compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Ouzoulias
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
situation de précarité des étudiantes et des étudiants en cette rentrée 2023
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, auteure de la question n° 834, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la précarité explose à un tel niveau que nous en appelons à la protection de la jeunesse, car une société qui ne prend pas soin de sa jeunesse est une société qui n’a pas d’avenir.
Je rappelle un chiffre, édifiant, issu d’une enquête menée par Linkee en cette rentrée 2023 : 76 % des étudiants interrogés ont un « reste à vivre » de moins de 100 euros par mois, soit 3,33 euros par jour, une fois leurs factures payées.
Quel pays laisse sa jeunesse se poser la question de se loger, de se soigner ou de se nourrir ? Je le dis avec tristesse, la réponse à cette question est la France, madame la ministre.
Cette situation de précarité était pourtant bien prévisible.
La revalorisation de 4 % du montant des bourses sur critères sociaux, prévue pour la rentrée 2022, a été maintenue dans la loi de finances pour 2023. Pourtant, les rapporteurs avaient souligné que cela ne permettrait pas de « couvrir l’érosion du pouvoir d’achat découlant de l’inflation constatée en 2022 et 2023 ». C’était donc bien prévisible.
Madame la ministre, face à l’urgence d’agir pour toute une génération d’étudiantes et d’étudiants, face à l’atteinte portée au principe d’égalité d’accès à l’enseignement supérieur, quand et comment comptez-vous mettre en œuvre une réforme structurelle du système des bourses ?
Avez-vous prévu de donner suite à l’appel de plusieurs présidents d’université pour la mise en place d’une allocation d’études pour l’ensemble des étudiants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Antoinette Guhl, je vous remercie de votre question.
Le Gouvernement, de même qu’il a très vite porté attention à la protection des Français, n’a pas attendu pour proposer des mesures de protection du pouvoir d’achat des étudiants en particulier, en agissant dès la crise sanitaire, avec, par exemple, la création du repas à 1 euro, en présentant des mesures d’urgence pour la rentrée universitaire 2022 – je ne les rappellerai pas toutes –, dont une première revalorisation des bourses de 4 %, et en apportant, dès cette rentrée 2023, plusieurs améliorations au système de bourses sur critères sociaux, avec une augmentation de près de 20 % du budget dédié aux bourses.
Ces dispositions consistent à revaloriser tous les niveaux des bourses, à réintégrer près de 35 000 boursiers qui n’étaient pas éligibles, à reclasser 140 000 boursiers à un échelon supérieur et à neutraliser les effets de seuil.
Nous avons pour la quatrième année consécutive gelé la tarification des repas au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), à 1 euro pour les boursiers, ainsi – j’y insiste – que pour les non-boursiers précaires, et à 3,30 euros pour tous les autres étudiants, sans condition de ressources.
Nous gelons également de nouveau pour cette année universitaire les loyers en résidence Crous et les frais d’inscription.
Cette première étape de la réforme des bourses, nous l’avons décidée selon deux principes : la responsabilité et la justice sociale.
Agir en responsabilité, c’était n’engager que des mesures que nous savions pouvoir mettre en œuvre dès cette rentrée 2023. Agir pour la justice sociale,…
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre. … c’était renforcer le système redistributif.
Nous avons également agi sur la question des Crous, en recrutant 70 personnes, et sur celle de la santé mentale des étudiants, qui est un point important.
Notre action se traduit par un demi-milliard d’euros supplémentaires dans le budget 2024.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour la réplique.
Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre, je ne souhaite pas que le titre du livre de Salomé Saqué, Sois jeune et tais-toi (L’oratrice brandit l’ouvrage évoqué.), demeure une réalité.
Aussi, madame la ministre, mes chers collègues, je vous invite à venir au séminaire jeunesse intitulé Pour une fois, écoutons-les !,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Antoinette Guhl. … que j’organiserai prochainement au Sénat avec mes collègues Monique de Marco et Mathilde Ollivier.
