Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le b du 11° du I.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. La commission mixte paritaire a effectué un travail extrêmement efficace, mais il reste quelques scories à éliminer.
Cet amendement vise simplement à supprimer un doublon.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la commission mixte paritaire. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 97
Remplacer les mots :
l’entreprise d’assurance
par les mots :
la mutuelle ou l’union
La parole est à M. le ministre délégué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la commission mixte paritaire. Avis favorable.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de ce projet de loi est de faire de la France « la première nation de l’industrie verte en Europe ». Vaste programme et très belle ambition !
Toutefois, penser que nous serons les champions de l’industrie verte en réduisant les procédures d’installation, en passant outre les élus locaux et en remettant en cause le droit de l’environnement relève au mieux d’un volontarisme incantatoire, au pire d’une méconnaissance de l’outil industriel.
Volontarisme incantatoire, car nous avons déjà adopté la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Asap, qui visait à simplifier les démarches pour obtenir des autorisations administratives d’implantation d’usine. Ces mesures, pour l’instant, n’ont eu aucun effet visible sur la réindustrialisation. Certes, monsieur le ministre, on crée de l’emploi industriel, mais les fermetures de sites sont encore nombreuses et les licenciements économiques continuent.
Monsieur le ministre, vous évoquez le superbe documentaire Nous les ouvriers consacré aux hommes et aux femmes qui ont construit notre nation. Fort bien, mais où sont les investissements massifs en faveur de l’éducation, de la formation, de l’aide à la reconversion professionnelle des nombreux ouvriers et ouvrières dont les sites ont fermé ? Il n’y aura pas de retour de l’industrie dans notre pays sans ouvriers et ouvrières qualifiés.
M. Fabien Gay. Dans le même ordre d’idée, il est inconcevable que les travailleurs et travailleuses ne soient pas davantage associés à ces grands projets de réindustrialisation.
Aucune disposition du texte ne cible la création de chaînes de valeurs ou n’évoque une plus grande implication des sous-traitants dans les processus décisionnels des entreprises donneuses d’ordres.
Volontarisme incantatoire encore, car nous ne pourrons réindustrialiser le pays contre les élus locaux et les collectivités territoriales, à l’égard desquels votre gouvernement nourrit une défiance, comme si la désindustrialisation était de leur fait. Au contraire, les élus locaux sont les premiers interlocuteurs des porteurs de projets et les plus à même d’assurer l’acceptabilité de nouveaux projets devant s’insérer dans un écosystème complexe.
Volontarisme incantatoire toujours, car il faut être capable, pour réindustrialiser, d’avoir une stratégie industrielle à même de créer des filières ou de renforcer celles qui existent déjà.
Le leitmotiv de l’attractivité de la France en termes d’investissements étrangers ne fait pas une politique industrielle. Pis, c’est prendre le risque de déposséder le pays de son appareil de production et de l’appauvrir en profondeur, car le capital étranger peut être tenté de prendre les brevets et la compétence, avant de délocaliser la production. Nous en avons malheureusement des exemples, notamment depuis votre arrivée au pouvoir.
En ce sens, sans financement pérenne en lieu et place de politiques fiscales et sociales très avantageuses pour le capital, il ne peut y avoir de réindustrialisation effective.
Or les 7 milliards d’euros d’investissements publics du programme de planification écologique annoncé pour 2023 par Mme la Première ministre devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE) sont bien en deçà des 25 milliards d’euros d’investissement qui sont nécessaires chaque année, comme le rappellent le Haut Conseil pour le climat (HCC) et le rapport Pisani-Ferry.
À cet égard, que sont devenus les milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), que sont devenus les 160 milliards d’euros d’aides que reçoivent chaque année le capital et les entreprises, sans contrepartie en termes d’emplois, de salaires ou d’investissements pour décarboner notre industrie ?
Malgré tout, vous persistez à arroser les entreprises sans conditionnalité ni contrôle. Vous continuez de mettre à disposition de grands groupes industriels plusieurs milliards d’euros supplémentaires d’argent public à travers différents dispositifs institutionnels – fonds Friches, fonds vert, France 2030, Banque des territoires… – sans aucune lisibilité.
