Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 338 et 1100 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 512 rectifié quater est présenté par Mmes Malet, Billon, Guidez, Aeschlimann, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, M. Burgoa, Mme Di Folco, M. Genet, Mme Gosselin, M. Laménie, Mmes Lopez, M. Mercier et Micouleau, M. Panunzi, Mme Romagny, MM. Sol, Somon, Tabarot, Bruyen et Gremillet, Mmes Jacques et Joseph, M. H. Leroy et Mme Petrus.
L’amendement n° 1132 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Pla, Mme Conway-Mouret, M. P. Joly et Mme Conconne.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 46 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 7° de l’article L. 544-9 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa n’est pas applicable au bénéficiaire de l’allocation journalière de présence parentale résidant dans une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution, dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon ou dans la collectivité de Corse ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 512 rectifié quater.
Mme Viviane Malet. Cet amendement a pour objet de faciliter la mobilité des familles résidant dans les territoires d’outre-mer ou en Corse qui sont confrontées à la maladie incurable d’un enfant sur leur territoire et qui doivent s’installer en France métropolitaine pour le faire soigner.
Il vise à autoriser le cumul de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP). Son adoption serait d’une grande aide pour ces familles, car cette disposition leur permettrait de faire face à la double charge financière que crée ce genre de situation tout en assurant la dispensation à leur enfant des soins qui lui sont nécessaires. Actuellement, de nombreuses familles sont contraintes de prendre des décisions difficiles, comme de ne pas soigner leur enfant ou de l’envoyer seul en France métropolitaine, ce qui a des conséquences tragiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 1132 rectifié bis.
M. Victorin Lurel. Ma collègue Viviane Malet a excellemment défendu cet amendement.
Je tiens à rendre hommage au travail des députés qui ont promu ce dispositif adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale ; je veux citer particulièrement Jean-Hugues Ratenon, Olivier Serva et Max Mathiasin. Il me semble du reste que le Gouvernement avait émis un avis favorable sur cet amendement visant à autoriser le cumul de l’AJPP avec le complément et la majoration de l’AEEH.
C’est une charge considérable, et pas simplement outre-mer – cela concerne toutes les îles, en particulier la Corse –, que d’avoir un enfant malade dont la pathologie ne peut être soignée sur place. Il faut alors quitter son logement et, souvent, son emploi, les frais d’installation et d’hébergement venant s’ajouter aux dépenses courantes.
Cette possibilité de cumul apporterait une aide substantielle aux familles concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. L’allocation journalière de présence parentale versée aux parents interrompant leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant atteint d’une maladie ou d’un handicap d’une particulière gravité n’est actuellement pas cumulable avec le complément et la majoration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. Ces amendements visent à autoriser ce cumul ; comme cela a été dit, ils ont été adoptés à l’Assemblée nationale.
Nous savons que les dépenses sont souvent démultipliées pour les parents résidant dans un territoire d’outre-mer ou en Corse : au nom de la continuité territoriale, la commission a émis un avis favorable sur ces amendements.
Je profite également de cette intervention pour dire mon adhésion à l’idée que la branche famille soit traitée à un autre endroit du PLFSS, peut-être dès l’année prochaine. Cela pourrait favoriser des débats plus animés, dans un hémicycle mieux rempli.
Mme Laurence Rossignol. Vous êtes donc d’accord avec moi, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre. Sur le fond, il n’y a pas d’ambiguïté quant aux intentions du Gouvernement, qui ont été exprimées clairement lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer.
Mais l’engagement que nous avons pris est précisément de faire prospérer cette proposition de loi. Par souci de cohérence, nous préférons ne pas la désosser en inscrivant dans d’autres véhicules certains de ses éléments.
Nous demandons donc le retrait de ces amendements, afin que cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, puisse être prochainement inscrite à l’ordre du jour du Sénat où elle sera, je l’espère, adoptée.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, malgré la confiance que nous avons en vos propos, je constate que, pour l’instant, ce texte n’est pas inscrit à l’ordre du jour du Sénat, et que nous risquons d’attendre très longtemps avant de pouvoir en discuter. Pourquoi refuser aujourd’hui l’opportunité d’adopter cette mesure ? Je demande à mes collègues législateurs d’autoriser ce cumul.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet, pour explication de vote.
