État et les collectivités territoriales autour du secteur ferroviaire.
J’évoquerai une ligne particulière, celle qui relie les villes de Metz et de Nancy à Lyon, mais vous êtes tous potentiellement concernés, mes chers collègues. En effet, il est question ici d’une reprise de service d’un train d’équilibre du territoire (TET), dont la charge repose en théorie à 100 % sur l’État, qui serait cofinancée par des collectivités territoriales, y compris non compétentes : métropoles, conseils départementaux, en sus du conseil régional. Ce serait une première ! En acceptant cela, nous acterions de facto un nouveau, et inacceptable, désengagement de l’État. La question que je soumets est donc une question de principe.
En 2018, le groupe SNCF a unilatéralement supprimé deux liaisons TGV de Metz-Nancy vers le sud de la France pour une durée annoncée de cinq ans et en raison de travaux dans une des gares de Lyon. Il s’était engagé à reprendre le service dès les travaux achevés.
Entre-temps, le nouveau pacte ferroviaire est intervenu et, vous l’avez compris, le service n’a absolument pas repris. Un front transpartisan réunissant toutes les collectivités territoriales s’est alors monté en Lorraine. Je tiens à cet égard, monsieur le ministre, à saluer la tenue de réunions de concertation avec votre ministère pour essayer de trouver une solution.
Une première étape vient d’être gagnée, avec une disposition gravée dans le marbre grâce à un amendement de notre rapporteur général, que je salue également. Dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, a été intégré l’achat de matériel roulant pour une mise en service en 2029, mais avec – j’y insiste – cofinancement des collectivités territoriales.
Grâce au matériel que le conseil régional Grand Est, que je salue à son tour, va prêter, une reprise effective pourrait être envisagée dès 2025.
Les deux amendements que je présente visent à corriger cette situation. Le premier reporte, dès 2025, toute la charge de cette mise en service sur l’État, seul compétent. Le second, qui est un amendement de repli, prend acte de l’accord du conseil régional Grand Est de financer un quart de la charge, mais dégage les métropoles et les conseils départementaux de Meurthe-et-Moselle et de Moselle.
Monsieur le ministre, en vertu de quoi des départements et des métropoles devraient-ils financer, d’ici à 2029, la reprise de service de ce train d’équilibre du territoire ? Pouvez-vous nous confirmer que, à partir de 2029, l’État en sera le seul financeur ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. Un dialogue constructif a eu lieu au niveau local entre les différents partenaires : l’État, la région Grand Est, les départements de Moselle et de Meurthe-et-Moselle, ainsi que les agglomérations.
J’ai bien entendu que des annonces récentes pourraient modifier les charges respectives des uns et des autres, mais ce n’est ni le moment ni l’endroit de traiter de ce sujet.
Le Sénat, au travers de son vote intervenu il y a quelques jours, a joué son rôle plein et entier en rendant de nouveau ce projet possible. Il serait donc raisonnable de laisser les acteurs compétents boucler le dossier.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Mes conclusions et mon avis sont les mêmes que ceux de Mme la rapporteure.
Monsieur le sénateur Jacquin, je tiens à saluer votre engagement sur ce dossier, ainsi que celui, personnel, du rapporteur général. C’est grâce à votre mobilisation qu’ont pu être adoptés, dans la loi de finances de fin de gestion pour 2023, les crédits permettant la réouverture de cette ligne.
Vous avez rappelé l’historique de ce dossier ; je ne répéterai pas vos propos. Nous avions bien une forme de dette à cet égard, après les promesses faites lors de la crise du covid-19, puisque la fermeture de la ligne, qui devait être temporaire, s’est prolongée.
Vous le savez, depuis ma prise de fonctions au ministère des transports il y a plus d’un an, je me suis engagé personnellement en relançant ce travail, en examinant les solutions techniques et financières, avec vous, et à ma demande, sous l’égide de la préfète de région.
La solution transitoire que nous avons proposée, a été, me semble-t-il, largement acceptée : il s’agit des trains d’équilibre du territoire (TET). Mais toutes les caractéristiques de la ligne, notamment son matériel roulant, relèvent des trains express régionaux (TER). Cela explique que ce système soit quelque peu hybride.
