M. le président. Il faut conclure, madame la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Puisque j’ai déjà dépassé mon temps de parole, j’en viens à ma conclusion : vous l’aurez compris, madame la ministre, messieurs les ministres, nous serons, tout au long de ce débat, que nous espérons riche, des interlocuteurs à la fois exigeants et constructifs ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC et au banc des commissions.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, les projets de loi de financement de la sécurité sociale se suivent et, malheureusement, se ressemblent.
En 2024, l’assurance maladie suivra une trajectoire de dépenses particulièrement dynamique. À la crise sanitaire et aux dépenses exceptionnelles qu’elle a provoquées a succédé, depuis 2023, un contexte inflationniste favorisant la hausse rapide de l’Ondam.
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie a ainsi augmenté de 27 % en cinq ans, passant de 200 milliards d’euros en 2019 à près de 255 milliards d’euros en 2024, un montant vertigineux dont peu de personnes osent prétendre qu’il contribue à répondre aujourd’hui aux besoins du système de santé et à financer justement l’accès aux soins dans les territoires.
Il s’agit d’une enveloppe considérable que, de nouveau, le Gouvernement ne prend la peine ni de justifier ni d’affiner pour la soumettre de manière lisible à la représentation nationale. De ce point de vue, le sujet des franchises et des participations forfaitaires est devenu tristement caricatural.
Sans enthousiasme, devant un manque de transparence qui n’est pas admissible, la commission n’a d’autre choix que de proposer le rejet de l’Ondam pour 2024.
Il est question de dépenses substantielles que, je le disais, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne permet pourtant pas de couvrir, laissant cette année encore l’assurance maladie en déficit.
Le Gouvernement nous annonçait l’an passé un spectaculaire redressement des comptes de l’assurance maladie, sans raison aucune. Nous avions jugé cette annonce peu crédible : il a fallu moins de douze mois pour nous donner raison et l’annexe A ne tente désormais même plus de fournir des explications.
Croyez-le, monsieur le ministre, nous ne demandions qu’à avoir tort : qui peut se réjouir de faire face à un horizon de déficits durables à plus de 9,5 milliards d’euros par an ? Surtout, que finance-t-on aujourd’hui par la dette de nos enfants ? Le Gouvernement se refuse à assumer des choix difficiles, pourtant devenus incontournables, au risque d’hypothéquer définitivement notre offre de soins.
Près d’une quarantaine d’articles sont rattachés à la branche maladie. Je retiendrai plusieurs dispositions emblématiques.
Le soutien à la vaccination contre les papillomavirus humains, par exemple, face au retard préjudiciable qu’accuse notre pays, est bienvenu, mais il constitue un volet de prévention réduit à la portion congrue, quand la prescription des antibiotiques pour angine et cystite par les pharmaciens incarne la principale mesure d’accès aux soins face à la pénurie de soignants.
Le Gouvernement s’attaque cette année encore aux arrêts de travail injustifiés par un renforcement des contrôles et un strict encadrement des prescriptions en téléconsultation. Nous avons souscrit à cette mesure.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la généralisation d’expérimentations dites de l’article 51 avec, à la clé, des modes de financement nouveaux pour favoriser l’organisation de parcours coordonnés, en ville particulièrement.
Hélas, le Gouvernement n’a pas retenu la méthode prudente des expérimentations pour un sujet bien plus ambitieux, celui de la réforme du financement de l’hôpital, notamment pour ce qui est au cœur de son activité, les soins de médecine, chirurgie, obstétrique, qui représentent pas moins de 75 milliards d’euros.
La commission ne s’oppose pas au principe d’un modèle établi sur trois piliers – nous l’avons soutenu l’an passé –, mais nous ne pouvons pas approuver la méthode gouvernementale qui consiste à proposer une réforme sans champ réellement défini, sans étude d’impact et sans financement complémentaire.
On aurait pourtant pu croire que le Gouvernement était vacciné (Sourires.) depuis la mise en œuvre erratique des réformes de la psychiatrie et des soins médicaux de suite et de réadaptation.
Nous refusons de jouer avec l’hôpital pour répondre à un effet d’annonce : saisissez la main tendue par la commission, monsieur le ministre !