Mme Viviane Malet. En effet, cette disposition figure dans une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale ; mais ce texte n’a toujours pas pu être examiné au Sénat.
L’inscription de cette mesure dans le présent PLFSS est une priorité à mes yeux : de cette manière, elle entrerait en vigueur dès 2024. J’ai rencontré beaucoup de familles qui, depuis des années, ont des problèmes de transferts sanitaires pour leurs enfants, et qui doivent payer deux logements, deux compteurs d’électricité, etc. Leur situation est vraiment dramatique, madame la ministre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 512 rectifié quater et 1132 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 46 quater.
L’amendement n° 1038 rectifié, présenté par MM. Iacovelli et Patriat, Mme Nadille, MM. Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 46 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan comparatif entre les territoires ultramarins et le territoire hexagonal des incidences budgétaires et socio-économiques des prestations suivantes versées pour les familles :
- les allocations familiales au titre des articles L. 521-1 et L. 755 du code de la sécurité sociale depuis l’application de leur modulation en fonction des revenus du foyer, dans le respect du cadre fixé à l’article 85 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 ;
- l’allocation de complément familial au titre de l’article L. 522-1 du code de la sécurité sociale, dans le respect du cadre fixé par l’article 60 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, au titre de l’article L. 522-2 du code de la sécurité sociale dans le respect du cadre fixé par l’article 37 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, et au titre de l’article L. 522-3 du code de la sécurité sociale dans le respect du cadre fixé par l’article 73 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;
- l’allocation de soutien familial au titre de l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale, dans le respect des dernières modifications apportées dans le cadre fixé par l’article 100 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Le présent amendement, qu’ont signé tous les membres du groupe RDPI, fait suite au rapport d’information sénatorial du 11 juillet 2023 intitulé Soutien à la parentalité : agir pour toutes les familles des outre-mer.
Ce rapport fait le constat d’une forte prévalence, dans les territoires ultramarins, des familles monoparentales en situation de précarité économique et de vulnérabilité sociale, situation qui complexifie l’exercice des fonctions parentales. On y lit que le taux de pauvreté est largement supérieur, dans ces territoires, à la moyenne nationale : de 28 % en Martinique à 77 % à Mayotte, contre 15 % dans l’Hexagone. Les auteurs du rapport soutiennent que les politiques familiales jouent à cet égard un rôle essentiel d’amortisseur social. Près des deux tiers des habitants des départements et régions d’outre-mer (Drom) perçoivent au moins une prestation sociale ou familiale.
Afin d’ajuster les politiques publiques aux réalités vécues par les familles ultramarines et de prendre en la matière les bonnes décisions, il est nécessaire de disposer d’une étude d’impact comparant les territoires ultramarins et le territoire hexagonal eu égard au versement des allocations familiales, du complément familial et de l’allocation de soutien familial, dans le respect du cadre fixé par les articles des lois de financement de la sécurité sociale correspondants.
Cet amendement est issu des travaux de l’Assemblée nationale menés sur l’initiative de Mme Fanta Berete, députée de Paris.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. On comprend bien la logique de l’appel et l’importance de la question, mais imaginez que depuis le début de cette discussion nous ayons accepté la totalité des demandes de rapport… Cela encouragerait un excès de bureaucratie que nous ne sommes pas les derniers à dénoncer !
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, car le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge a déjà remis, l’année dernière, un rapport portant spécifiquement sur cette question, intitulé La situation des familles dans les départements et régions d’outre-mer : réalités sociales et politiques menées.
Aucun fait nouveau ne justifie que l’on réécrive un rapport sur le même sujet ; les services de l’État, notamment ceux de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), se tiennent cependant à votre disposition et à celle de l’ensemble des parlementaires, madame la sénatrice, pour répondre à vos questions.
Mme la présidente. Madame Nadille, l’amendement n° 1038 rectifié est-il maintenu ?
Mme Solanges Nadille. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1038 rectifié est retiré.
Article 47
Pour l’année 2024, les objectifs de dépenses de la branche Famille de la sécurité sociale sont fixés à 58,0 milliards d’euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’annexe A du PLFSS prévoit qu’en 2024 le solde de la branche famille se dégradera en lien avec la montée en charge du service public de la petite enfance. Il est en effet annoncé 100 000 solutions d’accueil supplémentaires, dont 60 000 places en crèche, d’ici à 2027.
