M. Olivier Bitz. Nous avons eu, voilà environ trois semaines, un débat sur l’offre de soins sur le territoire à l’occasion de la discussion de la proposition de loi Valletoux. Nous avions alors évoqué la contribution des Padhue à cette offre, notamment dans les territoires ruraux.
Cet amendement a pour objet de rétablir les dispositions prévoyant la délivrance d’une carte de séjour de treize mois aux Padhue salariés n’ayant pas encore satisfait aux EVC, mais s’engageant à les passer durant la période de validité de leur contrat de travail, et remplissant par ailleurs les conditions nécessaires à l’obtention d’une attestation d’exercice provisoire.
Lors de la discussion que je viens d’évoquer, la commission des affaires sociales avait décidé de supprimer une disposition identique, au motif que cette création devait intervenir dans le présent texte. Je crois même me souvenir qu’elle avait émis un avis plutôt positif sur le fond. Au regard de la nécessité de créer davantage d’attractivité pour tous les Padhue, il convient donc de rétablir ce titre de treize mois. Il faut relativiser l’importance de cette disposition, puisque, selon l’étude d’impact, elle ne bénéficierait qu’à environ 400 Padhue par an. Nous sommes donc loin d’un enjeu majeur, mais c’est toujours une contribution intéressante à l’offre de soins pour nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, le dispositif proposé étant contraire à celui qu’elle a adopté.
Le dispositif proposé par le Gouvernement consiste à offrir aux praticiens de santé à diplôme hors Union européenne des conditions assez avantageuses afin de les faire venir en France. Ils peuvent ainsi bénéficier immédiatement d’un rapprochement familial et venir avec leur famille.
La question qui se pose sur les Padhue, dont nous avons discuté à plusieurs reprises dans cet hémicycle, est la suivante : que fait-on si ces médecins ne réussissent pas leurs évaluations ? Nous les avons fait venir sur notre territoire, ils y sont venus avec leur famille, ils y restent pour travailler, mais exercent dans des conditions assez dégradées. Nous créons une immigration qui n’a pas de sens. Je rappelle que, s’agissant de médecins étrangers, nous parlons bien d’immigration.
Nous préférons rester sur notre position et nous en tenir à une immigration de droit commun. Les Padhue passent une évaluation et, s’ils la réussissent, peuvent bénéficier d’un titre plus avantageux.
Je le répète, la qualité du médecin lui permettant d’exercer sur notre territoire est le juge de paix : c’est sur elle que se fonde la décision de lui délivrer un titre de séjour.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
La carte de séjour pour une durée de treize mois permet de contrôler le niveau du professionnel de santé. Avec le dispositif que vous proposez, le risque est que le professionnel ne soit jamais contrôlé.
Telle est la raison pour laquelle nous instituons cette carte d’une durée de treize mois, ainsi que le contrôle, au moyen des EVC, à l’issue de cette période. Une seconde tentative sera possible si le médecin n’a pas validé ses examens au bout de treize mois.
En adoptant le dispositif de la commission, nous prendrions le risque, je le répète, que le niveau de certains professionnels ne soit jamais contrôlé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 498 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 362, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly et Silvani, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 421-13-1. – L’étranger qui occupe, dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social, un emploi pour une durée égale ou supérieure à trois mois au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, qui est titulaire de l’attestation prévue aux articles L. 4111-2-1 et L. 4221-12-1 ou des dispositions dérogatoires liées aux territoires mentionnés à l’article L. 4131-5 du même code et dont la rémunération est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’État se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » d’une durée maximale de treize mois, renouvelable.
II. – Alinéa 2
1° Supprimer la référence :
Art. L. 421-13-1. –
2° Remplacer les mots :
code de la santé publique
par les mots :
du même code
3° Supprimer la quatrième occurrence du mot :
d’une
4° Remplacer les mots :
du même code, et justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État
par les mots :
dudit code et dont la rémunération est supérieure au seuil prévu au premier alinéa du présent article
et les mots :
profession médicale
par les mots :
professions médicales
III. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
La carte mentionnée au premier alinéa du présent article permet
par les mots :
Les cartes mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article permettent
et le mot :
sa
par le mot :
leur
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Il y a deux semaines, le Sénat examinait la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels. Son article 10 prévoyait la création de deux cartes de séjour pluriannuelles portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » pour répondre aux besoins de recrutement des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne dans les établissements de santé, publics ou privés, à but non lucratif.
