M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la ministre des solidarités et des familles, le dynamisme de la natalité française a longtemps été une exception, voire un modèle.
Pourtant, comme dans tant d’autres domaines, la France décline. Depuis 2011, la natalité est en chute libre dans notre pays, et vous regardez ailleurs ! L’Insee vient malheureusement de confirmer une nouvelle baisse de la natalité. L’année 2023 pourrait être la pire depuis 1945, puisque l’on compterait à peine 700 000 naissances dans notre pays.
Les raisons en sont bien connues : le démantèlement de la politique familiale sous François Hollande, la baisse du quotient familial et de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), la modulation des allocations familiales selon les revenus parentaux, le plafonnement des ressources, l’insuffisance du congé parental, etc.
Depuis 2017, malgré diverses annonces, rien n’a été fait pour soutenir les familles et leur redonner confiance.
Les promesses de création de places en crèche ont été rendues vaines par l’étranglement financier des communes, le personnel qualifié manque et les prestations familiales ont été gelées.
Au fond, en perdant son universalité, la politique familiale est devenue essentiellement sociale et ne compense plus la charge de l’entretien et de l’éducation de l’enfant.
L’accueil d’un enfant nous engage et repose sur la manière dont nous nous projetons dans l’avenir. L’emploi, le logement, la sécurité financière et l’anxiété liée au climat relèvent donc aujourd’hui de votre responsabilité. Cette chute de la natalité vous préoccupe ; elle devrait vous obséder !
Il y va de la survie de la France, ni plus ni moins. Relever le défi de la natalité, revient, certes, à préserver notre modèle social, à faire perdurer notre culture et notre identité, mais aussi, et surtout, à demeurer maîtres de notre destin national.
Au vu de tous ces enjeux, la politique familiale devrait assurément redevenir une priorité nationale.
Madame la ministre, vous partagez peu ou prou ce constat. Quelles actions concrètes envisagez-vous pour contrer le déclin démographique de la France ? À quand une véritable politique familiale, à la fois généreuse et ambitieuse, qui soutienne toutes les familles et renoue avec notre histoire et avec notre modèle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la famille.
Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous adresser mes félicitations pour votre élection. (Murmures sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et nous ?
Mme Aurore Bergé, ministre. Je pourrais reprendre les propos que vous avez tenus, non pas peu ou prou, mais bien dans leur intégralité.
Vous avez raison, la baisse de la natalité dans notre pays devrait tous nous obséder. Aux grandes transitions qui se présentent à nous, notamment écologique et énergétique, s’ajoute la transition démographique. Nous faisons face au choc démographique, avec le vieillissement de la population, et, simultanément, nous ne pouvons méconnaître le péril que représente la baisse de la natalité que nous observons depuis 2011.
C’est pourquoi nous devons réaffirmer ce que doit être la politique familiale dans notre pays : une assistance universelle, au service de toutes les familles, venant à l’appui de la démographie et de la natalité.
Tel est l’objectif premier de la politique familiale qui a été conçue et élaborée dans l’après-guerre et avec laquelle nous devons incontestablement renouer – en tout cas, telle est la mission que le Président de la République et la Première ministre m’ont confiée.
Nous devons donc non seulement agir sur les prestations familiales, afin que celles-ci, avant de corriger les inégalités, soutiennent l’ensemble des familles de notre pays, mais agir aussi sur les freins périphériques manifestes qui perdurent. Ceux-ci expliquent que le désir d’enfant dans notre pays n’est pas en adéquation avec le nombre d’enfants qu’ont les Français.
Cette situation a des causes sanitaires, par exemple. Ainsi, l’infertilité ne doit plus être un tabou dans notre pays, et nous devons mettre en œuvre une véritable politique sur ce sujet.
Mme Laurence Rossignol. C’est vrai !
