M. Saïd Omar Oili. Cet amendement a pour objet de rétablir, dans une rédaction différente, les dispositions relatives à la création d’une amende administrative sanctionnant les employeurs d’étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler.
Concrètement, nous proposons de remplacer la contribution spéciale prévue par le code du travail par une amende administrative, dont le montant pourrait être modulé.
Dans un souci de simplification, nous proposons également de supprimer la contribution forfaitaire de l’employeur ayant engagé un étranger en situation irrégulière.
Par ailleurs, nous proposons, en cas de cumul de l’amende administrative et de l’amende pénale, que le montant global prononcé ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.
L’adoption de notre amendement est d’autant plus nécessaire que l’infraction d’emploi d’un étranger non autorisé à travailler constitue la deuxième infraction de travail illégal la plus relevée par l’ensemble des corps de contrôle.
La création d’une amende administrative permettrait de sanctionner plus rapidement les auteurs de cette infraction.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 588.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’article 8 dans les mêmes termes.
Soit la commission l’a supprimé pour des raisons juridiques et techniques, ce qui peut s’entendre dans la mesure où la rédaction du Gouvernement prévoyait deux sanctions cumulatives, alors que notre droit ne permet pas de condamner deux fois une personne pour une même infraction. Le Gouvernement propose ainsi une version modifiée de la rédaction initiale respectant ce principe. Auquel cas, nous pourrons peut-être nous entendre.
Soit la commission l’a supprimé pour des raisons plus idéologiques, afin d’éviter de sanctionner les employeurs ayant recours à des sans-papiers – mais je n’ose imaginer un seul instant que ce soit sa philosophie.
Aujourd’hui, toute entreprise ou tout particulier employant un étranger en situation irrégulière est susceptible d’être sanctionné. Toutefois, le montant de l’amende encourue est relativement faible et les sanctions pénales sont très peu prononcées, en dépit des très nombreuses procédures lancées par l’inspection du travail et par le ministère de l’intérieur au travers des préfets.
On compte ainsi moins de 500 condamnations pour ce fait, alors que les fraudes aux cotisations sociales du fait du travail irrégulier représentent quelque 6,6 milliards d’euros de manque à gagner pour la sécurité sociale et l’assurance chômage.
Un travail très important est pourtant mené dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) avec les préfets et l’ensemble des services de l’État pour traquer ces entreprises, dont environ la moitié sont dirigées par des étrangers et l’autre moitié par des structures ou des ressortissants français.
À ce titre, l’action de l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) illustre le caractère connexe du travail illégal et de l’immigration irrégulière. Les étrangers en situation irrégulière, par conséquent sans titre, sont en effet très souvent victimes de travail dissimulé, voire de situations encore plus graves d’exploitation par le travail.
Ces délits peuvent être le fait non seulement d’entreprises ou de particuliers, mais aussi d’associations : Vies de Paris, association créée en 2011, qui compte plus de 10 000 adhérents et dont l’objet est de soutenir les personnes en situation irrégulière, a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre et traite d’êtres humains aggravée. Quelque quarante-quatre victimes ont été identifiées. Il n’a été possible de condamner cette structure qu’après un énorme travail des services du ministère de l’intérieur.
Nous proposons de doubler les amendes pénales, qui sont aujourd’hui très faibles et peu dissuasives au regard des profits générés par le travail irrégulier, et de renforcer les sanctions administratives. Qui emploie des travailleurs étrangers irréguliers ne peut attendre autre chose de l’État qu’une action forte, à même de couper la filière d’immigration irrégulière.
Il s’agit d’en finir avec un écosystème de travail irrégulier que nous essayons de casser. Nous avons abordé cette question au travers des autoentrepreneurs et maintenant au travers des employeurs. Peut-être l’aborderons-nous aussi aujourd’hui au travers des marchands de sommeil.
Les entreprises ou les particuliers sont parfois au cœur de cet écosystème. Il s’agit de sanctionner non des personnes qui tomberaient dans l’irrégularité du fait de l’action de la préfecture, mais des individus dont nous savons qu’ils emploient sciemment une main-d’œuvre sans-papiers de manière dégradante.
Il me semble donc de bon aloi, pour la dignité des personnes et pour la lutte contre l’immigration irrégulière, d’adopter ces amendements identiques.
