Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Comme vous l’indiquez vous-même dans votre présentation, mon cher collègue, il existe déjà une obligation générale de porter le numéro d’immatriculation. Que le Conseil d’État ait estimé que cette obligation n’était pas bien déclinée aujourd’hui, c’est une question d’exécution. L’obligation existe bel et bien. Ce n’est pas en la répétant dans la loi qu’elle sera correctement appliquée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Fernique, l’amendement n° 271 est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Oui, madame la présidente : je n’oserais pas retirer un amendement dont le premier signataire est mon président de groupe ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa de l’article 55-1, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;
2° À l’article 78-5, les mots : « trois mois d’emprisonnement et de 3 750 » sont remplacés par les mots : « six mois d’emprisonnement et de 7 500 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 215 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 289 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Karine Daniel, pour présenter l’amendement n° 215.
Mme Karine Daniel. Nous demandons la suppression de cet article 11 bis, qui prévoit d’alourdir les peines encourues en cas de refus de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes. Cette disposition nous apparaît complètement disproportionnée, sachant que la peine actuellement encourue est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Vous en conviendrez, c’est loin d’être une peine légère pour une infraction de ce type. Nous aimerions d’ailleurs connaître les peines effectivement prononcées avant de décider s’il est opportun de les rehausser ou non.
Par ailleurs, il nous semble un peu naïf de penser qu’il suffirait de porter la peine d’emprisonnement d’un an à deux ans pour mettre un terme aux cas de refus de relevé d’empreintes. Il nous apparaît préférable d’appliquer les sanctions existantes plutôt que de chercher à les alourdir.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 289.
M. Guy Benarroche. L’article 11 bis renforce les peines encourues en cas de refus de prise d’empreintes. Visant particulièrement les mineurs étrangers isolés, cet article prévoit de faire passer la peine d’emprisonnement d’un an à deux ans en cas de refus de donner ses empreintes.
Les mineurs isolés sont souvent associés à la délinquance, alors qu’il s’agit d’enfants qui, bien souvent, sont victimes de traite et contraints à commettre des délits. Au lieu de les protéger, l’article 11 bis prévoit de les punir plus sévèrement.
Si une réponse à ce délit doit être apportée, cela doit se faire sous l’angle de la protection, et non pas consister en un allongement de la peine d’emprisonnement, ce qui n’aura aucun effet dissuasif sur le développement des réseaux de trafic d’êtres humains. Cette mesure est, selon nous, révélatrice d’une dérive vers une société de surveillance, le devenir des données personnelles de mineurs, non modifiables, n’étant de surcroît pas très clair à ce stade.
Nous souhaitons donc la suppression de l’article 11 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a estimé que ce dispositif pouvait être plus protecteur pour les mineurs. Ces derniers n’encourant que la moitié de la peine, les réseaux pourraient être tentés d’utiliser des mineurs. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Si j’ai bien compris, madame la rapporteure, vous pensez que le fait d’allonger les peines pour les mineurs va dissuader les réseaux de faire de la traite avec eux. Ai-je bien compris votre position ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 215 et 289 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je mets aux voix l’article 11 bis.
(L’article 11 bis n’est pas adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Article 11 ter (nouveau)
Après l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 142-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 142-3-1. – Afin de faciliter l’identification des mineurs se déclarant privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale, ou l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions commises par un seul de ces mineurs, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie de ces derniers peuvent être relevées dans les conditions prévues aux articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
« Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 181 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 290 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Karine Daniel, pour présenter l’amendement n° 181.
Mme Karine Daniel. Après la suppression de l’AME, la réduction des allocations de solidarité pour les personnes en règle, la remise en cause et l’attaque du droit du sol, nous entamons le chapitre des fichiers baroques.
Cet article est sans doute l’un des plus baroques du projet de loi. Selon l’exposé des motifs, il s’agit de créer un fichier des mineurs étrangers condamnés. Or tout est faux dans cette présentation !
D’abord, le fichier concernera non seulement les mineurs étrangers, mais également tout mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, sans considération de sa nationalité. Pourront donc être inscrits dans ce fichier des mineurs de nationalité française. Pourquoi inscrire une telle disposition dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ? Pourquoi inscrire cet article dans le projet de loi ?