Nous proposons donc que le Sénat se saisisse de cette question et crée une mission d’information pour déterminer si votre politique fiscale sert bien les investissements productifs ou ne vise simplement qu’à sécuriser les dividendes des actionnaires.
Pis encore, vous n’évoquez jamais les causes réelles de la désindustrialisation. Vous osez même parfois avancer que nos normes sociales ou environnementales en seraient responsables ! Pourtant, la réindustrialisation ne peut se faire contre l’environnement, contre les procédures environnementales ni contre la protection de la biodiversité.
Enfin, vous ne dites jamais rien sur la question de l’énergie ni sur celle de la réforme du marché européen de l’électricité. Or le montant de la facture d’électricité payée par les industriels a bondi de 45 % en un an ! Nous ne savons toujours pas quel sera le prix de l’électricité en 2025, lorsque le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) aura pris fin – s’il prend fin –, alors même que les industriels ont besoin d’une vision à long terme, comme l’a souligné le patron de Saint-Gobain, auditionné ce matin par la commission des affaires économiques.
De nombreuses études pointent que la hausse des prix de l’énergie fait peser une menace sur près de 6 % de l’emploi industriel en France.
Si la réindustrialisation du pays est nécessaire, seule une planification écologique globale et concertée est à même de concilier enjeux industriels, enjeux sociaux, enjeux d’aménagement du territoire et enjeux de finances publiques.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’industrie verte a fait l’objet, lundi, d’un accord entre députés et sénateurs, qui devrait lui permettre d’être définitivement adopté dès aujourd’hui.
La désindustrialisation a coûté à la France des milliers d’emplois, sans compter le savoir-faire et l’expertise qui allaient avec. Au-delà, les crises successives que nous traversons depuis plusieurs années nous ont appris que nous ne pouvions plus dépendre uniquement de nos échanges commerciaux, nos partenaires n’étant pas toujours fiables et étant, eux aussi, soumis aux aléas des crises.
Le manque de masques au début de l’épidémie de covid-19, les pénuries de médicaments qui se multiplient et, de manière générale, les difficultés croissantes d’approvisionnement en matières premières nous invitent à redéfinir notre principe de souveraineté.
Le réchauffement climatique, par-dessus tout, nous intime l’ordre de revoir notre mode de fonctionnement pour limiter au maximum nos émissions de CO2.
La décroissance n’étant ni souhaitable ni compatible avec le contexte économique actuel, il nous faut trouver un modèle de production conciliable avec la transition écologique qui nous permette de renouer avec notre tissu industriel et nos savoir-faire, tout en créant ceux de demain.
Telle est l’ambition affichée de ce projet de loi : faciliter et financer les implantations industrielles, notamment les plus vertes, réhabiliter les friches, adapter la commande publique aux enjeux environnementaux et développer l’économie circulaire.
Nous aurions pu espérer que les précédentes avancées législatives sur l’économie circulaire et la commande publique auraient déjà permis d’améliorer grandement la situation. Or, à lui seul, l’exemple de la production française de masques chirurgicaux nous démontre le contraire. Il est indispensable de donner un nouvel élan en la matière : au début de la crise du covid-19, plusieurs entreprises françaises se sont engagées dans la production de masques, répondant dans l’urgence à une priorité nationale. Or les commandes publiques se tournent de nouveau vers les productions asiatiques, à mille lieues de toute préoccupation environnementale et de la préservation de notre tissu industriel.
La taxe carbone aux frontières de l’Union européenne permettra, en ce qui concerne les matières premières les plus émettrices de CO2, de mettre sur un pied d’égalité le fait de produire au sein de l’Union ou de produire à l’extérieur puis d’importer. Elle entrera en vigueur en 2026, après plusieurs années de tractations et une première phase de test lancée au début du mois.