Mme Aurore Bergé, ministre. La question de la garde se pose également, car trop de familles ne parviennent pas à concrétiser leur désir d’enfant en raison de leurs inquiétudes en la matière. Nous souhaitons également porter une réforme du congé parental, pour faire en sorte que les familles disposent de plus de temps avec leurs enfants.
Bref, c’est un chantier majeur que nous devons ouvrir, et j’espère pouvoir le faire avec vous, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation dans la bande de gaza et conséquences du conflit sur la situation intérieure de la france
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre de l’intérieur, ma question concerne le Hamas, une organisation terroriste fondée par la confrérie des Frères musulmans. En France comme en Israël, ces derniers massacrent sans pitié hommes, femmes et enfants.
Les Frères musulmans, qui vivent parmi nous en raison de la folle politique d’immigration que vous avez tous ici soutenue, mes chers collègues, par faiblesse ou par conviction (Mmes et MM. les sénateurs des groupes CRCE-K, SER et GEST se lèvent et quittent progressivement l’hémicycle.), doivent être traités comme en Israël, avec une réplique à la fois radicale et impitoyable.
Si certains s’y refusent, je le dis quant à moi clairement : ma haine, ils l’ont ! Cette guerre nous a été déclarée par les islamistes il y a des années. Il y a dix ans déjà, un de leurs soldats assassinait des enfants dans une école juive et des militaires à Toulouse et à Montauban. Depuis lors, des jeunes, des caricaturistes, des prêtres, des femmes libres, des policiers et un professeur ont été massacrés sur notre sol.
Ils assassinent méthodiquement et froidement tous ceux qui font la France, tout ce qui fait notre civilisation, car c’est bien d’une guerre de civilisation qu’il s’agit.
Ici comme à Marseille, je dénonce depuis des années les conséquences de votre immigrationnisme et les activités des islamistes dans ma ville, depuis ces mosquées assujetties aux Frères musulmans jusqu’aux collèges financés par l’Arabie saoudite. Qu’en avez-vous fait, monsieur le ministre ? Rien. Ils continuent de prospérer grâce à l’immigration massive et à sa natalité toujours plus conquérante.
Aussi, puisque, en matière d’antisémitisme et, plus globalement, de protection de tous les Français, vous êtes censé ne rien laisser passer, allez-vous dissoudre les Frères musulmans, ainsi que tous les organismes, toutes les mosquées et toutes les associations qui se réclament de cette idéologie ?
À cette réplique immédiate, il faut ajouter une politique de fond. Allez-vous enfin non seulement arrêter, mais même inverser le courant de l’immigration, laquelle alimente, on le sait, le soutien au Hamas chez nous ?
Allez-vous expulser tous les étrangers qui appuient le Hamas ?
Allez-vous ordonner la dissolution de tous les collabos du Hamas, des Indigènes de la République au NPA, le Nouveau parti anticapitaliste, de l’Union départementale CGT 13 au syndicat Sud, en passant par l’organisation de jeunesse des communistes de mon département, pourtant sous l’autorité de l’un de nos collègues, M. Jérémy Bacchi ? Allez-vous mettre hors d’état de nuire cette cinquième colonne ?
Chez nous, monsieur le ministre, la gangrène est déjà partout. Or, la gangrène, on l’élimine ou on en crève !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Ravier, les moments que nous vivons sont terribles pour ceux qui subissent dans leur chair les attaques terroristes du Hamas en Israël, pour ceux qui s’inquiètent pour leur famille et bien sûr pour nos compatriotes de confession juive sur le territoire national – je rappelle qu’il s’agit de la première communauté d’Europe et de la troisième du monde.
Dès lors, peut-être pourrions-nous tous, et ce propos s’adresse autant à vous-même qu’à La France insoumise, éviter de dresser des parallèles politiciens pour importer sur notre sol le conflit désastreux et ignoble qui touche Israël ?
Il s’agirait alors d’agir en responsables politiques, plutôt que de chercher à exploiter les problèmes, comme vous le faites manifestement.