Une disposition qui concerne non pas les seuls mineurs étrangers, mais l’ensemble des mineurs isolés constitue à l’évidence un cavalier législatif.
Ensuite, ce fichier ne concerne pas non plus les mineurs condamnés. Tel qu’il est prévu, ce fichier concernerait ceux « à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable » – vraisemblable ! – « qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale ».
En tout état de cause, ce fichier est inutile dès lors qu’il existe déjà un fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), qui contient des informations sur les personnes mises en cause, y compris les personnes mineures, comme auteurs ou complices d’un crime, d’un délit ou de certaines infractions de cinquième classe, soit les troubles à la sécurité ou à la tranquillité publiques, les atteintes aux personnes, aux biens ou à la sûreté de l’État.
Mes chers collègues, le bon sens nous invite à supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 290 rectifié.
M. Guy Benarroche. Notre amendement vise également à supprimer l’article 11 ter, qui a été introduit dans le texte au Sénat par la commission des lois pour prévoir la création d’un fichier recensant les mineurs non accompagnés délinquants.
Cet article illustre la vision très sécuritaire de la majorité sénatoriale en matière d’immigration. Les mineurs non accompagnés sont ainsi réduits aux délits qu’ils pourraient commettre. Aucune solution n’est proposée pour leur accueil, leur insertion ou leur prise en charge dans cet article, comme d’ailleurs dans l’ensemble du projet de loi.
L’article prévoit la création d’un fichier dans lequel seraient stockées les empreintes digitales et les photographies des mineurs étrangers condamnés à un ensemble très vaste d’infractions pénales.
Les auteurs du présent amendement s’opposent à ce nouveau fichage, à cette vision réductrice de l’immigration, à cette fuite en avant sécuritaire, qui ne semble avoir aucune limite, au mépris d’un certain nombre de nos valeurs et de conventions internationales.
Là encore, nous ne pouvons pas accepter cette dérive vers une société de surveillance, dans laquelle les données personnelles non modifiables de mineurs seraient stockées dans des conditions d’utilisation et de conservation qui ne sont pas encore connues.
C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article, comme vous venez de le faire pour l’article 11 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce fichier, dont la création a été votée par la commission des lois, est la traduction d’une recommandation figurant dans le rapport d’information de 2021 de nos collègues Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy sur les mineurs non accompagnés.
Dans ce rapport, nos collègues faisaient le constat, partagé et malheureusement connu, que la délinquance des jeunes en errance était en forte augmentation. Or les forces de l’ordre manquent d’outils adaptés pour y faire face.
Le fichier prévu à l’article 11 ter, même si je ne disconviens pas qu’il soit perfectible, peut constituer un outil utile pour les forces de l’ordre face à cette difficulté grandissante.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Nous assistons là encore aux excès de la droite sénatoriale.
Vous le savez, un fichier des antécédents judiciaires existe déjà. Un tel ajout ne servira donc à rien, sauf à marquer votre positionnement et à créer un lien dans l’esprit de nos concitoyens entre délinquance et immigration. Cela devient obsessionnel chez vous (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : immigration égale délinquance égale terrorisme ! On pourrait continuer longtemps comme cela…
Ce fichier ne sera rien d’autre qu’un outil au service de votre idéologie particulièrement inquiétante. Votre posture politicienne devient, je vous le dis, très préoccupante pour les valeurs de notre République.
Je vous rappelle que nous parlons de mineurs, d’enfants. Au lieu de les considérer comme des enfants de la République, vous cherchez à les stigmatiser, à les cataloguer. Au lieu de penser à leur offrir une meilleure protection, une meilleure intégration, une meilleure formation, de meilleurs débouchés, vous souhaitez les rejeter, de manière obsessionnelle et caricaturale.
Pour ces raisons, nous soutiendrons les amendements présentés par Mme de La Gontrie et M. Benarroche.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 181 et 290 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 32 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 111 |
Contre | 226 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 11 ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Marques d’agacement sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 205 |
Contre | 133 |
Le Sénat a adopté.