Cette solution n’avait d’ailleurs pas vocation, pour répondre à votre préoccupation, à créer un précédent ou à marquer un désengagement de l’État à l’égard des TET. Pour autant, il s’agit d’un objet un peu particulier, entre train d’équilibre du territoire et train express régional. C’est la raison pour laquelle l’État – et c’était déjà un effort significatif –, notamment grâce aux crédits qui ont été votés, est prêt à financer la moitié du coût de cette ligne pour ce qui concerne la phase transitoire. Pour la suite, il y aura probablement une solution d’État durable ; nous verrons quelles options se présenteront.
Durant la phase transitoire, c’est-à-dire un peu avant la fin de la décennie, le financement de la ligne sera assuré à 50 % par l’État et à 50 % par les collectivités. Ce principe est aujourd’hui accepté par la région.
Ce coût est élevé, puisque le déficit d’exploitation estimé par la SNCF est très important. Je le dis dans cet hémicycle, comme je l’ai dit aux élus : le coût tel qu’il a été estimé est peut-être excessif, et il convient de retravailler sur l’estimation exacte du déficit d’exploitation.
Pour être très clair, l’État a les moyens, grâce au vote du Sénat, de financer 50 % de cet effort. Nous allons voir ce que nous pouvons faire pour les années qui viennent, et envisager avec les collectivités un partage de l’effort en vue de faire contribuer, notamment, la région. Ainsi les collectivités ayant un peu moins de moyens ne seront-elles pas soumises à une contribution excessive.
Je suis attaché à la réouverture de la ligne Nancy-Lyon. La solution transitoire que nous avons dégagée et le financement de l’État à hauteur d’au moins 50 % nous permettent d’avancer dans cette voie.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Pour abonder dans le sens d’Olivier Jacquin, je tiens à dire que les élus de notre territoire sont attachés à ces deux amendements.
Tout d’abord, nous parlons bien là d’une liaison nord-sud, et pas seulement d’une ligne reliant Metz, Nancy, Dijon et Lyon, sans oublier Luxembourg, en amont, et Bruxelles. Cette liaison, nous en avons absolument besoin. Il s’agit, par ailleurs, d’une mesure corrective puisqu’un engagement qui avait été pris n’a pas été respecté.
Ensuite, des débats ont lieu sur la cohérence territoriale, et sur la liaison avec Lyon, compte tenu de l’existence de l’aéroport Metz-Nancy-Lorraine.
Enfin, nous avons le sentiment de nous retrouver face à des mesures d’exception, comme celles que nous avons connues voilà quinze ans, lorsque les collectivités avaient été mises très lourdement à contribution pour la mise en place de la ligne à grande vitesse (LGV). Il nous semble que cette double peine nous est de nouveau imposée.
De ce point de vue, un engagement fort doit être pris et respecté en faveur de l’ensemble de ce bassin d’emploi, qui est en développement, et de la région Grand Est, qui a fait la preuve de son engagement.
Il faut en revenir aux compétences régaliennes et à une plus grande lisibilité du rôle des collectivités locales. Nous avons en permanence des débats sur la cohérence et sur le millefeuille territoriaux ; en l’occurrence, ces deux amendements prévoient bien une mesure de cohérence. Pour toutes raisons, je les soutiendrai.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. En tant que sénateur de la région Grand Est, je considère également que, après l’arrêt de la ligne à grande vitesse, la réouverture de la ligne ferroviaire directe Metz-Nancy-Lyon est très importante.
Il s’agit d’une ligne d’intérêt national : son financement à 100 % par l’État à partir de 2029 doit donc être garanti. Or, vous avez dit, monsieur le ministre : « Nous allons voir ce que nous pouvons faire pour les années qui viennent. » Je n’appelle pas vraiment cela une garantie…
Le problème qui se pose – on l’a compris – concerne le financement de la ligne durant la période transitoire 2025-2029 : des TER mis en place entre la Lorraine et Lyon assureraient alors le service. Puisqu’il s’agira de trains express régionaux, on peut en déduire que la région Grand Est participera au financement. Et puisque cette ligne est d’intérêt national, l’État devra être le contributeur majoritaire.