Alors que des bébés, des femmes et des vieillards sont massacrés, la décence commanderait de cesser, ne serait-ce que quelques instants, de faire des tracts en faveur de M. Éric Zemmour. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Ravier. C’est une non-réponse ! Les Français apprécieront, monsieur le ministre.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 18 octobre à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sophie Primas).
PRÉSIDENCE DE Mme SOPHIE PRIMAS
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion du 5 octobre 2023, un avis favorable, avec 39 voix pour, à la reconduction de Mme Virginie Schwarz aux fonctions de présidente-directrice générale de Météo-France.
6
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – Ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire
Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et du projet de loi organique (texte de la commission n° 14, rapport n° 12) et du projet de loi organique relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (texte de la commission n° 13, rapport n° 12).
La conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l’objet d’explications de vote communes.
La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Dominique Vérien applaudit également.)
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme de la navette parlementaire pour l’adoption de ces deux projets de loi, qui visent à donner un nouveau souffle à une institution judiciaire en mal de confiance.
La justice française n’est en effet pas épargnée par la défiance à l’égard des institutions. Les six réformes législatives votées ces dernières années n’ont pas réussi à endiguer le malaise persistant mis en exergue par la « tribune des 3 000 ».
En réponse, les États généraux de la justice ont permis une large concertation, qui a tracé des pistes de réforme dont ces deux textes sont, en partie, la traduction législative.
Le Sénat a abordé leur examen dans un état d’esprit mêlant exigence, réalisme et pragmatisme, avec pour seul objectif de donner à la justice les moyens d’être la plus efficace possible, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Aujourd’hui, à l’issue de la commission mixte paritaire, nous vous soumettons un texte de compromis équilibré, qui comprend de nombreuses avancées introduites par le Sénat.
Concernant le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, nous nous félicitons que nos collègues députés nous aient rejoints sur certains points qui nous tenaient à cœur.
Il en est ainsi du recrutement de 1 800 greffiers, chevilles ouvrières de nos juridictions, lesquelles ne peuvent fonctionner sans ces hommes et ces femmes, souvent dans l’ombre, dont le rôle est primordial pour rendre la justice aux côtés des magistrats. C’est pourquoi il nous est apparu essentiel de conserver, dans les recrutements à venir, le ratio de 1,2 greffier pour 1 magistrat.
Par ailleurs, nous formons le vœu que les négociations en cours sur les revalorisations statutaires et de rémunération des greffiers aboutissent rapidement, pour assurer la juste reconnaissance de cette profession utile, mais souvent peu attractive.
La nécessité d’un danger imminent pour justifier les perquisitions de nuit, obtenue sur l’initiative de notre collègue Guy Benarroche, a également été conservée, de même que la reconnaissance d’un privilège légal pour les juristes d’entreprise à l’article 19, la participation des agriculteurs comme assesseurs au tribunal des activités économiques (TAE), l’inclusion dans le champ de compétence de ceux-ci de l’ensemble des associations ou, enfin, le rôle de conciliation des commissaires de justice dans le cadre de la procédure de saisie des rémunérations.
Dans le projet de loi organique, les dispositions adoptées visent principalement à ouvrir les recrutements dans le corps judiciaire, à renforcer les modalités d’évaluation des magistrats et à mieux définir leurs responsabilités.
L’élaboration d’une charte de déontologie, l’inscription de la parité dans la composition des jurys professionnels et le renforcement des sanctions, adoptés sur l’initiative du Sénat, confortent ces objectifs.
De plus, à l’heure où la ligne rouge de l’impartialité de l’expression publique des magistrats a été franchie à plusieurs reprises, le Sénat a souhaité inscrire ce principe à l’article 10 de l’ordonnance statutaire. Ainsi, sans porter atteinte à leur liberté syndicale, constitutionnellement garantie, leur expression publique « ne saurait nuire à l’exercice impartial de leurs fonctions ni porter atteinte à l’indépendance de la justice ».