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Merci !
formation des enseignants et calcul du droit à pension de retraite
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 752, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Olivier Rietmann. Madame la ministre, vous avez le mérite de répondre au nom de votre collègue Stanislas Guerini à une question qui ne relève pas de votre portefeuille. Je tiens à vous en remercier.
J’espère toutefois sincèrement que la note préparée par son cabinet apportera enfin la réponse attendue depuis des mois par les professeurs victimes d’un cafouillage administratif.
Le problème est plus que connu. J’ai en effet adressé plusieurs courriers et questions écrites à vos collègues. Et il s’agit là de ma seconde question orale sur le sujet en moins de six mois !
J’avais d’ailleurs, à l’époque, terminé celle-ci de manière quelque peu familière, en déclarant : « […] nous reviendrons à la charge, s’il le faut. » Nous y voilà !
Nous sommes le 31 octobre 2023, et le décret d’application de la loi du 26 juillet 1991 n’a toujours pas été publié.
Vous laissez dans l’expectative 30 000 enseignants, qui ignorent si, oui ou non, la parole donnée par l’État sera respectée et si, oui ou non, les trimestres qu’ils ont acquis au cours de leur période de formation seront comptabilisés.
Au mois de mars 2023, votre collègue Olivier Dussopt engageait le Gouvernement à trouver une solution avant l’été.
Le 17 mai, Sarah El Haïry m’assurait que les services étaient en train de finaliser le projet de décret.
Le 22 juin, le cabinet du ministre Stanislas Guerini m’écrivait que ces travaux devraient trouver une solution d’ici à la fin de l’année.
Vous allez me répondre qu’il reste deux mois… Or plus le temps passe, plus l’inquiétude grandit et plus les rumeurs vont bon train, comme celle, par exemple, d’un possible plafonnement du nombre de trimestres accordés par année d’allocation.
Madame la ministre, je vous serais très reconnaissant de tuer dans l’œuf ce bruit de couloir !
J’en viens désormais à mes questions. Quand votre gouvernement sera-t-il en mesure de publier le texte réglementaire manquant ? Quelles précautions prend-il pour, d’une part, assurer son application uniforme sur l’ensemble du territoire national et, d’autre part, permettre la régularisation des situations individuelles pour lesquelles les bonifications ont été incomplètes ou n’ont pas été accordées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Olivier Rietmann, nous vous savons très engagé sur le sujet, puisque, comme vous l’avez souligné, et nous en sommes conscients, ce n’est pas la première fois que vous interrogez le Gouvernement à cet égard.
Comme les ministres chargés de l’éducation nationale et de la fonction publique ont eu l’occasion de le dire, c’est une priorité de cette année pour eux – je vous le confirme de nouveau –, et les services sont pleinement mobilisés.
Je le rappelle, même si vous connaissez évidemment bien la question, aux termes de l’article 14 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, sont prises en compte, pour la constitution et la liquidation de la pension, d’une part, les périodes pendant lesquelles ont été perçues les allocations d’enseignement créées en 1989 et, d’autre part, la première année passée en institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) en qualité d’allocataire, c’est-à-dire la période de perception de l’allocation d’IUFM prévue par décret en 1991.
Toutefois, le décret en Conseil d’État auquel la loi de 1991 renvoyait pour fixer les modalités de prise en compte, notamment la proportion dans lesquelles ces périodes sont retenues pour la constitution des droits à pension, n’a effectivement jamais été pris. Nous le regrettons.
Cette absence de décret a empêché les personnels concernés de faire valoir leurs droits dans de bonnes conditions, même si des démarches individuelles ont pu aboutir à une prise en compte, notamment à l’issue de procédures devant les juridictions administratives.
Le Gouvernement entend faire cesser cette situation et combler le retard pris en tenant la promesse faite au monde enseignant dans les années 1980.
L’objectif est donc de faire aboutir un projet de décret correctif avant la fin de l’année – je vous le confirme –, et les travaux interministériels sont engagés en ce sens.
filet inflation et reversement des communes
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 878, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Face à la crise de l’énergie, nous avions émis des propositions : sortie du marché européen de l’énergie, indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation, bouclier tarifaire.
