M. André Reichardt. Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre. On ne peut pas l’accompagner socialement, sinon nos politiques publiques sont contradictoires entre elles. C’est ainsi qu’il faut considérer la demande d’asile et l’accompagnement social. C’est bien ce que font tous les pays autour de nous !
Madame Narassiguin, vous avez utilisé plusieurs fois le terme « migrant », contrairement à d’autres orateurs. Peut-être pourrions-nous tous choisir de nommer les choses correctement au cours de notre discussion. Le terme générique « migrant » est difficile d’emploi. Pour ma part, je ne l’utilise pas. Il s’agit soit de demandeurs d’asile, dont il faut étudier la demande et répondre rapidement oui ou non, soit d’un regroupement familial ou d’une réunification familiale, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, soit d’immigrés venus pour des raisons économiques, soit, enfin, de clandestins.
Derrière le terme « migrant » se trouvent toutes ces réalités, mais l’emploi de ce terme donne l’impression que l’on a affaire, quoi qu’il arrive, à des personnes persécutées auxquelles nous devons l’accueil. Ce n’est pas toujours le cas. Il y a à Lampedusa des Sénégalais, des Ivoiriens, des Marocains qui demandent l’asile comme migrants ; ce n’est pas possible !
Première nationalité des demandeurs d’asile en France : la nationalité afghane – cela peut tout à fait se comprendre et nous offrons un très grand taux de protection. Deuxième nationalité : la nationalité bangladaise – c’est déjà un peu moins évident à comprendre, mais il peut y avoir des réfugiés climatiques, je me suis intéressé à cette question. En revanche, la troisième nationalité n’est pas du tout celle d’un pays en guerre, avec lequel nous n’aurions pas de relations diplomatiques et dans lequel nous ne ferions pas d’aide au développement. Il y a, parmi les Sénégalais, les Gabonais, les Ivoiriens, les Marocains, les Tunisiens qui demandent l’asile en France, des cas exceptionnels, qui sont possibles, mais il n’y a tout de même pas 80 % de personnes persécutées dans ces pays !
M. Christian Cambon. C’est sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce sont des immigrés économiques ! Appelons-les ainsi ! Il ne faut pas qu’ils passent par la demande d’asile parce que, ce faisant, ils « embolisent » cette procédure au détriment de ceux qui mériteraient une protection rapide de la République.
Mme Audrey Linkenheld. Et alors ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Eh bien, appelons-les par leur nom : il s’agit de clandestins, de travailleurs économiques ou de demandeurs d’asile, mais le terme « migrant » masque des réalités très différentes selon les nationalités.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est pourtant le terme qu’utilise Emmanuel Macron !
M. Gérald Darmanin, ministre. M. Retailleau a évoqué la question du nombre. Il rejoint ainsi les propos de M. Karoutchi ou des rapporteurs sur la capacité d’intégration. Ce sujet important est en fait éminemment politique.
Au fond, la question est la suivante : quelles sont nos capacités d’intégration ? Nous avons d’ailleurs sur ce point une vraie différence avec l’opposition de gauche : celle-ci parle non pas d’une crise migratoire, mais d’une crise de l’accueil. Je ne pense pas qu’une telle crise existe et je ne sais pas si nous connaissons une crise migratoire – il y en a eu, il y en aura peut-être demain –, en tout cas, nous avons manifestement une incapacité, comme l’a dit M. Karoutchi, à intégrer correctement des gens que jadis la République intégrait. C’est un fait.
Doit-on consacrer beaucoup plus de moyens à l’intégration ? C’est une question de moyens, certes, mais pas seulement : il y va aussi de la capacité pour notre peuple à accueillir sur tout le territoire national des immigrés. Ces derniers sont ainsi très mal répartis dans le pays, puisque 40 % d’entre eux vivent en Île-de-France. La question de la répartition soulève toutefois d’autres difficultés, notamment celles des capacités d’intégration.
Nous aurons sans doute un long débat sur l’article 3.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour le Gouvernement, cela représente de 6 000 à 8 000 régularisations par an. Après avoir entendu certains orateurs, je me dis qu’on ne parle pas tous du même article 3 ! Je remercie à cet égard Mme Florennes d’avoir rappelé en quoi consistait réellement cet article. On est pour, on est contre, on peut le modifier, le remodifier ; quoi qu’il en soit, il n’est pas au sommet de la pyramide des normes définie par Kelsen, au-dessus même de la Constitution ! On peut débattre de tout, et il s’agit là simplement d’une proposition du Gouvernement – cet article n’est d’ailleurs peut-être pas si mauvais puisqu’il n’a pas été supprimé par la commission des lois… Discutons-en ! (M. Rachid Temal s’exclame.)
