M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 20 fait partie du titre IV, « Engager une réforme structurelle du système de l’asile ». Il concerne la Cour nationale du droit d’asile.
Qu’il me soit permis, à cette occasion, de souligner très sincèrement la grande qualité du rapport de plus de 300 pages réalisé par la commission des lois. Cette dernière a effectué de nombreux déplacements et a examiné de nombreuses contributions écrites. J’ai personnellement appris beaucoup de choses en le lisant. Je siège pourtant modestement sur ces travées depuis 2007.
La CNDA a été créée en 2007. Le rapport souligne que son activité est particulièrement importante : 34 000 recours en 2023 et plus de 61 000 recours en 2022, avec des délais qui demeurent malheureusement trop longs.
La CNDA, dont le siège est situé à Montreuil, est une juridiction administrative spécialisée, qui a une compétence nationale. Elle statue au niveau des contentieux sur l’ensemble des recours formés contre les décisions de l’Ofpra.
Le principe de cette réforme repose notamment sur la territorialisation de la CNDA – métropole, outre-mer –, sur la répartition des recours et sur une régionalisation importante.
L’article 20 tend à créer des chambres territoriales en dehors du siège. Il vise également à généraliser le principe du juge unique et à élargir le vivier des assesseurs.
Il s’agit, à mon sens, de mesures d’efficacité, raison pour laquelle je soutiendrai cet article. (M. Yannick Jadot applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l’article.
Mme Corinne Narassiguin. Cet article vise à réformer substantiellement le fonctionnement de la CNDA, avec la création de chambres territoriales et le recours, par principe, au juge unique.
Nous ne sommes pas opposés à cette territorialisation de la CNDA, puisque nous sommes généralement favorables à une plus grande proximité de la justice. Cela permettra, notamment, d’éviter les déplacements jusqu’au siège de Montreuil.
En revanche, nous sommes formellement opposés à l’inversion de la tendance actuelle. Aujourd’hui, environ 79 % des décisions sont prises en formation collégiale, contre 21 % en formation à juge unique. La généralisation du principe du juge unique aura pour effet concret que 80 % des demandes d’asile n’auront été examinées que par une seule personne à l’Ofpra, puis par une seule personne à la CNDA.
La collégialité de la CNDA est absolument indispensable, compte tenu de l’importance de l’oralité et de l’intime conviction dans ce type de décisions.
Il s’agit de la première juridiction de France en nombre de décisions rendues. Nous voulons au minimum garantir le maintien de la présence des représentants du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). En effet, qui mieux qu’eux peut assurer une qualité d’écoute, comprendre les situations politiques pointues des pays d’origine et apporter un jugement mesuré ?
La peine de mort n’existe plus en France, mais en matière d’asile une décision erronée de la part d’une seule personne peut envoyer une personne à la mort.
Monsieur le président, cette prise de parole sur l’article vaudra défense de l’amendement n° 203.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article étant très important, il me semble tout à fait utile que nous nous y arrêtions quelques instants.
La réforme proposée vise à poursuivre la simplification ou la rationalisation – nous en avons débattu précédemment – du traitement de l’asile.
Nous le savons, la principale difficulté de la France n’est pas d’être laxiste : elle accorde en général moins l’asile que les autres pays européens. Notre difficulté est plutôt de mettre trop de temps à répondre aux demandes.
Si l’on dit oui trop tard, les gens peinent à s’intégrer avec leur famille, car les demandeurs touchent une prestation sociale à 320 euros et habitent des logements temporaires.
Si l’on dit non trop tard, cela leur laisse malheureusement le temps de s’installer dans une forme d’irrégularité, de se marier, d’avoir une vie privée et familiale en France et d’avoir des enfants sur le sol français. Nous retombons alors dans les difficultés d’application des décisions de reconduite à la frontière que nous connaissons bien.
Le cœur du projet du Gouvernement, indépendamment de la lutte contre les délinquants étrangers et de l’exigence d’intégration, est donc la simplification des procédures au sens très large du terme, notamment des procédures d’asile, qui connaissent un détournement.