L’adoption de ces projets de loi organique et ordinaire ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au Gouvernement. Notre travail de contrôle parlementaire devra se poursuivre durant le quinquennat, afin de nous assurer que les engagements pris, notamment dans le volet programmatique du rapport annexé, atteignent leurs objectifs.
Nous serons particulièrement attentifs à ce que les recrutements promis confèrent de véritables moyens humains supplémentaires aux juridictions, et cela dans des délais raisonnables.
Nous veillerons également, au moment de la réforme du code de procédure pénale, à ce que celle-ci ne se limite pas à une simplification du plan de cet ouvrage, mais donne bien lieu à une réelle refonte des procédures.
Soyez assuré, monsieur le garde des sceaux, que le Sénat exercera un contrôle exigeant sur la mise en œuvre concrète de l’ensemble de ces dispositions que je vous propose, mes chers collègues, d’adopter aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Dominique Vérien et Patricia Schillinger applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, alors que je reviens devant la Haute Assemblée pour la première fois depuis son renouvellement de septembre dernier, de féliciter l’ensemble des sénatrices et des sénateurs élus ou réélus.
Vous le savez, je ne m’en suis jamais caché, j’ai toujours nourri un profond attachement pour le bicamérisme. Je me réjouis donc de poursuivre nos travaux avec un Sénat renouvelé de moitié.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes presque arrivés au bout du chemin.
Il y a quelques jours, j’échangeais assez librement avec des magistrats, et l’un d’entre eux m’a fait cette confidence : « Monsieur le ministre, je suis sûr que, un jour, des politologues, des historiens peut-être, se pencheront sur les décennies qui ont précédé et se demanderont comment une grande démocratie comme la France, berceau de l’État de droit, a pu pendant tant d’années laisser à l’abandon l’institution qui se trouve au fondement même de notre contrat social. » Pour ne rien vous cacher, il me semble qu’il a raison !
Bien sûr, cela semble presque impensable aujourd’hui, alors que nous débattons d’une loi de programmation qui portera le budget de la justice à près de 11 milliards d’euros, mais la question mérite d’être collectivement posée : comment, pendant tant de temps, a-t-on pu donner toujours moins, ou si peu, en demandant toujours plus à nos magistrats, à nos greffiers et à nos agents pénitentiaires ?
La question est d’autant plus lancinante que l’on a fait d’eux, dans le même temps, le réceptacle de toutes les colères et de toutes les frustrations.
Cette loi de programmation ne sort pas de nulle part. Si la justice a fait les frais d’un manque de volonté politique pendant si longtemps, ce n’est désormais plus le cas. Le Président de la République, la Première ministre et son prédécesseur ont fixé un cap clair et nous ont donné les moyens d’atteindre notre objectif.
Cette loi de programmation et cette loi organique proviennent ensuite des États généraux de la justice, exercice démocratique sans précédent, au cours duquel tout le monde a eu voix au chapitre, notamment vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, par l’intermédiaire du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, que je veux ici très chaleureusement saluer.
Le président Larcher avait par ailleurs organisé à la même période, au nom du Sénat, l’Agora de la justice, et nous avions bien pris note de certaines des conclusions de ses travaux.
J’entends souvent qu’un morceau avalé n’a plus de saveur, mais permettez-moi de rappeler que ce projet de loi de programmation et ce projet de loi organique interviennent après les hausses déjà massives des moyens engagées depuis plusieurs années. Mais je ne vous apprends sans doute rien, puisque le Sénat a voté les trois derniers budgets de la justice.
Beaucoup a déjà été fait : 40 % de hausse du budget de la justice depuis 2017 ; quelque 700 magistrats, 850 greffiers et 2 000 contractuels supplémentaires embauchés sous le précédent quinquennat. Cela nous a permis de mener à bien un déstockage historique, notamment en matière civile, de l’ordre de 30 %.