La majorité sénatoriale a supprimé cet article, car elle a estimé qu’il trouverait davantage sa place dans le présent projet de loi.
Avec l’article 7, nous craignons une instrumentalisation des praticiens étrangers qui exercent dans nos hôpitaux, nos cabinets médicaux, nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans des conditions pourtant bien différentes de celles de leurs confrères diplômés dans l’Union européenne.
Selon nous, le débat doit porter davantage sur les conditions d’accueil des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne afin de faire face aux difficultés d’accès aux soins et à la pénurie de personnel soignant plutôt que sur des critères de contrôle de l’immigration.
Alors que ces médecins, qui portent à bout de bras nos hôpitaux publics, connaissent déjà la précarité, il ne faut pas leur infliger en plus une précarité administrative.
Pour ces raisons, nous proposons d’abaisser à trois mois la durée d’occupation d’un emploi dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social pour bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de la pharmacie ».
Nous considérons que la durée de treize mois est insuffisante et qu’elle devrait a minima être alignée sur le nombre de droits à concourir aux épreuves de vérification des compétences de la personne.
Il est urgent de mettre fin à l’invisibilité des Padhue et aux solutions de bricolage.
M. le président. L’amendement n° 505 rectifié, présenté par Mme Souyris, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État,
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Je me demande, à l’examen de cet article, si l’on n’a pas peur ici d’avoir trop de médecins et de soignants. La qualification est le critère essentiel qui doit primer pour l’octroi de la carte « talent-professions médicales et de la pharmacie ».
La santé et la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens dépendent de la qualité des soins médicaux qu’ils reçoivent. Subordonner l’accès à ce passeport à des seuils de rémunération pourrait décourager des professionnels de santé qui sont qualifiés, mais qui exercent dans des domaines moins rémunérateurs, de rester en France ou de s’y installer.
En outre, le salaire ne reflète pas nécessairement la valeur du travail médical. Les professionnels de santé peuvent choisir de travailler dans des régions sous-dotées, ou les rémunérations peuvent être plus basses. Ces professionnels répondent à des besoins de santé publique importants et contribuent à réduire les inégalités en matière d’accès aux soins.
En imposant un seuil de rémunération, nous ne faisons que décourager ces professionnels dévoués et compromettre, là encore, l’accès aux soins dans certaines régions.
Enfin, imposer un seuil de rémunération pour l’obtention de ce titre de séjour risque de brouiller les priorités et de susciter des débats inutiles.
Concentrons-nous, chers collègues, sur la qualification médicale et la qualité des soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je n’expliquerai pas de nouveau quelle est la position de la commission, vous l’avez, je pense, comprise. De même, vous avez compris que si nous pouvons avoir des buts communs, bien évidemment, nous n’avons pas adopté les mêmes moyens.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.
Bien sûr, nous soutenons comme vous la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » d’une durée de treize mois pour les Padhue, mais nous estimons que deux des précisions que tendent à apporter ces amendements ne sont pas nécessaires.
Tout d’abord, nous pensons que pour se voir délivrer un passeport « talent », le Padhue doit s’engager pour une durée d’au moins une année au sein d’un établissement de santé.
Ensuite, le dispositif dérogatoire d’autorisation d’exercice spécifique aux outre-mer a déjà fait l’objet d’aménagements lors de l’examen il y a quinze jours, ici même, de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite Valletoux.
De plus, nous sommes attachés à ce que l’avantage donné par la carte de séjour « talent » soit lié à l’engagement du Padhue à s’inscrire à la procédure non dérogatoire d’autorisation d’exercice. Cette procédure non dérogatoire est bien entendu aussi possible pour les outre-mer. Chaque année, des postes sont ouverts aux épreuves de vérification des connaissances.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mme Eustache-Brinio, M. Bazin, Mme Noël, M. Reichardt, Mmes Di Folco et Berthet, MM. Frassa, Paccaud et Daubresse, Mmes V. Boyer, Chain-Larché, Joseph et Demas, M. Savin, Mmes Micouleau et Dumont, M. E. Blanc, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Saury et Belin, Mme M. Mercier, MM. Bouchet et Pointereau, Mmes Deseyne et Lassarade, M. Duplomb, Mmes Lopez et Bellurot, MM. Cuypers, Perrin, Burgoa, Piednoir et J.P. Vogel, Mmes Aeschlimann, F. Gerbaud et Josende, MM. Anglars, Genet et Bas, Mme Drexler, MM. Chatillon, de Nicolaÿ, Grosperrin et Szpiner et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve de la signature de la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement vise à modifier l’alinéa 2 de l’article 7.
