Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, en remplacement de M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis.
M. Mickaël Vallet, en remplacement de M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mon collègue Olivier Cadic n’ayant pas pu être présent aujourd’hui – chacun sait que sa circonscription s’étend à l’échelle du monde –, il m’a demandé de vous faire la communication suivante.
Aux trois défis que je viens d’évoquer, M. Cadic souhaite en ajouter un quatrième, que nous avions abordé dans notre rapport préparatoire à la loi de programmation militaire (LPM) et qui concerne l’organisation, ou plutôt la réorganisation, du dispositif de coordination pour répondre au changement d’échelle en matière de cybersécurité.
Cette nécessité de refondre notre stratégie est apparue à la suite des nombreux points d’attention que les services et les entreprises que nous avons auditionnés pour préparer notre rapport ont soulevés.
Ceux-ci ont notamment dénoncé une sorte de brouillard autour de l’organisation de la réponse aux incidents cyber, répartie entre l’Anssi, qui est responsable des systèmes de l’État et des opérateurs d’importance vitale, la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, qui se charge du reste, mais sans bénéficier des moyens nécessaires, et les centres régionaux de réponse aux incidents cyber, les fameux CSIRT (Computer Security Incident Response Team), que l’Anssi a commencé à développer, sans que l’efficacité de leurs services et la pérennité de leur financement soient à ce jour garanties. Ils dépendent, en effet, pour beaucoup des conseils régionaux.
En réalité, chaque ministère et chaque entité se sont dotés d’un coordinateur. C’est le cas de l’Anssi, qui est à la fois un régulateur et un acteur de la cybersécurité. Le secrétariat général pour l’investissement, qui dépend de Bercy, a également son coordinateur. Quant à la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, elle est à la croisée de tous les chemins.
Dernièrement, le ministère de l’intérieur a pris la charge financière de la création de la future plateforme de signalement, dite 17 cyber. Il s’agit du fameux numéro unique que nous appelions de nos vœux depuis cinq ans déjà. Le Président de la République en avait annoncé la réalisation en janvier 2022 dans son discours de Nice sur la sécurité. Aussi M. Cadic se réjouit-il de cette perspective.
Le fait que la menace cyber soit largement prise en compte va en soi dans le bon sens. Mais, comme nous l’avons vu, quand tout le monde coordonne, qui pilote ? Pour citer Napoléon : « Un mauvais général vaut mieux que deux bons. » Il est indispensable qu’une chaîne claire de traitement et d’escalade des incidents soit définie pour le lancement du 17 cyber, prévu en mars 2024.
Mais, à quelques mois de ce rendez-vous important, il reste encore à définir les services que cette plateforme numérique apportera à la population. Il reste surtout à déterminer la manière dont on informera la population de la mise en service de la plateforme : selon quelle communication et avec quels crédits ? Là encore, l’enjeu est de toucher le grand public.
Pour reprendre la métaphore du jardin à la française, il nous semble urgent de définir une organisation et un suivi de qualité, bref, de dessiner les allées du jardin au risque de voir se développer une jungle.
Pour conclure et compléter les recommandations formulées précédemment, M. Cadic propose que nous nous inspirions de la grande cause nationale de la sécurité routière, qui a permis de réduire drastiquement le nombre de morts sur les routes en confiant à un coordinateur unique la responsabilité de piloter tous les moyens disponibles. Est-ce là le rôle de l’Anssi ou bien celui d’un délégué interministériel clairement identifié ? C’est à l’exécutif d’en décider, mais il nous revient de lui signaler que l’année 2024 est le bon moment pour le faire.
Au bénéfice de ces observations, nous vous proposons conjointement l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Pouvoirs publics » comporte les crédits de la présidence de la République, des deux chambres du Parlement, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République (CJR).
Le budget total de la mission s’élève à 1 137,8 millions d’euros pour 2024, en hausse de près de 6 % par rapport à l’année dernière. L’augmentation concerne l’ensemble des institutions de la mission, dans des proportions variables, à l’exception de la CJR dont la dotation reste stable.
Je souhaite revenir sur la proposition formulée par notre collègue Grégory Blanc visant à comparer le coût de nos institutions avec celui d’autres organismes équivalents en Europe. Cette idée me paraît intéressante, dans la mesure où une telle comparaison, rapportée au nombre d’habitants, permettrait d’établir des indicateurs plus objectifs sur le sujet.