Il nous fallait aller plus loin. Les États généraux l’ont constaté, et je le savais moi-même depuis longtemps, comme beaucoup d’avocats d’ailleurs, après avoir passé près de trente-cinq ans à sillonner la France de juridiction en juridiction.
Oui, il nous fallait aller plus loin pour restaurer la place de la justice à la hauteur de la mission fondamentale qui est la sienne, de l’engagement de ceux qui la servent et, surtout, des attentes des Français, au nom desquels, ne l’oublions jamais, elle est rendue.
L’accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière ouvre la voie à cette nouvelle étape décisive.
Je veux ici saluer le travail remarquable en tout point de vos deux rapporteures, qui sont par ailleurs de fines connaisseuses des questions de justice.
Je vous remercie, mesdames les rapporteures Canayer et Vérien, d’avoir enrichi significativement ces textes, qui sont meilleurs aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier. C’est là tout le rôle du Parlement, qu’il est toujours dangereux de sous-estimer.
Dans leurs efforts, vos rapporteures ont été rejointes par des parlementaires de tous les groupes, intéressés par les questions de justice. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
Je tiens également à vous féliciter, monsieur le président de la commission des lois, pour avoir toujours porté une attention particulière aux enjeux de justice. Dussé-je vous faire rougir, votre réélection à la tête de la vénérable commission des lois du Sénat constitue un gage indiscutable pour l’avancée des réformes à mener. Permettez-moi donc, au nom du Gouvernement que je représente ici, de vous féliciter de manière républicaine, mais sincère.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. N’en faites pas trop ! (Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Certains n’en font pas assez, d’autres en font un peu trop, madame la sénatrice !
Venons-en au détail du texte approuvé par la commission mixte paritaire.
Parmi les mesures qui ont fait l’objet d’un accord final, je souhaite m’arrêter sur le nombre de greffiers que nous recruterons dans les cinq prochaines années.
Sous le contrôle de Mmes les rapporteures, je puis dire qu’il s’agissait d’un point important de nos discussions avec la chambre haute. Si j’ai d’abord fait montre de prudence sur ce sujet, c’est surtout parce que l’enjeu, pour moi, est de savoir non pas si le ministère de la justice va recruter, mais comment il va réussir à le faire pour l’ensemble des postes que nous programmons.
Il ne suffit pas de voter une loi, il faut l’exécuter, et ma préoccupation de tous les instants est d’exécuter cette loi de programmation au plus près de la volonté du législateur. Je vous le dois, comme à tous nos concitoyens.
C’est pourquoi il était important de nous assurer que le chiffre finalement arrêté ne soit pas destiné à rester un vœu pieux.
Nous recruterons bien dans les cinq prochaines années 1 800 greffiers, apportant ainsi la démonstration indiscutable de l’attachement que nous leur portons, car sans eux il ne saurait y avoir de justice.
Concernant le corps du greffe, j’ajoute que le dialogue social se poursuit de manière constructive et devrait aboutir très prochainement, avec la création de greffiers de catégorie A, qui représenteront une part tout à fait significative – 25 % – du corps, et la revalorisation salariale des greffiers de catégorie B. Il s’agit là d’une avancée inédite et de la définition d’un parcours de carrière attractif pour cette profession essentielle.
Concernant les moyens supplémentaires que l’accord en commission mixte paritaire est venu consacrer, je veux souligner que le budget pour 2024 qui a été présenté il y a quelques jours respecte à la lettre cette loi de programmation, avant même l’adoption définitive de celle-ci. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, je ferai de l’exécution de cette loi de programmation un combat de tous les instants.
Nous nous engageons concrètement sur la trajectoire du plan d’embauche, puisque nous recruterons, en 2024, 327 magistrats, 340 greffiers, 400 attachés de justice. Tous ces postes, comme l’ensemble des 1 500 magistrats, des 1 800 greffiers et des 1 100 attachés de justice, feront l’objet d’un recrutement en complément des remplacements des départs à la retraite. Pour être clair, créer 1 500 postes de magistrat supplémentaires nécessitera en réalité le recrutement de 2 800 magistrats.