La loi Collomb a permis d’améliorer le travail de l’Ofpra, qui est passé de huit ou neuf mois pour étudier une demande d’asile à quatre mois aujourd’hui. C’est aussi un effet de la création de 200 emplois supplémentaires à l’Ofpra.
Néanmoins, le traitement des demandes par la CNDA est trop lent, du fait de la complexité de la procédure, et il existe des difficultés d’organisation.
La territorialisation, qui vise à rapprocher la cour des personnes, me paraît une bonne chose. Par ailleurs, le juge unique est également un gage d’avancées – nous l’avons vu notamment au moment de la crise de la covid-19, une période au cours de laquelle nous avons pris beaucoup de retard.
En revanche, vous ne trouverez pas dans l’article 20 tout ce que vous avez pu lire dans la presse ou entendu dire dans les interventions liminaires.
Le principe du juge unique n’est pas généralisé : le recours au juge unique est simplement permis. En cas d’affaires géopolitiques complexes, de questions tournant autour de l’identité ou de la religion, il sera toujours possible à la cour de statuer en formation collégiale. Nous n’interdisons pas la collégialité ! Nous souhaitons simplement généraliser le recours au juge, notamment pour toutes les décisions sans cesse répétées, car il existe bel et bien une jurisprudence de la CNDA.
En revanche, si l’affaire est plus complexe – je pense à l’Érythrée ou à l’Afghanistan, avec la fameuse jurisprudence Kaboul – ou lorsque se poseront des questions de principe, le juge pourra décider d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale.
Je le répète, cet article ne tend pas à supprimer le principe de collégialité au sein de la CND, il vise simplement à simplifier la procédure, afin d’instruire plus rapidement les dossiers, sans remettre en cause la protection offerte.
Je rappelle en effet à Mme Narassiguin que le principe de protection est le même, qu’il s’agisse d’une formation collégiale ou d’un juge unique. Après tout, comme elle l’a reconnu elle-même, la cour statue déjà en juge unique !
Par ailleurs, le Conseil d’État, qui est très sourcilleux quant aux évolutions de la CNDA, a considéré « que les nouvelles dispositions ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel ». C’est d’autant plus vrai que le fait que la CNDA statue à juge unique ne porte pas atteinte aux droits de la défense.
Enfin, si nous adoptons ce projet de loi, nous ne serons pas le seul pays à nous organiser de cette manière. L’Allemagne est le pays d’Europe qui reçoit le plus de demandes d’asile ; bien que ce pays soit gouverné par les sociaux-démocrates et les écologistes, ses juridictions administratives, qui examinent les recours des demandeurs d’asile, statuent à juge unique ! C’est aussi le cas de la Belgique, pourtant gouvernée également par une coalition que l’on pourrait qualifier de progressiste, qui reçoit également beaucoup de demandes d’asile.
Nous proposons donc une simplification de la procédure, sans pour autant rogner sur les droits des demandeurs d’asile. Cela concourra à l’objectif de ce projet de loi, à savoir faire en sorte que l’intégralité de la demande d’asile – depuis l’enregistrement à la préfecture jusqu’au recours à la CNDA, en passant par l’entretien à l’Ofpra – puisse se dérouler en six mois, au lieu de prendre largement plus d’un an comme c’est le cas aujourd’hui.
J’émettrai donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui viseraient à déflorer cet article.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 38 rectifié est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 301 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 16
Supprimer les mots :
Lorsqu’elle siège en formation collégiale
II – Alinéas 19 et 22 à 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.
Mme Marianne Margaté. Comme le soulignent de nombreuses associations, depuis 1952, la Commission des recours des réfugiés, puis la CNDA, qui lui a succédé, est une juridiction collégiale composée d’un magistrat administratif et quelquefois d’un magistrat judiciaire, ainsi que de personnalités qualifiées nommées par le vice-président du Conseil d’État et surtout par le Haut-Commissariat aux réfugiés.
Cette spécificité est à nos yeux gage d’impartialité. Or c’est ce que l’article 20 propose de supprimer, au nom d’une prétendue efficacité.
Certes, il est nécessaire que les demandes d’asile soient examinées plus rapidement. Mais, pour atteindre cet objectif, nous devrions revoir à la hausse les moyens employés plutôt que de réduire les garanties procédurales, dont le principe de la collégialité fait partie.