J’émets cependant deux réserves.
D’une part, le périmètre de l’étude comparative devrait être élargi aux institutions de l’ensemble des démocraties occidentales, et non pas être limité à celles des démocraties européennes, notamment en raison de la meilleure accessibilité des données dans les systèmes anglo-saxons.
D’autre part, les spécificités de chaque système institutionnel peuvent engendrer des biais, qui limitent parfois l’intérêt de la comparaison. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le coût du Conseil constitutionnel et celui de la Cour de Karlsruhe sont difficilement comparables, tant leurs missions et leur poids dans le système institutionnel diffèrent.
J’en viens maintenant à la présentation des crédits de la mission. L’analyse de l’évolution des dotations octroyées aux différentes institutions permet de dégager deux tendances communes.
Tout d’abord, les institutions tardent à demander une revalorisation de leurs crédits à un niveau adéquat, ce qui conduit, in fine, à une hausse plus substantielle des dotations demandées, par un effet de rattrapage, qui se manifeste en particulier cette année. Par exemple, la présidence de la République, qui a fait le choix de maintenir sa dotation constante entre 2020 et 2022, sollicite cette année une hausse de ses crédits de 10,96 %, soit 12,10 millions d’euros de plus que l’année dernière.
Ensuite, les institutions de la mission « Pouvoirs publics » compensent leurs déficits budgétaires – pour partie liés à de lourds investissements immobiliers destinés à la rénovation et à l’entretien du patrimoine historique – en ayant recours à des prélèvements récurrents sur leurs réserves, ce qui n’est pas soutenable à moyen terme. Ainsi, les dépenses d’investissement du Sénat seront, cette année encore, financées en grande partie par un prélèvement sur les disponibilités.
Si les efforts budgétaires consentis jusqu’à présent par les différents pouvoirs publics et la dynamique inflationniste actuelle justifient une revalorisation des crédits octroyés, j’invite toutefois les institutions de la mission à privilégier, pour l’avenir, une progression plus linéaire de leur dotation.
Au vu de ces éléments, la commission des lois vous propose d’adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis, en remplacement de M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis.
Mme Nathalie Delattre, en remplacement de M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter l’avis de la commission des lois sur les programmes 165 et 164 de la mission « Conseil et contrôle de l’État », en lieu et place de notre collègue Guy Benarroche, qui a malheureusement été retenu dans son département.
Ces deux programmes présentent des crédits en augmentation de 8,6 % et un schéma d’emploi également en hausse, en particulier pour le programme 165, avec un renforcement des équipes de magistrats et d’agents de greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Cet accroissement des effectifs est conforme à la programmation pluriannuelle pour les années 2023 à 2027. Il est également nécessaire, car les juridictions administratives demeurent soumises à une forte progression des entrées contentieuses.
Dans ce contexte, qui nécessite une mobilisation soutenue, l’alignement de la grille indiciaire des magistrats sur celle des administrateurs de l’État constitue une première avancée importante, de même que le rapport sur la charge de travail des magistrats, qui confirme par ses constats le ressenti des équipes juridictionnelles – notamment sur les effets indésirables de la dématérialisation – et qui ouvre d’intéressantes pistes d’amélioration.
Deux juridictions administratives spécialisées mériteront une attention particulière en 2024.
La Cour nationale du droit d’asile, tout d’abord, est susceptible d’être profondément transformée par le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qui est en discussion à l’Assemblée nationale après avoir été adopté par le Sénat.
En effet, la création de chambres territoriales ne manquerait pas d’avoir un impact sur son organisation et sur le projet immobilier de relogement en cours. Seul un quart des dossiers serait concerné par la territorialisation, ce qui représenterait tout de même cinq chambres sur les vingt-trois que compte la cour.
Si la réforme était votée, il conviendrait de réfléchir très rapidement à un autre usage pour une partie de ces nouveaux locaux, qui représentent un coût réactualisé de l’ordre de 130 millions d’euros.
La commission du contentieux du stationnement payant basculera, quant à elle, entièrement sous la responsabilité du Conseil d’État. Elle est confrontée depuis le début de l’année 2021 à une augmentation considérable du nombre de recours et son stock d’affaires restant à juger a augmenté de 40 % en 2022.