Les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens étrangers se voient remettre une carte pluriannuelle portant la mention « talent-professions médicales et de la pharmacie » sous certaines conditions mentionnées à l’article 7.
Cet amendement vise à compléter ces critères et à rendre obligatoire la signature de la charte de respect des valeurs de la République et du principe de laïcité par tout agent exerçant dans un établissement de santé, afin d’éviter toute atteinte au respect de la laïcité de la part des professionnels de santé.
Je précise que cet amendement vise à reprendre la recommandation n° 1 figurant dans le rapport qu’a réalisé en mars 2022 Patrick Pelloux, dont on ne peut pas dire qu’il soit de droite, sur la prévention et la lutte contre la radicalisation des agents exerçant au sein des établissements de santé, à la demande d’Olivier Véran, alors ministre de la santé et des solidarités.
Ce rapport, qui contenait dix-neuf propositions, a malheureusement probablement fini au fond d’un tiroir. C’est dommage, car il est extrêmement intéressant. Je vous invite à le lire et à prendre connaissance des dérives que l’on constate actuellement dans nos hôpitaux.
Mes chers collègues, je vous invite évidemment à voter cet amendement. Sachant que M. Darmanin est très attaché à la charte de respect des valeurs de la République et du principe de laïcité. – nous avons eu le temps d’échanger très longuement il y a quelque temps lors de l’examen d’une loi majeure pour notre pays –, je ne doute pas que cet amendement aura la faveur du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mme Jacqueline Eustache-Brinio relaie ici un rapport sur un sujet essentiel, à savoir la prévention de la radicalisation, la radicalisation représentant une véritable difficulté dans les établissements hospitaliers.
Nous estimons avoir au moins en partie répondu à ce problème à l’article 13, que nous examinerons sans doute demain. Pour autant, au regard de l’importance du problème et de la nécessité de le résoudre, la commission s’en remettra, sur proposition de Philippe Bonnecarrère et de moi-même, à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Tout comme M. Darmanin, l’ensemble du Gouvernement est attaché au respect des valeurs de la République. Nous débattrons de ce sujet lors de l’examen de l’article 13.
Toutefois, pour les mêmes raisons que la rapporteure, le Gouvernement s’en remettra à la sage de la Haute Assemblée sur l’amendement de Mme Eustache-Brinio.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je vais faire un « en même temps » à 180 degrés ! Alors que notre collègue Eustache-Brinio se fait le porte-voix de Patrick Pelloux, nous ne pouvons que nous rejoindre ! (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au-delà de cet amendement, il faut que nous fassions attention. Certains des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne pourraient venir en France avec une visée radicale et porter atteinte aux valeurs de la République. Il faut donc renforcer les dispositifs existants pour empêcher de telles dérives et nous en préserver.
Mais des milliers d’autres professionnels de santé, en provenance d’autres pays, sont eux bien disposés. Néanmoins, ils peuvent aussi faire peur à certains. À cet égard, je pense à la problématique des médecins cubains. Alors qu’on arrive très bien à travailler avec ces médecins dans nos outre-mer, c’est plus compliqué en métropole.
Soit on est la République française sur tous les continents, soit on ne l’est pas !
Voter cet amendement ne me pose aucun problème. Veillons toutefois à ne pas laisser penser que la majorité des professionnels de santé à diplôme hors Union européenne sont en situation de radicalisation. Nombre d’entre eux partagent les valeurs de la République et pourraient venir s’enrichir avant de repartir dans leur pays, dix ans plus tard, et d’y diffuser les connaissances qu’ils auront acquises ici.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 58 rectifié est présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Savin, Mme Garnier, M. Cadec, Mme P. Martin, MM. Genet, Sido et Klinger, Mmes Josende, Goy-Chavent et Devésa, M. Gremillet et Mme Aeschlimann.