M. le président. Le sous-amendement n° 654, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Amendement n° 588, alinéa 7
1° Remplacer le nombre :
5 000
par le nombre :
10 000
2° Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
3° Remplacer le nombre :
15 000
par le nombre :
20 000
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. L’article 8 du projet de loi prévoyait la création d’une nouvelle sanction administrative en sus des sanctions administratives et pénales existantes en cas d’infraction à l’interdiction d’employer un étranger non autorisé à travailler. Il s’agissait plus exactement de créer une troisième amende administrative pécuniaire, dont le montant serait fixé par l’autorité administrative dans la limite de 4 000 euros pour chaque employé illégal, montant doublé en cas de récidive.
L’amendement présenté par le Gouvernement vise quant à lui à fusionner les deux amendes administratives existantes, la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais d’éloignement du territoire français, en une amende administrative unique dont le champ d’application serait élargi, notamment en cas de recours délibéré par l’employeur à un étranger non autorisé à travailler.
De même, le fait déclencheur de la procédure serait élargi, aux procès-verbaux d’infraction s’ajoutant désormais les rapports établis par les agents de contrôle ; la possibilité de modulation du montant de l’amende en fonction des circonstances serait de surcroît améliorée.
Cet amendement va donc selon nous dans le bon sens, puisqu’il tend en outre à rehausser le montant de l’amende pénale. Et nous proposons, par ce sous-amendement, de rehausser le montant de la nouvelle amende administrative unique et de rendre systématique la majoration prévue en cas de réitération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis défavorable sur le sous-amendement n° 654 comme sur les amendements identiques nos 565 et 588.
Nous n’avons pas de désaccord de fond. Tout le monde ici est d’accord pour dire qu’une personne qui emploie sciemment un étranger en situation irrégulière doit être sanctionnée, d’autant que, dans ce genre de cas, les conditions d’emploi sont parfois indignes. Il n’y a aucune difficulté pour ce qui est de trouver un accord à ce sujet : bien évidemment, le cas échéant, des sanctions doivent être prononcées.
De multiples dispositifs de sanction existent d’ores et déjà.
Des sanctions pénales sont prévues : les peines applicables aux personnes physiques vont de cinq à dix ans de prison, ce qui n’est pas dérisoire, et de 15 000 à 100 000 euros d’amende par personne et par étranger illégalement employé, ce qui ne me paraît pas non plus dérisoire, bien que vous trouviez ces montants un peu faibles, monsieur le ministre. Parmi les sanctions pénales complémentaires figurent la fermeture de l’établissement, qui peut être définitive, et l’exclusion des marchés publics.
Il existe aussi des sanctions administratives. Certaines font miroir avec les sanctions pénales, mais leur effet est temporaire : fermeture administrative de l’établissement, interdiction de participer à des marchés publics. Deux contributions administratives sont également prévues : la contribution spéciale, dont le montant va de 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti à 55 950 euros par salarié illégalement employé, et la contribution forfaitaire, dont l’objet est de financer le réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine et dont le montant est fixé en fonction dudit pays d’origine.
Voilà pour les sanctions existantes ; elles ne sont tout de même pas minces.
Nous avions supprimé l’article 8, vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, pour des raisons juridiques et rédactionnelles : nous estimions qu’il revenait à créer une amende qui existe déjà. Dont acte ! Vous avez compris que ce rejet n’emportait aucun désaccord de fond.
Ce qui me dérange dans ces deux amendements, ce n’est pas l’élargissement du périmètre de l’amende : c’est que la contribution spéciale est supprimée au profit d’une autre amende administrative. Or cette contribution spéciale sert à financer l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) à hauteur, pour ce qui est de la dernière « récolte », de 31 millions d’euros.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’Ofii et son budget doivent être préservés : c’est cette difficulté qui nous fait repousser ces amendements, car nous ne financerions plus correctement l’Office si nous nous privions de cette contribution spéciale.
Si la commission émet un avis défavorable sur ces amendements, c’est donc pour une raison qui n’est pas de fond, mais qui tient à la difficulté que je viens d’exposer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 654 ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable sur votre sous-amendement, monsieur Brossat, mais n’y voyez rien d’idéologique : à notre avis, la disposition que vous proposez n’est pas constitutionnelle. Nous doublons déjà le montant des amendes, et voyez quelle résistance oppose Mme la rapporteure… Doubler le doublement, si j’ose dire, ne serait pas proportionné, au point qu’une telle disposition serait censurée : nous serions sans doute déçus vous et moi, monsieur le sénateur, qu’en définitive les filières d’immigration irrégulière, qui exploitent les personnes étrangères, ne puissent être punies comme elles doivent l’être.