Vous n’en avez pas voulu. Vous débordiez d’enthousiasme : 22 000 communes allaient toucher le filet de sécurité, nombre qui allait ensuite passer à 18 000, puis à 11 000, puis à 8 000. Finalement, il n’en reste que 2 930, tandis que 3 425 collectivités devront rembourser ce filet, pour un montant de 69 784 830 euros.
Pour le Pas-de-Calais, ce sont 133 collectivités qui en ont bénéficié, mais 93 d’entre elles sont contraintes de rembourser, pour un montant de 2 640 000 euros.
Madame la ministre, la colère gronde aujourd’hui chez les élus, chez les maires. Depuis quelques jours, je suis interpellée de partout.
D’abord, sur la forme, quel mépris de votre part ! Il n’y a eu aucun courrier, aucune information, certains maires ayant même appris par voie de presse qu’ils allaient devoir rembourser l’acompte perçu.
Dès le 3 octobre 2022, avec plusieurs dizaines de maires, d’élus, dont le député Jean-Marc Tellier et le sénateur Jean-Pierre Corbisez, nous nous étions rassemblés à Arras pour défendre nos propositions face à l’inflation.
À la suite de ce rassemblement, j’ai interrogé la Première ministre sur ce qui se passerait si l’on demandait aux communes de rendre l’acompte. Nous y sommes !
Une fois de plus, vous n’avez pas saisi l’occasion de prendre de véritables mesures. Vous avez préféré vendre du rêve aux maires.
Madame la ministre, alors que les maires ont deux mois pour saisir le tribunal administratif, pouvez-vous nous expliquer comment vous avez pu avoir un taux d’erreur aussi important, puisque 54 % des collectivités en France et 70 % dans le Pas-de-Calais vont devoir rembourser ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, la loi de finances rectificative du 16 août 2022 a instauré, au titre de l’année 2022, une dotation budgétaire au profit des communes satisfaisant un certain nombre de critères cumulatif : ce sont ainsi 2 011 communes et 930 syndicats qui ont été soutenus, pour un montant total de 406 millions d’euros.
En outre, la loi a prévu que, pour les communes et leurs groupements anticipant, à la fin de l’exercice 2022, une baisse d’épargne brute de plus de 25 %, la dotation pouvait faire l’objet, à leur demande, d’un acompte versé sur le fondement d’une estimation de leur situation financière. Ce sont 4 177 collectivités et groupements qui en ont bénéficié à la fin de l’année 2022, pour un montant global de 106 millions d’euros.
Toutefois, on observe, pour beaucoup d’entre elles, une situation financière bien plus favorable que celle qui a été envisagée à l’époque. Cela justifie un reversement de l’acompte que vous avez mentionné.
Si cela concerne 82 % des bénéficiaires de l’acompte, ces remboursements d’acomptes portent très majoritairement sur des montants peu élevés : 75 % sont inférieurs à 10 000 euros et 61 % à 5 000 euros. Ils représentent par ailleurs une charge limitée par rapport à la structure financière des collectivités concernées, puisque, pour une très grande majorité de celles-ci, le remboursement pèse pour moins de 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement.
Toutefois, conscient des difficultés rencontrées par certaines collectivités, le Gouvernement a prévu des mesures permettant d’étaler cette charge sur les deux derniers mois de l’année 2023 pour les plus fragiles, voire sur l’année 2024 en cas de difficultés importantes.
J’ajoute que les services locaux de la direction générale des finances publiques (DGFiP) se tiennent à la disposition des collectivités concernées pour mettre en œuvre cet étalement si besoin. Ce lissage participera à la préservation de l’équilibre financier des collectivités qui seraient confrontées à des insuffisances de trésorerie.
réintégration des travaux d’aménagement de terrains dans le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 836, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Cyril Pellevat. Ma question porte sur la réintégration des travaux d’aménagement de terrains dans le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Les dépenses des collectivités territoriales couvertes par le FCTVA sont soumises à divers critères d’éligibilité. En 2021, à la suite de la réforme de l’automatisation, certaines dépenses publiques ont perdu leur éligibilité à la compensation. C’est notamment le cas du compte « Agencements et aménagements de terrains ».