Le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales nous indique toutefois que sa convention d’objectifs et de gestion ne prévoit la création que de 35 000 places en crèche, ce qui, compte tenu des fermetures d’établissements et des restrictions liées au manque de personnel, exige bel et bien de planifier l’ouverture de 60 000 places d’ici à 2027.
Si l’on applique ce ratio aux 100 000 solutions annoncées, il ne resterait plus, en tenant compte des fermetures et des restrictions, que 75 000 solutions. J’espère que tout le monde suit : au banc des commissions, personne ne semble vraiment attentif, mais il faut aller vite – je n’ai que deux minutes…
Si nous saluons cette mesure, je tiens donc à souligner que nous sommes loin des besoins, qui sont estimés, je le rappelle, à 200 000 solutions supplémentaires.
Je profite de cette intervention pour réaffirmer que la création de places en crèche n’est pas seulement un encouragement à la parité entre les femmes et les hommes permettant aux deux parents de travailler, s’ils le souhaitent, ou aux parents d’une famille monoparentale, très souvent des femmes, de travailler ou de se former. Il s’agit avant tout d’une offre d’accueil du très petit enfant favorisant son développement et sa socialisation. C’est pourquoi ce sujet n’avait pas sa place dans le projet de loi pour le plein emploi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, j’ai cru comprendre que le grand débat sur la politique familiale n’aurait pas lieu avant l’année prochaine. Vous avez pris vos fonctions voilà moins de six mois et ces politiques nécessitent, je vous l’accorde, du temps de travail et de préparation. Vous noterez d’ailleurs que je ne confonds pas politique familiale et politique nataliste ; nous y reviendrons.
Parmi les valeurs qui semblent continuer de nous rassembler figure l’universalité des prestations, et notamment des allocations familiales.
Or, la semaine dernière, dans cet hémicycle, il a été voté un article du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration qui crée pour les étrangers un délai de carence de cinq ans entre le début de leur séjour régulier et le moment où ils auront le droit de percevoir les allocations familiales.
Cet amendement, je dois le dire, n’a pas suscité d’énormes oppositions de la part du ministre qui était au banc : il a donné l’impression de penser qu’il n’y avait pas de sujet…
J’ai entendu tout récemment Bruno Retailleau nous expliquer à la télévision que, s’agissant de prestations non contributives, une telle mesure était tout à fait justifiée. Je pense, pour ma part, qu’il y a une ambiguïté sur ce que veut dire « non contributif » : cela ne veut pas dire que les gens ne contribuent pas. Les allocations familiales, je le rappelle, sont financées par des cotisations versées par les employeurs et assises sur la masse salariale. La non-contributivité de la prestation veut simplement dire, en l’espèce, qu’il n’est nul besoin d’être salarié pour y avoir droit.
Madame la ministre, je considère que cette mesure votée par le Sénat n’est autre que la préférence nationale appliquée aux allocations familiales. Rien ne justifie qu’une famille qui est en situation régulière doive attendre cinq ans pour en bénéficier !
Vous êtes chargée de la politique familiale. À ce titre, vous êtes garante du principe d’universalité.
Que pensez-vous de ce qui a été voté au Sénat la semaine dernière ? Pèserez-vous de tout votre poids, comme je le souhaite, pour que cette disposition disparaisse du texte à l’Assemblée nationale ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurore Bergé, ministre. Madame la sénatrice, ce sujet est en effet important. Je souhaite donc lever toute ambiguïté quant aux intentions du Gouvernement.
Les personnes visées par les modifications introduites au Sénat en matière de versement des prestations familiales sont les étrangers dont le séjour en France est régulier, qui sont entrés régulièrement sur notre territoire et dont les enfants sont entrés régulièrement sur notre territoire.
Le Gouvernement n’a aucunement la volonté de modifier le droit existant et je suis personnellement attachée à l’universalité de la politique familiale.