Il n’est pas acceptable de faire payer toutes les autres collectivités : cette ligne ne relève pas de leurs compétences et elles ont bien d’autres priorités en termes de mobilités.
Je me souviens, moi aussi, du coût de la facture de la LGV Est et de sa part dans l’endettement des collectivités qui avaient alors dû payer. Je soutiens donc pleinement ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’apprécie une fois encore que vous reconnaissiez, monsieur le ministre, la dette de votre ministère envers la Lorraine et cette promesse non tenue de la SNCF, qui a agi de manière totalement désagréable.
J’ajouterai un élément complémentaire, madame la rapporteure. Il y avait un accord global des collectivités territoriales, jusqu’à ce que les évaluations du ministère des transports quadruplent la part des collectivités territoriales. Auparavant, ces sommes étaient acceptables, environ 1 million d’euros à se répartir par an ; puis en l’espace d’un mois, sans raison, ce montant est passé à 4 millions d’euros, à se répartir entre deux métropoles et deux conseils départementaux. C’est considérable !
Je vous remercie également, monsieur le ministre, d’avoir annoncé que vous étiez prêt à revoir ces estimations ainsi que la part de participation des collectivités territoriales.
Certes, l’industrie ferroviaire est une industrie lourde et les coûts y sont élevés, mais je vais maintenir ces amendements. S’ils étaient adoptés, je puis vous garantir qu’il s’agirait d’un précédent susceptible de s’appliquer dans d’autres parties du territoire national.
Selon mes informations, il n’y a pas encore eu d’autre précédent depuis la nouvelle Convention relative à l’exploitation des trains d’équilibre du territoire 2022-2031. Il y a bien eu l’exemple d’un train de nuit cofinancé par la région Occitanie, mais il n’est plus à l’ordre du jour depuis la signature de ladite convention.
N’acceptons pas ce nouveau désengagement de l’État sur le dos des collectivités territoriales !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Ce dossier s’inscrit malheureusement dans la même logique que la LGV Est, ouverte en 2007. Pour la première fois, les collectivités locales avaient participé à la mise en place d’une ligne, dont on avait dit alors qu’elle ne serait pas rentable.
S’agissant de la ligne partant de Luxembourg en direction du sud, et dont un tronçon avait été fermé en 2018, la SNCF nous avait annoncé une fermeture non pas de cinq ans, mais de deux ans. La SNCF et l’État ont donc une dette à notre égard.
J’ai retenu que le dialogue avec les collectivités avait abouti à un accord pour la période transitoire 2025-2029 : la région prêtera, au bénéfice de cette ligne, du matériel dont elle dispose actuellement et qu’elle ne pourra utiliser de nouveau qu’en 2027.
La question qui nous est posée est la suivante : doit-on laisser l’État financer la ligne à hauteur de 50 %, ainsi que les collectivités pour le même montant ?
Vous le savez, monsieur le ministre, la région et d’autres collectivités – notamment les deux départements qui ont été cités et les deux métropoles – avaient mis en place un dispositif de financement nettement moins coûteux. Pour ma part, je n’exclus rien, et je pense qu’il faut laisser le dispositif aller jusqu’au bout. À défaut, on risquerait de se retrouver avec que dalle, bernique ! Et on aurait fait tout cela pour rien, car la SNCF et l’État ne mettront pas la main à la poche !
Par ailleurs, comme les vitesses de circulation seront dégradées, au bas mot autour de 110 kilomètres par heure, on pourra dire « au revoir » à cette ligne !
J’avais accepté, à la demande du Gouvernement, de soutenir ce dispositif pour mettre le pied dans la porte et permettre le financement de la ligne. Si l’on échoue, tant pis, mais on aura au moins laissé la porte entrouverte : c’est gagnant-gagnant. Puisque l’État est prêt à jouer ce jeu, je lui dis « chiche ! », mais aux conditions financières qui étaient encore en vigueur voilà il y a quelques semaines.
Il est tout de même désagréable d’apprendre que les règles votées dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 n’étaient déjà plus à l’ordre du jour quarante-huit heures après ! En effet, la préfète de région nous a dit lors d’une réunion que l’on devrait finalement payer quatre fois plus que prévu. Là, je dis niet, jamais de la vie !