M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À entendre notre collègue, il faut, d’une manière ou d’une autre, voire de façon radicale, raboter les entreprises qui font des profits. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Évitons au moins de les favoriser !
M. Daniel Salmon. Il y a besoin d’argent !
Mme Ghislaine Senée. Elles en ont !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Chers collègues, je le vois bien, vous vous focalisez sur une entreprise : il se trouve qu’elle est française et qu’elle a connu bien des difficultés, mais il n’en demeure pas moins que les armateurs français aujourd’hui, en tout cas certains d’entre eux, occupent une place de choix dans le concert mondial.
Par ailleurs, cela ne vous a pas échappé, il y a eu effectivement des résultats et des profits exceptionnels pendant dix-huit mois. Toutefois, si vous suivez l’actualité, vous aurez noté que nous en sommes revenus à la situation antérieure.
D’aucuns pourront dire que mieux aurait alors valu les taxer davantage : c’était une possibilité.
M. Thomas Dossus. Nous y sommes favorables !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais ne venez pas, après coup, proposer des dispositifs qui auraient comme finalité d’affaiblir une activité qui fonctionne bien et qui porte haut les trois couleurs de notre drapeau à travers le monde.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous avons été bien contents, pendant la crise, de pouvoir compter sur un tel opérateur pour acheminer vivres et victuailles en direction des populations des territoires d’outre-mer. Il convient donc de remettre les choses à leur juste place et d’éviter de réagir sous l’émotion de l’instant : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Les gaz à effet de serre, le CO2 que l’on envoie dans l’atmosphère, qu’ils soient bleu-blanc-rouge ou d’une autre couleur, ont le même effet : le réchauffement climatique.
Notre amendement vise à faire prendre conscience que le transport maritime émet énormément de gaz à effet de serre et qu’il va sans doute falloir, à un moment donné, renchérir son coût. Peut-être cela va-t-il augmenter aussi le coût des importations, ce qui ne serait pas mauvais non plus pour notre économie nationale.
Il est temps de sortir de ces aberrations qui consistent à faire toujours porter les charges sur les mêmes, c’est-à-dire sur nos concitoyens qui se déplacent avec leurs véhicules particuliers et qui subissent taxe sur taxe. Il n’y a pas de raison que les grandes compagnies, qu’elles soient françaises ou non, ne se voient pas appliquer la même taxation.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je voterai résolument contre cet amendement.
La commission des affaires économiques du Sénat est allée visiter les installations de l’entreprise que vous ciblez. Les bénéfices qu’elle a pu réaliser ont été très largement investis dans les installations portuaires, aujourd’hui en phase d’électrification, dans la transformation des bateaux, pour les rendre moins polluants grâce à une méthodologie précise. (M. Daniel Salmon fait la moue.) Ne me regardez pas comme ça, vous n’y étiez pas ! (M. Daniel Salmon ironise.)
Nous sommes un certain nombre de collègues, issus de toutes les sensibilités politiques, à nous être rendus sur place : nous avons vu de nos propres yeux cette transformation en cours du transport maritime.
Si vous retirez les capacités d’investissement de ces acteurs, vous les empêcherez de poursuivre les efforts de décarbonation extrêmement importants qu’ils ont commencé à engager. Ce n’est pas avec de l’argent public qu’on fera de tels investissements !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-1349, présenté par MM. Dantec, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-58 du code des impositions sur les biens et services est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce tarif réduit n’est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa lorsque le déplacement s’effectue par voie aérienne et à l’intérieur du territoire français, hors vols à destination et en provenance des territoires d’Outre-mer et de la Corse. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je ne désespère pas que nous réussissions, un jour, à voter tous ensemble cet amendement, puisqu’il s’agit de mettre effectivement fin au tarif réduit pour les carburants ou combustibles carbonés consommés pour les vols aériens intérieurs. Je parle bien des vols « intérieurs » : donc, ne venez pas me sortir la convention de Chicago au cours du débat…
Sur ce sujet, d’aucuns pourraient dire que nous sommes à fronts renversés. Le présent amendement n’est pas spécialement de gauche ; il est même presque de droite ! (Exclamations amusées.) Les rapporteurs pour avis de la commission ont présenté plus tôt dans la journée des amendements que je qualifierais de gauche ; je m’efforce de rééquilibrer le débat !