La commission est cependant transférée sur le programme 165 à effectifs constants. Pour faire face à l’afflux de dossiers et aux retards accumulés, l’ouverture de 20 à 30 postes d’agents de greffe paraît nécessaire. Préalablement, il semble indispensable de pourvoir l’ensemble des 15 postes de magistrats ouverts depuis 2022 pour assurer une supervision satisfaisante de ces personnels, qui ont essentiellement un rôle d’aide à la décision.
Enfin, nous espérons que l’année prochaine, une action spécifique sera consacrée à cette commission dans la maquette du programme pour mieux suivre ses crédits et sa performance, comme cela est le cas pour la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
En ce qui concerne le programme 164 et les juridictions financières, le plan «Juridictions financières 2025 » est à mi-parcours et il est trop tôt pour en faire le bilan. On peut cependant noter que les nouvelles orientations sont mises en œuvre à moyens humains constants. Dans ces conditions, une inquiétude demeure quant à la manière dont les chambres régionales et territoriales des comptes pourront continuer à assumer leur rôle en matière de contrôle de régularité et de lutte contre les atteintes à la probité à l’échelon local.
En conclusion, la commission des lois est favorable à l’adoption des crédits des programmes 165 et 164, sous réserve de l’adoption de son amendement sur les indicateurs de performance du programme 164.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’étonner tout d’abord de l’absence de réelles mesures de programmation des dépenses au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », alors que le budget annexe de la direction de l’information légale et administrative (Dila) fait preuve de rigueur.
Je souhaite, ici, ouvrir une parenthèse en rappelant que, après la mise en garde de la Commission européenne sur les dépenses publiques de la France, le 21 novembre dernier, le ministre chargé des comptes publics a fait part de son intention de rationaliser le parc immobilier de l’État et d’évaluer le coût de sa complexe organisation administrative.
À son échelle, la présente mission budgétaire constitue précisément un cas d’école en matière d’émiettement immobilier et d’organisation fragmentée.
En premier lieu, en ce qui concerne l’immobilier, toute ambition de mutualisation semble s’être émoussée avec l’achèvement du site Ségur-Fontenoy. Ce qui subsiste, en dehors de ce site, est une agrégation d’opérations immobilières sans ligne directrice claire.
La situation du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) est particulièrement préoccupante. Avec la croissance importante des effectifs, l’hôtel national des Invalides est aujourd’hui saturé et d’importants baux locatifs ont été conclus dans l’urgence.
Il est crucial de repenser la stratégie immobilière de la mission, en remettant en question l’opportunité de recourir à des locations pour héberger des autorités dont les missions sont appelées à perdurer. S’ajoute à ce constat la concentration, souvent injustifiée, des autorités dans la région parisienne.
En second lieu, en ce qui concerne l’organisation de la mission elle-même, je m’interroge sur la dispersion des services de la Première ministre, au gré des priorités politiques, et sur les risques de doublons que cela peut susciter. Je pense notamment à l’articulation entre la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese) et la direction générale de la fonction publique.
Cette dispersion entrave également l’efficacité d’un contrôle interne budgétaire. Nous ne pouvons qu’être perplexes, en constatant que les différents services du programme « Coordination du travail gouvernemental » souffrent, paradoxalement, d’un déficit de coordination.
Cela étant dit, je relève la pertinence des principaux axes retenus par la mission budgétaire pour l’exercice 2024, concernant la cybersécurité et la régulation du numérique. Ces lignes directrices bénéficient d’un budget en hausse constante depuis plusieurs exercices, ce qui renforce sans nul doute leur cohérence.
Sans que l’on puisse y distinguer une véritable ligne directrice, je note, enfin, un effort en faveur des autorités de protection des droits et libertés, qui voient leurs dépenses de personnel alignées à la hauteur de la hausse de leurs saisines, 10 ETP supplémentaires étant par exemple attribués au Défenseur des droits.
En dépit des faiblesses que nous avons évoquées, nous estimons donc que les priorités de la mission pour l’exercice 2024 sont fondées. En conséquence, la commission des lois émet un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois missions que nous examinons voient leurs crédits augmenter. Pourtant, certaines des dépenses prévues peuvent susciter un certain nombre de réserves.