J’ai lu des éléments dans la presse qui ne correspondent pas toujours à ce que le Gouvernement a proposé : j’en suis même venu à me demander si mon cabinet ou la direction générale des étrangers en France n’aurait pas, nuitamment, réécrit l’article que j’avais rédigé avec Olivier Dussopt, mais tel n’est pas le cas : ils sont demeurés loyaux ! (Sourires.)
L’article 3 n’a pas changé : il vise « l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement ». Je précise que la liste des métiers en tension est définie non par le ministère de l’intérieur, mais par un arrêté du ministre du travail.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Rachid Temal. Où est-il ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’indique d’ailleurs que la restauration ne figure pas dans la liste des métiers en tension, ce qui soulève des questions,… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Bruno Retailleau. C’est une vraie question !
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais il n’en demeure pas moins que les exemples qui ont été pris dans le secteur de la restauration par certains orateurs ne s’appliquent pas à ce projet de loi !
En outre, l’article ne vise que certaines zones géographiques : il permet donc de régulariser des personnes non pas dans toute la France, mais seulement dans les zones où la situation sur le marché du travail est tendue, où le chômage est très bas. Nous ne visons donc pas les zones où celui-ci est déjà élevé, auquel cas on pourrait craindre, en effet, une concurrence avec les étrangers en situation régulière, dont plus de 40 % d’entre eux sont au chômage, ou les Français. Le Gouvernement a déjà engagé une grande réforme de l’assurance chômage. Peut-être faut-il faire d’autres réformes ?
Je poursuis la lecture de l’article : l’étranger qui a travaillé grosso modo durant au moins huit mois au cours des vingt-quatre derniers mois, « occupant un emploi relevant de ces métiers et zones » – nous insistons bien sur ces limitations –, « et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention “travail dans des métiers en tension” d’une durée d’un an », qui n’ouvre pas droit au regroupement familial.
Enfin, il est bien précisé que ces dispositions ne sont applicables que jusqu’au 31 décembre 2026.
Les orateurs de la gauche qui nous ont reproché de créer un dispositif valable trois ans, qui forcerait les personnes concernées à vivre dans l’irrégularité et dans la peur des contrôles, n’ont pas dû lire le bon article ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes les seuls à soutenir votre article !
Mme Laurence Rossignol. Il faut être gentil avec les gentils !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas du tout ce que nous avons écrit ! Il s’agit que des personnes qui sont rentrées en France quand vous étiez aux responsabilités,… (Mêmes mouvements.)
M. le président. Mes chers collègues, ne coupez pas la parole à l’orateur.
M. Gérald Darmanin, ministre. … que l’on ne peut plus expulser parce qu’elles ont fait leur vie et construit une famille en France, mais aussi parce que nous avons besoin d’elles dans la mesure où elles travaillent dans des métiers en tension, comme l’agriculture, le BTP, etc. – je vous épargnerai la litanie de ces secteurs, dont vous vous faites parfois les porte-parole, mesdames, messieurs les sénateurs, pour réclamer des régularisations –, qui vivent en France depuis au moins trois ans – c’est une proposition dont nous pouvons discuter – puissent être, dans certaines circonstances, régularisées jusqu’en 2026.
Ainsi, une personne qui arriverait aujourd’hui en France ne pourrait pas être régularisée en 2027, puisque le mécanisme aura cessé d’exister !
M. Bruno Retailleau. Nous le savons déjà !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends les questions que peut soulever l’originalité de cet article et je ne suis pas fermé à la discussion. Je tiens toutefois à appeler votre attention sur la situation de certaines personnes qui pourraient être régularisées, mais dont l’employeur ne souhaite pas qu’elles le soient.
Quand l’employeur souhaite obtenir la régularisation d’un employé, il lui suffit de s’adresser au préfet qui peut procéder à une régularisation sur le fondement de la circulaire dite Valls : 7 000 admissions exceptionnelles au séjour en raison d’une activité économique sont ainsi prononcées chaque année. Mais cette circulaire sert aussi de fondement à 23 000 admissions exceptionnelles au séjour pour des motifs familiaux. Lorsqu’une régularisation n’est pas possible, dans ce cadre, au seul titre du travail, le préfet cherche souvent des critères familiaux pour régulariser des personnes dont l’employeur ne demande pas la régularisation.
Mme Corinne Narassiguin. Cela dépend des préfets…
M. Gérald Darmanin, ministre. Prenons l’exemple, monsieur Retailleau, d’une femme dans ce cas : si elle a des enfants, la circulaire Valls prévoit qu’elle peut être régularisée, ce qui n’est pas le cas si elle n’a pas d’enfants.
