M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Fichet, tout mettre en œuvre pour lutter contre la désertification médicale est une priorité du Gouvernement. Et s’agissant du lien entre les territoires et les professionnels, vous savez que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont au cœur de cette ambition.
Favoriser la réalisation des stages en ambulatoire et accompagner la mise en œuvre de la quatrième année de médecine générale sont aussi des axes forts de notre politique depuis 2019. Les résultats sont concrets : plus de 13 000 praticiens ont été formés à la maîtrise de stage universitaire (MSU) depuis 2017.
Pour autant, nous souhaitons aller plus loin, tant dans l’offre de formation que dans l’accompagnement financier, en agissant dans deux directions.
Premièrement, un nouveau cadre pédagogique pour la formation initiale et continue à la MSU sera défini d’ici à la fin de l’année 2023. Sur la base d’un tronc commun, il fixera les objectifs spécifiques à l’accompagnement des étudiants de deuxième et troisième cycles de médecine.
Deuxièmement, le Gouvernement a souhaité amplifier la montée en charge du nombre de praticiens formés via une réelle dynamique financière et pluriannuelle. Ainsi une enveloppe de 41,9 millions d’euros est-elle allouée à ces formations sur la période 2022-2027.
Par ailleurs, nous souhaitons favoriser l’exercice coordonné : l’objectif est qu’il y ait 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) sur le territoire en 2027. Dans ce cadre, nous faisons sauter un verrou en permettant à la maison de santé, et non plus seulement au médecin, d’être juridiquement le maître de stage, à l’instar de ce qui est déjà possible à l’échelle d’un service à l’hôpital.
Nous avançons dans le maillage du territoire par les CPTS, l’objectif étant celui d’une couverture à 100 % d’ici à la fin de l’année 2024. Des territoires qui se coordonnent mieux, ce sont des MSP qui se portent bien et autant d’occasions de stages pour nos étudiants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Mais elle ne me satisfait pas, comme vous pouvez l’imaginer, puisque les possibilités de formation de maîtres de stage sont réduites.
Je rappelle à toutes fins utiles que le Sénat a voté il y a un an à peine une proposition de loi portant création d’une quatrième année de troisième cycle de médecine et d’un statut de docteur junior accordé à des étudiants, qui devront être encadrés par des maîtres de stage.
Il faut évidemment lutter contre les déserts médicaux, mais aussi prendre en compte la nécessité que ces médecins juniors soient parfaitement accompagnés par des maîtres de stage bien formés et suffisamment nombreux.
modalités de révision du dispositif rézone relatif à l’installation des médecins
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 843, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en premier lieu, de saluer la présence ce matin dans nos tribunes du conseil municipal d’Escolives-Sainte-Camille, emmené par son maire. Ils sont chez eux au Sénat : c’est leur maison, celle des élus locaux !
J’en viens à ma question, qui est relative au classement des territoires dans le cadre de l’outil Rézone.
Vous le savez, cet outil permet aux professionnels de santé de savoir quelles sont les aides dont ils peuvent bénéficier. Rézone distingue, d’un côté, les zones d’action prioritaire, qui sont éligibles à de nombreux dispositifs de l’assurance maladie pour favoriser l’installation, et, de l’autre, les zones d’action complémentaire, qui offrent une palette beaucoup plus restreinte.
Or il y a un paradoxe, dont m’a fait part notamment M. le maire de Coulanges-sur-Yonne. En effet, je me suis rendu dans sa commune et j’ai pu me rendre compte, sur place, de l’incidence de cet outil, à savoir que des territoires sous-denses en termes de démographie médicale se trouvent parfois catégorisés dans des zones d’action complémentaire. Ils n’ont donc pas accès à l’ensemble de la palette des aides, ce qui pose problème.
J’ai en mémoire, par exemple, le cas d’un médecin qui souhaite s’installer, mais qui remet en cause son projet d’installation en raison de l’absence d’aides liées à ce zonage.
Aussi, madame la ministre, comment le zonage Rézone est-il établi ? Comment peut-on le réviser ? Et quelles sont les dérogations à la main de l’agence régionale de santé (ARS) ou du ministère pour accompagner un médecin souhaitant s’établir en zone d’action complémentaire au-delà de ce qui est déjà prévu pour ces zones ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, vous le savez, le zonage médecins est établi par les ARS sur la base d’une méthodologie nationale revue récemment – en 2021 –, après concertation avec l’ensemble des parties prenantes, afin de mieux prendre en compte les spécificités locales.