Nous pourrons en reparler à propos d’autres enjeux, mais je ne crois pas qu’il faille imposer à ces personnes un délai de carence de cinq ans. Aussi, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition qui émane du Sénat. Des accords seront possibles, je l’espère, sur d’autres sujets, mais non sur cette question de politique familiale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 838 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 940 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit de nouveau d’un amendement de suppression et de nouveau d’un amendement d’appel, qui vise à exprimer l’insuffisance des mesures contenues dans ce PLFSS, comme dans le précédent, d’ailleurs, concernant la branche famille.
À l’horizon 2027, son excédent se reconstituerait en partie, s’établissant à 1,7 milliard d’euros. Pourtant, nous souhaitons alerter sur les besoins non couverts de la branche.
Il faudrait des mesures ciblées, en matière de lutte contre la pauvreté des familles et des enfants notamment, comme l’avait du reste demandé l’an dernier, lors de son audition, le président du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. En France, en 2018, 2,9 millions d’enfants – presque 3 millions… – vivaient selon l’Insee dans des ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.
Il faudrait également prévoir, au titre des dépenses de la branche, une revalorisation progressive du congé parental, un des obstacles au recours étant son forfait ridiculement bas. Le non-recours génère pour la Cnaf une économie de 1 milliard d’euros. On dit même que cette réforme a été conçue pour faire des économies… Plutôt que d’être forfaitaire, la prestation à laquelle donne lieu le congé parental devrait garantir un meilleur taux de remplacement – à déterminer – de la rémunération. En effet, on le sait, 1 % seulement des pères prennent un congé parental, contre 14 % des mères. La distorsion des salaires est l’une des causes, mais non la seule, de cette situation.
Il s’agit aussi d’envisager, à terme, une nouvelle prolongation du congé de paternité. Ce dernier est mal nommé, d’ailleurs, puisqu’il est ouvert aux couples homosexuels : disons le congé d’accueil de l’enfant.
La revalorisation des rémunérations des professionnels de la petite enfance, que nous saluons, doit être poursuivie, au regard de la crise aiguë d’attractivité que connaît le secteur.
Enfin, la date de revalorisation des prestations familiales est aujourd’hui fixée au 1er avril. Par souci de simplification et d’harmonisation avec les dates applicables à beaucoup d’autres revalorisations, il faut la déplacer au 1er janvier. Nous plaidons en outre pour que ladite revalorisation tienne compte de façon mécanique de l’inflation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 940.
Mme Silvana Silvani. L’objectif de dépenses de la branche famille – 58 milliards d’euros – progresse seulement de 2,7 milliards d’euros par rapport à 2023.
Depuis la remise en cause du principe de l’universalité des allocations familiales et la disparition des cotisations de l’employeur à la branche famille, les gouvernements successifs se félicitent des excédents budgétaires, sans réflexion globale sur la politique familiale.
La convention d’objectifs et de gestion 2024-2027 de la Cnaf a prévu le financement de la création du service public de la petite enfance, pour 5 milliards d’euros.
Après avoir annoncé un plan de développement de l’accueil des jeunes enfants via la création de 100 000 places en crèche, de 100 000 places auprès d’une assistante maternelle et de 75 000 places en école préélémentaire pour les enfants de moins de 3 ans, le Gouvernement a revu ses ambitions à la baisse.
Désormais, 20 000 places d’accueil seulement sont prévues. Il faut dire que, sur les 30 000 places en crèche supplémentaires annoncées par le Gouvernement en 2018, seules 9 000 ont été créées cinq ans plus tard.
Pour ce qui est de la politique familiale et du congé parental d’éducation, la faiblesse du dispositif s’explique essentiellement par le niveau de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui est seulement de 458 euros par mois.
Je veux rappeler enfin combien est alarmante la situation des crèches privées. Malgré le récent rapport de l’Igas et les nombreuses alertes des syndicats, le Gouvernement ne prend toujours pas la mesure de la situation très préoccupante de ce secteur et ne prévoit aucune disposition de renforcement des contrôles, des sanctions et de la prévention.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer l’article 47, qui fixe l’objectif de dépenses de la branche famille.
La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale dispose que la LFSS rectifie chaque année les objectifs de dépenses de chaque branche : il y va d’un certain formalisme qu’il convient de respecter.
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces amendements ; pour autant, il n’y a là nulle satisfaction de notre part quant au caractère excédentaire de la branche, loin de là.