Enfin, concernant les produits de santé, la commission a veillé à soutenir l’innovation dans le cadre de l’accès précoce et a garanti une construction cohérente et utile de la clause de sauvegarde. Elle a également travaillé à consolider les dispositions visant à prévenir les ruptures d’approvisionnement en médicaments.
Pourtant, malgré ces quelques mesures intéressantes que la commission a souhaité accompagner, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous laisse un goût amer. Quant au texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, on peine à voir des changements majeurs, quand seuls des dispositifs cosmétiques ou des dispositions fondées sur de bons sentiments ont été retenus.
Monsieur le ministre, vous nous disiez il y a quelques semaines que nous pouvions nous passer d’un projet de loi relatif à la santé, dans la mesure où le Parlement était saisi chaque année du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne revêt pourtant ni la forme ni l’apparence d’un projet de loi santé et, cela va sans dire, il n’a pas davantage la cohérence d’un tel texte.
Cela devrait, d’une certaine manière, nous réjouir : le plan Juppé de 1996 n’avait pas pour vocation de faire du PLFSS un projet de loi portant diverses mesures d’ordre social. À trop confondre le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec un grand fourre-tout annuel et à s’en satisfaire, le Gouvernement prive « en même temps » le Parlement d’un débat financier et d’un débat sur la politique de santé.
J’espère que l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apportera des réponses claires quant aux solutions que le Gouvernement entend défendre, afin que l’assurance maladie retrouve une trajectoire de financement saine, lui donnant la capacité d’affronter les défis de santé actuels. Nous sommes prêts à en débattre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2023 a été marquée par l’adoption d’une réforme des retraites défendue depuis plusieurs années par notre assemblée.
Celle-ci a été adoptée très tardivement, trop tardivement sans doute, mais mieux vaut tard que jamais ! La trajectoire financière de la branche vieillesse démontre d’ailleurs, si cela était encore nécessaire, que cette réforme était certes indispensable, mais qu’elle est encore insuffisante.
L’année 2023 devrait en effet être la dernière année marquée par une réduction du déficit de la branche sous l’effet du rebond économique post-covid.
Dès 2024, en raison du vieillissement démographique, du ralentissement de la croissance de la masse salariale du secteur privé et des difficultés financières de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), la courbe s’inversera brutalement.
Le déficit, qui approche le milliard d’euros aujourd’hui, serait ainsi décuplé à l’horizon 2027. Sans cette réforme tant décriée à ma gauche, ce ne sont pas 11 milliards d’euros de déficit que nous aurions alors à gérer, mais plus de 17 milliards d’euros !
Quels efforts aurions-nous alors dû demander aux Français ? À ceux qui considèrent encore et toujours que c’est au pied du mur que l’on voit le maçon, je réponds avec fermeté : la réforme était nécessaire et nous sommes fiers de l’avoir demandée et assumée !
M. Laurent Burgoa. Tout à fait !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Venons-en à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
S’il contient quelques propositions intéressantes permettant de corriger les effets de bord ou les oublis de la réforme des retraites, je veux surtout insister ici sur deux mesures d’ampleur.
La première, prévue à l’article 9, consiste en l’adossement des régimes spéciaux fermés au régime général, qui sera désormais chargé d’assurer leur équilibre en lieu et place de l’État, lequel lui attribuera, en compensation, des recettes correspondant aux crédits actuels de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
En parallèle, l’Agirc-Arrco versera au régime général une contribution correspondant aux cotisations perçues au titre des nouvelles affiliations liées à la fermeture des régimes spéciaux, ce qui me paraît tout à fait légitime dans la mesure où ceux-ci demeurent responsables du paiement des pensions des assurés affiliés avant le 1er septembre.
Ce qui l’est beaucoup moins, en revanche, c’est la seconde contribution demandée à l’Agirc-Arrco au titre des gains que le régime complémentaire tire de la réforme des retraites.
De fait, le Gouvernement lui demande une contribution correspondant aux gains bruts engendrés par la réforme, alors que les partenaires sociaux ont décidé de financer à partir de ces gains la suppression du bonus-malus, la création de droits au titre du dispositif de cumul emploi-retraite et la revalorisation des pensions à un niveau proche de l’inflation.