Sur le fond, donc, nous sommes parfaitement d’accord. Ce ne serait déjà pas mal que l’amendement du Gouvernement soit adopté.
Madame la rapporteure, il faut que nous nous entendions – et je me permets de préciser que le groupe RDPI a demandé un scrutin public sur ces amendements de rétablissement. Si vous pensez qu’il faut ici ou là modifier des dispositions de l’article 8, que ne l’avez-vous amendé en commission, et que n’avez-vous proposé de sous-amender, ici même, l’amendement du Gouvernement ?
Par ailleurs, concernant l’Ofii, nous cherchons précisément à résoudre la difficulté juridique qui se posait. La taxation qui a permis de récolter les 31 millions d’euros dont vous avez parlé abonde non pas l’Ofii, mais le budget de l’État, lequel, par après, en reverse les recettes à l’Ofii.
L’Ofii aura donc son versement, quoi qu’il arrive, et je vous garantis qu’il continuera à fonctionner, puisque nous en augmentons très considérablement les moyens.
Je le répète, vous n’avez pas sous-amendé l’amendement que j’ai présenté.
La vérité est que le Gouvernement s’inscrit parfaitement dans la logique qui est celle de la majorité sénatoriale en proposant de donner au préfet le pouvoir d’apprécier l’opportunité de prendre des sanctions contre des entreprises qui embauchent manifestement des personnes dont le séjour est irrégulier : cette disposition va parfaitement de pair avec celles des articles précédents !
Je veux bien que l’on dise que le code pénal est déjà très dur, mais il y a eu moins de 500 procédures engagées sur ce chef. Je n’ai pas obtenu de la part de la Chancellerie les chiffres relatifs aux condamnations effectivement prononcées – je le regrette devant la représentation nationale. Pour ce qui est, du moins, des quelques cas recensés dans mon département, les sanctions ne sont pas très élevées.
La question est la suivante : veut-on sanctionner les patrons voyous qui, sciemment, utilisent une main-d’œuvre irrégulière ?
Mme Laurence Rossignol. Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre. Veut-on donner aux préfets les moyens d’aller vite pour les sanctionner en augmentant le montant des sanctions administratives ? Ce que nous proposons, qui ne retire rien au code pénal, est frappé au coin du bon sens s’agissant de lutter contre l’immigration irrégulière.
Si vous trouvez cet amendement mal rédigé, sous-amendez-le ! Ce n’est pas une question de sous, puisque, je vous l’ai dit, le budget de l’Ofii est garanti. Vous devriez par ailleurs être plutôt contents que l’on supprime une taxe : ce sont des charges en moins pour les entreprises. Pour tout dire, je ne comprends pas très bien votre raisonnement…
Si l’on veut être cohérent dans la lutte contre l’immigration irrégulière, et même si cela gêne un peu quelques fédérations d’employeurs – je le conçois : il est possible, après tout, que les résistances viennent de là… –, on ferait mieux d’adopter ces amendements : ce serait un très bon signal envoyé contre l’immigration irrégulière, et il sera corrigé à l’Assemblée nationale si vraiment nous trouvons un loup.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, si la discussion est claire sur le fond, reste un problème de méthode : pourriez-vous nous accorder trois minutes de suspension pour que nous puissions trouver le bon accord ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-huit, est reprise à quinze heures quarante-deux.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Je veux redire ici que ces amendes administratives, dont j’espère que le nombre croîtra, car elles sont plus efficaces que les sanctions pénales, abondent le budget de l’État, qui lui-même en réaffecte le produit – 31 millions d’euros pour le dernier exercice – au budget de l’Ofii. Quoi qu’il arrive, je le précise, le montant de ces amendes est inférieur à ce que nous versons à l’Ofii, dont nous avons fait augmenter le budget de 45 % en un quinquennat – et ce budget continue d’augmenter.
Vu les engagements que nous avons pris depuis le début de l’examen de ce texte – je pense à l’avancée sur les cours gratuits, fruit d’une coconstruction du groupe communiste et du Gouvernement –, les recettes de la contribution seront très largement inférieures à ce que nous devons verser à l’Ofii, car il faudrait beaucoup trop d’amendes pour arriver aux sommes voulues.