Il s’agit de récupérer une recette importante pour l’État, dont on le prive actuellement, soit environ 500 millions d’euros : ce n’est pas rien !
Cela nous renvoie au débat général, que nous n’arrivons pas à mener à son terme : pourquoi tenez-vous absolument en permanence à sortir le transport aérien d’une logique libérale classique ? Chaque transport devrait payer les mêmes taxes ; libre ensuite au consommateur de faire son choix selon le prix affiché et les services rendus.
Cela fait des années que vous vous mobilisez pour que le transport aérien soit le plus « sur-subventionné » au monde : 5 milliards de recettes manquantes pour l’État – 5 milliards !
Notre proposition est toute simple : le transport aérien doit payer la TICPE. Aujourd’hui, le ménage modeste qui traverserait la France en voiture pour se rendre à un rendez-vous de famille paierait la TICPE, mais il ne la paierait pas s’il prenait un vol intérieur pour effectuer le même trajet.
Voilà donc un amendement de bon sens, sur lequel nous devrions pouvoir nous rejoindre, tant il fait consensus.
M. le président. L’amendement n° I-1350, présenté par MM. Dantec, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-58 du code des impositions des biens et services est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce tarif réduit n’est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa lorsque la prestation relève d’un service non régulier de transport aérien public concernant les liaisons aériennes à l’intérieur du territoire français ».
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement se veut encore plus consensuel que le précédent. Je me permets de reprendre les propos du ministre Clément Beaune, qui avait évoqué l’impérieuse nécessité de mettre fin à une injustice sociale absolument scandaleuse : celui qui prend un jet privé ne paie rien, alors que celui qui prend un avion classique paie au moins la taxe Chirac, qui a plus ou moins été étalonnée par rapport au prix du carbone.
Ce sujet des jets privés suscite, nous le savons, de fortes mobilisations, qui s’expliquent en partie, outre le fait qu’ils émettent quantité de CO2, par cette défiscalisation absolument inimaginable et inexplicable.
L’adoption de cet amendement permettrait également de rapporter quelques sous à l’État. Monsieur le rapporteur général, vous noterez la quantité d’efforts que nous faisons pour augmenter les recettes et baisser le déficit.
Il ne s’agit pas d’interdire les jets privés. Au contraire, on pourrait même nous reprocher de vouloir favoriser leur acceptabilité sociale, si je vais au bout du paradoxe.
Encore une fois, nous recherchons le consensus. Nous avons essayé de calculer le coût des émissions de carbone des jets privés, en reprenant le coefficient d’émissions par personne, en considérant qu’en moyenne chaque jet privé transporte quatre passagers.
Il importe de traiter les jets privés au même niveau que les autres, et il nous a semblé que Clément Beaune, cet été, était allé dans notre sens, sans tout de même provoquer un consensus gouvernemental sur la question. La cristallisation sur cette injustice sociale évidente et absolument injustifiable n’a que trop duré, d’autant qu’à l’évidence les propriétaires de jets privés ont les moyens de payer cette taxe.
Trouvons un consensus, mes chers collègues !
M. le président. L’amendement n° I-2136 rectifié bis, présenté par M. Devinaz, Mmes Harribey et Bélim, MM. Fagnen, Jacquin, Gillé, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme Narassiguin, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-58 du code des impositions pour les biens et services est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tarif réduit de l’accise mentionné au premier alinéa n’est pas applicable aux carburants ou combustibles utilisés par l’aviation d’affaires commerciale pour les vols intérieurs. »
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Je relaie la position exprimée par M. Dantec en présentant cet amendement déposé sur l’initiative de Gilbert-Luc Devinaz, qui a tout simplement pour objet de supprimer l’exonération de la taxe sur le kérosène pour les vols commerciaux effectués en jets privés, pour ce qui concerne les vols intérieurs.
On voit mal comment quelqu’un pourrait s’opposer à une telle proposition !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Éblé. C’est une posture de classe ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Il me semble important que le Gouvernement clarifie sa position sur le sujet : souhaitez-vous faire évoluer la fiscalité pour amorcer la trajectoire de la transition écologique ? Si tel n’est pas le cas, ne nous parlez pas de stabilité puisqu’elle est à géométrie variable !