Espérons que l’effet contagieux attendu chez nos partenaires commerciaux sera au rendez-vous. À défaut, de nombreuses entreprises européennes pourraient ne pas survivre au déséquilibre qu’entraînera cette nouvelle taxe.
En sus d’une réflexion sur les taxes aux importations extra-européennes, nous ne pouvons faire l’impasse sur la question de la réciprocité dans la commande publique.
De nombreux États hors Union européenne – je pense, par exemple, à la Chine – favorisent très largement leurs entreprises, ne laissant aux nôtres aucune chance d’accéder à leurs marchés publics. Inversement, des entreprises chinoises, fortement subventionnées dans leur pays, gagnent des appels d’offres en France et en Europe, y compris dans des secteurs hautement sensibles et stratégiques.
Dans un contexte d’accroissement des tensions à l’échelle internationale, le renforcement de notre souveraineté industrielle passera nécessairement par des actions plus volontaristes en matière de commande publique.
Pour en revenir à ce projet de loi, si la plupart de nos amendements, adoptés au Sénat, n’ont pas été conservés, nous nous réjouissons du maintien dans le texte final d’un amendement de notre collègue Éric Gold visant à faire bénéficier de la procédure de déclaration de projet les implantations d’activités de recherche et développement dans les technologies favorables au développement durable.
Les mesures de requalification des friches permettront de faciliter la reprise de ces sites par des industries moins carbonées.
Le plan d’épargne avenir climat est une mesure de financement intéressante, même si l’on peut s’interroger sur le fait de faire reposer le financement des industries de demain sur les nouvelles générations.
Les autres dispositions financières, notamment un crédit d’impôt pour les investissements en faveur de l’industrie verte, sont renvoyées au projet de loi de finances pour 2024.
En résumé, le titre ambitieux, mais mal défini, de ce projet de loi aboutit à un timide verdissement de l’industrie, avec des dispositions qui font consensus, mais qui demeurent essentiellement techniques.
Dans un contexte d’instabilité diplomatique et de tensions croissantes sur les matières premières, il manque encore une vision globale et de vraies incitations à économiser les ressources. Il manque également une réflexion de fond sur la formation et l’attractivité de ces métiers, alors que l’industrie peine à attirer des candidats.
Ce texte traduit toutefois la prise de conscience de l’État sur le problème de la désindustrialisation, après la mise en place de Territoires d’industrie ou encore la baisse des impôts de production.
Aussi, bien qu’ils attendent des dispositions plus ambitieuses, les membres du groupe RDSE soutiendront ce texte et voteront en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Christian Bilhac applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi ce texte est-il important pour l’avenir de notre industrie et de notre pays ? Parce qu’il s’agit d’accompagner la vague d’industrialisation qui souffle sur la France pour en faire la championne en Europe de l’industrie verte.
À l’impérieuse nécessité de décarboner notre société s’ajoute la priorité de réindustrialiser notre pays. Après quarante ans de désindustrialisation et d’appauvrissement de régions entières, nous devons rattraper ce retard et recréer des emplois en France pour garantir notre souveraineté dans de multiples secteurs – des médicaments aux transports en passant par le textile.
Aujourd’hui, face à l’urgence climatique, la réindustrialisation est pour nous tous une évidence.
Une évidence économique d’abord, car l’on sait que l’activité industrielle fait vivre non seulement toute une chaîne de valeur, mais aussi les territoires où elle est implantée. En outre, le développement de l’industrie est le meilleur moyen de résorber le déficit commercial de notre pays.
Une évidence écologique surtout, car la suppression des émissions dues aux transports permet un gain écologique, de même que la maîtrise, le contrôle et l’approvisionnement de la chaîne de production. Il est utile de rappeler ici que l’Europe, et la France en particulier, a l’une des réglementations environnementales les plus avancées au monde.
Une évidence en matière de souveraineté enfin, face à la diversification et à l’intensification des risques. La crise sanitaire nous l’aura rappelé.
La réindustrialisation ne peut se faire selon la logique du « tout rendement » et de la consommation de masse aveugle. Elle doit tenir compte des enjeux actuels, à savoir la lutte contre le dérèglement climatique et l’adaptation à ses conséquences.