C’est sur la base de ce zonage que sont mises à jour les données de l’assurance maladie publiées dans Rézone. Celui-ci est un outil complémentaire d’aide à l’installation des médecins. Il est révisé a minima tous les trois ans, mais l’arrêté régional peut être modifié par l’ARS, afin d’ajuster les aides aux besoins du territoire.
Ainsi le zonage dont dépend Coulanges-sur-Yonne pourra être modifié par l’ARS jusqu’au mois de juillet 2024, afin de l’actualiser et de mieux correspondre, le cas échéant, aux réalités du territoire.
En outre, dans votre département de l’Yonne, une organisation tripartite d’installation réunissant la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), l’ARS et le conseil départemental examine mensuellement les projets d’installation et propose un accompagnement personnalisé aux professionnels de santé souhaitant s’installer.
Dans ce cadre, selon les projets et les besoins, plusieurs leviers peuvent être mobilisés : aide à l’installation complémentaire du conseil départemental ; exonération sur les bénéfices pour une implantation en zone de revitalisation rurale ; élaboration d’un projet personnalisé d’installation du professionnel de santé, incluant l’appui d’un assistant médical, l’intégration au sein d’un exercice coordonné ou un accompagnement à l’accueil de la famille du professionnel.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, favoriser l’égal accès aux soins est une priorité de l’action menée par Aurélien Rousseau et moi-même.
Je veux vous redire ici ma conviction : c’est avec les professionnels de santé eux-mêmes et avec l’ensemble des acteurs du territoire, y compris les élus dont vous êtes – je sais d’ailleurs votre mobilisation sur ce sujet –, que nous réussirons à relever les défis inédits qui sont devant nous en matière d’accès aux soins.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, je retiens de vos propos que Rézone peut être modifié par le directeur régional de l’ARS d’ici à 2024.
Je retiens également que les aides sont mobilisables, y compris jusqu’à douze mois au-delà de l’installation.
Ces éléments de réponse seront très précieux pour la commune de Coulanges-sur-Yonne, afin d’y maintenir la présence médicale.
Enfin, je vous remercie du regard attentif que vous portez au département de l’Yonne, que vous avez déjà visité par deux fois ; votre dernière visite est d’ailleurs assez récente. Nous comptons sur vous pour maintenir cette bienveillante vigilance.
pérennité du service des urgences de l’hôpital de manosque
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 741, transmise à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, il y a maintenant un an, sur ces mêmes travées, je vous alertais des très grandes difficultés rencontrées par les urgences de l’hôpital de Manosque.
En 2022, nous déplorions vingt-huit jours de fermeture de nuit durant l’été.
L’année 2023 n’est pas terminée, mais nous disposons de chiffres alarmants : depuis début le début de l’année 2023, les urgences de Manosque sont fermées cent quatre-vingts nuits et dix-huit journées, et seuls 39 % sont des jours régulés.
Pour le mois de novembre, il n’y aura aucunes urgences de nuit jusqu’au 15 novembre quand des ouvertures de jour sont planifiées, sauf les 4, 5, 8 et 13 novembre, en espérant que les usagers retiendront l’information… et si possible leurs pathologies !
Au total, les urgences de Manosque connaissent une très forte dégradation de leurs services et ont peu de perspectives de rétablissement. Quant au centre La Vista, qui vient d’ouvrir à proximité, il annonce déjà « ne pas avoir vocation à les remplacer ».
Madame la ministre, nous avons bien compris que la réponse que vous allez faire à nos concitoyens est d’appeler le 15. Je vous rassure tout de suite, c’est bien évidemment ce que tous les élus conseillent à leurs administrés depuis quelques années !
Est-ce suffisant, puisque la situation se dégrade encore ? J’ai bien peur que non. C’est toute la chaîne des premiers secours et recours qui souffre désormais durablement de cette dégradation.
Le précédent ministre de la santé, M. Braun, nous annonçait le 1er septembre 2022 une série de mesures qui devaient, selon lui, produire des effets : la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, la prime de solidarité territoriale adaptée, le soutien de dispositifs innovants d’aides médicales d’urgence et des appels à candidatures.
Ces mesures, madame la ministre, n’ont pas permis d’améliorer la situation d’un service public hospitalier qui s’enfonce dans la crise.
Mes chers collègues, le « provisoire-qui-change-tout-le-temps » doit-il devenir une norme en matière de santé publique, notamment dans nos territoires ruraux ? Ce provisoire use les personnels de l’hôpital, il use les premiers secours et les pompiers, il fragilise des patients qui trouvent porte close et n’ont pas de rendez-vous en médecine de ville.