Or, comme le soulignent de nombreuses associations, la présence de trois juges permet de croiser les regards et d’éviter de se laisser guider par des représentations personnelles pour juger de la crédibilité et la cohérence du récit de la personne demandant refuge et asile.
Selon Amnesty International, « Une journée d’audience, ce sont treize dossiers examinés, treize histoires de vie très différentes : d’un opposant politique sri-lankais à une jeune fille fuyant l’excision en Guinée, en passant par des persécutions liées à l’orientation sexuelle… Trois juges ne sont pas de trop lorsqu’il s’agit de traiter de dossiers si sensibles. De nombreuses personnes qui demandent l’asile jouent leur vie et leur sécurité à ces audiences. »
C’est pourquoi nous nous opposons à toutes les mesures visant à amoindrir les garanties offertes aux demandeurs d’asile, en particulier dans des audiences où l’intime conviction est le principal critère de décision.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 301 rectifié.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, vous employez des éléments de langage pour éviter de parler d’une généralisation des jugements à juge unique. (M. le ministre proteste.) N’utilisons pas cette expression, dans ce cas : disons que le recours à un juge unique devient la règle et la collégialité une simple possibilité.
De même, comme souvent, vous citez des exemples de pays européens dont la pratique est similaire à celle que propose le projet de loi, en ajoutant que ces pays sont dirigés par des gouvernements progressistes ou de gauche. Mais je pourrais vous citer autant de pays européens dont les gouvernements sont libéraux ou de droite et qui, pourtant, statuent en formation collégiale.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie de le reconnaître, monsieur le ministre !
Le projet de loi marque un recul important des garanties procédurales, parce qu’il établit la règle du juge unique et affaiblit l’efficacité de notre régime d’asile.
Le principe de collégialité est consacré de façon générale par le code de justice administrative. Le Conseil constitutionnel veille à son application lorsqu’il examine la conformité d’une loi aux normes constitutionnelles. De même, le Conseil d’État a reconnu « la particulière importance que revêt, pour les demandeurs d’asile, la garantie d’un examen de leur recours par une formation collégiale, telle qu’instituée en principe par le législateur », dans sa décision n° 440717 du 8 juin 2020.
La collégialité est ainsi un élément clé pour une justice équitable. L’objectif est de juger plus vite, certes, monsieur le ministre, mais aussi de juger mieux, ou en tout cas pas plus mal. Les affaires jugées à la CNDA étant très complexes, elles doivent donner lieu à ces échanges, en particulier lors des audiences, compte tenu de la forte dimension orale du contentieux de l’asile.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 22 à 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’attachement à la collégialité au sein des juridictions est une constante des positions du groupe RDSE.
L’intérêt de la collégialité est de limiter l’isolement, ainsi que les erreurs que peut commettre un individu seul, livré à lui-même, dans un travail souvent éreintant. On pourrait citer le cas du juge Burgaud ou celui, plus récent, de ce magistrat de la CNDA qui a été écarté de ses fonctions en raison de ses publications sur les réseaux sociaux.
Pour éviter ces écueils, cet amendement a pour objet de ne pas revenir sur le principe de la collégialité comme procédure ordinaire.
M. le président. L’amendement n° 203, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéas 22 à 26
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéa 27
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° À la première phrase de l’article L. 532-7, les mots : « qu’elle soulève une difficulté sérieuse » sont remplacés par les mots : « qu’elle pose une question qui le justifie » ;
IV. - Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’article 20 présente deux éléments de réforme : d’une part, la territorialisation de la CNDA et, d’autre part, l’organisation du jugement par une formation collégiale ou par un juge unique.
Aucun amendement de suppression visant les alinéas relatifs à la territorialisation de la CNDA n’a été déposé, monsieur le ministre. Toutefois, je dois à notre assemblée quelques explications.
Nous n’avons pas émis d’avis défavorable sur ce point, car cette proximité accrue peut avoir un intérêt. Cependant, nous attirons votre attention sur le coût éventuel de cette réforme. Vous proposez la création de cinq à six chambres territoriales, en précisant que les salles d’audience seront celles des cours administratives d’appel. Nous avons quelques doutes quant au niveau des investissements qui seront nécessaires…
Sans vouloir polémiquer, je vous rappelle, même si vous avez déjà bien en tête cet élément, que, avant de lancer votre réforme, l’État avait décidé de doter la CNDA de nouveaux locaux, qui seront inaugurés dans un peu plus de deux ans. Nous ne voudrions pas que, à la date de l’inauguration, de nombreux mètres carrés se révèlent finalement inutiles en raison de la création des chambres territoriales survenue dans l’intervalle. Nous espérons que vous saurez vous en assurer.
J’en arrive au sujet soulevé par les auteurs de ces amendements, qui visent exclusivement la composition de la chambre de jugement.
M. le ministre nous a déjà donné deux éléments de réponse.
Premièrement, la plupart des pays européens fonctionnent de cette manière.
Deuxièmement, nous avons interrogé les associations, et aucune ne s’est plainte : en effet, le taux d’approbation et de rejet par les juges uniques et par les formations collégiales est exactement le même.
Il n’y a donc pas de problème selon nous. Toutefois, si vous avez un doute, je voudrais vous donner deux arguments supplémentaires.
Tout d’abord, la CNDA se situe dans l’environnement du Conseil d’État, si j’ose dire. C’est un conseiller d’État qui la préside, et le Conseil d’État est le juge de cassation de cette cour. Or le Conseil d’État a une culture de la collégialité. Ne vous inquiétez donc pas : si un problème se pose en la matière, le Conseil d’État y remédiera.
Ensuite, chers collègues, il me semble que votre lecture du texte concerné est partielle : vous omettez notamment ce qui constitue la clé de sa rédaction et qui, sans être discourtois vis-à-vis des services de M. le ministre, est caractéristique de la section du contentieux du Conseil d’État.
En effet, selon cette rédaction, le président de la CNDA ou de la formation en juridiction peut renvoyer devant une formation collégiale « s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie ».
La formule est extrêmement large : à tout moment, la CNDA peut renvoyer le jugement à une formation collégiale. Certes, la notion de « difficulté sérieuse » aurait semblé plus familière aux juristes, mais, dans son avis sur le projet de loi publié le 26 janvier 2023, le Conseil d’État a préféré lui substituer celle qui a été précédemment citée ; si elle est inhabituelle, cette rédaction est la seule possible et la plus pertinente.
En effet, une affaire peut apparaître « sérieuse » au mois de novembre 2023, mais présenter beaucoup moins de difficultés un an plus tard au regard de l’évolution de la situation géopolitique du pays ; à l’inverse, un pays dont la situation ne pose a priori pas de difficultés peut en révéler d’importantes quelques mois plus tard.
La rédaction que je vous ai lue signifie donc que le président de la CNDA, à tout moment, peut orienter les dossiers suivant la complexité de la situation à évaluer. Il s’agit tout simplement de tenir compte de l’évolution de la situation géopolitique. C’est une rédaction de bon goût !
J’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je veux tout de même attirer l’attention de nos collègues sur deux autres effets importants de la fin de la collégialité.
Tout d’abord, vous parliez de jugements tenant compte de la situation géopolitique, monsieur le rapporteur. Mais la fin de la collégialité prive la CNDA d’une expertise essentielle dans ce domaine, car au moins l’un de ses assesseurs est un représentant du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés. De l’avis même des magistrats de la CNDA, ce sont ces personnes qui apportent une vision fine et réaliste de la situation politique et géopolitique des pays d’origine. Renoncer à la collégialité, c’est se priver de l’expertise déterminante à laquelle vous venez de faire allusion, monsieur le rapporteur.
Ensuite, les assesseurs ne sont pas des juges. Aussi, se priver des assesseurs ne permettra pas de démultiplier le nombre d’audiences. La suppression de la règle de la collégialité n’affecte pas directement les délais de traitement ou le nombre de dossiers étudiés.
Ces éléments me parviennent directement de la CNDA, je le précise. En effet, en plus de siéger à la commission des lois, où de nombreuses auditions ont été organisées, j’ai été rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 2023, notamment pour le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives ». La CNDA figurant parmi ces dernières, je m’y rends régulièrement depuis quatre ans et j’ai rencontré les présidents successifs de cette cour.