Dès 2017, le Gouvernement a pris le sujet à bras-le-corps, en investissant dans l’innovation et en attirant les investisseurs. Depuis quatre ans, la France est le pays européen qui reçoit le plus d’investissements.
Depuis six ans, nous créons plus d’usines que nous n’en fermons. Nous créons plus d’emplois dans l’industrie que nous n’en détruisons, à l’image de Dunkerque, où des milliers d’emplois seront créés dans le secteur des batteries électriques. À cet égard, je n’oublie pas, bien entendu, la start-up grenobloise Verkor, très performante en la matière.
Bien entendu, ce n’est pas suffisant ! C’est la raison pour laquelle nous devons encourager davantage la décarbonation industrielle, tout en accélérant la création d’emplois.
Le groupe RDPI se réjouit donc de cette commission mixte paritaire conclusive, qui permettra de gagner du temps du point de vue administratif, afin d’atteindre notre objectif, à savoir une réduction de nos émissions de 41 millions de tonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2030.
Le Parlement peut être fier de cette nouvelle commission mixte paritaire conclusive ! Avec cette version finale du projet de loi, la réduction des délais d’implantation d’usines sera considérable. Elle passera de 17 mois à 9 mois, grâce à deux dispositions : d’une part, les phases d’instruction et de consultation du public seront menées en parallèle ; d’autre part, les 100 équivalents temps plein supplémentaires créés dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement permettront d’instruire plus vite les dossiers.
Enfin, mes chers collègues, j’ai à l’esprit le point particulier de l’article 9 et de la procédure spécifique pour les projets d’intérêt national majeur. Je me réjouis que notre amendement, rejeté en séance au Sénat, ait été accepté comme compromis par la commission mixte paritaire, pour associer les maires des communes concernées avant le lancement de ces projets, de manière à recueillir leurs avis et leur accord sur le bien-fondé d’un projet dans un territoire.
Il est impératif que les élus locaux soient dès le début étroitement associés à la procédure. Le pragmatisme et la nécessité d’attirer des investisseurs sur des montants considérables et avec des enjeux globaux nécessitent de leur donner de la visibilité.
Ce texte de compromis permet enfin de faciliter l’implantation et le développement de sites industriels. Il permet de financer l’industrie verte en mobilisant l’épargne privée. Il favorise également les entreprises vertueuses, par le biais de la commande publique responsable.
Aussi, mes chers collègues, le groupe RDPI votera cette version finale avec enthousiasme et responsabilité ! La réindustrialisation est en marche, c’est une réalité. En votant ce texte, nous accélérons le rythme pour une réindustrialisation durable et fulgurante.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aborderai la lecture des conclusions de cette commission mixte paritaire par deux approches.
La première s’en tiendra au périmètre strict du texte, la seconde prendra en considération le contexte de transition qui s’impose à nous tous en matière de production et de modèle productif.
Concernant le texte, sur le fond, les faiblesses que nous avions soulignées en première lecture demeurent. Nous avions regretté que l’industrie verte ne soit pas définie et que ce projet de loi soit en réalité centré sur l’accélération des procédures d’instruction et de mise en chantier des quelques dizaines de sites ciblés.
La lecture de l’Assemblée nationale n’a donc pas permis de définir ce que le Gouvernement entend par « industrie verte ». La commission mixte paritaire a conservé l’amendement que notre groupe avait déposé et visant à ce que soit définie une stratégie nationale pour l’industrie verte. La représentation nationale devrait pouvoir en débattre. Pourtant, rien n’est moins sûr à ce stade.
Nous voulions aussi que le développement de ces sites industriels soit conditionné par l’avis des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) potentiellement concernés. Tel sera le cas. Les communes ne pourront être contraintes, ce qui est une bonne chose !
Je souligne aussi que, sur proposition de notre ancienne collègue Angèle Préville, que je tiens ici à remercier, nous n’exporterons plus de vêtements usagés ne pouvant être traités que comme des déchets.