J’aborderai en premier lieu la mission « Pouvoirs publics », qui regroupe les crédits de la présidence de la République, des deux assemblées, des chaînes parlementaires, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, dont Emmanuel Macron avait d’ailleurs demandé la suppression en 2017.
À l’exception de la Cour de justice de la République, dont les moyens sont constants par rapport au PLF 2023, toutes les dotations de cette mission sont en augmentation.
Certaines hausses sont marginales, dont celle pour le Sénat à 2,1 %, celle pour les chaînes parlementaires à 2,2 % ou encore celle pour l’Assemblée nationale à 4,2 % – nous n’y verrons aucun favoritisme. (Sourires.) Elles correspondent peu ou prou au niveau de l’inflation. En revanche, d’autres dépenses sont de nature à soulever quelques interrogations de notre part.
C’est notamment le cas du budget de la présidence de la République, qui voit sa dotation augmenter de 11 %, soit 12,1 millions d’euros supplémentaires.
Si une part de cette hausse peut être imputée à l’inflation et aux dépenses de personnels, positivement impactées par la hausse du point d’indice dans la fonction publique, il n’en va pas de même pour les augmentations des dépenses de fonctionnement ayant trait à l’action présidentielle et aux déplacements du chef de l’État, respectivement en hausse de 5,9 % et de 31,9 %.
L’Élysée justifie la croissance de ces projections de dépenses par le contexte diplomatique et géopolitique, argument qui aurait pu être légitime s’il n’était pas utilisé chaque année.
Le budget du Conseil constitutionnel est pour sa part en hausse de 34,6 %. Cette augmentation est notamment justifiée par le financement d’importants travaux de rénovation et de sécurisation. Nous regrettons cependant, comme chaque année, le caractère succinct et parcellaire des documents budgétaires en fonctionnement transmis par l’institution.
Ces réserves énoncées, le groupe socialiste votera en faveur des crédits de la mission « Pouvoirs publics », tout en restant attentif à leur exécution.
La mission « Conseil et contrôle de l’État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières, ainsi que ceux du Conseil économique, social et environnemental. Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024, elle voit ses moyens augmenter de 8,07 %.
Cette progression des crédits est notamment due à la revalorisation indiciaire des magistrats administratifs et financiers – décision que nous saluons –, ainsi qu’au renforcement des effectifs des juridictions administratives, bienvenu dans un contexte d’engorgement des tribunaux.
Si nous jugeons ces évolutions positives, il semble toutefois que ces moyens supplémentaires ne soient, pour l’heure, pas suffisants pour endiguer un stock toujours plus important d’affaires à juger au sein des juridictions administratives.
Cette croissance du nombre de contentieux va, hélas ! de pair avec des délais de traitement des dossiers bien trop longs : en 2022, le stock des affaires datant d’il y a plus de vingt-quatre mois représentait 4,7 % des cas traités dans les cours administratives et 10,3 % des contentieux des tribunaux administratifs.
De même, la situation de la Cour nationale du droit d’asile nous semble préoccupante. Alors que l’institution se donne pour objectif de rendre une décision en l’espace de quelques semaines, le stock d’affaires à traiter est tel que les délais moyens des procédures sont de cinq mois environ.
Ces délais sont difficilement acceptables et nuisent grandement à la qualité du recours administratif offert aux justiciables.
Ces éléments constituent, vous l’avez compris, des points de vigilance pour les membres de notre groupe. Nous voterons cependant en faveur des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », en raison de l’augmentation des crédits et des effectifs, qui, même si elle est encore insuffisante, est bienvenue.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » bénéficie d’un effort budgétaire incontestable. Cette augmentation des crédits permet une hausse du nombre d’emplois, notamment dans les domaines de la sécurité et du numérique, qui concentrent des enjeux importants. C’est donc une bonne nouvelle.
Nous nous interrogeons néanmoins sur la signification politique de l’écart entre l’augmentation de 14,1 % des crédits alloués au travail gouvernemental et celle de 5,6 % de ceux qui sont dédiés à la protection des droits et libertés.
Si nous accueillons favorablement l’augmentation de 40 équivalents temps plein pour l’Anssi, nous la relativisons cependant en la comparant à la création de 80 équivalents temps plein dans les cabinets ministériels.
Par ailleurs se pose la question de notre capacité à pourvoir ces postes. Parviendrons-nous à former les futures recrues dans le numérique, en particulier dans la cybersécurité ?