En bloquant le dispositif, on encourage les étrangers à faire des enfants en France,…
Mme Laurence Rossignol. C’est bon pour la natalité ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Gérald Darmanin, ministre. … ce qui est incompatible avec la loi du nombre. Notre droit est donc quelque peu bizarre !
Nous avons besoin d’une disposition législative pour pouvoir régulariser des personnes qui méritent de l’être, quand bien même l’employeur ne le souhaite pas.
Drôle d’employeur, avouons-le, que celui qui embauche des sans-papiers et refuse leur régularisation ! Voilà un comportement peu acceptable au regard des valeurs républicaines.
Mme Audrey Linkenheld. C’est méchant !
M. Rachid Temal. L’arnaque, c’est pour tout le monde !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons des difficultés, en effet, pour identifier les circuits professionnels parallèles. Tous les élus locaux le savent, de même que vous-mêmes pour avoir géré, tous ici, des collectivités locales : dans le BTP, dans la sous-traitance, dans l’agriculture, les sans-papiers sont nombreux.
L’article 3 n’est pas ce qu’on en dit. Je suis prêt au compromis, notamment dans le sens évoqué par Mme Florennes. Il pourrait être en effet complété, comme l’a dit M. Retailleau, en intégrant le critère de respect des valeurs de la République. Cela s’inscrit tout à fait dans le fil rouge du texte que nous défendons. Il ne s’agit pas de régulariser, au prétexte qu’il travaillerait dans un métier en tension, quelqu’un qui aurait un casier judiciaire ou qui adhérerait à une idéologie radicale.
Vous avez estimé, monsieur Retailleau, que la disposition prévue par le Gouvernement à l’article 10 était, certes, intéressante dans sa philosophie, mais que, du fait des nombreuses exceptions, elle manquait de clarté. Vous avez parfaitement raison !
Nous nous sommes fondés sur l’avis du Conseil d’État. La rédaction initiale, que nous lui avons transmise, visait à supprimer toutes les protections contre les mesures administratives d’expulsion et le prononcé des peines judiciaires d’interdiction du territoire français : il aurait été possible de prononcer directement des mesures d’éloignement ou d’expulsion, à charge pour le juge de se prononcer, le cas échéant, sur l’équilibre entre le droit à la vie privée et familiale et la menace pour l’ordre public. Cette rédaction aurait sans doute aussi soulevé des questions au regard de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité, en particulier au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’avis du Conseil d’État n’était pas extrêmement clair, si je puis me permettre de le dire, mais il nous a fait douter. Comme l’a dit Mme Florennes, il semblait indiquer que le Gouvernement accentuait la tendance au rapprochement, en cours depuis plusieurs années, des régimes de l’expulsion et de l’éloignement…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il y a confusion.
M. Gérald Darmanin, ministre. Ces régimes, définis aux articles 9 et 10, ne donnent pas les mêmes garanties aux étrangers ni les mêmes prérogatives à l’État. Le ministère de l’intérieur préfère procéder à des expulsions, car c’est plus rapide et plus efficace.
Nous souhaitons « faire sauter » les protections, à l’exception de celle, d’ordre judiciaire, qui est relative au respect de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants. J’y insiste : les personnes qui ont commis des crimes ou des délits lorsqu’elles étaient mineures ne sont pas concernées par la levée des protections. En revanche, nous souhaitons supprimer les huit autres protections existantes.
Nous avons donc proposé une rédaction tenant compte de l’avis du Conseil d’État, même si celle-ci semblait un peu moins claire que celle qui était prévue initialement…
La commission a donc eu raison de chercher à préciser la rédaction, au regard de l’avis du Conseil d’État. Sur mon initiative, le Gouvernement a déposé un amendement sur l’article 10, dont la rédaction me semble encore plus claire. J’espère que nous parviendrons, avec les rapporteurs, à une solution commune. Il s’agit de prendre le risque, en effet, de supprimer l’intégralité des protections, sauf celle qui est relative aux mineurs, pour revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
Rien ne serait pire, toutefois, qu’une mesure aussi centrale dans le projet de loi soit censurée par le Conseil constitutionnel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je pense qu’il est possible de trouver une rédaction adéquate. En tout cas, le Gouvernement est animé de la même volonté que la commission de chercher à éliminer les protections et les exceptions, qui donnent lieu à des jurisprudences interminables.
Vous avez aussi évoqué le délit de séjour irrégulier, qui a été supprimé en décembre 2012 par la précédente majorité, lorsque François Hollande était Président de la République. J’étais député à l’époque et j’ai voté contre.
