Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Mme Marion Canalès et M. Pascal Savoldelli applaudissent.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis afin d’examiner la version du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 issue de la commission mixte paritaire.
La nature du texte que nous examinons a profondément changé depuis la révision de la loi organique relative aux lois de finances survenue en 2021. Le projet de loi de finances rectificative de fin d’année était déjà un texte sans grande densité ; la loi organique du 28 décembre 2021 en a fait un texte technique, sans aucune épaisseur politique, ce qui, malheureusement, n’est pas souhaitable tant les besoins sont grands.
Dans une période où la représentation nationale n’a même plus l’occasion de débattre pleinement du budget de la Nation à l’Assemblée nationale, la discussion d’un projet de loi de finances rectificative aurait au moins permis d’aborder certains débats de fond, comme la politique fiscale de notre pays, ou encore le financement de nos collectivités territoriales.
Je me félicite néanmoins qu’un accord ait été trouvé entre les deux chambres. Alors que s’enchaînent les recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, il est important de constater que la représentation parlementaire sort de l’examen de ce projet de loi par le haut.
Ce texte budgétaire, premier du genre, ne comporte que des ajustements de crédits pour l’année en cours, sans mesure fiscale nouvelle. Rappelons qu’il ouvre 5,2 milliards d’euros de crédits dans le champ des dépenses de l’État, dont 2,1 milliards d’euros pour la mission « Défense ». Ces montants sont compensés par des annulations de crédits de 5,2 milliards d’euros, notamment dans le champ des dispositifs de soutien aux entreprises, ce qui atteste du caractère inopérant de ces derniers.
Nous tenons à souligner l’importance de l’amendement visant à instaurer un soutien de 15 millions d’euros au Haut-Karabagh et à l’Arménie qui, je le rappelle, est confrontée à un afflux massif de réfugiés sur son territoire.
Il est aussi notable qu’une enveloppe de 20 millions d’euros supplémentaires, destinée à la rénovation des ponts, ait été actée au bénéfice des collectivités territoriales. Il est urgent que l’État se saisisse de cette problématique, qui persiste depuis trop longtemps.
Enfin, je tiens à saluer l’adoption par le Sénat d’un amendement déposé par le rapporteur général tendant à abonder de 30 millions d’euros supplémentaires une enveloppe à destination des associations d’aide alimentaire. Je déplore en revanche que cette somme ait été révisée à la baisse par la commission mixte paritaire, passant de 30 à 20 millions d’euros, soit une réduction de 10 millions d’euros.
Ce point est primordial. En effet, comme vous le savez, les banques alimentaires se retrouvent dans une situation très tendue, en raison de la hausse massive du nombre de personnes demandant de l’aide, couplée à l’augmentation de leurs coûts de fonctionnement qu’entraîne l’inflation. Cette situation est tout à fait préoccupante.
Rien que pour les Restos du cœur, les chiffres donnent le vertige : l’association a déjà accueilli 1,3 million de personnes en 2023, contre 1,1 million sur l’ensemble de l’année dernière ; au cours des derniers mois, son budget pour les achats alimentaires ensuite redistribués gratuitement aux bénéficiaires a doublé. Face à cette situation extrêmement complexe, elle a décidé de réduire le nombre de ses bénéficiaires. Selon ses estimations, environ 150 000 personnes devront être éconduites.
Les Restos du cœur s’attendent à servir 170 millions de repas cette année, contre 140 millions en 2022. Malgré l’adoption de l’amendement, l’association, qui assure 35 % de l’aide alimentaire en France avec un budget de fonctionnement de seulement 200 millions d’euros par an, a besoin de 35 millions d’euros supplémentaires pour terminer l’exercice à l’équilibre. Je rappelle que ses ressources proviennent de donateurs particuliers, d’entreprises et d’aides publiques de l’État et de l’Union européenne. C’est dire si les 10 millions d’euros retirés auraient été nécessaires pour nos concitoyens les plus démunis ! Ce coup de rabot est fort malvenu.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les quelques avancées que nous saluons ne sont pas de nature à emporter notre adhésion au présent texte ; rappelons que, lors de sa discussion en première lecture, le Sénat a rejeté nos amendements relatifs, d’une part, au remboursement de l’acompte lié au filet de sécurité et, d’autre part, à la ponction sur l’Unédic.
Demain, monsieur le ministre, nous commencerons les débats sur le budget pour 2024. J’émets le souhait que les échanges soient à la hauteur des enjeux qu’implique l’urgence de la situation. Soyez assuré que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain prendra toute sa place dans cette discussion, de manière efficace et constructive. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains se félicite de l’accord obtenu, hier soir, en commission mixte paritaire. Je profite de cette prise de parole pour remercier notre rapporteur général, Jean-François Husson, qui a largement œuvré pour que nous parvenions à ce résultat.
Comme notre collègue l’a déjà détaillé, le Sénat a apporté des réponses à différentes situations d’urgence. Sur les 200 millions d’euros de crédits votés par notre assemblée, les communes sont particulièrement soutenues.