En outre, après l’abandon du système universel de retraite et de l’unification du recouvrement social, il n’est pas acceptable que le Gouvernement tente une troisième fois de s’imposer aux partenaires sociaux, dont les décisions courageuses ont permis de redresser la trajectoire financière de l’Agirc-Arrco au prix d’efforts importants consentis par les travailleurs.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, de témoigner une fois de plus notre attachement au paritarisme, en lui confiant, et à lui seul, la responsabilité de décider de contribuer ou non au financement des déficits du régime général.
La confiance envers les partenaires sociaux, telle est également la position que je vous proposerai d’adopter sur la réforme de l’assiette sociale des travailleurs indépendants, prévue à l’article 10 ter.
Le Gouvernement souhaite en effet assurer la neutralité financière de cette réforme, qui est très attendue des professionnels dans la mesure où elle leur permettra, à niveau global de prélèvements constant, de cotiser davantage et, donc, de se voir accorder des droits supplémentaires.
Pour ce faire, il demande notamment à être habilité à modifier lui-même les taux et les barèmes des cotisations de retraite complémentaire des professionnels libéraux. Là encore, la commission vous invitera à refuser d’accorder une telle autorisation qui non seulement n’a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale, mais constituerait également un dangereux précédent.
J’en profite pour déplorer le choix d’inclure dans le texte une réforme d’une telle ampleur, dont le coût brut s’élèverait à 1,4 milliard d’euros, et ce par voie d’amendement, sans étude d’impact, dans la précipitation la plus totale, alors qu’elle n’a pas vocation à s’appliquer avant 2026. Aucune information ne m’a par ailleurs été communiquée au sujet des professions qui y perdraient en raison de ce nouveau mode de calcul. Il n’est pas acceptable, monsieur le ministre, que la représentation nationale soit contrainte de travailler dans de telles conditions.
Enfin, notre commission a souhaité aller au-delà des quelques mesures proposées par le Gouvernement pour lutter contre la fraude aux prestations sociales. C’est la raison pour laquelle elle vous soumettra un amendement tendant à rendre obligatoire le contrôle biométrique de l’existence des bénéficiaires de pensions de retraite résidant à l’étranger d’ici à trois ans, afin de mettre un terme aux pratiques scandaleuses observées dans un certain nombre de pays, où les ayants droit de retraités décédés depuis longtemps continuent de percevoir leur pension.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il s’agit d’assurer ensemble, mes chers collègues, l’équité et la justice de notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Merci !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’une certaine façon, l’avis de la commission est partagé au sujet de la branche famille.
Comme je l’ai dit en commission, nous entendons bien votre allant, votre désir d’agir, madame la ministre. Votre discours sur la natalité et la démographie est doux à nos oreilles, d’autant que notre pays ne comptabilise plus que 700 000 naissances par an contre 850 000 naissances auparavant.
Il est donc nécessaire d’attribuer une forme de priorité à notre politique familiale, a fortiori parce que le groupe UC et la majorité sénatoriale estiment que cette politique a un rôle majeur à jouer pour que la démographie se redresse dans notre pays.
Or, si nous regardons de manière factuelle la politique familiale telle qu’elle est retranscrite dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous sommes tentés de conclure que c’est la grande oubliée.
Dressons un rapide état des lieux : les allocations familiales ne sont toujours pas universelles – elles ne le sont malheureusement plus depuis 2015 – ; la réforme du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde (CMG) dit « structure » est encore repoussée ; il n’y a nulle trace dans le texte de la réforme du congé parental, que vous avez pourtant annoncée, madame la ministre – un sujet que nous suivrons avec attention.
Se pose aussi la question de l’attractivité des métiers. J’ajoute – j’ouvre ainsi une parenthèse – que la médecine scolaire, la médecine de protection maternelle et infantile (PMI) comme la médecine du travail sont en crise. Enfin, nous sommes confrontés à une certaine nébuleuse quant à la mise en place annoncée d’un service public de la petite enfance – un objectif que nous partageons –, ainsi qu’à la création de places en crèche et de nouvelles solutions de garde.
En somme, vous nous avez mis en appétit, mais nous n’avons pas grand-chose à nous mettre sous la dent dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Selon les prévisions du Gouvernement, les dépenses de la branche famille devraient s’élever à 58 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2022. Cette dynamique est d’abord le résultat de l’indexation des prestations légales et des quelques mesures votées les années précédentes.