L’amendement n° 257 rectifié ter est présenté par M. S. Demilly, Mme Antoine, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cambier, Capo-Canellas, Chasseing et Courtial, Mme de La Provôté, MM. Delahaye et Dhersin, Mme Doineau, M. Fargeot, Mme Florennes, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel et N. Goulet, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Kern, Lafon, Laugier, Lefèvre et Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, P. Martin, Maurey, Menonville et Michallet, Mmes Nédélec et Noël, MM. Pellevat et Pillefer, Mme Puissat, MM. Reynaud et Rochette, Mme Romagny, M. Saury, Mme Sollogoub et MM. Vanlerenberghe, Verzelen, Wattebled, Chauvet, Lemoyne et Duffourg.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 143 du code civil, il est inséré un article 143-… ainsi rédigé :
« Art. 143-…. – Le mariage ne peut être contracté si l’un des futurs époux séjourne
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement est le premier d’une série qui porte sur le mariage.
Nous sommes plusieurs à nous interroger sur la situation absolument absurde dans laquelle les maires sont placés. Il existe des ruptures d’égalité entre les personnes qui sont en situation régulière et celles qui ne le sont pas.
Nous nous interrogeons également sur les trafics, les achats de mariage, les mariages frauduleux. Beaucoup d’articles dans la presse font état de telles situations.
Mon collègue centriste Olivier Henno a posé cet après-midi une excellente question lors des questions d’actualité au Gouvernement sur la situation que connaît un maire dans sa commune.
En France, il n’est nul besoin de se marier pour s’aimer et nul besoin de se marier pour avoir des enfants. Vous le savez, plus d’un enfant sur deux naît hors mariage.
Mme Valérie Boyer. Il faut mettre fin au patriarcat pour être sûr que les gens se marient par amour.
Les maires font face à des situations absurdes et à des injonctions contradictoires.
L’amendement n° 58 rectifié est un amendement d’appel. Il vise à prévoir que le mariage ne peut pas être contracté si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français.
Je sais parfaitement que ma position est contraire à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. (Rires sur les travées du groupe GEST.) Toutefois, je pense qu’il est important que nous ayons une discussion sur ce sujet aujourd’hui.
Actuellement, pour se marier en France, il faut respecter un certain nombre de conditions d’âge, de résidence, d’absence de lien de parenté et de régularité. Nous devons en ajouter une autre et exiger que les époux soient en situation régulière. À défaut, on place le maire dans une situation absurde.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 257 rectifié ter.
M. Olivier Henno. Je serai bref, puisque j’ai déjà interrogé le Gouvernement cet après-midi.
Cet amendement, déposé par notre collègue Stéphane Demilly, est identique à celui que vient de défendre Mme Boyer. Il vise à nous conduire à nous interroger sur la pression qui pèse sur les maires s’agissant des mariages de complaisance. Alors que cette pression est croissante, il arrive que les maires se sentent bien seuls.
Nous devons débattre de cette question et adopter un dispositif afin de réduire la pression, sachant que l’on demande déjà beaucoup aux maires.
M. le président. L’amendement n° 552 rectifié ter, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 147 du code civil, il est inséré un article 147-… ainsi rédigé :
« Art. 147-…. – On ne peut contracter mariage si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement en France. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Un maire en France est aujourd’hui poursuivi pour avoir refusé de marier, le 7 juillet 2023, un étranger algérien sous OQTF depuis 2022.
Votre incapacité à faire appliquer les OQTF conduit un maire devant les tribunaux pour avoir fait son devoir. Il a signalé que le mariage qu’il lui était demandé de célébrer était peut-être un mariage blanc, contracté dans un autre objectif que celui de partager la vie commune. Pourtant, grâce à l’alerte qu’il a donnée, le préfet a fini par faire placer ce clandestin en centre de rétention et par le faire expulser.
C’est pour protéger ce maire et les autres, pour faire respecter les valeurs du mariage, pour que l’irrégularité ne soit pas un passe-droit dans notre pays que j’ai déposé cet amendement. Il vise à insérer un nouvel article dans le code civil prévoyant qu’un mariage ne peut être contracté si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement en France.
Le problème est double aujourd’hui, il résulte des traités et des juges. D’abord, l’article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme protège les étrangers irréguliers qui veulent se marier. Ensuite, le Conseil constitutionnel estime depuis 2003 que la situation irrégulière d’un étranger sur le territoire français ne fait pas obstacle à son union.