Les projets d’aménagement sont pourtant essentiels pour les collectivités territoriales, qu’il s’agisse d’aménagements nécessaires à l’atteinte de l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN), de l’aménagement de terrains affectés par les incendies ou encore des projets en faveur de la transition écologique.
Récemment, la Première ministre a fait savoir que, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2024, les dépenses d’aménagement de terrains seraient de nouveau éligibles au FCTVA. Cela ne peut être que salué.
Toutefois, en raison de la courte période durant laquelle les dépenses ont été rendues inéligibles, il serait injuste de pénaliser les collectivités ayant fait le choix de continuer à investir pendant celle-ci.
Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir si les dépenses engagées en 2021 et 2022 seront rendues éligibles rétroactivement.
Par ailleurs, la compensation étant versée à n+1, les dépenses réalisées pour l’aménagement de terrains en 2023 devraient être prises en charge par le FCTVA, au regard de l’intégration des crédits nécessaires dès le PLF de 2024. Pouvez-vous me confirmer que les aménagements de terrains effectués en 2023 seront bien éligibles à la compensation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Pellevat, l’automatisation du FCTVA mise en œuvre par la loi de finances pour 2021 a conduit à revoir la définition de l’assiette des dépenses d’investissement éligibles : elle se constate désormais en fonction de leur imputation comptable sur un compte éligible.
Le périmètre des comptes du plan comptable des collectivités ne permet pas de faire coïncider exactement l’assiette automatisée et l’assiette réglementaire précédant la réforme.
Des ajustements ont donc été opérés dans un objectif de neutralité financière de la réforme, à la suite d’une large concertation avec les associations d’élus, engagée en 2016.
Ainsi, si certaines dépenses n’ont toujours pas été retenues dans l’assiette automatisée, d’autres dépenses auparavant inéligibles ont été rendues éligibles ; je pense principalement aux dépenses relatives à des biens mis à disposition de tiers.
Sur la période 2021-2023, les simulations réalisées en amont montrent que la réforme induit un coût supplémentaire pour l’État et se révèle donc globalement favorable aux collectivités, si on la considère à l’échelle nationale.
Après avoir mené une consultation, le Gouvernement a décidé qu’à compter du 1er janvier 2024, les dépenses d’aménagement de terrain, imputées au compte 212 « Agencements et aménagements de terrains », seront réintégrées dans l’assiette d’éligibilité au FCTVA.
Les droits au FCTVA sont déterminés au regard du cadre juridique applicable à date et ne peuvent pas faire l’objet d’un versement rétroactif.
L’extension rétroactive des dépenses d’aménagement de terrains occasionnerait un coût évalué à près de 750 millions d’euros pour les trois exercices 2021, 2022 et 2023.
Enfin, en réintégrant les dépenses d’aménagement de terrains dans l’assiette du FCTVA à compter du 1er janvier 2024, le Gouvernement majore de 250 millions d’euros le soutien apporté chaque année à l’investissement des collectivités territoriales.
Il s’agit donc d’une mesure tournée vers l’avenir qui vise à renforcer le niveau de l’investissement public local futur et à accompagner encore davantage les projets locaux.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.
M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, je vous remercie de ces éclaircissements.
Bien évidemment, la non-rétroactivité sur les trois derniers exercices aura pénalisé un certain nombre de communes. Quand je les rencontre, les élus des communes de Haute-Savoie me disent régulièrement que cela bloquera leurs prochains travaux ! Il en résultera une perte d’investissements, notamment pour les entreprises.
Il faut trouver des compensations supplémentaires. Sinon, il y aura des pertes de marché et des pertes énormes pour les collectivités.
gestion du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la question n° 674, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Maryse Carrère. Ma question est presque identique à celle qui vient d’être posée par mon collègue.
Le FCTVA assure un soutien financier important de l’État aux investissements des collectivités locales.