Elle intègre également les efforts financiers de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) relatifs aux prestations extralégales en faveur des accueils collectifs. Les dépenses du Fonds national d’action sociale de la branche augmenteraient ainsi de 6,4 % en 2023.
Enfin, et surtout, la hausse des dépenses traduit le transfert, décidé dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, de 60 % des charges de congé maternité à la Cnaf depuis la branche maladie, ce qui correspond à une amputation de 2 milliards d’euros.
La sécurité sociale parvient de moins en moins à soutenir l’ensemble des ménages au moment de la naissance d’un enfant. Je pense notamment aux familles de la classe moyenne, exclues par les barèmes de prestations, sans pour autant disposer des revenus nécessaires pour réaliser leur désir d’enfant.
Pire, le solde de la branche ne permet pas de dégager les marges de manœuvre suffisantes pour financer les réformes annoncées par le Gouvernement et encore moins les autres réformes nécessaires – c’est l’une de nos préoccupations.
C’est pourquoi un amendement de Mme la rapporteure générale vise à abonder les recettes de la branche famille de 2 milliards d’euros, transférés des comptes de l’assurance maladie. Ainsi, on ne pourra pas nous faire le coup de l’ambition qui ne peut pas se concrétiser faute de moyens.
En ce qui concerne la politique familiale, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une sorte d’année blanche.
La commission est favorable à l’adoption de l’article 46 bis qui prévoit un assouplissement de la prise du congé de paternité et d’accueil de l’enfant pour les non-salariés agricoles.
L’article 46 ter, quant à lui, prévoit plusieurs ajustements marginaux à la réforme du complément de libre choix du mode de garde. Si la commission est favorable à la plupart d’entre eux, elle souhaite toutefois conserver le dispositif qui permet de tenir compte des horaires atypiques de garde pour des parents travaillant la nuit ou le week-end. Elle a déposé un amendement en ce sens, car elle a jugé que la réforme à venir du CMG devait répondre à l’ensemble des situations familiales.
L’article 46 ter prévoit également de reporter à 2026 l’entrée en vigueur de la réforme du tiers payant du CMG. Or nous souhaitons que cette réforme soit applicable le plus rapidement possible. Il ne s’agirait pas qu’elle soit de nouveau reportée.
L’universalité de la politique familiale ne se décrète pas. C’est comme en amour : seules comptent les preuves ! (Sourires.) Aussi doit-elle s’incarner sous la forme de mesures concrètes. Tant que les allocations familiales ne profiteront pas à toutes les familles de la même manière, et ce pour des raisons budgétaires, il n’y aura pas de politique universelle.
Sachons répondre aux angoisses des familles, pas seulement par des mots, mais aussi par des réformes courageuses et ambitieuses ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Solanges Nadille et M. le rapporteur pour avis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission applaudit également.)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une année 2023 marquée par un excédent record de 1,9 milliard d’euros, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) connaîtra de nouveau une situation excédentaire en 2024.
Malgré la baisse des taux de cotisation pour la branche, actée lors de la réforme des retraites afin de garantir la neutralité financière pour les employeurs d’une hausse symétrique des taux pour la branche vieillesse, les 17,1 milliards d’euros de recettes prévisionnelles pour 2024 seront suffisants pour couvrir l’objectif de dépenses de la branche, fixé à 16 milliards d’euros, que je vous inviterai à adopter.
L’excédent structurel de la branche AT-MP peut paraître confortable, voire enviable, au regard de la situation financière d’autres branches.
Je l’entends, mais ce serait méconnaître un principe essentiel : une branche n’a pas davantage vocation à être excédentaire qu’à être déficitaire. Cet excédent structurel est en fait le signe d’une déconnexion à long terme entre les besoins de financement de la branche et ses recettes, illustrée par l’excédent cumulé toujours croissant de la branche, qui atteindra – rendez-vous compte ! – 12,5 milliards d’euros à l’horizon 2027. Ce sont là autant de contributions réclamées à l’employeur qui ne servent pas leur destination originelle : lutter contre les risques professionnels et indemniser les victimes.
Et pourtant, malgré cette situation structurellement excédentaire, force est de constater que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est, une fois de plus, indigent pour ce qui concerne la branche AT-MP.
Alors que le renforcement de la prévention est au cœur de toutes les revendications, tant chez les organisations patronales que syndicales, le Gouvernement n’a pas jugé bon d’inclure la moindre mesure en la matière dans le texte initial.