A contrario, la prise en compte des entreprises contribuant à la chaîne de valeur des productions réalisées sur ces sites industriels prioritaires n’a pas été englobée dans le projet de loi.
Le texte de la commission mixte paritaire a été expurgé de toute référence au programme Territoires d’industrie, pour lequel nous avions obtenu un rapport de bilan au Sénat : c’est regrettable, monsieur le ministre.
Par la suppression de l’article 4 A, le secteur de l’économie circulaire, qui fait partie intégrante de l’industrie verte, a également été évacué !
Par ailleurs, nous estimons que l’article 11 bis A relatif aux ombrières photovoltaïques de parking est inapplicable. Vous nous direz peut-être sur quel fondement juridique vous allez interdire l’approvisionnement en panneaux photovoltaïques en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne !
Pour le titre III relatif au financement de ce texte, c’est le grand flou ! Des interrogations de fond, que la commission mixte paritaire a même aggravées, demeurent. Nous ne savons toujours pas ce que sont les « titres financiers concourant à la transition écologique ». Il n’existe pas de définition. Comment sont-ils sélectionnés ? On ne le sait pas ! On nous renvoie à un décret, ce qui signifie que la représentation nationale sera écartée de la discussion sur ce sujet. Il me semble pourtant qu’elle a toute sa place dans le débat relatif aux transformations de la finance, qui doit s’adapter à la transition écologique. Encore une occasion manquée !
Dans la même veine, à l’article 15 bis, l’obligation de transmission des documents relatifs à la durabilité des productions a été supprimée en commission mixte paritaire.
Enfin, le Say on climate, comme on dit en bon gascon, proposé à l’article 18 bis par votre propre majorité, monsieur le ministre, a été supprimé par la commission mixte paritaire. Pourtant, ce dispositif ne consistait qu’à recueillir, en assemblée générale, par un vote non contraignant, l’avis des actionnaires à propos de la stratégie climat de leur entreprise.
Que reste-t-il d’efficace dans ce titre III ? Pas grand-chose de significatif !
Après le texte, j’en viens au contexte. Comme je l’ai dit en première lecture, il est urgent, monsieur le ministre, de nous interroger sur la nature de l’économie dont la France a besoin, dans le cadre d’une situation de transition vers la fin de la civilisation du thermofossile.
Le volet « mieux produire » de la planification écologique que vous venez de rendre publique nécessite un débat et des politiques publiques adaptées.
Ces dernières doivent conduire à une véritable « renaissance industrielle ». Les spécialistes, quand on les écoute, nous disent que le monde de demain sera hyperindustriel, centré sur les services à la personne et privilégiera l’usage par rapport à la propriété.
Ce n’est pas uniquement une affaire de stratégie d’entreprise, même si, bien entendu, c’est aussi cela ! Mais c’est surtout une question de souveraineté nationale, d’autonomie stratégique pour nombre de secteurs essentiels à la vie de nos concitoyens.
Les États-Unis apportent un soutien stratégique à leurs entreprises, et ce depuis toujours. Je pense aux agences Darpa et Barda, ainsi qu’à l’Inflation Reduction Act, l’IRA. C’est la même chose pour les Chinois, dont la stratégie de puissance est assumée. Elle fait fi des règles de concurrence promues ad nauseam par l’Union européenne ou l’OMC, pour ce qui lui reste d’influence.
Quelle est la politique de soutien du Gouvernement français en matière d’offre économique d’avenir dans le contexte de la transition écologique ? Telle est la question. Or, à cet égard, la présentation publique de la planification écologique par le Président de la République ne nous a pas rassurés. La France avait besoin d’un grand récit mobilisateur, nous avons eu droit à un exposé craintif à l’égard des Français !
Le projet de loi relatif à l’industrie verte n’aborde pas du tout ce sujet absolument fondamental de l’économie du XXIe siècle. C’est une faiblesse supplémentaire, qui conduira le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à s’abstenir, en attendant que les sujets de fond soient soumis à notre débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour le groupe Les Républicains.