Tout d’abord, la problématique des ponts, mise en exergue par la mission d’information menée par notre collègue Bruno Belin, est particulièrement prégnante. Cette dernière avait qualifié leur mise en sécurité de « chantier du siècle ».
Déjà, en 2019, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat avait estimé à plus de 25 000 le nombre de ponts en mauvais état structurel, posant des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers. C’est un vrai sujet de préoccupation pour les élus concernés. Nous nous félicitons donc de l’adoption de ces nouveaux crédits.
Nous nous réjouissons, ensuite, de l’ouverture de crédits pour l’entretien de la voirie. Le Gouvernement a accepté notre demande à ce sujet. Toutefois, nous espérons que le vote du Parlement sera respecté et que ces crédits serviront bien aux collectivités, contrairement à ce que l’on a pu observer dans le passé lorsque les crédits que nous avions votés pour la voirie communale avaient été détournés par l’État au profit de la voirie nationale.
Tout comme ceux qui sont dédiés aux ponts et aux routes, les crédits supplémentaires à destination de l’entretien des réseaux d’eau répondent à un ensemble de problématiques, qui tiennent notamment aux épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents et à la qualité desdits réseaux dans de nombreux territoires.
On estime que, chaque année, 20 % du volume d’eau potable distribué chez les usagers est perdu, ce qui représente 1 milliard de mètres cubes d’eau. Les conséquences, à la fois financières et écologiques, sont lourdes. Il est urgent d’y remédier.
Le Sénat a, par ailleurs, décidé de soutenir davantage le secteur de l’aide alimentaire. Comme l’ont dit mes collègues, la forte hausse des prix contraint de plus en plus de Français à demander de l’aide. La situation est telle que les Restos du Cœur se trouvent obligés de refuser des familles. Les 20 millions d’euros supplémentaires obtenus contribuent à répondre à l’urgence, mais une solution de long terme devra être trouvée.
Enfin, la situation géopolitique préoccupante, notamment en Arménie, nous pousse à agir.
À la suite de la proposition de résolution visant à établir une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, déposée par le président de notre groupe, Bruno Retailleau, et adoptée par le Sénat le 15 novembre 2022, notre Haute Assemblée a décidé d’une mesure de soutien en faveur de l’Arménie à hauteur de 15 millions d’euros.
Mes chers collègues, ces ouvertures de crédits sont des signaux positifs lancés par le Sénat. Il s’agit certes de dépenses nouvelles, mais à des montants raisonnables, et qui seront compensées par des économies que nous proposerons dans quelques jours dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
Je n’oublie pas, au-delà des 50 millions d’euros déjà annoncés pour cette fin d’année, les besoins des communes sinistrées du Pas-de-Calais et du littoral de la Somme touchées par la tempête et les inondations, encore présentes, et dont les conséquences, notamment en termes de reconstruction, ne peuvent être encore complètement évaluées. Ces difficultés n’étant pas prises en compte dans ce projet de loi de finances de fin de gestion, nous serons attentifs aux propositions qui seront faites pour les résoudre dans le projet de loi de finances pour 2024.
Pour toutes les raisons invoquées, et dans un esprit de vigilance, notre groupe votera le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, tel qu’il a été élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même en matière de politique budgétaire, le bon sens peut primer : mieux vaut ne pas mettre la charrue avant les bœufs.
Demain, nous entamerons l’examen du projet de loi de finances pour 2024 ; aujourd’hui, nous achevons celui du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023. Autrement dit : avant de discuter le budget de l’année n+1, nous bouclons les comptes de l’année n. Les choses se font dans l’ordre, et nous tournons la page de 2023 avant d’attaquer le chapitre 2024.
Dans le référentiel des lois de finances, c’est surtout une page qui s’ouvre. Car ce projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 est la toute première occurrence de cette nouvelle catégorie de loi de finances.
Nous l’avions créée il y a deux ans, à l’occasion de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), dont nous célébrions les 20 ans. Avec une intention claire : créer un objet ad hoc pour clore les comptes de l’année, en limitant drastiquement le cadre dans lequel le Gouvernement peut ouvrir de nouveaux crédits.
Naturellement, ce cadre restreint au passage les marges de manœuvre du Parlement, dont l’une des missions essentielles – c’est le bon moment pour le rappeler – est de voter le budget. En l’occurrence, c’est ce que nous faisons, et c’est aussi ce qu’a fait l’Assemblée nationale sur ce texte.
Cet objet a aussi répondu à l’une de ses principales missions, qui ne lui était pas explicitement attribuée, mais à laquelle nous sommes nombreux à être attachés : extraire, autant que faire se peut, la nécessaire adoption des textes budgétaires des querelles politiciennes.
En effet, restreindre le cadre des discussions budgétaires pour clore les comptes de l’année n, c’est réduire les espaces de débat. C’est très souvent regrettable, mais lorsqu’il s’agit de tenir la comptabilité nationale, cela peut s’avérer utile.
Le Sénat a pris ses responsabilités pour que le Gouvernement puisse faire adopter ce texte dans les meilleures conditions. Je tiens à remercier, à cet égard, le travail du rapporteur général et du président de la commission des finances.