En tant que sénateur, je défends l’équilibre territorial du département, y compris en termes de santé, et je constate qu’il est très fragilisé. En tant que sénateur, je mesure aussi que cette situation met à mal les autres activités de l’hôpital.
Aussi, madame la ministre, comment comptez-vous conforter rapidement les urgences de Manosque, l’ensemble du site et des activités de l’hôpital, redonnant ainsi confiance aux acteurs de la santé des Alpes-de-Haute-Provence ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, sans nier les difficultés réelles que nous avons déjà évoquées il y a quelque temps et que vous énoncez une fois de plus, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour renforcer le recrutement et l’attractivité du centre hospitalier de Manosque.
Cela passe d’abord par la mise en place d’une organisation permettant de maintenir une prise en charge des patients malgré les tensions qui sont réelles sur les ressources humaines.
Cette organisation repose sur plusieurs leviers.
Tout d’abord, des médecins correspondants du service d’aide médicale urgente (Samu) sont installés à proximité de la ville de Manosque, afin de permettre à la population de bénéficier des premiers soins urgents dans l’attente de l’arrivée d’une structure mobile d’urgence et de réanimation (Smur).
Nous avons ensuite mis en place un protocole de fonctionnement restreint lorsque la situation des ressources humaines (RH) nécessite une régulation de la prise en charge au sein des urgences de Manosque, c’est-à-dire un maintien de l’accueil et des prises en charge des urgences vitales. À cette fin, le plateau technique de l’établissement reste accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Par ailleurs, une maison médicale de garde est installée à côté du centre hospitalier, permettant une prise en charge de la population les dimanches et les veilles de jours fériés.
Nous avons également débloqué des financements pour faciliter le déploiement de dispositifs, tels qu’un véhicule léger infirmier dans les périodes les plus tendues – il est installé dans le secteur de Castellane et mobilisé par le Samu des Alpes-de-Haute-Provence –, ou encore le déploiement d’une équipe dédiée au transport infirmier interhospitalier.
Enfin, car il nous faut surtout recruter plus de professionnels pour retrouver un fonctionnement normal, nous avons financé notamment un poste de chargé de mission pour travailler sur le recrutement et les leviers d’attractivité RH du territoire. Une vaste campagne de communication a été lancée pour diffuser les offres d’emploi en tension au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT), ainsi qu’une vidéo promotionnelle à l’attention des praticiens hospitaliers et des internes.
Je crois par ailleurs savoir qu’un rendez-vous est prévu dans le courant du mois de novembre avec le cabinet du ministre Aurélien Rousseau, rendez-vous auquel vous participerez. Cela montre bien l’engagement de notre ministère sur ce dossier et notre volonté de le suivre dans la durée.
Non, comme vous l’avez souligné, le provisoire ne doit pas devenir la norme. C’est le sens de l’action que nous menons et que nous souhaitons poursuivre à vos côtés.
prise en compte de tous les contrats dans l’arrêt de travail d’un salarié multi-employeurs particuliers
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 784, transmise à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Alain Marc. Madame la ministre, les salariés travaillant chez plusieurs particuliers rencontrent d’importantes difficultés pour obtenir, à la suite d’un arrêt de travail, le paiement complet des indemnités journalières et des compléments de salaire qui leur sont dus.
Ces salariés doivent fournir une copie de leur arrêt de travail à chacun de leurs employeurs. Or, si les entreprises sont bien organisées, grâce à leur service de ressources humaines (RH) ou à leurs gestionnaires de paie, les particuliers employeurs, souvent âgés et usant du chèque emploi service universel (Cesu) pour la gestion de leur emploi familial, ne connaissent pas toujours leurs obligations en la matière. Ils ne savent parfois pas comment les accomplir ou ne les accomplissent pas correctement.
La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) doit déterminer, employeur par employeur, le montant des indemnités journalières au regard de la rémunération que chacun a versé au salarié au cours des trois derniers mois. Ce montant doit être ensuite communiqué à la caisse de prévoyance des salariés de chaque particulier employeur, afin qu’un complément de salaire soit calculé et reversé directement au salarié.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour autoriser les CPAM à récupérer directement les informations fournies dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN) chaque mois par les entreprises et le Cesu, afin de leur permettre de calculer le montant des indemnités journalières, employeur par employeur, et d’effectuer ainsi plus rapidement un versement global au salarié ?
Pouvez-vous également me préciser si le Gouvernement envisage d’autoriser les CPAM à remettre en un seul envoi à la caisse de prévoyance des salariés du particulier employeur l’intégralité du dossier « complément de salaire » pour chacun des employeurs particuliers du salarié, le complément de salaire étant lui-même ensuite globalisé pour un paiement direct et unique au salarié ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Alain Marc, vous avez raison, la procédure applicable aux salariés du particulier employeur présente aujourd’hui des lourdeurs. Cette charge repose en grande partie sur le salarié.