Nous attendions – et nous continuerons malheureusement d’attendre… – un changement de paradigme sur la manière dont la prévention est envisagée par la branche.
Croyez-vous, monsieur le ministre, que les spots télévisuels déployés depuis un mois soient suffisants, alors que près d’un million de sinistres restent à déplorer chaque année et que les dépenses de prévention dépassent péniblement 2 % des dépenses de la branche ?
Que faut-il attendre pour que soit mis en œuvre un véritable accompagnement des entreprises en matière de prévention ?
Le succès indéniable des programmes s’inscrivant dans une démarche d’« aller vers », comme TMS-Pros, devrait pourtant conduire à encourager, étendre et développer de telles initiatives.
Pas de prévention donc, mais, à la place, des prélèvements pesant toujours plus sur la branche AT-MP. Il semblerait qu’il soit normal que la branche, parce qu’elle est excédentaire, voie ses ressources siphonnées. Naturellement, la commission s’y oppose et elle propose de revoir à la baisse le transfert de crédits à la branche maladie au titre de la sous-déclaration.
Elle a également déploré le fait que, bien que l’État soit responsable du scandale de l’amiante, le Gouvernement laisse la branche AT-MP augmenter de 50 % en 2024 sa dotation au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) sans avancer lui-même un centime de plus.
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est toutefois une autre mesure qui a concentré tous les débats, mais aussi, et surtout, toutes les critiques. Le Gouvernement était très attendu sur l’article 39, qui devait engager une réforme ambitieuse de la rente AT-MP et transposer un accord national interprofessionnel (ANI) signé à l’unanimité des partenaires sociaux.
Le résultat est décevant, puisque les partenaires sociaux ne se reconnaissent pas dans les modalités de transcription retenues. En court-circuitant le dialogue social, en réclamant un chèque en blanc au Parlement sur une réforme dont tout rester à déterminer, en ignorant les associations, le résultat est là : un article qui, en définitive, ne satisfait quasiment personne et est mal compris et inapplicable en l’état.
L’article 39 a exacerbé les tensions entre partenaires sociaux. En l’absence de consensus, il a été supprimé du texte qui nous a été transmis – et je vous inviterai naturellement à vous prononcer pour la confirmation de cette suppression.
L’ANI doit maintenant faire l’objet, si un consensus venait à être trouvé, d’une transcription intégrale dans un projet de loi ad hoc. Il est possible de retravailler le texte et d’adopter une réforme plus équilibrée sans retarder excessivement le calendrier de mise en œuvre initialement prévu pour l’article 39, fixé à fin 2024, ce qui permettra de répondre ainsi aux inquiétudes des organisations patronales auditionnées. Cette réforme devra convenir à toutes les parties, y compris aux associations de défense des victimes.
Les trois autres articles comportent des mesures utiles, à n’en pas douter, mais dont les répercussions financières sur l’équilibre de la branche AT-MP devraient être modestes : je vous invite à adopter ces mesures, mais à les améliorer en votant les amendements de la commission.
L’article 26 prévoit que les médecins du travail puissent déléguer à des infirmiers qualifiés en santé au travail, dans la limite de leurs compétences et dans un cadre sécurisé par la commission, certains actes du renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé. En ce sens, il accroîtra l’accessibilité aux médecins du travail et renforcera l’attractivité des services de santé et de sécurité au travail des caisses de la Mutualité sociale agricole.
L’article 39 bis sécurisera, pour le passé et pour l’avenir, le versement de deux prestations relevant du régime des marins, tandis que l’article 39 ter offrira de nouveaux outils au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante pour lutter contre un non-recours alarmant, qui avoisinerait les 50 % pour les victimes de mésothéliome. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’autonomie. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’objectif de dépenses de la branche autonomie pour 2024 est fixé à 39,9 milliards d’euros par le PLFSS, soit une augmentation de 5,3 %.
Les perspectives financières de la branche sont temporairement améliorées par l’apport de 0,15 point supplémentaire de contribution sociale généralisée (CSG) en provenance de la Cades, ce qui représente un surcroît de recettes de 2,6 milliards d’euros. Ainsi, la branche passerait d’un déficit de 1,1 milliard d’euros en 2023 à un excédent de 1,3 milliard en 2024.