Article 12
L’article L. 741-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger accompagné d’un mineur de seize ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. » ;
2° Au deuxième alinéa et aux première et seconde phrases du sixième alinéa, après le mot : « mineur », sont insérés les mots : « âgé de seize ans révolus ».
Mme la présidente. L’amendement n° 132 n’est pas soutenu.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 182, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 741-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-5. - L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention. L’étranger accompagné d’un mineur de dix-huit ans ne peut pas non plus faire l’objet d’une décision de placement en rétention. »
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Notre amendement vise à améliorer l’article 12, auquel nous sommes partiellement favorables.
Cet article prévoit l’interdiction de placer un mineur de 16 ans en centre de rétention administrative. Une telle proposition est évidemment une bonne chose. Selon la convention internationale des droits de l’enfant, tous les enfants, sans exception, ont droit à la protection. Selon cette même convention, un enfant est un mineur de 18 ans.
Notre amendement vise à interdire le placement en centre de rétention administrative non seulement des mineurs de 16 ans, mais également de tous les mineurs, c’est-à-dire des mineurs de 18 ans. Ces derniers ont droit à cette protection, d’autant plus que les mineurs dont nous parlons ont en général été confrontés à des événements traumatisants.
Notre amendement tend également à interdire le placement des mineurs dans tous les lieux de rétention administrative, qu’il s’agisse de pièces dans un commissariat, d’hôpitaux ou d’hôtels. Un mineur de 18 ans n’a rien à faire dans de tels endroits ; il doit être protégé. Il n’y a pas de raison de faire de différence entre les OQTF, les expulsions et les centres de rétention administrative (CRA) ou les locaux de rétention administrative (LRA).
Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 741-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-5. – L’étranger mineur de moins de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention. Il ne peut être placé dans aucun lieu de rétention administrative. »
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Toute personne ayant visité un centre de rétention administrative admettra, me semble-t-il, qu’il n’est pas acceptable que des enfants puissent y être placés, compte tenu des conditions dans lesquelles les personnes y sont retenues.
Notre amendement vise d’abord, comme celui qui vient d’être présenté par Audrey Linkenheld, à interdire le placement en centre de rétention de tous les mineurs, y compris de ceux qui ont entre 16 ans et 18 ans, comme le prévoyait d’ailleurs le texte initial du Gouvernement. Il tend ensuite à étendre cette interdiction aux locaux de rétention administrative.
Si on est contre la rétention des enfants, il faut aller jusqu’au bout de la logique.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 298 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 741-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « dix-huit ans », sont insérés les mots : « les familles comprenant un ou plusieurs mineurs, les femmes enceintes, » ;
b) Le mot : « peut » est remplacé par le mot : « peuvent » ;
2° Les deuxième à dernier alinéa sont supprimés ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions sont applicables sur l’ensemble des territoires d’outre-mer. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement est proche de ceux que viennent de présenter nos deux collègues.
J’ai visité en l’espace de trois ans un grand nombre de CRA, de LRA, de zones d’attente et de zones de mise à l’abri. Ces dernières sont en fait des zones de rétention, comme le disent eux-mêmes les fonctionnaires de police qui s’en occupent ; il faudra donc changer leur statut. Nous ne comprenons donc pas que le placement dans ces lieux des mineurs de 18 ans ne soit pas interdit.
De même, les femmes enceintes et les familles accompagnant les mineurs ne doivent pas être placées dans ces lieux.
Il convient de clarifier la rédaction de l’article, afin de prendre en compte l’ensemble des personnes présentant des facteurs de vulnérabilité incompatibles avec le placement en rétention administrative. Sachant que les personnes qui y sont placées ont déjà connu un parcours judiciaire, il est malsain d’y placer des mineurs âgés de 16 ans à 18 ans ou des femmes enceintes. Il convient de les préserver de l’impact de l’enfermement dans les CRA et les LRA.
Il s’agit notamment d’éviter aux femmes enceintes des ruptures dans leur suivi périnatal, les conditions de détention dans ces centres étant très détériorées et matérialisées par une surveillance policière constante, ce qui se comprend compte tenu de l’objet de ces centres de rétention.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Gold, Mme Pantel et MM. Grosvalet et Masset, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 741-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigée : « L’étranger accompagné d’un mineur ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Philippe Grosvalet.