M. Fabien Genet. Madame la présidente, quelle émotion de s’exprimer sous votre présidence ! Nous ne doutons pas que la bienveillance qui fut la vôtre pour traiter les maux de l’économie ne se transforme en bienveillance quant à l’économie de nos mots sur laquelle vous veillez désormais… (Sourires.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, j’aimerais à mon tour saluer le travail collectif mené par notre Haute Assemblée sur le projet de loi relatif à l’industrie verte, dont l’examen s’achève aujourd’hui. J’aimerais tout particulièrement remercier le rapporteur de la commission des affaires économiques, Laurent Somon, dont les capacités d’écoute et de dialogue, mais aussi de négociation, ont contribué à la qualité du texte, ainsi que mes deux collègues rapporteurs, Christine Lavarde et Jean-Yves Roux, pour la commission des finances et la commission des lois.
Je salue également le ministre Roland Lescure pour la qualité des débats que nous avons eus dans cet hémicycle.
Je me félicite du travail accompli ces dernières semaines avec nos homologues de l’Assemblée nationale. En première lecture, les députés avaient certes conservé une partie de nos apports et enrichi le texte avec des compléments intéressants. Mais un certain nombre de suppressions, d’ajustements et d’ajouts nous posaient des difficultés importantes. Les négociations engagées avec les rapporteurs de l’Assemblée nationale nous ont permis de lever une partie de ces difficultés, ouvrant la voie à un accord entre nos deux chambres.
En première lecture, dans le champ des articles qui étaient dévolus à notre commission, nous avions souhaité garantir l’intégrité environnementale du projet de loi, tout en renforçant sa sécurité juridique. C’est avec ces mêmes objectifs en tête que nous avons contribué, à la faveur de la commission mixte paritaire, à ajuster le texte qui avait été adopté par les députés.
J’aimerais mettre en exergue quelques améliorations importantes sur les articles qui continuaient de nous poser des difficultés. À l’article 4, des dispositions contraires au droit européen et présentant des risques environnementaux importants en matière de gestion des déchets ont été supprimées ou ajustées sur notre initiative.
L’article 9 bis AA, qui créait un mécanisme d’évaluation environnementale des projets d’intérêt national majeur tout au long de leur vie, en lieu et place de l’évaluation environnementale ex ante, faisait peser un réel risque juridique sur les porteurs de projet, à rebours de l’objectif d’accélération et de simplification recherché. Après de riches échanges avec l’Assemblée nationale, nous avons supprimé cet article.
Enfin, l’article 11 bis A revenait sur les obligations de solarisation des parkings et des bâtiments non résidentiels existants, pour partie introduites par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur l’initiative de Didier Mandelli, dans la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cet article faisait ainsi peser un risque sur notre sécurité énergétique, en ouvrant la possibilité aux personnes assujetties de contourner leurs obligations. La rédaction adoptée par la commission mixte paritaire limite cet effet d’aubaine, tout en envoyant un signal fort en faveur d’une production de panneaux solaires sur le sol européen, production que nous devons soutenir.
Les conditions sont donc réunies pour l’adoption consensuelle de ce projet de loi, dont mon groupe et moi-même partageons les objectifs, à l’heure où l’état du monde et l’évolution du climat nous rappellent l’urgence à relocaliser, d’une part, et à décarboner, d’autre part.
Cette urgence commande certes d’accélérer, mais sans confondre vitesse et précipitation, car, à trop multiplier les procédures dérogatoires, ce sont les risques contentieux que l’on augmente. Il s’agit là d’ailleurs d’un frein réel au développement, qui mériterait d’être mieux pris en compte.
Naturellement, il faut accélérer, en coopération étroite avec les collectivités locales et les acteurs des territoires, car leur appui, monsieur le ministre, est toujours un accélérateur !
Ne nous leurrons donc pas : ce texte est loin de la « révolution » annoncée par le Gouvernement. Réindustrialiser et décarboner notre économie nécessite plus qu’un projet de loi. De nombreux autres leviers devront être activés pour adapter notre pays et son économie aux réalités du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)