Il s’agit, avec cet amendement, de faire en sorte que la sanction administrative à laquelle s’exposent les employeurs de travailleurs sans-papiers puisse être prononcée plus rapidement par le préfet, indépendamment des sanctions pénales qui ont été évoquées tout à l’heure.
Et, j’en prends l’engagement solennel, le produit de ces amendes administratives abondera intégralement le budget de l’Ofii : ainsi tout le monde est rassuré.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Parfait !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il y avait quelques inquiétudes, M. le ministre les lève, nous lui faisons confiance : nous voterons ces amendements.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Comme je suis le représentant du Sénat au conseil d’administration de l’Ofii,…
M. Roger Karoutchi. … je voudrais remercier nos collègues pour cet accord qui me va bien. Monsieur le ministre, en effet, le budget de l’Ofii a été augmenté de 45 % en cinq ans, mais reconnaissez aussi que le nombre de demandeurs d’asile et de sujets à traiter a lui-même considérablement augmenté. Si donc vous pouviez faire un geste supplémentaire pour 2024, je vous en serais doublement reconnaissant ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Comme je suis l’ancien président du conseil d’administration de l’Ofii, je voudrais m’associer à la fois aux remerciements et à la demande de mon collègue Roger Karoutchi. (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Grand moment de concorde !
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Je n’ai jamais eu, quant à moi, de fonctions à l’Ofii,…
MM. Max Brisson et Gérald Darmanin, ministre. Cela viendra !
M. Alexandre Ouizille. … ce qui ne m’empêche pas de soutenir, avec le groupe SER, ces amendements.
Je veux rappeler l’actualité terrible qui donne son contexte à notre discussion : en septembre dernier, un certain nombre d’enquêtes ont été ouvertes, dont je donne deux exemples. À Mourmelon-le-Petit, 160 vendangeurs de nationalité ukrainienne étaient hébergés dans des conditions lamentables ; à Nesle-le-Repons, 52 travailleurs d’origines malienne, mauritanienne et sénégalaise étaient logés dans des conditions également indignes. Les arrêtés préfectoraux révèlent la présence de « literies de fortune », la « vétusté », le « délabrement », l’« insalubrité », l’« absence de nettoyage et de désinfection », l’« état répugnant des toilettes », ainsi que la prégnance des risques d’incendie.
Nous serons donc évidemment, nous, socialistes, au rendez-vous de ces amendements : il est nécessaire de pénaliser plus fortement ceux qui abusent de la faiblesse des uns et des autres. (M. Michaël Weber applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Comme nous l’avons dit dès l’ouverture de nos débats, lundi dernier, nous serons très attentifs au devenir de cet article 8 du projet de loi initial, non qu’il s’agisse de sanctionner pour sanctionner, mais parce qu’il y a des employeurs, que cela nous plaise ou non, qui embauchent sciemment, consciemment, des travailleurs sans-papiers. Si nous voulons que s’appliquent les règles de la République, nous nous devons de faire en sorte qu’ils soient sanctionnés, et très fortement sanctionnés !
Comme tout un chacun, j’ai pu observer le tango ou la valse, à je ne sais combien de temps, d’ailleurs, qui se danse ici même sous nos yeux. Quoi qu’il en soit, nous nous félicitons qu’il soit possible d’avancer sur ce sujet-là. Je l’ai dit depuis lundi soir : s’il y a des travailleurs sans-papiers, c’est parce qu’il y a des chefs d’entreprise qui les embauchent !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
Mme Cécile Cukierman. Il faut tenir sur nos deux jambes : la première – je ne rouvre pas le débat de ces derniers jours, je vous rassure, mes chers collègues – consiste à régulariser celles et ceux qui, de fait, sont employés et travaillent en France, et représentent une force active dans la production des richesses de notre pays ; la deuxième consiste à sanctionner les chefs d’entreprise qui, prospérant sur l’exploitation de l’homme par l’homme, ne jouent pas le jeu et font baisser le coût de la main-d’œuvre par l’embauche de travailleurs sans-papiers.
Voilà le sens dans lequel nous avançons avec vous, monsieur le ministre. (M. Alexandre Ouizille applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Bien entendu, notre groupe s’associe et à l’esprit et à la lettre de cet article, donc de cet amendement, que nous voterons.