Toutefois, cet excédent devrait rapidement s’éroder sous l’effet du dynamisme tendanciel des dépenses. En l’absence de mesures nouvelles, il ne serait plus que de 0,4 milliard d’euros en 2027. La question des ressources de la branche se posera donc de nouveau dans un avenir proche, dans un contexte de vieillissement de la population et de besoins encore insatisfaits.
Ce contexte exige une croissance du secteur médico-social qui sera difficile à soutenir. Alors que le Gouvernement avait annoncé le recrutement de 50 000 équivalents temps plein (ETP) dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) au cours du quinquennat, cet objectif a été repoussé à l’horizon de 2030. Aux 3 000 ETP prévus cette année s’ajouteraient 6 000 recrutements financés en 2024. Cela permettra d’améliorer le taux d’encadrement des Ehpad, mais nous restons bien en deçà des besoins.
Quant au virage domiciliaire, il peine encore à se dessiner malgré les réformes engagées en 2022 et les efforts financiers qui en ont résulté. Des créations massives de places en Ssiad seraient nécessaires au cours des prochaines années pour répondre à la demande de services à domicile. Toutefois, l’objectif de créer 25 000 places se heurte aux profondes difficultés de recrutement que connaît le secteur.
Dans le champ du handicap, les 50 000 solutions nouvelles, annoncées lors de la dernière Conférence nationale du handicap, restent floues et agrègent des niveaux de prise en charge très divers. Pour 2024, ils incluent des moyens renforcés pour les centres d’action médico-sociale précoce (Camsp).
Afin de faire face aux défis qui se présentent pour la branche, ce PLFSS propose des mesures en demi-teinte.
La situation financière des établissements et des services sociaux et médico-sociaux, singulièrement celle des Ehpad, est préoccupante. Alors qu’une majorité d’établissements sont en déficit, le fonds d’urgence de 100 millions d’euros, prévu pour cette année par le PLFSS, qui concernera les Ehpad et les services à domicile de tous statuts, est nécessaire et bienvenu, mais, rapporté au nombre de structures, il s’apparente à un saupoudrage.
Le texte pourrait néanmoins marquer un tournant en matière de financement des Ehpad, en amorçant la fusion entre la section « soins », actuellement financée par la sécurité sociale, et la section « dépendance », financée par les départements. Cette répartition des ressources et des dépenses des établissements apparaît de moins en moins pertinente compte tenu de l’évolution du profil des personnes accueillies.
L’article 37 du projet de loi vise donc à introduire un régime adapté de financement des Ehpad, dans lequel une section « soins et entretien de l’autonomie » serait subventionnée par un forfait global unique, attribué par l’Agence régionale de santé (ARS) et financé par la branche autonomie. Ce régime, créé de manière pérenne, serait toutefois laissé au choix des départements – une sorte de régime à la carte.
La commission a considéré que cette réforme pourrait, à rebours des objectifs affichés, se traduire par des complexités supplémentaires. Elle propose donc de transformer ce régime adapté de financement en une expérimentation, avant toute généralisation et pérennisation du dispositif. J’ai cru comprendre, madame la ministre, que vous étiez favorable à cette proposition.
Plus largement, la commission appelle à rationaliser les concours financiers de la CNSA aux départements pour les rendre plus lisibles et équitables.
L’article 38 du projet de loi vise à créer un nouveau service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce pour les enfants de moins de 6 ans susceptibles de présenter un handicap. La commission s’est interrogée sur la valeur ajoutée de ce dispositif, comme sur son articulation avec les plateformes déjà déployées pour prendre en charge les troubles du neurodéveloppement.
En revanche, mais vous l’avez également évoqué, madame la ministre, aucune solution n’est proposée pour les jeunes adultes maintenus dans des établissements pour enfants au titre de l’amendement Creton. Pour répondre à leur situation, la commission a prévu un dispositif expérimental de transition afin d’accompagner ces jeunes dès l’âge de 16 ans.
J’évoquerai, pour finir, l’article 38 bis, censé garantir le remboursement intégral des fauteuils roulants, mais dont la portée est très incertaine. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur les conditions d’application de cette mesure et sur son coût financier ?
Sous ces réserves, la commission invite à approuver l’objectif de dépenses de la branche pour 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)