Au-delà de ces aspects formels, je voudrais revenir sur quelques points de fond sans ouvrir les débats sur l’état de nos finances publiques, que nous aurons tout loisir d’aborder dès demain dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Ce texte porte trois mesures importantes et symboliques : l’augmentation des crédits de la mission « Défense », à hauteur de 2,1 milliards d’euros ; l’abondement du fonds de soutien à l’Ukraine ; le déblocage, sur l’initiative de notre rapporteur général, de 20 millions d’euros pour les réfugiés en Arménie. Cela nous rappelle que certaines mesures sont plus stratégiques que d’autres, notamment lorsqu’il s’agit de préserver notre démocratie et de défendre nos valeurs.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera bien évidemment en faveur du texte de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Laurent Somon. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est tenue hier sur ce premier projet de loi de finances de fin de gestion a abouti à un accord, ce dont le groupe Union Centriste se réjouit. Dans un esprit de responsabilité, députés et sénateurs ont su travailler en bonne intelligence, comme l’an dernier - c’est à souligner.
Chaque assemblée parlementaire a accompli sa tâche utilement et la commission mixte paritaire d’hier a respecté à la fois le vote du Sénat et celui de l’Assemblée nationale. Le groupe UC adoptera, à la quasi-unanimité, ses conclusions.
Des mesures importantes ont été adoptées. Il convient de souligner que les ouvertures de crédits sont considérables, à hauteur de 9 milliards d’euros, hors remboursements et dégrèvements. Soulignons le remboursement de la charge de la dette pour 3,8 milliards d’euros, l’aide militaire et économique essentielle à l’Ukraine, à hauteur de 2,1 milliards d’euros, ou encore les aides à l’hébergement d’urgence.
Ces ouvertures massives de crédits ne doivent pas nous faire dévier du cap qui nous guide : la maîtrise des finances publiques.
Le groupe Union Centriste se félicite que cette commission mixte paritaire conclusive ait pu retenir des dispositions adoptées par le Sénat, en réduisant néanmoins – le rapporteur général l’a rappelé – le montant de chacune d’entre elles. Je pense, tout d’abord, aux 20 millions d’euros retenus en faveur de la réfection des ponts, aux 60 millions d’euros pour la réfection du réseau routier, notamment celui des petites communes, et aux 20 millions d’euros en faveur de l’aide alimentaire, en complément de ce qui a pu être voté à l’Assemblée nationale.
Enfin, je me félicite de l’adoption de la dotation exceptionnelle en faveur de l’IGN, que j’avais proposée, finalement retenue à hauteur de 4 millions d’euros. Cette dotation est essentielle pour cet opérateur qui, changeant actuellement de modèle – un effort qu’il convient de soutenir –, se trouve à un moment critique de cette transformation et dans une situation financière un peu compliquée.
Bien sûr, l’endettement a un coût, que nous avions quelque peu oublié ces dernières années. Il est donc impératif de réduire notre dette. À cet égard, le groupe UC s’associe aux recommandations du Haut Conseil des finances publiques, selon lequel il est nécessaire d’en revenir à des niveaux de dette garantissant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes. Nous devons sécuriser notre capacité à faire face à des chocs macroéconomiques et financiers, ainsi qu’aux investissements publics qu’implique, notamment, la transition écologique.
La Commission européenne a mis en garde la France ce mardi. Elle a relevé que nous risquions, en 2024, de ne pas être en ligne avec ses recommandations budgétaires. Trois autres pays sont dans le même cas, du fait d’une croissance des dépenses publiques jugée excessive.
Nous sommes invités « à prendre les mesures nécessaires ». Ce qui est en cause, c’est la croissance à hauteur de 2,6 % des dépenses primaires nettes, donc hors charge de la dette, ainsi que, selon la Commission, le maintien de mesures significatives de soutien face à la crise énergétique en 2024.
Alors que nombre de nos voisins européens sont en récession, la croissance française est supérieure à la moyenne européenne, et l’on peut s’en féliciter. Notre économie a tenu face à la crise. L’État a continué, autant qu’il pouvait le faire, à protéger les entreprises et nos concitoyens. Cette stratégie a favorisé l’emploi et les salaires, conforté la baisse du chômage en 2023 et soutenu le pouvoir d’achat.
Nous devons toutefois ajuster nos efforts aux contraintes budgétaires. Ce sera, n’en doutons pas, un élément essentiel du débat budgétaire qui s’ouvrira demain. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Laurent Somon applaudit également.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 65 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 261 |
Pour l’adoption | 242 |
Contre | 19 |
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. Voilà qui fait rêver le Gouvernement à l’Assemblée nationale !
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 23 novembre 2023 :
De neuf heures à treize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
Proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, présentée par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 102, 2023-2024) ;
Proposition de loi visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 83, 2023-2024).
À quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2024 (texte A.N. n° 1680) ;
Discussion générale ;
Examen de l’article liminaire ;
Examen de l’article 33 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER