M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où le travail des agents de l’Ofii est précisément de détecter les vulnérabilités – or la traite des êtres humains est expressément mentionnée dans le Ceseda comme l’une d’entre elles –, ces agents sont déjà formés à cet effet.
Je crois donc que votre amendement est déjà satisfait, mon cher collègue. La commission vous invite par conséquent à le retirer ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 487 rectifié, présenté par M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Bitz, Patriat et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille et MM. Omar Oili, Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 2° de l’article L. 531-32 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« 2° Lorsque le demandeur bénéficie dans un État tiers du statut de réfugié ou d’une protection équivalente, notamment en ce qui concerne le respect du principe de non-refoulement, à la condition, dans l’un et l’autre cas, que la protection soit effective et que le demandeur soit effectivement réadmissible dans cet État tiers ; ».
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Au travers de cet amendement, notre collègue Georges Patient souhaite permettre à l’Ofpra de déclarer irrecevable une demande d’asile lorsque le demandeur bénéficie déjà dans un pays tiers d’une protection équivalente à celle qui est offerte par le statut de réfugié et non plus seulement lorsqu’il y bénéficie de ce statut. Cette mesure est conforme à l’article 35 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil.
Georges Patient justifie encore sa proposition par le fait que certains États, sans octroyer le statut de réfugié prévu par la convention de Genève, délivrent cependant aux ressortissants de certains pays des protections offrant des garanties équivalentes, à l’instar du Brésil, qui octroie des visas pour des raisons humanitaires.
Nombre de ces bénéficiaires utilisent le Brésil comme un simple pays de transit et ont pour destination réelle la France ou l’espace Schengen. Il s’ensuit un certain nombre de problèmes, notamment sanitaires, en Guyane ; la ville de Cayenne est malheureusement laissée seule face à cette situation.
Au vu de ce contexte, le présent amendement vise à permettre à l’Ofpra, après examen de la situation personnelle de l’intéressé, de prendre rapidement une décision d’irrecevabilité, sous réserve que cette personne soit réadmissible dans l’État tiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Très favorable, si je puis dire ! Je remercie MM. Patient et Lemoyne pour cette disposition, qui est essentielle pour lutter contre le fort dérèglement que subit la Guyane du fait de la prise en charge de demandeurs d’asile passés par d’autres pays d’Amérique du Sud.
Je souhaite donc ardemment que cette disposition soit adoptée.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote sur l’article 19.
Mme Corinne Narassiguin. Je souhaite dire, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que nous aurions aimé pouvoir voter cet article 19, qui nous apparaissait à l’orée de son examen comme le seul article de ce projet de loi à aller désormais, véritablement, dans le sens du progrès.
En effet, nous sommes favorables à l’expérimentation de services déconcentrés de l’Ofpra dans plusieurs villes, afin de ne pas concentrer la présence des demandeurs d’asile en Île-de-France et ainsi de permettre leur meilleure intégration sur tout le territoire national.
Nous aurions souhaité que cette déconcentration permette de mieux prendre en compte l’état psychique des demandeurs d’asile et la difficulté qu’ils peuvent éprouver à retranscrire leur récit.
Malheureusement, compte tenu de la façon dont cet article a été amendé sur l’initiative de la commission et du Gouvernement, nous craignons que cette déconcentration ne porte, dans les faits, atteinte aux droits des demandeurs d’asile et empêche ces derniers d’en exercer l’intégralité.
Nous ne voulons pas que cette mesure constitue la première étape d’une fusion des services au sein d’une éventuelle agence française de l’asile.
Pour autant, comme nous ne sommes pas opposés au principe de cette expérimentation, nous nous abstiendrons sur cet article.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la sénatrice, il est dommage de caricaturer ce projet de loi en prétendant que seul l’article 19 contiendrait une mesure positive !
Vous oubliez un peu vite que nous sommes le seul gouvernement à interdire la présence des mineurs dans les centres de rétention administrative – tel est bien l’objet de l’article 12 –, à instaurer des cours de français gratuits – vous ne l’avez jamais fait ! –, à lutter contre les marchands de sommeil – mesure prévue à l’article 15 et complétée grâce à l’adoption d’un amendement du groupe communiste, que nous avons soutenu –, ou encore à réprimer les activités des passeurs comme des crimes et non plus des délits.
Notre débat se passerait bien de vos caricatures. Ce texte comporte beaucoup de dispositions importantes, qu’aucun gouvernement socialiste n’a jamais mises en place.
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Après l’article 19
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article L. 424-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « ou son concubin » sont supprimés.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. La situation de concubinage ne reposant sur aucune reconnaissance officielle, elle paraît trop floue pour donner lieu au regroupement familial que peut demander une personne bénéficiant de la protection subsidiaire, d’autant qu’elle pourrait servir de prétexte pour abuser de cette possibilité.
La loi doit être claire et permettre à nos agents de vérifier réellement la véracité des déclarations effectuées. Mais comment prouver un concubinage ? Si une telle disposition était maintenue, l’accès au sol national serait permis par une simple déclaration, dont le contrôle aurait été limité, voire inexistant.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de clarification de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La suppression proposée serait contraire aux engagements internationaux de la France, notamment la convention de Genève.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 424-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Par cet amendement, nous demandons que les ascendants d’un mineur bénéficiant de la protection subsidiaire ne puissent plus, à ce titre, obtenir une carte de séjour.
Comme vous le savez, nos communes et nos départements sont déjà submergés par les problèmes sécuritaires, financiers et sociaux suscités par les mineurs non accompagnés. À ce titre, laisser entrevoir la possibilité, pour un mineur non accompagné, de faire obtenir une carte de séjour à ses ascendants, sous prétexte d’une aspiration naturelle à réunir parents et enfants, peut se révéler dangereux.
En effet, un tel dispositif peut inciter – nous savons que c’est malheureusement le cas, mes chers collègues – certaines familles à envoyer leurs enfants braver les déserts et la mer dans l’espoir, une fois qu’ils sont arrivés sur le sol européen, d’obtenir pour leurs parents et leurs proches une carte de séjour ; ceux-ci pensent ainsi atteindre eux-mêmes un eldorado européen qui n’existe pas.
Notre proposition allie la fermeté à l’humanité : en empêchant le mineur isolé de faire obtenir une carte de séjour à ses proches, nous dissuadons certaines personnes d’envoyer leurs enfants seuls sur la route de l’Europe, avec tous les dangers que cela implique, en particulier le trafic d’êtres humains.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, nous vous demandons, mes chers collègues, de faire montre d’une fermeté nécessaire pour éviter les pires drames, ici comme là-bas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est défavorable. Mon cher collègue, il s’agit non pas de mineurs isolés, mais de droit d’asile. Encore une fois, nous avons des engagements internationaux à respecter en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. C’est avec beaucoup de stoïcisme et de retenue que l’on écoute les différentes prises de position des sénateurs d’extrême droite, qu’ils soient zemmouristes ou membres du Rassemblement national (RN). Mais il faut tout de même, de temps en temps, relever certaines contradictions !
Lors de la présentation de cet amendement, il nous a été expliqué qu’il faudrait refuser la carte de séjour aux ascendants d’un mineur non accompagné, lequel est au reste un demandeur d’asile, au prétexte que M. le représentant du RN n’aime pas les mineurs non accompagnés. Mais il ne les aime manifestement pas accompagnés non plus, puisqu’il s’agit, en l’espèce, de la possibilité de faire venir un parent ou un ascendant !
En réalité, vous n’aimez les mineurs étrangers ni accompagnés de leurs parents ni non accompagnés ; dites-le clairement : vous ne voulez pas sur notre sol d’enfants venant d’un pays étranger ! (M. Christopher Szczurek le conteste.)
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Anglars, Menonville et Frassa, Mmes Romagny et Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, M. Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing et Wattebled, Mmes Lopez, Micouleau et Belrhiti, M. Genet, Mmes Canayer et Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « personne », sont insérés les mots : « , dans un délai de quinze jours à compter de son entrée sur le territoire national, ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à instituer un délai limité à quinze jours après l’arrivée sur le territoire français pendant lequel l’étranger qui souhaite bénéficier de l’asile devra déposer sa demande.
Actuellement aucun délai n’existe dans le droit positif pour la demande d’asile. La procédure de demande a ainsi une faible incidence coercitive, si bien qu’il en ressort un sentiment peu engageant pour les demandeurs.
L’intérêt du dispositif proposé est qu’il aura un effet incitatif sur les étrangers qui souhaitent demander l’asile, en les poussant à engager rapidement une procédure administrative adéquate lorsque la demande n’est pas faite à la frontière.
Il serait ainsi judicieux de faire mention d’un délai dans le droit positif, afin d’évoquer l’aspect temporel d’une telle procédure et ce qu’elle implique comme charge de travail et de gestion pour l’administration française.
L’idée est aussi de rappeler aux demandeurs, dès le dépôt du dossier, qu’ils ont des obligations vis-à-vis de l’État qui les accueille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous comprenons l’objectif des auteurs de cet amendement, mais nous craignons qu’il ne puisse être atteint. En effet, la directive Accueil ne permet pas de sanctionner une demande d’asile au motif qu’elle n’a pas été déposée dans les délais prévus.
Il me paraît donc assez inutile, voire déraisonnable, d’imposer un tel délai, d’autant que la durée proposée, quinze jours, est plutôt brève. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Je vous invite donc, ma chère collègue, à retirer cet amendement, dont l’adoption n’aurait aucun effet concret.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° 247 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié est retiré.
L’amendement n° 642, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre III du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° À la première phrase de l’article L. 531-36, les mots : « peut clôturer », sont remplacés par le mot : « clôture » ;
2° L’article L. 531-38 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé en application de l’article L. 552-8. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 531-39, les mots : « le cas prévu au 3° » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux 3° et 4° ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous prévoyons les conditions dans lesquelles le dossier de demande auprès de l’Ofpra doit être clôturé parce qu’il n’a plus lieu d’être. C’est un détail technique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Bruyen, Mmes P. Martin et Jacques, MM. Sido et Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent.
L’amendement n° 643 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre IV du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 542-4 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , sous peine de faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sous réserve des cas où l’autorité administrative envisage d’admettre l’étranger au séjour pour un autre motif, elle prend à son encontre, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, une obligation de quitter le territoire français sur le fondement et dans les conditions prévues au 4° de l’article L. 611-1. » ;
2° Il est ajouté un article L. 542-… ainsi rédigé :
« Art. L. 542-…. – La décision définitive de rejet prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, entraîne l’interruption immédiate de la prise en charge des frais de santé de l’étranger en application de l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Il s’agit d’un amendement important.
Je rappelle que, en tant que résident régulier en France, un demandeur d’asile a accès aux prestations de l’assurance maladie, notamment dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMa).
Pendant l’instruction de son dossier et jusqu’à ce qu’il reçoive une réponse définitive, un demandeur d’asile dispose d’un droit au maintien sur le territoire français. Il est donc considéré comme séjournant de manière régulière en France.
À ce titre, il a accès au système français d’assurance maladie. L’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale dispose ainsi : « Toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé. »
Par dérogation au droit commun, les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de la PUMa dès le dépôt de la demande d’asile, alors que les autres assurés n’exerçant pas d’activité professionnelle ne peuvent en bénéficier qu’au terme d’un délai de trois mois suivant leur arrivée en France.
Une fois obtenue, la PUMa ouvre droit, pour le demandeur d’asile comme pour ses ayants droit, à la prise en charge des frais de santé pendant un an renouvelable, et ce même pour les étrangers possédant un document de séjour dont la durée de validité est inférieure à un an.
Le demandeur d’asile peut également bénéficier, sous conditions de ressources, de la complémentaire santé solidaire (CSS), qui a remplacé la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).
S’il obtient le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, le demandeur pourra être immatriculé définitivement à la sécurité sociale, en continuant à bénéficier de la PUMa et de la CSS.
Si sa demande est rejetée, le droit à la prise en charge des frais de santé reste ouvert pendant douze mois. Le droit à la CSS reste ouvert jusqu’au renouvellement de celle-ci.
Cet amendement a donc pour objet de restreindre l’accès des demandeurs d’asile aux prestations de l’assurance maladie, en inscrivant dans la loi que le rejet définitif d’une demande d’asile vaut OQTF et entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 643.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons déposé cet amendement, par cohérence, afin de tirer les conclusions des règles juridiques que nous inscrivons dans le Ceseda.
Lorsque quelqu’un est débouté définitivement de sa demande d’asile, il n’a plus le droit de rester sur le territoire français. Cela a deux conséquences : d’une part, il doit se voir délivrer une obligation de quitter le territoire français, de manière que son éloignement soit mis en œuvre ; d’autre part, il ne doit plus pouvoir bénéficier du régime de protection prévu pour les demandeurs d’asile. Tel est bien le double objet de cet amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage les intentions de Mme Boyer et de Mme la rapporteure : il est évident que, lorsque quelqu’un se voit débouté de sa demande d’asile, il doit quitter le territoire national. C’est la stratégie que nous essayons de mener pour lutter contre l’immigration irrégulière.
Cependant, la disposition que vous proposez me semble inconstitutionnelle. Vous souhaitez voir attribuer à l’Ofpra ou à la CNDA les pouvoirs du préfet. Or, si la décision de rejet rendue par la CNDA, qui est un jugement, devait avoir la même valeur qu’une OQTF, qui est un arrêté pris par le préfet, les possibilités de recours seraient entachées.
Nous pouvons toutefois, me semble-t-il, atteindre votre but en empruntant les chemins détournés que nous avons imaginés – ad augusta per angusta, dit l’adage. Il s’agirait plutôt de travailler à la simplification des délais – nous en reparlerons tout à l’heure – et d’en tirer des conséquences sur le versement des aides sociales aux déboutés de l’asile ; nous en avons déjà discuté lors de l’examen de la première partie du texte.
En revanche, le dispositif défendu par Mme Boyer et Mme la rapporteure ne me semble pas constitutionnel. Dès lors, l’avis ne peut être que défavorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur le ministre, je crains que vous n’ayez devant les yeux la première version de l’amendement de Mme Boyer ; celui-ci a depuis été rectifié pour être rendu identique à celui de la commission, lequel tend effectivement à affirmer qu’il revient à l’autorité d’administrative de prendre l’arrêté d’OQTF et non pas, bien sûr, à l’Ofpra ou à la CNDA.
Votre propos était pertinent s’agissant de sa première version, mais sa rédaction a été rendue conforme au droit.
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, je ne dispose pas de la nouvelle version. Je demande une très courte suspension de séance pour en prendre connaissance.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à douze heures une.)
M. le président. La séance est reprise.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je présente mes excuses à Mme Boyer : je n’avais en effet pas la bonne version de son amendement.
Sur ces amendements identiques, je m’en remets à la sagesse du Sénat, dans la mesure où nous devrons examiner comment l’automaticité de la transmission des informations entre la justice administrative et les préfets pourrait fonctionner.
Il reviendra au ministère de l’intérieur et des outre-mer de s’organiser avec la justice ; nous y travaillerons lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, avec l’aide du directeur général des étrangers en France (DGEF).
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne peux m’empêcher de dénoncer ce qui sous-tend ces amendements. Non seulement on entend retirer leurs médicaments, du jour au lendemain, aux personnes dont la demande d’asile a été rejetée ; mais vous introduisez à présent dans le texte un principe selon lequel toute personne venant en France et demandant l’asile se verra notifier une obligation de quitter le territoire français si cette demande est rejetée, même si une précaution a été légitimement ajoutée par la commission.
Ainsi, l’étranger arrivant en France et souhaitant demander l’asile sera prévenu : il pourra peut-être rester en France en obtenant des papiers, grâce à un certificat de travail, ou pour un autre motif, s’il ne demande pas l’asile ; en revanche, s’il le fait et que sa demande est refusée, il recevra une OQTF, même s’il n’existe aucun des motifs habituels pour cela.
Je regrette de le dire, mais, malgré la précaution administrative ajoutée, c’est bien ce principe qui va prévaloir.
Madame Boyer, vous souhaitiez tout à l’heure obliger ces personnes à demander l’asile dans un délai de quinze jours après leur arrivée – avant de retirer, à juste titre, cet amendement. Pourtant, la plupart du temps, cette possibilité n’est même pas proposée à la frontière, comme nous l’ont confirmé les agents de la police aux frontières : on n’informe pas les intéressés de la possibilité de demander l’asile.
D’une part, vous exigez que ceux-ci déposent très vite leurs demandes, même s’ils ne sont pas informés ; de l’autre, en cas de refus, ils devraient quitter le territoire immédiatement. Pardonnez-moi, mais cela n’est pas conforme au principe d’accueil des migrants que nous défendons.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je souhaite répondre aux propos de notre collègue M. Benarroche, qui ne correspondent pas au contenu de ces amendements.
Ceux-ci sont bien conformes à la jurisprudence existante : quelles que soient les conditions dans lesquelles elle intervient, une OQTF ne sera délivrée que sous la réserve expresse qu’auront été examinées et rejetées les possibilités d’obtention d’un autre titre de séjour.
Il s’agit d’un principe constant : l’autorité administrative effectue ce que nous souhaitons qu’elle fasse, c’est-à-dire un contrôle à 360 degrés, pour vérifier s’il n’existe pas un autre motif, par exemple le respect de la vie privée et familiale, permettant à l’intéressé de se maintenir légalement sur le territoire, avant toute délivrance d’OQTF.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je comprends votre crainte, mais il me semble que celle-ci est levée par cet amendement et par la Constitution, que respecte la pratique habituelle des préfectures.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Si l’on ajoute à la suppression de l’aide médicale d’État l’interruption de la prise en charge au titre de la sécurité sociale des soins des demandeurs déboutés, qui figure également dans cet amendement, cela signifie-t-il qu’il n’y aura plus du tout de prise en charge des soins ?
Dès lors que le droit d’asile lui aura été refusé, l’intéressé sera-t-il condamné à ne plus avoir accès à des soins, ce qui reviendrait à lui infliger une condamnation à mort en cas de maladie grave ?
Concrètement, quelles sont les conséquences attendues de ces mesures ?
Par ailleurs, si la personne concernée dispose d’un autre titre de séjour, ce qui est tout à fait possible, le dispositif prévu ne risque-t-il pas d’invalider son droit à la sécurité sociale ? Cette mesure me semble donc, à double titre, plus que discutable : condamnable.