M. le président. L’amendement n° 948, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le VIII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« VIII. – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2323-47 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à conditionner les exonérations de cotisations sociales patronales à la conclusion d’un accord relatif à l’égalité professionnelle.
La France est en effet à la quinzième place du classement du Forum économique mondial sur l’égalité professionnelle.
Monsieur le ministre, soit vous nous accusez de vouloir infliger un choc fiscal à notre pays, soit vous nous dites que vous partagez nos objectifs, mais qu’il y a d’autres moyens d’y parvenir… Or, pour ce qui concerne précisément cet objectif, vous n’y parvenez pas du tout !
Bien que l’égalité professionnelle soit une obligation légale depuis quarante ans, les choses n’avancent pas assez vite. La puissance publique devrait se donner les moyens de faire respecter cette égalité beaucoup plus rapidement !
Je rappelle, au passage, que l’égalité salariale générerait 5,5 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires pour notre système de retraite – comment refuser une telle somme ?
Nous proposons donc que les exonérations de cotisations, que nous ne remettons pas forcément en cause, soient subordonnées à la conclusion d’un accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent soit à abroger, soit à minorer, soit à conditionner les allégements généraux des cotisations patronales.
Des études ont montré que ces allégements permettaient de créer des emplois ; les plus récentes d’entre elles font état de 800 000 emplois dans les catégories de rémunération ne dépassant pas 1,6 Smic. Vos propositions, seules ou en cocktail, sont assez dangereuses à cet égard : avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Si je résume les dispositions de ces amendements, les allégements de charges devraient être conditionnés à la politique environnementale, à la politique sociale, à la politique de l’emploi et à l’égaconditionnalité. Ce sont des combats que je partage, mais si l’on vous suivait, on aboutirait à un dispositif qui ne fonctionnerait plus…
Mme Céline Brulin. Parce qu’il fonctionne aujourd’hui ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … trop compliqué, trop contraignant. On ne saurait même pas l’utiliser.
Les allégements de charges visent à soutenir l’emploi ; nous devons nous accorder sur ce point : ce dispositif a marché.
Pour ce qui est de l’égalité entre les femmes et les hommes, nous avons imposé des plans d’action et des accords collectifs pour les entreprises de plus de 50 salariés, dont le non-respect a donné lieu à des mises en demeure et à des pénalités.
Lors de la conférence sociale sur les bas salaires, la Première ministre a annoncé le lancement d’un travail sur le nouvel index de l’égalité professionnelle.
En fonction des objectifs visés, nous disposons donc d’autres outils que la politique d’allégements de charges, laquelle sert à soutenir l’emploi et l’activité dans notre pays et obtient des résultats.
J’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Notre collègue Alain Milon a ironisé sur notre demande visant à ce que les syndicats intercommunaux à vocation sociale et les CIAS bénéficient des mêmes exonérations.
Nous parlions pourtant de structures publiques dont le rôle est fondamental pour le maintien des personnes à domicile. Il nous a dit qu’à force de prévoir des exonérations, nous allions tuer la sécurité sociale, et a cité à cet effet l’exemple du système de santé aux États-Unis… Cette demande était pourtant extrêmement précise.
À chaque fois que nous proposons, comme nous l’avons fait depuis hier soir à plusieurs reprises, de supprimer les exonérations fiscales importantes dont bénéficient, en particulier, les très grandes entreprises, le sujet est tabou : il ne faut pas en parler, car vous ne voulez pas de recettes supplémentaires !
Nous sommes d’accord, madame Doineau, sur la nécessité de créer des emplois. Mais les études sont claires sur un point : les allégements constituent une bonne mesure pour des emplois correspondant à des salaires qui ne dépassent pas 1,6 Smic.
Pour notre part, nous avons proposé des mesures qui bénéficieraient à des emplois rémunérés au-delà de ce niveau ; vous les avez rejetées. Soyez logique, et acceptez quelques-uns de nos amendements relatifs aux exonérations de cotisations !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. J’entends vos propos, monsieur le ministre, mais des rapports existent.
Nous proposons de conditionner les exonérations « Fillon » au développement de l’emploi, à la revalorisation des salaires, aux engagements qui visent à favoriser l’investissement : cela correspond totalement à vos objectifs.
Il faut tout de même trouver des solutions ! Nous vous en proposons et vous refusez tout. Si l’on continue comme cela, comme le disait très bien notre collègue Milon, demain, la sécurité sociale sera asséchée parce que trop d’exonérations auront été accordées. Faute de recettes suffisantes, les Françaises et les Français ne pourront plus bénéficier d’une sécurité sociale correcte !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Ces amendements me mettent un peu mal à l’aise…
Nous avons voté à plusieurs reprises des aides aux entreprises, et pas seulement pour celles qui sont en difficulté, en prévoyant des conditions liées notamment à l’absence de licenciements. Or, malgré ces interdictions, des licenciements ont bien eu lieu.
La conditionnalité, par exemple en termes d’égalité entre les femmes et les hommes ou de respect de l’environnement, c’est un sujet important. On parle tout de même d’argent public !
Tout en suivant les avis de la commission sur ces sujets, je considère qu’il va nous falloir, à un moment ou à un autre, réfléchir au fait d’injecter de l’argent public dans des entreprises qui ne jouent pas le jeu de la solidarité. Au bout du compte, le contribuable est trompé plusieurs fois, au niveau des cotisations, des charges et de la fiscalité.
Il convient de mettre en place un mécanisme de conditionnalité générale lorsque de l’argent public est injecté dans des entreprises privées qui ne jouent pas le jeu.
Mme Émilienne Poumirol. Il faut sanctionner ces entreprises !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pour toutes les subventions et toutes les aides accordées, dès que de l’argent public est engagé, des contreparties existent.
On a même dit de certaines lois récentes qu’elles reposaient sur un système dans lequel « les devoirs précèdent les droits ». Quels sont alors les devoirs des entreprises ? Créer des emplois ? Voilà un critère a posteriori évident…
Vous avancez des arguments, sans citer d’étude. Contrairement à vous, en tant qu’économiste, je documente mes propos : des études montrent que ces allégements de cotisations ne créent pas d’emplois.
On m’oppose alors que ces dispositifs, à défaut de créer des emplois, ont empêché d’en détruire. Mais où est la contrepartie quand les allégements non seulement ne créent pas d’emplois, mais en détruisent ?
Il faudrait retenir un autre indicateur : les dividendes. Si la réduction générale des cotisations patronales était rapportée à la distribution des dividendes, on constaterait alors sa véritable efficacité…
Des organisations comme le Secours catholique demandent un RSA sans contrepartie et tout le monde hurle ! Mais ce dispositif, lui, coûte 80 milliards d’euros, tout en restant très vaporeux : quelles études ont montré son efficacité ?
Madame la rapporteure, vous avez cité une étude faisant état de l’efficacité des allégements de cotisations patronales en dessous de 1,6 Smic, ce que personne ne nie sur ces travées. Mais au-delà de ce seuil, aucune étude ne démontre leur efficacité.
Ce n’est pas sérieux : il faut conditionner ces allégements de cotisation.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 728 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 432 rectifié bis, présenté par MM. Pla, Bouad et Bourgi, Mmes Espagnac, G. Jourda et Monier et M. Montaugé, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 241-13 du code de sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-13-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-13-… – I. – Les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, à l’exception des cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, qui sont assises sur des gains et rémunérations tels que définis à l’article L. 242-1 du même code ou de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, font l’objet d’une exonération totale ou partielle dans les conditions prévues au II du présent article.
« II. – Cette exonération est assise au titre de l’année 2024 sur les revenus d’activité versés aux salariés mentionnés au 1 et du 6 au 10 de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime exerçant leur activité principale dans le secteur culture de la vigne.
« Elle est appliquée sur le montant de cotisations et contributions sociales mentionnées au présent I restant dues après application de la réduction prévue au I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ou de toute autre exonération de cotisations sociales ou de taux spécifiques, d’assiettes et de montants forfaitaires de cotisations, à hauteur de :
« a. 100 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2023 d’au moins 60 % par rapport à l’année précédente ;
« b. 50 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2023 d’au moins 40 % par rapport à l’année précédente ;
« c. 25 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2023 d’au moins 20 % par rapport à l’année précédente.
« Une remise peut être accordée par le directeur de l’organisme de recouvrement dont relèvent les travailleurs à ceux des employeurs dont l’activité a été réduite au cours de la période d’activité par rapport à la même période de l’année précédente et qui ne peuvent pas bénéficier du présent dispositif d’exonération. Le niveau de la remise ne peut excéder le sixième des sommes dues au titre de l’année 2023.
« III. – Les conditions de la mise en œuvre du présent article sont fixées par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Sebastien Pla.
M. Sebastien Pla. Je souhaite vous faire part des difficultés terribles que traverse la filière viticole, dans tous les bassins de production français.
La crise viticole est sans précédent, en raison de causes cumulatives et multifactorielles. Depuis 2019 et le conflit opposant Airbus à Boeing et la taxe Trump, la filière viticole n’a de cesse de traverser des crises : covid-19, inflation, problématiques géopolitiques liées à la guerre en Ukraine, questions économiques, nombreux et fréquents aléas climatiques, recul de la consommation du vin de 50 % en trente ans sur l’ensemble du territoire encore amplifié par des campagnes de lutte contre l’alcoolisme, certes nécessaires, mais un peu trop stigmatisantes.
M. Laurent Burgoa. Tout à fait !
M. Sebastien Pla. Le principal défi de la filière, dans certains bassins, de Bordeaux à la Provence et au Languedoc, est non pas de surmonter la crise conjoncturelle actuelle, mais tout simplement d’assurer sa survie.
Par cet amendement, nous voulons soutenir l’ensemble des acteurs de la viticulture, en particulier les entreprises, en reprenant une mesure de la crise covid, à savoir une exonération de la part patronale des cotisations sociales pour 2024 qui soit proportionnelle aux pertes de chiffres d’affaires de l’année 2023.
L’adoption de cet amendement, travaillé avec l’ensemble des organisations professionnelles, permettra aux entreprises en difficulté de passer le cap. Nous devons travailler à des mesures structurelles, mais il est important d’accompagner la filière dans ces moments difficiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de mettre en lumière une activité à laquelle nous sommes très attachés et que vous défendez parfaitement.
La commission avait déjà, lors de précédentes difficultés, émis un avis favorable sur un amendement similaire afin de défendre l’emploi viticole dans nos territoires.
La situation, qui n’évolue malheureusement pas dans le sens que nous souhaitons, notamment en raison de l’inflation et des contraintes climatiques, reste très compliquée.
Il faut s’interroger sur les mesures à prendre sur le temps long, afin d’éviter que cette filière ne soit trop sévèrement atteinte par les aléas environnementaux.
La commission voudrait connaître l’avis du Gouvernement, même si nous sommes très favorables à l’idée d’aider cette filière.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement, monsieur le ministre délégué ?
M. Laurent Burgoa. C’est compliqué !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous sommes très nombreux à être attachés à la défense de la viticulture – je vous réponds non seulement en tant que membre du Gouvernement, mais aussi en tant qu’élu de Gironde.
Ces dernières années, le Gouvernement n’a jamais failli en la matière. Il a toujours soutenu le secteur, quelles que soient les crises : le gel en 2021, la grêle, la distillation ou, plus récemment, le plan d’arrachage des vignes en Gironde.
Le secteur bénéficie déjà d’exonérations de cotisations, notamment pour les saisonniers travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE).
Il me semble plus efficace et utile d’accompagner le secteur au travers de plans ciblés sur les difficultés traversées que de lui accorder des exonérations de cotisations sociales.
J’y insiste : au fil de notre discussion, il me semble que l’on oublie parfois l’objectif de garantir des ressources pérennes à la sécurité sociale.
Mme Céline Brulin. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je suis réticent, par principe, à la création de nouvelles exonérations.
En revanche, le Gouvernement est déterminé à se porter toujours aux côtés du secteur de la viticulture : avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. Monsieur le ministre, vous défendez parfaitement l’aspect budgétaire du problème.
Toutefois, en tant qu’élue de la Gironde, territoire qui souffre énormément depuis trois ans, il me semble indispensable de pérenniser l’activité viticole afin d’éviter les faillites d’entreprises ou même les suicides de viticulteurs – il y en a eu trois dans le sud du département en quelques mois.
Il faut de nouveau donner un coup de pouce aux viticulteurs. On peut espérer sortir du cycle des crises climatiques successives que nous traversons. Adopter cet amendement, c’est faire un geste pour la Gironde.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je voterai également cet amendement d’appel.
Cet après-midi, deux des seize questions au Gouvernement concernaient l’agriculture. Le problème est de savoir si, demain, nous voulons encore des viticulteurs de qualité en France ou si nous préférons laisser des terres en jachère et envoyer des canadairs éteindre les incendies qui s’y déclareront !
