Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Décidément, les amendements provocateurs proviennent de toutes les travées ce soir. Je ne ferai pas l’insulte à notre collègue de lui rappeler le principe de la hiérarchie des normes en droit français, qu’il semble pourtant ignorer. Vous savez très bien, mon cher collègue, que le regroupement familial est régi par une directive européenne de 2003, à laquelle, en l’état du droit, nous ne saurions échapper.
M. Joshua Hochart. C’est bien le problème !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il n’est donc pas possible de supprimer le regroupement familial.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas bien compris l’histoire des prénoms, ou alors je l’ai trop bien comprise…
Il se peut que certains de nos concitoyens donnent des prénoms italiens à leurs enfants tout en n’ayant rien à voir avec l’Italie. Un ancien président de la République, qui n’était pourtant pas immigré italien, a ainsi prénommé sa fille Giulia. Il faut arrêter avec cette obsession des prénoms, mais je mets cela de côté.
Monsieur Ravier, j’ajoute à l’excellente argumentation de Mme la rapporteure que votre amendement ne semble pas avoir été très bien travaillé. En effet, vous confondez regroupement familial et réunification familiale.
Le regroupement familial concerne les étrangers ayant des titres de séjour classiques : par exemple, ceux qui s’installent dans notre pays pour travailler ont ensuite le droit de faire venir une partie de leur famille, notamment leur conjoint, leurs enfants. Ce mécanisme date des années 1970 et 1980.
La réunification familiale concerne les réfugiés bénéficiant du droit d’asile. C’est différent du regroupement familial. Ainsi, il n’y a pas de conditions de ressources pour en bénéficier. Nous en parlerons d’ailleurs un peu plus tard, la commission des lois ayant adopté un certain nombre d’amendements sur le sujet. À cet égard, je précise qu’il ne faut pas avoir peur de reconnaître qu’il y a aussi, avec la réunification familiale, des abus qu’il faut pouvoir limiter.
Monsieur Ravier, votre amendement fusionne deux concepts pour créer quelque chose qui n’existe pas en droit français, indépendamment du droit européen : le regroupement familial pour les réfugiés. Je ne sais pas si vous voulez parler des vrais ou des faux… Votre rédaction n’est pas correcte juridiquement, puisque vous auriez dû parler de réunification familiale, qui est quelque chose de spécifique dans le Ceseda. Peut-être devriez-vous retravailler votre texte pour une prochaine fois ?
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je m’étonne toujours de la relecture maladive de l’Histoire de France par notre collègue Ravier.
Comme M. le ministre vient de l’indiquer, le dispositif juridique est complètement incohérent. En revanche, à la différence de M. le ministre, je pense qu’il ne s’agit pas d’une erreur. J’estime au contraire que c’est parfaitement volontaire, parce que cela permet de grossir le trait et de dire n’importe quoi en se fondant sur des chiffres complètement faux.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Dans le droit fil de ce que vient de dire mon collègue, je pense que cet amendement vise à supprimer totalement le regroupement familial. Or il n’y a pas d’intégration sans la possibilité de vivre en famille. Vous ne vous intégrez pas dans une société dès lors que votre famille continue à vivre dans un autre pays. C’est totalement contradictoire de plaider, d’un côté, pour la suppression du regroupement familial et, de l’autre, pour l’intégration, voire l’assimilation. Si l’on a envie que les immigrés se sentent Français, il faut que leur famille puisse venir en France ; sinon, cela ne fonctionne pas. Cet amendement me paraît complètement à côté de la plaque et mérite d’être rejeté.
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Je comprends votre logique, qui est de remigrer les gens. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Savez-vous quels sont les seuls pays qui interdissent le regroupement familial ? Le régime wahhabite de l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe ! Savez-vous comment ils traient les étrangers dans ces pays ? Savez-vous comment ils ont construit les stades au Qatar ? Les pétromonarchies du Golfe sont donc vos modèles, monsieur Ravier. Bravo ! (M. Ian Brossat applaudit. – M. Stéphane Ravier proteste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 520 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 150, présenté par M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mmes Brossel et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les conditions de délivrances des visas par nos postes consulaires et présentant les principes directeurs d’une réforme relative à l’organisation des services des visas. Cette réforme devra permettre aux services des visas, dans chaque poste diplomatique et consulaire, de disposer de moyens humains et financiers directement proportionnés à l’activité dont ils ont la charge et aux ressources qu’elle engendre. Elle intégrera des dispositifs permettant de faire la promotion des études supérieures en France et consistera également à donner à nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche les moyens dédiés à la sélection des candidats étrangers.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Depuis que je suis élu, j’ai la chance de pouvoir faire un peu le tour du monde de nos postes consulaires. À la faveur de ces déplacements, j’ai pu faire deux constats, dont nous pourrons reparler plus tard dans la discussion.
Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que votre politique de délivrance des visas est un désastre. C’est particulièrement le cas à l’égard des ressortissants de pays du Maghreb. Vous avez d’ailleurs dû revenir en arrière, car cette politique était inefficace. De surcroît, nous nous mettions à dos tous les pays concernés. Emmanuel Macron, depuis qu’il est Président de la République, doit avoir le record en la matière. Malheureusement, c’est notre pays qui s’en trouve affaibli.
Ensuite, il y a un problème de moyens en personnel. Nos postes consulaires sont sous-dotés pour traiter les demandes de visa. Peut-être est-ce volontaire et motivé par votre ambition de délivrer moins de visas, mais vous devez prendre en considération les conditions de travail de nos personnels, surchargés de travail et en tension. On assiste à des burn-out et à une explosion des arrêts de travail. Allez-y vous-même pour vous en rendre compte, monsieur le ministre !
Il importe de doter suffisamment nos consulats pour la délivrance de visas, notamment au profit des étudiants, car cela participe au rayonnement et à la richesse de notre pays. Il est paradoxal de financer, au titre de l’action extérieure de l’État, des établissements d’enseignement à l’étranger pour que des personnes, qui aiment notre pays, fassent toutes leurs études en français, puis de leur refuser des visas pour poursuivre leurs études supérieures sur notre sol. C’est une politique contre-productive qui affaiblit profondément notre pays.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yan Chantrel. C’est pour cette raison que nous vous demandons un rapport pour réfléchir à la réforme de notre politique de visas, tenus que nous sommes par l’article 40.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est probable que les auteurs de cet amendement pointent une difficulté réelle, mais ce n’est pas un rapport qui va la résoudre.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne peux pas être d’accord avec vous, monsieur le sénateur. Lorsqu’un pays ne délivre pas, ou quasiment pas, de laissez-passer consulaires pour récupérer ses ressortissants qui présentent une dangerosité certaine, que proposez-vous ? Qu’on leur donne encore plus de visas ? Est-ce cela votre solution ?
M. Yan Chantrel. Est-ce que cette politique a fonctionné ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate que, avec la plupart des États que vous évoquez, oui, cela fonctionne beaucoup mieux !
M. Yan Chantrel. Pourquoi l’avoir arrêtée ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Selon vous, moins on a de laissez-passer consulaires, plus on doit donner de visas ?
Ce n’est pas raisonnable. On voit bien que vous n’êtes plus aux responsabilités depuis longtemps.
Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 511 rectifié bis, présenté par M. Marseille et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur les mesures susceptibles de simplifier l’architecture des titres, cartes et documents de séjour et de circulation pour étranger en France.
La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Actuellement, l’action quotidienne des préfectures dans la gestion des demandes de titres de séjour est largement entravée par le foisonnement des titres existants.
Nous avons aujourd’hui des dizaines de titres différents, avec, pour chacun, une procédure et une liste de pièces justificatives différentes. Cette situation, que connaissent nombre de préfectures, notamment en région parisienne, n’est pas tenable, et nécessite que soit effectuée, en cohérence avec le travail de simplification des procédures contentieuses, une simplification de l’architecture des titres, cartes et documents de séjour et de circulation pour étranger en France.
Le présent amendement a pour objet la remise au Parlement d’un rapport présentant des pistes en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela ne vous surprendra pas, la commission demande le retrait de cet amendement, en application d’une jurisprudence que tout le monde connaît.
Cependant, j’ai bien conscience que cet amendement a pour vocation d’interpeller M. le ministre et de lui exprimer un désaccord assez marqué de la part d’un grand nombre de nos collègues.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure à la tribune votre intention de réformer l’organisation des guichets de préfecture ou, en réponse à nos collègues socialistes, donné des informations en toute transparence sur les délais normaux pour l’obtention de nouveaux titres ou le renouvellement. Selon nous toutefois, quels que soient les moyens supplémentaires que vous envisagez, vous n’allez pas réussir. Pourquoi ? Parce que l’on demande actuellement aux agents de la préfecture d’apprécier les situations qui leur sont soumises au regard de 187 titres de séjour de nature différente, avec des conditions, des pièces à fournir et des délais différents.