Au regard des enjeux de cette année, notamment les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ainsi qu’une situation internationale conflictuelle, nous devons nous assurer de recruter au bon niveau.
Nous nous réjouissons également de l’internalisation de certaines fonctions, notamment celles qui sont liées à l’évaluation, avec la création de 8 équivalents temps plein pour la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État. Faut-il y voir la fin, bienvenue, du recours aux cabinets de conseil ?
De même, nous nous félicitons que la grande majorité des dix autorités administratives indépendantes concernées par le programme « Protection des droits et libertés » bénéficient de moyens supplémentaires, particulièrement le Défenseur des droits, qui se voit accorder 10 équivalents temps plein supplémentaires.
Toutefois, la réduction des crédits alloués à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est difficile à comprendre puisqu’il s’agit d’une baisse des dépenses de personnel alors que, dans le même temps, un recrutement supplémentaire est prévu. Compte tenu de la situation des droits humains dans le monde, le symbole est malvenu.
Nous proposerons donc un amendement visant à abonder la CNCDH, à hauteur de 500 000 euros, pour rétablir son budget au niveau de celui de la loi de finances initiale de 2023, rehaussé du niveau de l’inflation, et pour ainsi lui permettre d’assurer son développement.
En espérant que cet amendement visant à renforcer une autorité au rôle essentiel reconnu de tous sera adopté, le groupe socialiste votera en faveur des crédits alloués à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 septembre dernier, lors de la présentation du projet de loi de finances, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics ont souligné le « contexte inflationniste qui brouille tous les repères et impose de faire preuve de clarté ».
Selon eux, trois défis doivent être relevés : il convient de dégager des marges de manœuvre pour investir dans le régalien, dans l’éducation et dans la transition écologique.
Les trois missions dont nous débattons, ce soir, devraient avoir valeur d’exemples, puisqu’elles portent les crédits des plus hautes institutions de notre démocratie.
Les pouvoirs publics sont soumis à un traitement budgétaire particulier, justifié par l’exigence d’autonomie financière liée à ces institutions : ils déterminent eux-mêmes le montant des crédits dont ils ont besoin, selon une procédure encadrée. La transparence, la baisse des dépenses publiques et l’exemplarité n’en sont pas moins indispensables dans une période où les efforts imposés à nos concitoyens sont considérables.
C’est ce qu’ont compris et appliqué l’Assemblée nationale et le Sénat, leurs dotations étant reconduites à l’identique de 2012 à 2020, puis en légère hausse, celle-ci restant néanmoins inférieure à l’inflation, de 6,4 % pour l’Assemblée nationale et de 2,07 % pour le Sénat. Le Parlement témoigne ainsi de sa volonté forte de participer pleinement à l’effort de redressement des comptes publics.
Si l’on retire le coût de la rénovation du rez-de-chaussée du 2 rue de Montpensier, la croissance de la dotation du Conseil constitutionnel est du même ordre.
Eu égard à leur composition, l’évolution des budgets des pouvoirs publics est, par ailleurs, particulièrement sensible à la hausse des charges de personnel.
On aurait pu espérer que l’Élysée adopte la même rigueur et la même sagesse. En effet, monsieur le ministre, comme l’écrit François de La Rochefoucauld dans ses célèbres Maximes : « Rien n’est si contagieux que l’exemple. »
Or, comme vient de le souligner Marie-Pierre de La Gontrie, le budget de la présidence de la République a augmenté de plus de 20 % entre 2017 et 2024 et de 11 % entre 2023 et 2024. J’ai bien noté que des engagements avaient été pris pour faire preuve de plus de responsabilité à l’avenir.
La présidence justifie notamment cette hausse par l’augmentation du volume et du coût des déplacements.
Nous pourrions collectivement nous interroger sur la pertinence de l’ensemble des déplacements et sur la taille des délégations. J’ai bien conscience que certains sujets ne peuvent être abordés que de vive voix et que les échanges en face-à-face sont plus empreints de vérité.
Cependant, les déplacements réalisés par les équipes de la présidence, par les ministres ou bien par les parlementaires sont-ils tous bien utiles ? C’est une réflexion que j’ouvre à l’aune de la recommandation de Jean-Marc Jancovici, qui invite chacun à se limiter à quatre trajets en avion durant sa vie pour lutter contre le réchauffement climatique et pour anticiper l’épuisement des ressources.