En effet, contrairement à l’ensemble des salariés, un intervenant à domicile employé directement par un particulier fait l’objet non pas d’une déclaration sociale nominative, mais d’une déclaration par le dispositif Cesu. En théorie, les particuliers employeurs devraient compléter l’attestation d’emploi comme tout employeur de droit commun. Toutefois, dans les faits, c’est le salarié qui fournit à la Cnam l’ensemble des bulletins de ses différents employeurs sur la période de référence.
Le Gouvernement a donc fait évoluer le dispositif pour simplifier les démarches des salariés déclarés au Cesu.
Depuis 2022, il suffit que les salariés déclarés au Cesu adressent à l’organisme d’assurance maladie une attestation sur l’honneur spécifique, ainsi que les volets 1 et 2 de leur avis d’arrêt de travail. La simplification de cette démarche permet, par conséquent, de procéder plus rapidement au versement des indemnités journalières de sécurité sociale.
Par ailleurs, les salariés des particuliers employeurs dépendent du régime de prévoyance obligatoire, encadré par la convention nationale des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile datant du 15 mars 2021.
La gestion de ce régime a été confiée à l’Institution de retraite complémentaire des employés de maison (Ircem).
En tant qu’organisme partenaire de l’assurance maladie, l’Ircem bénéficie de la télétransmission des décomptes des indemnités journalières de ces salariés, dispensant ainsi les salariés de toute démarche supplémentaire et leur permettant de percevoir plus rapidement leurs indemnités complémentaires de prévoyance.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Madame la ministre, je vous remercie de ces informations.
Peut-être faudrait-il tout de même prévoir une évaluation des dispositifs mis en place pour faciliter ces démarches, afin que ces salariés, dont les rémunérations sont souvent faibles, puissent percevoir le plus rapidement possible leurs indemnités journalières.
pérennisation de l’expérimentation du « baluchonnage » en faveur des aidants familiaux
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 850, adressée à Mme la ministre des solidarités et des familles.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la pérennisation de l’expérimentation du « baluchonnage » au titre de l’article 53 de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc.
En effet, cette expérimentation de dérogation au droit du travail, inspirée du baluchonnage québécois, lancée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie en 2019 et pilotée par la direction générale de la cohésion sociale, a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023 par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Cette solution novatrice de répit est désormais proposée dans 24 départements en France. Elle permet à un intervenant unique de suppléer l’aidant à domicile sur une période continue allant de trente-six heures à six jours consécutifs. Sont particulièrement concernés les aidants de personnes pour qui la préservation des repères est essentielle.
Ce dispositif permet aux aidants familiaux d’accéder au répit tout en améliorant la qualité de la relation avec leur proche aidé, favorisant ainsi le maintien à domicile.
Au 30 juin 2023, ce sont 389 baluchonnages qui avaient été réalisés dans tout l’Hexagone, pour 1 598 jours de répit pour les aidants.
Aujourd’hui, à quasiment cent jours de la fin de l’expérimentation, j’alerte le Gouvernement sur les conséquences dommageables d’une interruption, même temporaire, ou seulement du prolongement d’un an du dispositif pour les aidants et l’opérationnalité des services.
Consciente de votre engagement, je souhaiterais savoir, madame la ministre, si vous entendez prolonger ce dispositif intéressant, en garantissant les financements nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Guidez, la ministre des solidarités et de la famille regrette de ne pouvoir être présente ce matin. Elle m’a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants.
Mieux accompagner et prendre soin de nos aidants est un impératif auquel le Gouvernement souscrit pleinement. Je tiens à saluer votre engagement constant sur ce sujet et les avancées permises par votre proposition de loi.
Vous avez raison, il est essentiel de favoriser le répit des aidants. Le relayage sur les lieux de vie en constitue l’une des options possibles.
Bien que l’expérience québécoise de la marque baluchon ne soit pas transposable directement en France, une expérimentation a été lancée en 2019 et prolongée, comme vous le soulignez, jusqu’au 21 décembre 2023 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, en raison de la crise sanitaire.
Le relayage à domicile avec un seul relayeur, bien qu’il représente une part marginale de l’offre, est crucial pour les binômes aidants-aidés ayant des besoins spécifiques.
L’inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport de décembre 2022 recommande de cerner le périmètre de cette solution pour les situations sans alternative.