C’est pourquoi le Sénat, s’il est encore le représentant des territoires, devrait souverainement valider cet amendement de protection des maires. La droite, si elle est encore de droite, devrait également voter cet amendement, qui protège le cadre du mariage.
M. le président. L’amendement n° 258 rectifié bis, présenté par MM. S. Demilly et Anglars, Mme Antoine, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cadec, Cambier, Capo-Canellas, Chasseing et Courtial, Mme de La Provôté, MM. Delahaye et Dhersin, Mme Doineau, M. Fargeot, Mme Florennes, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel et N. Goulet, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Kern, Lafon, Laugier et Levi, Mme Loisier, MM. Longeot et P. Martin, Mme P. Martin, MM. Maurey, Menonville et Michallet, Mmes Nédélec et Noël, MM. Pellevat et Pillefer, Mme Puissat, MM. Reynaud et Rochette, Mme Romagny, MM. Saury et Savin, Mme Sollogoub et MM. Vanlerenberghe, Verzelen, Wattebled, Chauvet, Lemoyne, Duffourg et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 165 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, l’officier de l’état civil qui tient cette qualité de l’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales n’est jamais tenu en conscience de célébrer un mariage si l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français. Lorsque tous les officiers de l’état civil d’une commune refusent de célébrer un mariage car l’un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français, le maire de la commune en informe le procureur de la République et le représentant de l’État dans le département, auxquels il appartient de désigner un délégué spécial qui procédera à la célébration du mariage.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de désignation conjointe, par le procureur de la République et le représentant de l’État dans le département, des délégués spéciaux volontaires mentionnés à l’alinéa précédent qui ont la qualité de magistrat ou de fonctionnaire de l’État. »
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mme Boyer a bien résumé la situation en parlant des faits et en disant qu’elle savait pertinemment que son amendement était contraire à de nombreux principes, dont celui de la liberté personnelle, qui est consacré par la Constitution et duquel découle la liberté du mariage.
Son amendement, c’est exact, ne peut être en l’état qu’un amendement d’appel, car la loi ordinaire ne nous permettra en aucun cas d’aller à l’encontre de ces principes.
La difficulté est réelle, elle est choquante – tout le monde le comprend –, mais elle ne peut pas être résolue de cette façon. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de le préciser d’une façon extrêmement claire et détaillée. La voie est étroite, je le reconnais, pour trouver une solution.
Nous tenterons ultérieurement de favoriser un autre amendement en espérant avoir trouvé une voie, laquelle, on le sait, ne sera pas parfaite.
En tout état de cause, il a été difficile pour la commission des lois d’émettre un avis favorable sur ces amendements, quelle que soit par ailleurs notre volonté commune de résoudre cette difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je pense que nous pouvons, malgré l’heure tardive, essayer de résoudre ensemble ce problème, qui en est un en effet – je le redis devant M. Henno, qui m’a interrogé cet après-midi sur la situation du maire de Haumont – et je vous propose pour cela de nous placer du point de vue du maire, ou de l’officier d’état civil, sans posture.
Ce que souhaite le maire, me semble-t-il, ou celui qui officie en son nom, c’est ne pas être le blanchisseur d’un mariage irrégulier.
Mme Valérie Boyer. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il ne veut pas que le mariage ou le pacte civil de solidarité puisse être utilisé pour obtenir des papiers ou différer l’éloignement d’un conjoint devant quitter le territoire.
Son rôle n’est pas d’être l’arbitre des élégances entre la justice et la préfecture. Il n’a pas à se prononcer sur l’OQTF et à trancher la question de savoir si elle est juste ou non. Son rôle est de vérifier que le mariage est fondé sur le consentement libre et éclairé des futurs époux et le souhait de fonder une famille, conformément aux principes du mariage figurant dans le code civil français.
Je pense, madame la sénatrice, que vous prenez les choses du mauvais côté. Comme l’a dit Mme la rapporteure, votre amendement est contraire non seulement à nos engagements internationaux, mais également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’appuie sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Convenez qu’il est possible de modifier beaucoup de choses, mais qu’il serait très osé – mais après tout, pourquoi pas ? – de vouloir modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.