Or nous sommes fortement sollicités par nos communes et leurs groupements sur des changements de règles incomprises et incompréhensibles.
Par exemple, le syndicat mixte du Pays de Lourdes et des Vallées des Gaves, qui s’occupe de la rivière, déclarait cette année les montants engagés pour ses investissements à compter du 1er janvier 2021 via la procédure usuelle. Jusqu’à cette année, ces investissements étaient éligibles au FCTVA. Mais, aujourd’hui, seuls 18 000 euros, au lieu de 120 000 attendus, ont été reversés au syndicat.
Les commissions syndicales viennent également d’apprendre qu’elles n’étaient plus éligibles au FCTVA pour l’intégralité de leurs investissements. Il en va de même de nombreuses communes, notamment s’agissant de City stades.
Madame la ministre, il apparaît donc nécessaire et plus qu’urgent d’harmoniser, de clarifier et d’expliquer la liste des comptes déterminant l’assiette éligible au FCTVA.
Des mesures de clarification et un accompagnement des collectivités surprises par le changement de règles sont-ils prévus ? Au vu des remontées de terrain, il apparaît nécessaire de trouver des accords, afin de ne pas laisser ces collectivités dans des situations financières délicates.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Carrère, avec l’automatisation de la FCTVA, l’éligibilité des dépenses se constate lorsqu’elles sont régulièrement imputées sur un compte éligible.
L’utilisation des comptes est encadrée par les instructions budgétaires et comptables applicables aux collectivités locales. Il n’est donc plus nécessaire que celles-ci déclarent leurs dépenses par l’intermédiaire d’un état papier pour obtenir leurs attributions de FCTVA : elles doivent seulement veiller à la correcte imputation de leurs dépenses.
Les collectivités locales n’ont désormais presque plus de charge déclarative et se voient attribuer le FCTVA plus rapidement. Toutefois, cette réforme a suscité des questions d’assiette : le Gouvernement y reste attentif, en concertation, j’y insiste, avec les associations d’élus.
Pour les collectivités ou groupements concernés par des dépenses relatives aux risques d’inondation, comme le syndicat mixte du Pays de Lourdes et des Vallées des Gaves, et, plus généralement, pour les groupements exerçant les compétences de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), l’assiette des dépenses éligibles au FCTVA va être clarifiée.
En premier lieu, la réforme de l’automatisation n’a pas supprimé les dispositions qui fixent l’éligibilité des dépenses d’investissement exposées sur des biens dont ils n’ont pas la propriété dès lors qu’elles concernent des travaux de lutte contre les avalanches, les glissements de terrain, les inondations et les incendies, ainsi que des travaux de défense contre la mer. Cette dérogation concerne également les travaux pour la prévention des incendies de forêt présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence. Ces dépenses font l’objet d’un état déclaratif qui permet aux collectivités ou groupements concernés de bénéficier du FCTVA en dehors du circuit automatisé.
En second lieu, le Gouvernement a souhaité améliorer l’assiette automatisée du FCTVA en intégrant les dépenses d’aménagement de terrain, notamment celles qui peuvent être engagées dans le cadre des compétences Gemapi. Les comptes concernés seront intégrés dans l’assiette du FCTVA à partir du 1er janvier 2024.
C’est un effort supplémentaire de FCTVA de près de 250 millions d’euros par an qui améliore significativement la lisibilité et la cohérence de l’assiette du fonds pour les collectivités bénéficiaires.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour la réplique.
Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je me réjouis de la possibilité pour les syndicats devant assumer de lourds investissements, comme la Gemapi, de bénéficier de dérogations particulières.
Aujourd’hui, les collectivités bénéficient de subventions qui sont toujours étudiées sur la base du prix hors taxe. Demain, il faudra peut-être étudier la possibilité pour l’État, notamment au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), de les réévaluer sur la base du prix TTC, puisqu’elles ne sont plus éligibles au FCTVA.
augmentation des fraudes sur la taxe soda
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la question n° 851, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Dany Wattebled. Madame la ministre, pour protéger la santé de la population, la loi de finances pour 2012 a instauré une taxe linéaire de 7,55 euros par hectolitre sur toutes les boissons sucrées.