Que tout le monde soit rassuré, monsieur le ministre : à l’Assemblée nationale, le 49.3 vous permettra d’avoir le texte que vous voudrez. En attendant, le Sénat se doit d’envoyer un message de soutien aux viticulteurs.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, nous partageons le plaisir d’habiter en Gironde, à Bordeaux, capitale d’un terroir façonné par les vignes.
En tant que présidente de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin, je vous rappelle que la Gironde n’est pas la seule région touchée, que de très nombreux vignobles et viticulteurs sont concernés.
Il faut bien évidemment préserver l’emploi, mais il faut aussi créer de la trésorerie pour les entreprises, entraînées dans une spirale infernale depuis les dommages collatéraux du conflit entre Airbus et Boeing, la fermeture des bars et des restaurants lors de la crise du covid-19, le gel, la grêle…
Certes, le Gouvernement est intervenu (M. le ministre délégué renchérit.), mais ceux que vous rassurez lorsque vous êtes en Gironde m’ont tout de même envoyé des courriers. On ne peut pas tenir de double discours, un pour le département et un autre dans l’hémicycle.
Il faut cranter les dispositifs, continuer d’aider les viticulteurs mis à mal. Florence Lassarade l’a rappelé : certaines situations sont très compliquées et l’on compte déjà des suicides.
En attendant de trouver des stratégies et de connaître des jours meilleurs, il faut tendre la main à cette filière. Les chefs d’entreprise essaient en général de se débrouiller par eux-mêmes. Ce n’est pas par plaisir qu’ils nous demandent de les aider, mais parce qu’ils sont aux abois.
Il est nécessaire de voter ce dispositif, mais surtout de le conserver dans le texte final après recours au 49.3 !
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour explication de vote.
M. Christian Klinger. Je suis également favorable à cet amendement.
Le secteur connaît des difficultés liées aux aléas climatiques, qui provoquent des baisses de rendements depuis dix ans, mais aussi à l’augmentation du coût des intrants, de l’énergie, de la bouteille ou des étiquettes. Ces hausses de coûts de production n’ont pas été répercutées dans les chiffres d’affaires des entreprises viticoles et mettent à mal leur trésorerie.
Je préfère une aide sporadique ciblée pour aider ces entreprises à passer le cap. À défaut, monsieur le ministre, ce ne sont pas seulement les cotisations patronales que nous perdrons, mais aussi les cotisations salariales.
En attendant la formule magique qui convienne à tout le monde, nous devons adopter ces aides temporaires.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je vais parler d’un territoire que je connais, le Gers, et de ses viticulteurs.
De nombreuses exploitations viticoles y sont dans une urgence absolue. Depuis des années, les rendements ne correspondent plus à la normale, en particulier pour des raisons climatiques – la grêle, le gel, mais aussi la pluie, qui favorise le développement du mildiou.
Des exploitations très anciennes se retrouvent dans une situation absolument catastrophique. Leur pérennité est aujourd’hui mise en question.
J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais vous ne parlez que de mesures structurelles, comme l’arrachage de vignes.
La filière viticole doit en effet engager une réflexion stratégique quant à sa restructuration, en raison de la reconfiguration de ses marchés. Elle doit proposer de nouvelles approches, qui tiennent davantage compte des questions de santé. Ces éléments font partie de la réflexion engagée par la filière.
Toutefois, ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une aide d’urgence : il y va de la pérennité d’exploitations très anciennes et du maintien de jeunes viticulteurs dans un métier qu’ils ont choisi.
L’adoption de cet amendement leur apporterait un peu d’oxygène, en attendant des mesures plus structurelles.
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.
M. Sebastien Pla. L’ensemble de la filière viticole, notamment le syndicat des vignerons indépendants et Coop de France, a informé le ministère des mesures d’urgence à prendre et des mesures structurelles à mettre en œuvre.
Certaines de ces mesures devront être prises dans le cadre du projet de loi de finances pour sauver ces entreprises à court terme. Celles-ci sont au bord de la faillite. Si on ne les soutient pas d’urgence, à l’aide d’un dispositif qui a déjà fonctionné pendant la crise covid, nous risquons de perdre des exploitations.
Cela doit être fait avant même de s’attaquer à la problématique structurelle de l’arrachage. En effet, les négociations à engager dans le cadre de l’organisation commune de marché (OCM) vitivinicole pour l’attribution des fonds européens prendront du temps.