L’honnêteté me pousse à vous dire que c’est malheureusement une directive européenne élaborée par le parti populaire européen (PPE) qui a abouti à la suppression de ce délit.
M. Bruno Retailleau. Elle rendait impossible la peine de prison, mais pas l’amende.
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, mais il faut reconnaître que ce texte n’est pas ce que l’on a fait de mieux !
Il existe toutefois toujours un délit de maintien sur le territoire, que la police utilise peu. J’ai donné instruction aux services, il y a plus d’un an et demi, d’y recourir davantage. Je note d’ailleurs que la commission a réintroduit non pas des peines de prison, mais une amende en cas de situation irrégulière sur le territoire. Je serai favorable à cette mesure, qui existe dans d’autres pays européens et qui n’est pas contraire au droit européen. Une telle mesure manque aujourd’hui ; elle paraît de nature à renforcer l’efficacité de nos services de police.
Je suis très attaché à la disposition que le président Buffet a fait introduire dans le texte visant à prévoir des restrictions à la délivrance de visas à l’encontre des pays qui ne délivrent pas de laissez-passer consulaires.
Certes, ce n’est pas la panacée, mais les ministres de l’intérieur de ces pays me disent qu’ils appliquent notre droit, mais que celui-ci ne permet pas de conditionner l’octroi des visas à celui des laissez-passer consulaires. Il convient donc d’adopter cette disposition : quand un pays ne délivre aucun laissez-passer consulaire, il n’y a pas de raison de délivrer plus de visas à ses ressortissants que de coutume. C’est très important.
La difficulté, vous le savez bien, monsieur le président de la commission, c’est qu’il s’agit d’un sujet européen. Le Président de la République a été courageux en décidant de restreindre les visas pour les ressortissants des pays du Maghreb. Mais comme l’Espagne octroie des visas, ces personnes essaient de passer par ce pays. Nous plaidons pour un travail commun sur ce sujet à l’échelon européen et défendons ces dispositions. J’ai bon espoir qu’elles pourront être adoptées cette année. De telles mesures ont déjà été adoptées pour l’Irak – même si peu de ses ressortissants sont concernés – ; il faut désormais faire de même avec les pays du Maghreb. Toutefois, ce n’est pas parce que le problème appelle une solution européenne qu’il ne faut pas commencer par agir en France. Je donnerai donc un avis favorable à l’adoption de ces mesures.
Monsieur Patient, je le redis, nous allons traduire directement dans la loi, et non pas par voie d’ordonnance, les mesures d’adaptation pour les collectivités d’outre-mer, hormis pour celles qui relèvent de l’article 74 de la Constitution – le droit en vigueur en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie est en effet très différent. Les mesures concernant les territoires ultramarins méritent d’être examinées dans un débat au Parlement, et non d’être renvoyées à un examen dans le clair-obscur des bureaux des ministères. Je remercie d’ailleurs mes services d’avoir réfléchi à ce sujet, afin que nous puissions aborder ce point, dès l’examen au Sénat.
Je suis aussi extrêmement favorable aux amendements que vous proposez relatifs à Mayotte et à la Guyane. Vous avez raison de souligner qu’il existe un détournement du droit d’asile par le biais du Brésil et que les Guyanais subissent cette situation. Il convient que cela change.
J’indique d’ailleurs que l’adoption de ces dispositions qui relèvent de la loi ordinaire ne doit pas nous interdire d’envisager, si l’on veut aller plus loin pour aider les Mahorais et les Guyanais, d’adopter d’autres mesures d’ordre constitutionnel relatives au droit du sol ou au droit du sang, notamment à Mayotte.
Je tiens à remercier en conclusion tous les orateurs et j’espère que nous aurons un débat de qualité dans les jours qui viennent.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
TITRE Ier A
MAÎTRISER LES VOIES D’ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
(Division nouvelle)
Avant l’article 1er A
M. le président. L’amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Ravier et Rochette, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 110-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « , sous réserve du droit de l’Union européenne et des conventions internationales » sont supprimés.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Puisqu’il faut revoir la philosophie générale du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) pour être à la hauteur des enjeux, commençons par le commencement et supprimons la mention explicite, qui figure dans ce code, de la soumission de notre droit national au droit de l’Union européenne et aux conventions internationales.
En effet, des verrous juridiques supranationaux empêchent les meilleures volontés politiques d’agir. Je pense, par exemple, à certaines jurisprudences : ainsi, le 21 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée contre la possibilité de refouler systématiquement un ressortissant étranger entré irrégulièrement sur le territoire français. C’est une véritable dépossession de notre liberté d’agir souverainement !