En effet, plusieurs des amendements que nous avons adoptés depuis le début de la discussion avaient pour objet de faire évoluer la fiscalité, que ce soit sur le logement ou dans d’autres domaines.
Je vous demande donc des explications. Nous sommes certes en désaccord sur la TVA appliquée à la TICPE ; mais la suppression de l’exonération de TICPE ne devrait pas même susciter de débat !
Une part de TICPE est fléchée vers les collectivités, notamment vers l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). La TICPE contribue donc au financement du ferroviaire.
Monsieur le ministre, quelle est votre politique en la matière ? Comment entendez-vous mobiliser le levier fiscal pour aller plus loin ? Nous avons besoin d’une clarification.
Les subventions ne peuvent être le seul moyen d’entrer dans la transition écologique. Pour gagner en efficacité, nous devons actionner le levier fiscal – d’autant que vous commencez à l’introduire dans d’autres politiques.
Enfin, nous sommes dans une année charnière pour ce qui concerne la TICPE. Nous savons que le pic est passé et que son rendement sera de plus en plus faible. Il serait donc salutaire, pour les finances du pays, de corriger le dispositif au fur et à mesure que son rendement s’amenuise.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je salue la constance de notre collègue Dantec : cet amendement est presque un marronnier.
Sans faire l’exégèse de la convention de Chicago, il me semble que vous l’écartez un peu vite. Si le kérosène est taxé en France, mais pas à l’étranger, de nombreuses compagnies se contenteront d’aller faire le plein en Grande-Bretagne ou ailleurs. L’instauration d’une taxation supplémentaire doit donc être débattue a minima à l’échelle européenne.
Le ministre ou le rapporteur général pourront le vérifier rapidement, mais il me semble que l’aviation d’affaires est déjà soumise à un niveau de taxation différent sur le kérosène.
Sans écarter la perspective d’une réflexion sur le sujet, je vous invite cependant à considérer l’ensemble des taxes ciblant le secteur des transports. Les contributions publiques à la SNCF représentent un total de 17 milliards d’euros. Est-ce une raison de remettre en cause le train ? Au contraire, nous devons poursuivre et même renforcer nos investissements dans le réseau ferroviaire.
Vous parlez d’une dépense fiscale annuelle de 5 milliards d’euros pour le secteur de l’aviation, mais il faut replacer ces montants dans leur contexte. La commission des finances réalisera une expertise sur le sujet, si le président et le rapporteur général en sont d’accord. Il serait utile de clarifier ce point, qui est sujet à caricature.
Toujours est-il que le transport aérien paie beaucoup d’autres taxes et qu’il finance lui-même l’ensemble de ses infrastructures. Le budget de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), je vous le rappelle, est financé à 97 % par le rendement de ces taxes. C’est la seule administration qui soit prise en charge par ses usagers et le seul mode de transport qui finance ses infrastructures.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Pensez-vous vraiment qu’un jet au départ du Bourget irait faire le plein en Irlande avant de revenir en France chercher ses passagers ? Ce n’est pas sérieux ! (M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.) Il est certain que les jets privés n’iront pas s’approvisionner en kérosène ailleurs en Europe : nous devrions facilement trouver un consensus.
Si vous ne voulez pas entendre parler de la TICPE, passons par la taxe carbone puisque les compagnies en sont aussi exonérées.
Par ailleurs, il faut noter que le transport aérien a toujours cherché – et il continuera de le faire – à proposer les tarifs les moins chers possible pour ne pas inciter les Français à prendre le train et faire en sorte que le secteur ferroviaire reste dépendant de l’argent public.
Nous devons agir rapidement pour fixer un juste prix du carburant aérien. Arrêtons de croire que la solution réside dans les carburants électriques, qui ne sont absolument pas compétitifs et qui ne le seront jamais comme le montrent toutes les études.
Plus le prix du carburant sera juste, plus les compagnies seront incitées à moderniser la motorisation de leur flotte et à acheter des avions neufs. Défendre une telle mesure, c’est aussi défendre l’intérêt des sites d’Airbus à Nantes, à Mérignac ou ailleurs en France. C’est en agissant sur les prix du carburant que nous ferons évoluer le transport aérien. Je ne comprends pas pourquoi vous n’allez pas dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous avons tout de même besoin de connaître l’avis du ministre, car le Gouvernement n’est pas complètement aligné sur cette question. Quel cadre comptez-vous fixer au verdissement de la fiscalité et du budget ?