Traiter l’urgence passe par plusieurs des mesures de cette boîte à outils. Monsieur le ministre, nous vous demandons de conserver cette disposition dans le cadre du 49.3.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il y a peu de vin en Normandie, mais par solidarité avec les producteurs, je tiens à dire que je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Depuis quelques instants, nous faisons un tour de France des régions viticoles. Je ne peux que m’associer aux arguments exprimés en réponse à cette crise de la viticulture, qui témoignent tous de l’urgence particulière qui s’impose cette année.
J’invite ceux qui soutiennent cet amendement, sur toutes les travées, à déposer des amendements similaires lors de la discussion du projet de loi de finances. Je comprends l’intérêt de votre démarche, mais vous vous trompez de cible : vous diminuez les recettes de la sécurité sociale, alors que ce sujet devrait plutôt être traité lors de l’examen du projet de loi de finances.
Mme Nathalie Goulet et M. Daniel Laurent. Exactement !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je m’engage à soutenir votre initiative en faveur de la filière – peut-être avec l’aide de M. le ministre – afin, par exemple, qu’un programme d’urgence soit créé.
Le sujet est important, mais la réponse n’est pas adaptée : même s’il faut soutenir cette filière ô combien importante pour la France, pourquoi le faire en diminuant les recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
M. Laurent Somon. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. La voix de la raison !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souscris à l’analyse du président de la commission : l’adoption de cet amendement reviendrait à priver la sécurité sociale de nouvelles recettes.
Madame Delattre, vous m’avez directement interpellé au sujet de mon soutien à la viticulture. Avant même le premier jour de ma nomination au Gouvernement, j’étais opposé à l’augmentation de la taxe sur l’alcool. Devenu ministre délégué chargé des comptes publics, j’ai reçu à ce sujet un courrier que j’avais moi-même envoyé en tant que député. J’ai tenu parole : nous n’avons pas augmenté cette taxe.
M. Laurent Burgoa. Très bien ! Il faut être vigilant !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 à l’Assemblée nationale, j’ai émis un avis favorable sur l’amendement du député Jean-René Cazeneuve visant à mettre en place un fonds d’urgence afin d’accompagner les viticulteurs touchés par le mildiou, doté de 20 millions d’euros. Nous aurons l’occasion d’en débattre lundi prochain, lors de la discussion de ce texte au Sénat.
Quand je prends un engagement, je le tiens. Je n’ai jamais soutenu l’exonération de cotisations sociales, car je considère que ce type de démarche importe dans le financement de la sécurité sociale des difficultés qui devraient être traitées au moyen d’autres véhicules législatifs.
Je vous invite à prendre date : nous nous retrouverons lors de la discussion des lois de finances, dès lundi prochain, pour évoquer ces sujets. Évitons de miter les sources de financement de la sécurité sociale.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 quinquies.
L’amendement n° 433 rectifié bis, présenté par MM. Pla, Bouad et Bourgi, Mmes Espagnac, G. Jourda et Monier et M. Montaugé, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les cotisations dues au titre des prestations familiales, des accidents du travail et des maladies professionnelles, de l’assurance maladie, invalidité et maternité, de l’assurance vieillesse par les travailleurs relevant du régime de protection sociale défini à l’article L. 722-8 du code rural et de la pêche maritime, font l’objet d’une exonération totale ou partielle dans les conditions prévues au II du présent article.
II. – Cette exonération est accordée aux travailleurs non-salariés agricoles mentionnés au 1° de l’article L. 722-1 du même code qui exercent leur activité principale dans le secteur culture de la vigne.
Cette exonération est appliquée à hauteur de :
a. 100 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2023 d’au moins 60 % par rapport à l’année précédente ;
b. 50 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2023 d’au moins 40 % par rapport à l’année précédente ;
c. 25 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2023 d’au moins 20 % par rapport à l’année précédente.
Les travailleurs non-salariés agricoles mentionnés au 1° de l’article L. 722-1 dudit code qui ne bénéficient pas du présent dispositif d’exonération peuvent demander à bénéficier d’une remise partielle des dettes de cotisations et contributions mentionnées au I du présent article constituées au titre de l’année 2023 ou d’un échéancier de règlement sur trente-six mois. Le niveau de la remise ne peut excéder le sixième des sommes dues au titre de l’année 2023.
III. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Sebastien Pla.