La commission des affaires sociales a d’ailleurs voté, sur l’initiative de Mme Doineau, un amendement tendant à transférer 2 milliards d’euros de la branche maladie vers la branche famille, ce qui démontre nos ambitions en matière de politique familiale.
Nous partageons l’inquiétude qui s’est exprimée au sujet des places en crèche et de l’attractivité des métiers. Certaines crèches sont en effet menacées de fermeture en raison d’une pénurie de personnel.
Nous jugeons nous aussi nécessaire la réforme du congé parental.
Quant à la question du mode de garde, elle nous semble essentielle, tant du point de vue de l’égalité des sexes que de la possibilité pour les femmes, et pour les couples en général, de mener une vie professionnelle normale tout en élevant des enfants.
Bien que la sécurité sociale compte une branche famille parmi ses composantes, avoir des enfants n’est évidemment pas un risque dans notre pays : c’est une chance et c’est un choix ; mais c’est aussi en ce domaine que la société apporte le moins de compensations aux assurés sociaux.
Au-delà du bonheur, de la joie et des sentiments que cela procure, la question du choc, notamment financier, que représente l’arrivée d’un enfant dans une famille joue certainement un rôle dans le fait que beaucoup de couples hésitent à avoir des enfants ou reportent leur projet parental.
Nous sommes naturellement favorables à une politique familiale ambitieuse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre. Il convient évidemment de maintenir cet article en application de la loi organique, mais je souhaite surtout revenir sur un certain nombre d’assertions factuellement fausses.
Vous avez conclu votre propos, madame la sénatrice Silvani, sur la question des contrôles.
Il se trouve que nous venons de faire adopter définitivement le projet de loi pour le plein emploi. J’y ai fait ajouter un article 10 bis – la rapporteure Pascale Gruny y a largement concouru – qui renforce précisément nos capacités de contrôle en accordant au président du conseil départemental la faculté, dont il ne disposait pas auparavant, de diligenter des contrôles directement au siège des gestionnaires.
Nous avons aussi fait modifier le code de la santé publique de façon à accroître les capacités de nos services de protection maternelle et infantile : les priorités pluriannuelles d’action de ces services seront désormais fixées non plus par le seul ministre chargé de la santé, mais aussi par le ministre chargé de la famille.
Au-delà de cette modification de la loi, j’ai moi-même convoqué, dès mon entrée en fonction, les groupes privés gestionnaires de crèches afin de comprendre exactement ce qui se passait et de diligenter les enquêtes nécessaires. Auparavant, l’Igas avait rendu public, après une inspection de plusieurs mois, un rapport dans lequel étaient révélés en effet un certain nombre de manquements et de défaillances.
Pour ce qui est de notre ambition en matière de politique familiale, j’entends votre appel. Vous aviez dit en commission, monsieur le rapporteur, qu’il n’y a pas de mots d’amour, qu’il n’y a que des preuves d’amour. Il nous faut bel et bien continuer en allant plus loin.
Nous augmentons le budget en 2024 ; cet effort devra sans doute être encore renforcé. Il le sera, je l’espère, concernant l’engagement que j’ai pris au nom du Gouvernement d’engager la réforme du congé familial.
Il nous faut enfin un congé qui donne de la liberté, des droits et des choix aux parents, donc de la visibilité aux futurs parents.
Les causes de la baisse tendancielle de la natalité constatée depuis dix ans – il faut que nous parvenions à mieux les connaître – sont multiples.
Il y a des causes de santé publique relatives aux enjeux d’infertilité ; un tabou reste à lever à cet égard.
Il y a l’enjeu du mode de garde : un couple sur deux dit renoncer à son projet parental ou le différer faute de solution de garde. L’enjeu majeur, en l’espèce, consiste à revaloriser les professionnels de la petite enfance. Nous nous y attelons : 200 millions d’euros y seront consacrés chaque année à compter de 2024 et la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la Cnaf prévoit que 6 milliards d’euros – et non 5 ! – soient mobilisés pour l’accueil de la petite enfance.
Ainsi avons-nous pris, me semble-t-il, des engagements solides pour soutenir les professionnels, créer un véritable service public de la petite enfance et garantir l’efficacité des contrôles, grâce notamment, mesdames, messieurs les sénateurs, au projet de loi pour le plein emploi que vous avez adopté.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.