Nous sommes confrontés à un exemple typique de transition à deux vitesses : les riches auront toujours les moyens de se payer un jet privé, et nous refuserions qu’ils contribuent à la hauteur de leur impact ! Prenons garde : cette transition à deux vitesses a provoqué nombre de mouvements de révolte et d’indignation. Nous touchons à un sujet très sensible.
Commençons par réguler les secteurs où cela est le plus facile, avant de diriger nos efforts vers des dispositions plus difficiles à prendre. Vous avez salué la constance de notre groupe dans la présentation de cet amendement. Il aurait pourtant été plus facile de l’adopter voilà quelques années. Bientôt, tout le monde sera concerné par les efforts auxquels nous devrons consentir. Pour l’heure, nous demandons seulement à ceux qui en ont les moyens de faire ces efforts maintenant.
Nous aimerions que le ministre précise la position du Gouvernement, qui nous paraît paradoxale.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne vois aucun paradoxe.
Monsieur le sénateur, si l’on en croit vos propos, le Gouvernement ne ferait rien en matière de fiscalité environnementale. Pourtant, nous avons lancé plusieurs actions qui devraient vous satisfaire.
D’abord, nous rehaussons les pourcentages cibles d’incorporation de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert). Cette mesure importante garantit le respect d’un certain niveau d’exigence environnementale dans les carburants et les énergies utilisés. (M. Ronan Dantec s’exclame.) Ce n’est peut-être pas assez, mais j’essaie de vous présenter des exemples d’actions concrètes : celle-ci figure à l’article 13, que nous examinerons prochainement.
Ensuite, même si nous n’en parlons plus, je vous rappelle que nous allons taxer les grandes infrastructures de transport, comme les aéroports et les sociétés d’autoroute, afin qu’elles participent au financement du ferroviaire. Les modes de transport les plus polluants doivent en effet contribuer au développement de ce secteur. C’est un acte concret.
Par ailleurs, nous nous apprêtons à débattre sur le gazole non routier (GNR). Nous nous sommes engagés à sortir progressivement du GNR pour verdir notre fiscalité et la mettre en cohérence avec notre stratégie de planification écologique. Là encore, c’est un acte concret.
Enfin, plusieurs mesures fiscales incitent à l’utilisation des véhicules les plus propres et les moins lourds.
M. Grégory Blanc. Mais vous refusez cet amendement !
M. Thomas Dossus. Ce n’est pas assez !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur Dossus, vous estimez que cela ne va pas assez vite ni assez loin, mais vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien. Ce n’est pas vrai.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour explication de vote.
Mme Martine Berthet. Les moteurs d’avion actuels peuvent utiliser jusqu’à 50 % de biocarburants. Or l’aviation civile n’en utilise que 20 %, faute d’une production suffisante.
M. Ronan Dantec. Ça ne marche pas !
Mme Martine Berthet. Il est donc bien trop tôt pour mettre en place de telles mesures.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Revenons sur les biocarburants destinés à l’aérien, car cette question cache une imposture.
En France, 2 millions d’hectares sont consacrés à la production de « bio » carburants – l’usage des guillemets s’impose. Si nous devions approvisionner l’ensemble du transport aérien en biocarburants, il faudrait utiliser un tiers des céréales produites à l’échelle mondiale !
Il faut choisir : est-ce qu’on vole – dans tous les sens du terme – (Sourires sur les travées du groupe GEST.), ou est-ce qu’on mange ?
Cette taxation est vraiment symbolique. C’est une question de justice sociale : nous ne pouvons pas taxer les plus défavorisés sans taxer les riches.
Mme Sophie Primas. Ah oui ! Les riches !
M. Daniel Salmon. D’ailleurs, il s’agit bien d’une niche fiscale. Ce n’est pas cela qui rapportera des centaines de millions d’euros à l’État : les riches auront toujours les moyens de mettre du carburant dans leur jet, nous en sommes bien conscients.