Monsieur le ministre, à titre personnel, j’ai déjà refusé de participer à des déplacements dont j’estimais le coût carbone déraisonnable au regard de la durée des travaux. (M. le ministre fait mine d’applaudir.)
Monsieur le ministre, la mission « Conseil et contrôle de l’État » n’appelle pas de commentaires particuliers. Hors effet de périmètre, ses crédits sont en très légère hausse. Les dépenses de personnel, dont nous connaissons tous le caractère très dynamique du fait de la revalorisation du point d’indice, constituent près de 80 % des crédits de cette mission.
Nous regrettons cependant que le montant des crédits consacrés à la participation citoyenne par le Conseil économique, social et environnemental ne figure pas dans les documents budgétaires.
En ce qui concerne la Cour des comptes, il est encore trop tôt pour dresser un bilan de la centralisation des missions juridictionnelles.
Au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », 90 % de la hausse des crédits concerne les dépenses du programme 129, qui porte les dépenses des administrations placées auprès de la Première ministre. Ce programme voit ses autorisations d’engagement croître de 5,6 % et ses crédits de paiement de 10,6 %.
Nous ne contestons pas les priorités financées par ces moyens supplémentaires – la cybersécurité et la protection des données personnelles – et ne remettons pas en cause le renforcement des moyens de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la direction interministérielle du numérique (Dinum). Nous regrettons simplement que vous ne soyez pas parvenu à compenser ces dépenses supplémentaires par des économies ailleurs : quand tous les budgets augmentent, il n’y a plus de priorité !
Je ne peux manquer d’évoquer plus en détail le SGPE, dont les effectifs vont fortement augmenter, passant de sept à vingt-six. Certes, en 2024, le SGPE devra veiller au déploiement des mesures annoncées par le Président de la République le 25 septembre 2023 à l’issue du Conseil de planification écologique. Parmi ces mesures figurent la sortie du charbon d’ici au 1er janvier 2027, un engagement réitéré hier par le Président de la République dans son intervention à la COP28, mais aussi le déploiement des énergies renouvelables, la relance du nucléaire, la décarbonation des sites industriels, l’inventaire des ressources minières…
Sur tous ces sujets se pose avant tout la question de l’acceptabilité locale. Le SGPE semble donc avoir retenu le principe de la décentralisation. De fait, les COP territoriales doivent rompre avec la froideur technocratique de décisions prises en haut sans entendre la base. La Première ministre a déclaré le 28 septembre dernier : « Les actions venues d’en haut, imposées depuis Paris, nous savons que cela ne marche pas. »
Bien que les régions se soient déjà dotées de plans climat, le SGPE a jugé utile de compléter ces plans par un outil de planification en ligne qui permet à chaque collectivité de visualiser les actions à réaliser pour atteindre les objectifs assignés par le haut. Les résultats de cette simulation sont traduits dans des tableaux d’une trentaine de cases bariolées, surnommés les Mondrian – c’est la parenthèse culturelle de cette soirée ! Si j’en crois les dernières réactions des présidents de région, le SGPE ne va pas naviguer en eaux tranquilles au cours des prochains mois…
Puisque nous parlons du contrôle de l’action du Gouvernement, je tiens à vous rappeler, monsieur le ministre, comme le fait régulièrement le président Larcher, que moins de 20 % des questions écrites posées par les sénateurs reçoivent une réponse dans le délai imparti de deux mois. Je sais que vous faites partie des bons élèves, monsieur le ministre, aussi je vous charge d’être notre porte-parole auprès de vos collègues. Nous ne posons pas ces questions pour le plaisir, les réponses sont utiles pour l’application de la loi et pour le contrôle de l’action du Gouvernement.
Et comme nous parlons depuis plusieurs jours du projet de loi de finances pour 2024, j’évoquerai aussi les questionnaires budgétaires. La qualité des réponses est très inégale selon les ministères. Comment un rapporteur spécial peut-il accomplir correctement sa mission quand il ne reçoit de réponse qu’à 30 % de ses questions dans les délais ?
Malgré toutes ces réserves, le groupe Les Républicains votera l’ensemble des crédits des trois missions, en appelant les uns et les autres à poursuivre les efforts pour devenir des exemples.