À la suite de cette expérimentation, une prolongation à cadre constant est prévue,…
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. … suivie par la définition du cadre législatif via la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, en cours d’examen à l’Assemblée nationale.
Ces étapes permettront de préciser les éléments indispensables à la protection des salariés et à l’accès financier pour les personnes.
Le ministère des solidarités et des familles réitère sa volonté d’une collaboration étroite avec les branches et les syndicats, dans un secteur marqué par un taux élevé d’accidents du travail.
Enfin, cette offre doit s’intégrer dans un parcours plus large intégrant, notamment, du soutien psychologique.
J’ajoute que ces travaux s’inscrivent dans la prochaine stratégie « agir pour les aidants » et seront menés en lien avec le ministère délégué aux personnes handicapées et le ministère du travail.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments d’information.
Il importe absolument de pérenniser ce dispositif. Je resterai vigilante sur cette question dans le cadre de l’examen prochain de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. (M. Loïc Hervé applaudit.)
rôle du conseil conjugal et familial
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, auteur de la question n° 869, adressée à Mme la ministre des solidarités et des familles.
M. Claude Kern. Madame la ministre, je souhaite vous interroger aujourd’hui sur le rôle du conseil conjugal et familial dans la prévention des ruptures familiales, plus particulièrement sur sa reconnaissance, ainsi que sur la question de son financement.
Comme l’a reconnu le Président de la République lors du conseil des ministres du 14 septembre 2022, « le volet “prévention” des politiques d’accompagnement des familles devra être renforcé, notamment la prévention des conflits intrafamiliaux et des ruptures des liens familiaux. C’est un sujet d’intérêt pour les enfants, pour les parents – notamment pour les femmes –, ainsi que pour la collectivité dans son ensemble ».
Or, à ce jour, le conseil conjugal et familial n’est toujours pas reconnu en tant que service d’accompagnement et de prévention, ni financé, alors que, nous le savons, la déconjugalité affecte fortement notre société, que ce soit directement ou indirectement.
La déconjugalité est la première cause de pauvreté des femmes et des enfants. Elle est également la première cause du manque de logements, mais elle est aussi souvent très lourde de conséquences sur les parcours scolaires, sociaux et de vie des enfants. Son coût se révèle considérable pour la collectivité.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) soulignait déjà dans son rapport de 2017 la grande utilité des conseillers conjugaux et familiaux dans leur rôle préventif à toute séparation. Il appuyait sur la nécessité de mieux les reconnaître pour être davantage mobilisés, eux qui accompagnent chaque étape de la vie relationnelle des couples, en leur donnant la possibilité d’engager un dialogue et de réfléchir à leurs modes de fonctionnement.
Valeur plébiscitée par les Français, la famille est aujourd’hui toujours plus fragilisée, avec un taux de divorce qui atteint 45 % et 2 millions de familles monoparentales, soit près d’une famille sur quatre.
Le conseil conjugal et familial mérite donc d’être reconnu et valorisé en tant que service d’accompagnement et de prévention.
Dans ce contexte social si difficile, pouvez-vous nous éclairer sur les intentions du Gouvernement dans le domaine de la prévention des ruptures et de l’accompagnement des couples et familles, particulièrement s’agissant de la reconnaissance et du financement du conseil conjugal et familial ? (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Claude Kern, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser la ministre des solidarités et des familles, qui m’a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants.
Vous soulignez très justement l’importance de la mobilisation des pouvoirs publics pour accompagner les couples et les familles après une séparation, notamment lorsque celle-ci est conflictuelle, au travers de dispositifs tels que la médiation familiale ou les espaces de rencontres.
Un accompagnement des personnes dans leur vie affective, relationnelle et sexuelle est déjà possible aujourd’hui via les établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF), qui bénéficient d’un soutien financier de l’État.
La réforme de 2018 a modernisé ces structures renommées « espaces vie affective, relationnelle et sexuelle » (Evars), tout en actualisant leur mission. Les conseillers conjugaux et familiaux, experts dans le domaine du conseil et du soutien, trouvent dans ces lieux un terrain d’action privilégié pour accompagner les couples à travers les différentes épreuves de la vie conjugale.
Pour autant, il nous faut faire davantage dans l’accompagnement proposé aux couples en difficulté. En effet, combien de souffrances pourraient être évitées, tant pour les parents que pour les enfants, en aidant un couple à surmonter ces difficultés ou en accompagnant une séparation de manière apaisée ?
De plus, en agissant de la sorte, combien de dépenses supplémentaires pourraient être évitées, à la fois pour les collectivités, mais aussi pour les couples eux-mêmes ?