Instruits par les différentes visites de préfectures que nous avons faites avec Mme Jourda, nous pensons que ce système ne fonctionne pas et que vous n’arriverez pas à l’améliorer ainsi. En particulier, le système Anef (administration numérique des étrangers en France) avec le numéro Agdref (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), que vous avez évoqué, continuera de dysfonctionner à l’avenir.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous lancer le nécessaire chantier de simplification des titres de séjour ? Nous n’avons pas d’a priori sur la procédure à retenir : peu importe que vous choisissiez votre administration, des parlementaires en mission ou le Conseil d’État, comme cela a été fait pour la réforme du contentieux. En tout cas, nous nous étonnons que, depuis le mois de février 2023, ce dossier n’ait pas avancé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends le questionnement qui naît de cet amendement d’appel. C’est vrai, il y a énormément de titres de séjour en France. Devant ce constat, mon premier élan a été de vouloir les simplifier. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions !
Ces titres de séjour, certes très nombreux et peut-être trop complexes, pour l’étranger comme pour l’agent de préfecture, permettent aussi d’éviter un trop grand nombre de régularisations en multipliant les critères. Il en va des titres de séjour comme de la dotation générale de fonctionnement, mesdames, messieurs les sénateurs, pour prendre un sujet que vous connaissez bien. Tout le monde veut simplifier les critères, mais personne ne le fait. Simplifier les quarante critères de la dotation globale de fonctionnement (DGF), c’est un peu le sujet des fins de repas familiaux… C’est compliqué !
Je n’ai donc pas proposé la simplification des titres de séjour, hormis pour les passeports talent, qui passent de dix à un, car je pense que cela constituerait plus un appel d’air qu’une réponse.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela ne fonctionnera pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela étant, je précise que nous allons retenir et peut-être améliorer, ici ou là, la proposition du président des lois d’une étude à 360 degrés. C’est déjà une réponse, à mon avis. Aujourd’hui, un étranger qui se voit refuser un titre de séjour en préfecture peut utiliser la multiplicité des titres pour refaire des demandes. La proposition du président de la commission des lois, qui obligerait la préfecture à apprécier la recevabilité de la demande au regard de l’ensemble des titres de séjour possibles dès le début, nous aidera à gagner du temps. Cette expérimentation mérite d’être menée.
Ensuite, monsieur le rapporteur, l’Anef nous permettra de trouver, grâce à l’intelligence artificielle, des réponses à vos questions sur les critères.
Enfin, faut-il simplifier les titres de séjour ? Je pense que ce n’est pas au Gouvernement de le faire. Il est désormais trop empêtré dans les critères qu’il a lui-même définis. Néanmoins, que des parlementaires en mission y travaillent, je n’y vois aucun inconvénient. Il y aurait aussi le Conseil d’État. Il faut déjà attendre la fin de l’Anef, l’année prochaine, pour éviter les parasitages. Mais je peux d’ores et déjà m’engager à défendre auprès de la Première ministre l’idée de nommer l’an prochain des parlementaires qui auront pour mission de nous proposer en six mois une simplification drastique des titres de séjour, sans pour autant ouvrir des critères trop larges de régularisation. En effet, moins on met de critères, plus il est facile de se faire régulariser. Or ce n’est pas ce que vous souhaitez.
En résumé, première réponse, les 360 degrés ; deuxième réponse, l’Anef ; troisième réponse, les parlementaires en mission une fois ce texte mis en application et l’Anef derrière nous. Néanmoins, ne vous y trompez pas, cette mission de simplification n’est pas si simple que cela à mener.
Je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Florennes, l’amendement n° 511 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Isabelle Florennes. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je le reprends, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 511 rectifié ter, présenté par Mme Marie-Pierre de La Gontrie et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 511 rectifié bis.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 236 rectifié quinquies, présenté par M. Joyandet, Mme Berthet et MM. Houpert, Courtial, Pointereau, Rietmann, Bruyen et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité, pour l’État, de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur », qui permettraient à tout ressortissant d’un pays membre de l’Organisation internationale de la Francophonie de venir plus aisément en France, afin d’y occuper un emploi dans un secteur en tension ou d’y effectuer toute démarche utile à l’accomplissement de ses responsabilités économiques.
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Il s’agit d’étudier la possibilité de mettre en place un visa francophone. C’est un sujet sur lequel un certain nombre d’entre nous ont travaillé depuis longtemps. La francophonie est une force considérable pour notre pays, pour le développement économique, pour les échanges. Je pense à tous ceux qui, dans les pays de la francophonie, circulent en permanence. Je pense aux chefs d’entreprise, à leurs salariés, aux étudiants, aux chercheurs. Il faut le savoir, 88 pays sont concernés dans le monde, ce qui est considérable. Il est important, à mon sens, de simplifier les déplacements de ces personnes francophones.
J’ai conscience que notre proposition n’est pas vraiment dans l’esprit du texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui, mais c’est le support législatif que nous attendions depuis un certain temps pour pouvoir présenter cette possibilité.
Je sais bien que la commission n’aime pas beaucoup les rapports. Je ne sais pas si le ministre les aime. Mais, sur ce sujet de la francophonie, qui est très complexe et qui a des implications tant nationales qu’internationales, je pense que nous avons besoin d’un travail préalable. C’est la raison pour laquelle nous sollicitons ce rapport.
Ce soir, nous parlons beaucoup de l’obligation de parler français pour s’intégrer dans notre pays. Beaucoup de gens à travers le monde ont déjà fait l’effort d’apprendre notre langue. Nous en avons besoin pour le développement et le rayonnement de la France. Donnons un signal positif au monde en disant que tous ceux qui parlent notre langue pourront circuler plus facilement pour venir dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ce vif soutien à la francophonie exprimé par notre collègue Alain Joyandet est digne d’éloges, mais n’est peut-être pas de nature à infléchir notre jurisprudence sur la question des rapports. La francophonie ne connaîtra pas un élan majeur si un énième rapport est fourni par le Gouvernement.
M. Rachid Temal. Ils peuvent parler français, mais chez eux ! (Rires.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Malgré l’enthousiasme manifesté, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai bien compris l’esprit qui anime M. le sénateur Joyandet, et je donne un avis favorable à sa proposition de rapport, sans préjuger de ses conclusions.
Je veux juste préciser que cela concerne potentiellement quelques dizaines de millions de personnes.
M. Rachid Temal. Quelque 321 millions de personnes !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela interroge sur la cohérence des positions de votre groupe. Il faudra de toute façon prévoir des critères.
M. Rachid Temal. La République démocratique du Congo par exemple !
M. Gérald Darmanin, ministre. Enfin, je veux souligner les difficultés qui ne manqueront pas de se manifester, si je me remémore les termes du débat que nous venons d’avoir. En effet, si ce n’est pas un titre de séjour classique, c’est comme un visa qui ouvrirait des droits nouveaux…
M. Rachid Temal. Ce n’est pas très tendance !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est la démonstration de la complexité du sujet. Comme d’habitude, on veut simplifier les critères au début – souvenez-vous de la DGF ! –, puis on en rajoute.
M. Joyandet, si j’ai bien compris, cherchait un véhicule législatif. Je suis favorable au rapport, qui proposera des solutions. Le rapport Hermelin, qui a été remis au Gouvernement, ne portait pas spécifiquement sur la francophonie, mais il peut ouvrir des pistes à cet égard.
Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. J’apporte mon soutien à cet amendement. La moitié du Parlement ne peut pas s’exprimer actuellement sur un certain nombre de sujets à cause du 49.3. Au Sénat, c’est l’application stricte de l’article 40 de la Constitution qui nous bride dans certaines de nos initiatives. Si l’on ne peut pas essayer de travailler un peu, à la faveur de rapports, sur des sujets aussi fondamentaux que celui-ci, à quoi servons-nous ? N’ayons pas de fausse pudeur !
J’en viens au fond. Ainsi que l’a indiqué M. le ministre Joyandet, c’est un sujet qui date. D’anciens collègues députés – je pense notamment à Pouria Amirshahi – ont même travaillé sur l’idée d’un passeport francophone, partant du constat que nous avons un espace de coopération qui nécessite beaucoup plus de mobilité. C’est aussi ce que voulait dire Yan Chantrel tout à l’heure quand il regrettait que nous nous mettions à dos une partie de la communauté francophone, qui ne demande pas mieux que de venir nourrir ces échanges sans venir nécessairement s’installer de manière illégale, mais en ayant à tout le moins la possibilité d’étudier en France.