Je me permets simplement d’apporter une petite précision : c’est bien parce qu’il y a des travailleurs sans-papiers qui sont employés depuis longtemps dans notre pays et qui devraient être régularisés qu’il y a des patrons voyous qui les embauchent, et non l’inverse.
Ce n’est pas parce qu’il y a des patrons voyous qu’il y a des travailleurs sans-papiers : c’est parce qu’il y a des travailleurs sans-papiers qu’il y a des patrons voyous ! (M. Akli Mellouli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Pour notre part, nous sommes très favorables à ce que l’Office français de l’immigration et de l’intégration ait les moyens de son action ; nous l’avons prouvé par nos votes lorsque la question s’est posée.
Je dis avec toute la solennité requise et avec tout le respect que je leur dois à mes collègues qui ont fait état de leurs services au sein de l’Ofii, M. Bas et M. Karoutchi, que le bristol est un peu entaché. Je n’ai pas oublié en effet que vous avez voté il y a quelques heures la disparition de l’aide médicale de l’État (AME) et l’allongement de six mois à cinq ans, pour les allocations familiales, et de trois mois à cinq ans, pour la prestation de compensation du handicap, du délai de présence sur le territoire requis pour bénéficier du versement de ces prestations.
J’y insiste, mes chers collègues : la carte de visite est un peu entachée… (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. C’est n’importe quoi !
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Nous étions déjà favorables à ces amendements ; nous voilà confortés dans notre position par l’engagement du ministre à flécher le produit de cette contribution vers le financement de l’Ofii, cet opérateur étant en particulier essentiel à l’accueil des réfugiés.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voudrais signaler à notre collègue qui vient de nous faire part de ses préoccupations d’ordre social que c’est précisément l’Ofii, dans un excellent rapport que je vous recommande, qui a récemment mis le doigt sur la dérive non pas de l’AME, mais de la procédure d’obtention de visa pour motif de santé, qui coûte à la France plus de 1 milliard d’euros. Cette institution a bien fait de se préoccuper des abus dont fait l’objet le droit au séjour pour soins de la part d’étrangers qui n’y sont pas admissibles. (M. Pascal Savoldelli s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. Compte tenu de la belle unanimité qui règne autour de cet amendement, je retire notre demande de scrutin public.
M. Bruno Retailleau. C’est le ministre qui demandait le scrutin public… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 654.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 565 et 588.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 8 est rétabli dans cette rédaction et les amendements nos 130 et 466 n’ont plus d’objet.
Après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 177, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 10° de l’article L. 411-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Nous proposons que la durée de validité de droit commun de la carte de séjour pluriannuelle, qui est de quatre ans, s’applique à des cartes qui sont à l’heure actuelle soumises à un régime dérogatoire.
La loi Cazeneuve de 2016 relative au droit des étrangers en France a généralisé la carte de séjour pluriannuelle d’une durée de quatre ans. Malheureusement, cette mesure positive, qui facilite et sécurise le parcours des étrangers, connaît un certain nombre de dérogations qui ont pour effet de raccourcir cette durée de validité. Tel est le cas pour au moins trois catégories d’étrangers : les étrangers mariés à un Français ; les parents étrangers d’un enfant français mineur résidant en France ; les étrangers dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu’un refus de titre porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.
Pour ces catégories d’étrangers, en effet, la durée de la carte de séjour pluriannuelle est non pas de quatre ans, mais de deux ans. Or cette durée dérogatoire n’a aucune raison d’être, d’abord parce qu’elle maintient ces étrangers dans une situation de précarité administrative, à l’heure où l’on parle d’immigration et d’intégration, ensuite parce qu’elle alourdit la charge de travail des préfectures, lesquelles doivent instruire tous les deux ans des demandes de renouvellement alors qu’elles pourraient ne le faire que tous les quatre ans, sachant que des vérifications peuvent être faites régulièrement et à tout moment.
Nous proposons donc la suppression de ce régime dérogatoire et un alignement sur la durée de quatre ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission adhère à la logique qui est celle du Ceseda : il s’agit toujours de commencer par délivrer un titre de séjour d’une durée de validité plus réduite pour ensuite, si l’intégration est acquise, allonger cette durée en délivrant un titre qui permet de rester plus longtemps sur le territoire.
Nous proposons d’en rester là : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 178, présenté par Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mmes Brossel et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 423-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après les mots : « marié en France », sont insérés les mots : « ou à l’étranger si le mariage a été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français ».
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.