Cet arrêt résulte d’ailleurs d’une saisine de la Cimade, association d’extrême gauche, dont l’action avait déjà été décisive pour empêcher l’expulsion de l’islamiste et assassin de Dominique Bernard, Mohammed Mogouchkov. Il est temps de remettre en cause ces façons de procéder qui font fi de nos décisions juridictionnelles et rendent l’État impuissant.
Par ailleurs, le droit au regroupement familial est déduit, par la Cour européenne des droits de l’homme, du droit à la protection de la vie privée et familiale défini à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Nous sommes soumis, pieds et poings liés, au droit international, qui ne prend en compte que les droits des personnes, mais ne connaît pas le droit des peuples.
La CEDH interdit l’expulsion des clandestins dangereux lorsqu’il existe un risque qu’ils subissent de mauvais traitements dans leur pays d’origine. La CJUE interdit d’infliger des sanctions pénales à des clandestins. La CEDH condamne la reconduite d’une embarcation interceptée en mer dans son pays de provenance. C’est pour cette raison, et pour faciliter les expulsions des migrants, que le ministre britannique de l’immigration, Robert Jenrick, a évoqué un retrait possible du Royaume-Uni de la Convention européenne des droits de l’homme. M. Darmanin a aussi admis que nous pourrions faire fi de ces jurisprudences dangereuses en matière d’expulsions.
Dès lors, sortons notre droit de ce carcan !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Chacun comprend qu’aucun amendement ne peut modifier la hiérarchie des normes juridiques ni nous soustraire à la primauté du droit européen.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. Rachid Temal. Premier cours de droit !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 233, présenté par M. Temal, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Tissot et Marie, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est créée une Conférence nationale du consensus sur l’immigration, le droit d’asile et l’intégration des étrangers composée de représentants de l’État, des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, de représentants des groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, de représentants des délégations françaises représentées au Parlement européen, du Président du Conseil économique, social et environnemental, de représentants des organisations syndicales et patronales, et des représentants des associations et organisations non gouvernementales dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des étrangers et des demandeurs d’asile.
II. – Préalablement à leur inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat, tout projet de loi relatif aux droits des étrangers et au droit d’asile est soumis pour avis à cette Conférence nationale. Cet avis est rendu public.
III. – Cette Conférence nationale se réunit au moins une fois par an afin de dresser l’état des lieux de l’application des textes et règlements en vigueur et de formuler des recommandations.
IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Le texte qui nous est soumis prévoit la tenue d’un débat annuel au Parlement. Ce dernier aurait la possibilité de fixer, tous les trois ans, les objectifs en matière d’immigration.
Si nous croyons évidemment en le rôle du Parlement, nous proposons de créer, à ses côtés, une Conférence nationale du consensus sur l’immigration, le droit d’asile et l’intégration, au sein de laquelle se tiendrait chaque année un débat, associant à la fois le président de chacune des chambres du Parlement, les groupes parlementaires, les syndicats de salariés et d’employeurs – ce qui important lorsque l’on pense à l’article 3 – et les associations.
Le mot important, j’y insiste, est celui de « consensus ». Nous débattons parfois sans pouvoir nous appuyer sur des faits ou des statistiques. Il convient que les élus, ainsi que les entreprises et les syndicats, puissent, en responsabilité, discuter du fond des sujets, afin de faire en sorte qu’un consensus puisse émerger sur un certain nombre de questions, et que le dépôt d’un projet de loi sur l’immigration et l’intégration, par exemple, ne donne pas lieu, une nouvelle fois, à des débats vains ou politiciens, qui ne contribuent pas à l’union nationale.
Si nous, socialistes, reconnaissons, conformément à notre histoire, le droit à chaque État de choisir ceux qui entrent à l’intérieur de ses frontières, nous considérons toutefois que nous devons avoir sur ces questions des débats construits et apaisés. C’est important dans la période que nous vivons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Si la commission souscrit à l’objectif de faire en sorte que le débat soit apaisé, elle a émis un avis défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, nous souhaitons concentrer le débat sur l’immigration, selon un tempo annuel, au Parlement ; il reviendra à ce dernier de déterminer des objectifs et, comme je l’ai indiqué, de fixer un cap. Créer des comités, entrer dans une logique de « comitologie » – veuillez me pardonner si ce terme peut sembler un petit peu discourtois – risquerait d’affaiblir la force de ce débat.
Ensuite, il convient d’éviter la confusion : la conférence nationale que vous proposez de créer comprendrait des représentants des entreprises, des syndicats, etc. Celle-ci, dès lors, marcherait sur les brisées du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable, je le répète, même si nous admettons que votre proposition est parfaitement défendable.