M. Philippe Grosvalet. Il est d’usage dans les entreprises aujourd’hui, mais aussi dans nos collectivités, de demander aux nouveaux agents un rapport d’étonnement.
Permettez-moi donc de m’étonner un peu, en tant que nouveau sénateur, que, dans une enceinte aussi prestigieuse, il faille rappeler des principes élémentaires et fondamentaux auxquels la France a l’honneur de se référer. Je pense par exemple à la convention internationale des droits de l’enfant, qui fait prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant.
J’avais cru comprendre que l’âge de la majorité était de 18 ans ; c’est celui auquel je suis devenu majeur. Je suppose donc que l’on est mineur jusqu’à ses 18 ans moins un jour.
Il me paraît donc totalement infondé, et surtout contraire aux grands principes de la France et de la République, de considérer qu’un jeune âgé de 16 ans à 18 ans ne serait plus un mineur.
Référons-nous aux principes de la République pour légiférer dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis défavorable. À nos yeux, un équilibre, qui vous paraît sûrement déplaisant, a été trouvé à l’article 12 tel qu’il a été adopté par la commission.
Aujourd’hui, dans les CRA – je parle sous le contrôle de M. le ministre, car, après tout, c’est lui qui pilote cette politique –, on ne trouve plus que des personnes ayant provoqué un trouble à l’ordre public. Il s’agit en réalité plus de délinquants que de personnes sans titre de séjour. De ce fait, on n’y place effectivement pas de jeunes enfants.
Pour autant, le fait d’être en situation irrégulière avec un mineur ne doit pas être un prétexte pour ne pas être éloigné du territoire. Les familles concernées sont donc placées dans des LRA.
L’équilibre qui a été trouvé vise à faire respecter la loi. Nous souhaitons qu’il soit conservé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable sur l’ensemble de ces amendements, même s’ils ne sont pas identiques.
C’est le gouvernement d’Emmanuel Macron qui vous propose d’interdire le placement de mineurs en centre de rétention administrative. J’entends les déclarations des uns et des autres, de ceux qui considèrent que c’est affreux de placer des mineurs et qui se réfèrent à la convention internationale des droits de l’enfant. Je relève simplement qu’il est dommage, alors que cette convention a été adoptée en 1989, que d’autres n’aient pas prononcé une telle interdiction lorsqu’ils étaient aux responsabilités gouvernementales.
J’ai proposé d’interdire le placement des mineurs de 16 ans, car je me doutais que les parlementaires réclameraient une interdiction pour les mineurs de 18 ans.
La plupart des LRA sont aujourd’hui situés dans des commissariats. Il s’agit effectivement d’endroits assez proches du milieu carcéral et des centres de rétention administrative. Cela étant, je ne fais mettre dans ces centres, même si cela ne figure pas dans la loi, que des personnes radicalisées ou dangereuses. La typologie des personnes placées dans ces centres a changé.
J’ai une légère préférence pour l’amendement n° 7 rectifié bis.
Je précise que l’interdiction que tendent à prévoir ces amendements ne concerne pas l’assignation à résidence. Si vous adoptez ces amendements, des mineurs continueront d’être assignés à résidence, à leur domicile ou dans un hôtel. Sinon, il ne sera plus possible de procéder à un quelconque éloignement. Il faut être précis sur ce point, pour qu’il n’y ait pas de difficultés entre nous.
Via ces amendements, vous voulez non pas empêcher les éloignements, mais faire en sorte qu’ils ne soient pas traumatisants pour les enfants ou les personnes âgées de moins de 18 ans. Les amendements de Mme Linkenheld et de M. Brossat, qui tendent à prévoir l’interdiction de placer tous les mineurs de moins de 18 ans dans tous les lieux de rétention, ne s’appliqueront pas aux assignations à résidence. Que cela soit clair.
Le Gouvernement soutient ces amendements. S’ils n’étaient pas adoptés au Sénat, nous proposerions sans doute à la majorité parlementaire de les adopter à l’Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE.)