Cependant, c’est une question de justice sociale et de symbole. Les symboles ont leur importance dans notre République !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-2136 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 224 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° I-848 rectifié septies est présenté par MM. Jomier, Cozic et Kanner, Mme Blatrix Contat, MM. Éblé et Féraud, Mmes Bélim, Bonnefoy, Brossel, Canalès et Carlotti, M. Chantrel, Mmes Daniel et de La Gontrie, MM. Devinaz et Fagnen, Mme Féret, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Linkenheld, MM. Lozach et Marie, Mme Narassiguin, M. Ouizille, Mmes Poumirol et S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Tissot et M. Vallet.
L’amendement n° I-1732 rectifié est présenté par Mme Guillotin, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini et Guiol et Mme Pantel.
L’amendement n° I-1933 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Bitz, Haye, Patient et Lévrier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les boissons alcooliques ne peuvent être vendues à un prix toutes taxes comprises inférieur à leur prix minimum.
Le prix minimum d’une boisson alcoolique est le produit du prix minimum par unité de l’alcool, du titre alcoométrique volumique de la boisson et du volume de celle-ci en litres.
Une unité d’alcool correspond à 10 grammes d’alcool pur.
Le prix minimum par unité de l’alcool est déterminé chaque année par décret après consultation de la Haute Autorité de Santé.
II. – L’accise applicable aux boissons alcooliques mentionnées aux articles L. 313-15, L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-25 du code des impositions des biens et des services est réduite de 0,1 %.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° I-848 rectifié septies.
M. Bernard Jomier. Cet amendement vise à instaurer un prix minimum des boissons alcoolisées. Si la fiscalité comportementale apporte des recettes à l’État, elle a également pour objectif de réduire les conséquences sur la santé de la consommation de produits comme l’alcool ou le tabac.
Or le système actuel ne cible pas efficacement les 8 % de Français qui consomment 50 % de l’alcool vendu dans notre pays, c’est-à-dire ceux dont la consommation excessive affecte fortement leur état de santé.
En 2018, l’Écosse a mis en place un prix minimum des boissons alcoolisées. Une telle mesure ne générerait pas de taxes supplémentaires. Nous avons même dû gager notre amendement, ce qui montre bien qu’il n’a pas pour objet d’accroître la pression fiscale.
Les effets de l’adoption de cette mesure en Écosse ont été mesurés pour la première fois en 2023. Les résultats montrent une baisse des décès et des hospitalisations liés à l’alcool. Cette diminution est particulièrement ciblée sur les consommateurs excessifs et sur les zones du pays les plus défavorisées.
L’instauration de ce prix minimum sur l’alcool a donc un grand intérêt. Il modifie les prélèvements en améliorant l’efficacité du dispositif en matière de santé publique, sans accroître la pression fiscale globale.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Ce débat est indispensable. Notre pays doit évoluer : nous ne pouvons nous satisfaire d’une fiscalité figée. Ce sujet ne peut faire l’objet d’une simple discussion sur l’exonération de cotisations fiscales dans le cadre du PLFSS.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° I-1732 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Il s’agit d’instaurer non pas une taxe, mais un prix minimum sur les boissons alcoolisées, afin d’agir sur les comportements en ciblant la consommation excessive d’alcool.
Celle-ci est un fléau en matière de santé publique : elle est à l’origine de 42 000 décès directs par an et génère un coût de 3 milliards d’euros pour les finances publiques – qui s’élève à 102 milliards d’euros par an si l’on intègre son coût social.
Cet amendement s’inspire d’une mesure adoptée en Écosse en 2018, qui a prouvé son efficacité. L’instauration d’un prix minimum a entraîné une réduction de la consommation d’alcool, du coût induit pour les finances publiques et du nombre de décès.
Les dispositions de cet amendement ciblent particulièrement les 8 % de français qui consomment la moitié de l’alcool vendu en France, c’est-à-dire les très gros consommateurs d’alcool et non le consommateur ordinaire.
Le dispositif vise également les tout premiers prix : il n’est pas question ici de s’attaquer à une quelconque filière. En réduisant l’accise, nous sommes en effet assurés de ne pas affecter la production de vin dans notre pays.
Ce prix minimum a donc trois vertus : il permet à la fois de mieux préserver le secteur qu’une augmentation de la taxation, d’assurer la pérennité du financement du coût de la consommation d’alcool par les taxes existantes et de proposer une action puissante en matière sanitaire.