J’ai eu l’occasion d’auditionner nombre de présidents, de magistrats, de greffiers et d’avocats de la CNDA. Ce que je vous dis ne vient donc pas de nulle part. Je vous incite d’ailleurs à vous rendre sur place pour vous informer de l’avis du personnel de cette cour sur la suppression de la collégialité.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous tenons à préserver la règle de la collégialité, plutôt que d’en faire une exception à la règle du recours au juge unique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié et 301 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 242, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
juridique ou géopolitique
par les mots :
juridique, géopolitique, climatique ou des droits des femmes
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 243, dont la rédaction et l’objet sont très proches.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 243, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
juridique ou géopolitique
par les mots :
juridique, géopolitique, climatique ou des droits des femmes
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Ces deux amendements visent à modifier les alinéas 17 et 18 de l’article 20, qui concernent l’un et l’autre les personnalités qualifiées siégeant dans la formation collégiale. Je poursuis ainsi l’échange qui a été engagé ce matin avec M. le ministre sur l’évolution du droit d’asile, qui est elle-même liée à l’évolution des causes des migrations.
Par ces deux amendements, je propose que, aux compétences en matière juridique et géopolitique requises pour les personnalités qualifiées, nous ajoutions des compétences en matière de climat et de droits des femmes. Nous prendrions ainsi acte de ce que la question climatique et la question des oppressions spécifiques et des violences subies par les femmes dans différents pays d’origine doivent également être connues par les personnalités qualifiées qui siègent dans cette commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Rien ne justifie de demander une compétence spécifique en matière climatique, la notion de réfugié climatique n’existant pas à l’heure actuelle.
Cependant, madame Rossignol, l’examen de votre amendement me permet de répondre aux nombreux amendements qui avaient été déposés par Mme Vogel et que son groupe a retirés. Ils avaient pour objet le niveau d’information de la CNDA sur les oppressions subies par les personnes LGBT.
Nous avons interrogé la CNDA pour connaître son action en matière de sensibilisation sur les situations des femmes et sur toutes les formes de discrimination, notamment envers les personnes LGBT, pour répondre à la préoccupation de Mme Vogel.
D’après ce que nous en avions lu dans le rapport de la CNDA, nous pensions que le niveau d’information sur ces questions était élevé. Toutefois, en cherchant à en savoir davantage, nous avons été agréablement surpris par la qualité de la formation proposée, et cela à trois niveaux.
Tout d’abord, chaque nouveau membre de la CNDA suit deux modules de formation chaque année – un par semestre – d’une durée de trente heures chacun, sur ces sujets.
Ensuite, dans le cadre de la formation continue, la CNDA organise trois formations par an sur les mêmes thématiques, pour une durée de trente-cinq heures chacune, ce qui ne me paraît pas négligeable.
Enfin, nous avons mieux compris de quelle manière la CNDA se tenait informée de la situation dans les différents pays d’origine des réfugiés, à laquelle faisait référence M. Benarroche : la CNDA actualise en permanence un fonds documentaire et propose différents focus par pays, qui permettent par exemple de connaître de manière détaillée la situation des personnes LGBT dans un sous-groupe de pays, et non pas de manière trop large.
À l’issue de ces recherches, nous sommes satisfaits quant à la qualité du travail réalisé à cet égard par la CNDA.
J’émets par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de votre réponse. Je me réjouis que vous ayez trouvé à la CNDA des personnes parfaitement compétentes et formées sur les droits des personnes LGBT, le changement climatique et les violences faites aux femmes.
Cependant, je tiens à vous faire remarquer que ce que vous avez découvert est exceptionnel ! Aujourd’hui, en France, nous formons des policiers, des magistrats, des travailleurs sociaux à la spécificité des violences sexuelles et à la manière de les détecter. Visiblement, à la CNDA, c’est déjà fait : je m’en réjouis ! (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. L’amendement n° 244, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 20, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et sur les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes au cours de leur trajet migratoire
La parole est à Mme Laurence Rossignol.