C’est aussi l’occasion de donner un prolongement au discours, excellent sur le papier, du Président de la République, la semaine dernière, à Villers-Cotterêts. Malheureusement, je doute que ses intentions se traduisent vraiment dans les faits quand on voit l’approche globale de ce gouvernement sur la question de la langue française.
Mme la ministre de la culture n’est pas ce soir au banc du Gouvernement, mais, lorsque nous avons eu ce débat très intéressant, la semaine dernière, sur l’écriture inclusive, nous l’avons interrogée sur ces problématiques, et elle n’a pas daigné répondre au Sénat.
Tout cela pour dire que le sujet est très vaste. Il ne peut être traité ni en deux minutes ni en 150 caractères. Franchement, une demande de rapport pour pouvoir discuter de l’opportunité d’un visa particulier pour les pays francophones mérite un accueil favorable de notre assemblée, n’en déplaise à la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Je veux simplement préciser que les Anglais le font dans le cadre d’accords avec les pays du Commonwealth.
Je remercie M. le ministre de son avis positif sur cette initiative. Commençons par certains pays de la francophonie, quitte à ce que d’autres nous rejoignent ensuite. C’est ce que nos voisins d’outre-Manche ont très bien fait. Comme j’ai cru comprendre que l’avis défavorable de la commission portait non pas sur le fond, mais sur la forme – elle ne veut pas de rapport ! –, et que M. le ministre était plutôt favorable à une telle réflexion, je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Mélanie Vogel et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
Article 1er B (nouveau)
Le chapitre IV du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 434-2, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
2° L’article L. 434-7 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « stables », il est inséré le mot : « , régulières » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Il dispose d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux, Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 161 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 374 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 449 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Maryse Carrère. L’article 1er B compte parmi les dispositions clivantes adoptées par le Sénat en commission.
D’une part, cet article porte de dix-huit à vingt-quatre mois la durée de séjour exigée d’un étranger résidant en France avant de pouvoir déposer une demande de regroupement familial pour l’un de ses proches. D’autre part, il impose au demandeur de disposer d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille.
Ce n’est pas – hélas ! – la première fois que nous discutons d’une telle restriction. Or le regroupement familial est un droit consacré en France dans le Préambule de la Constitution de 1946. Il est défendu tant par la juridiction administrative que par le Conseil constitutionnel.
Surtout, le regroupement familial n’est pas un mécanisme désorganisé ou incontrôlé. Ce mode d’accès au territoire français est déjà encadré et régi par un certain nombre de règles. Il est donc difficile de dire que les vannes du rapprochement familial sont grandes ouvertes. Ce n’est pas en durcissant les règles que les demandes cesseront d’être faites.
Le nouveau dispositif qui nous est proposé aura pour seule conséquence de continuer d’éloigner des parents de leurs enfants, sans réelle justification. Autrement dit, il aura pour effet de précariser davantage les étrangers et de porter atteinte à leur vie privée et à leur vie familiale.
Le présent amendement vise donc à supprimer une telle disposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 161.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise lui aussi à supprimer l’article, et ce pour deux motifs.
En premier lieu, la disposition qui nous est proposée contrevient à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a tendance à susciter des réactions démesurées de nos collègues de droite. Or on oublie souvent que cet article contient deux alinéas, le second prévoyant des limitations extrêmement fortes. En la matière, même si certaines jurisprudences sont peu compréhensibles, elles sont la plupart du temps relativement équilibrées et laissent une très grande latitude à l’État.
Ensuite, les titres de séjour délivrés au titre du regroupement familial nourrissent les fantasmes les plus fous, notamment à l’extrême droite.
Monsieur le ministre, selon les données du département des statistiques, des études et de la documentation de la direction générale des étrangers en France du ministère de l’intérieur, au cours des douze dernières années, 12 000 personnes par an en moyenne se sont vu accorder de façon directe par les préfectures un titre de séjour dans le cadre d’un regroupement familial, ce qui représente 4,5 % de la totalité des titres délivrés. Ces titres de séjour ne sont donc pas l’essentiel des titres délivrés ; ils sont plutôt à la marge.
Dès lors, une question simple se pose. Pourquoi retarder la possibilité de bénéficier d’un regroupement familial, alors que les titres de séjour accordés dans ce cadre sont non pas la mer, mais l’écume ?