Le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2018 a rendu cette taxe progressive en fonction de la teneur en sucre des boissons.
Entre 2012 et 2022, cette « taxe soda » a fortement augmenté, jusqu’à rapporter aujourd’hui 4 000 euros par camion.
Depuis 2019, cette taxe est perçue non plus par les douanes, mais par l’administration fiscale, par le biais d’une déclaration de TVA mensuelle.
Le montant total à payer rend quasi impossible le contrôle du bon niveau de taxe retenu, d’autant que ce contrôle se fait a posteriori, loin des dates des échanges de biens.
Cela a amené l’émergence d’importateurs de sodas d’origine européenne qui règlent rarement la taxe due. Leurs clients, grossistes et distributeurs font de même, et tous participent à un carrousel de TVA, dans la plus grande impunité, car ces entreprises disparaissent rapidement afin d’échapper aux poursuites. C’est ainsi que l’on retrouve dans la grande distribution des sodas à taux de sucre élevés vendus moins cher que les boissons « zéro ».
Le non-respect de cette taxe entraîne une inégalité concurrentielle avec les entreprises respectant la loi et un manque à gagner dépassant au minimum 10 millions d’euros par mois pour l’administration fiscale.
Il semble essentiel de rappeler toute l’importance de cette taxe et les dangers que peuvent représenter les boissons concernées.
Madame la ministre, entendez-vous renforcer les moyens de contrôle de la taxe soda dans un futur proche ? Prévoyez-vous une solidarité du paiement de cette taxe entre tous les acteurs de la chaîne ? En parallèle, envisagez-vous la mise en place de sanctions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Wattebled, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est l’une des priorités du Gouvernement et de notre administration.
Le transfert de la contribution sur les boissons contenant des sucres à la direction générale des finances publiques s’inscrit pleinement dans cet objectif, en permettant, à long terme, une rationalisation, mais aussi une homogénéisation des circuits de recouvrement et de contrôle.
À la suite du transfert à la DGFiP, les recettes encaissées au titre de cette taxe ont augmenté. Ainsi, alors que la moyenne des encaissements des deux dernières années antérieures au transfert s’établissait à 497 millions d’euros, elle progresse à 581,8 millions d’euros en moyenne ces deux dernières années. Par ailleurs, en 2022 le nombre de déclarants est en augmentation, avec 219 contributeurs en plus en 2022 par rapport à 2021.
Au-delà des aspects de recouvrement, la DGFiP est en mesure de lutter efficacement contre les différents types de fraudes fiscales.
D’une part, elle possède une sérieuse expérience dans la lutte contre les schémas complexes de fraude, notamment en matière de taxes sur le chiffre d’affaires. Elle met ainsi en œuvre une stratégie très offensive de contrôle fiscal en matière de fraude fiscale grave et complexe, en faisant usage des nombreux dispositifs juridiques et outils à sa disposition, comme face aux sociétés éphémères.
D’autre part, le recouvrement de la contribution sur les boissons sucrées a été modernisé, puisqu’il a été au processus déclaratif de la TVA, à laquelle sont assujettis la grande majorité des redevables de la contribution. Ce processus déclaratif allégé sans justificatifs transmis obligatoirement à l’administration constitue un gain de simplification tant pour l’usager que pour l’administration.
Cette dernière a notamment la possibilité de recentrer les moyens du contrôle fiscal sur la fraude à enjeux plutôt que sur le contrôle de forme des déclarations. En outre, l’ensemble des taxes transférées à la DGFiP bénéficient désormais des moyens modernes de détection contre la fraude. Depuis le transfert de la contribution, des premiers travaux informatiques spécifiques ont d’ores et déjà été menés et ont permis la programmation des premiers contrôles, avec des résultats très encourageants.
Je n’ai malheureusement plus le temps de vous répondre, mais je sais que vous me pardonnerez.