Je vous annonce également que la revalorisation de la rémunération des magistrats à hauteur de 1 000 euros en moyenne sera, elle aussi, effective dès la fin du mois sur leur fiche de paie.
Je confirme de même la mise en place de la revalorisation inédite des métiers pénitentiaires, qui passeront à compter du 1er janvier en catégorie B, tandis que les officiers passeront en catégorie A, avec des revalorisations catégorielles en parallèle.
Vous l’avez compris, l’ensemble de ces revalorisations visent à renforcer l’attractivité des métiers de justice, attractivité sans laquelle il nous sera impossible de recruter à la hauteur de nos ambitions. C’est là toute la cohérence de cette programmation.
La hausse des moyens profitera à deux autres chantiers essentiels à mes yeux.
Le premier chantier est l’accélération de l’indispensable transformation numérique du ministère. Je pense notamment à la procédure pénale numérique qui simplifie profondément le travail des enquêteurs, des magistrats, des greffiers et qui se déploie à vitesse grand V, puisque désormais 150 000 procédures pénales sont transmises tous les mois par voie dématérialisée du commissariat ou de la brigade vers le tribunal, soit 300 fois plus qu’en 2020, et cela va continuer.
Le second chantier est l’accroissement et la rénovation du parc immobilier du ministère de la justice.
Cela suppose tout d’abord un investissement important dans l’immobilier judiciaire, notamment pour accueillir les nouveaux recrutements. Il y a quelques jours, j’ai par exemple annoncé, lors d’un déplacement à Brest, une extension de la cité judiciaire.
Cela passe aussi, bien sûr, par la poursuite du plan immobilier pénitentiaire de 15 000 nouvelles places de prison. Vendredi dernier, je me suis rendu à Caen avec la Première ministre pour inaugurer la nouvelle prison de Caen-Ifs, qui compte près de 150 places. Durant le seul mois d’octobre, j’inaugurerai près de 1 000 nouvelles places de prison. Celles-ci sont indispensables à l’effectivité de la réponse pénale, que je veux ferme, mais sans démagogie.
Ces places de prison sont également indispensables à l’amélioration des conditions de travail et de sécurité de nos agents pénitentiaires, auxquels je veux rendre hommage, et, bien sûr, à l’amélioration des conditions de détention, qui – disons-le sans ambages – sont parfois indignes.
Ces hausses de moyens visent un objectif simple mais ambitieux : je veux diviser par deux l’ensemble des délais de justice d’ici à 2027. Il est en effet indispensable que, de manière très concrète, ces hausses budgétaires puissent directement améliorer le fonctionnement de la justice et la qualité du service public rendu au justiciable, comme nous commençons à le percevoir grâce aux moyens déployés dans les précédentes lois de finances.
Je veux être clair : il faut désormais aller plus loin et que chacun prenne toute sa part à cet effort collectif. Les Français ne comprendraient pas que l’État consacre autant d’argent à notre justice sans que ces moyens améliorent concrètement le service public de la justice qui leur est rendu. Les efforts des contribuables et, je l’espère, la confiance du Parlement nous obligent à des résultats. Ceux-ci ne pourront être atteints qu’avec la mobilisation de tous.
Les acteurs du monde judiciaire ont pu compter sur moi pour décrocher ces moyens historiques.
Les acteurs du monde judiciaire ont pu compter sur le Parlement pour les adopter.
Je sais pouvoir compter sur eux pour que ces moyens attendus et mérités au regard de leur engagement aient rapidement des effets concrets pour les justiciables. C’est un impératif, car il y va de la crédibilité de notre justice aux yeux de tous les Français.
Je veux rappeler ici les mots du président Sauvé : « Tout ne se résume pas à une question de moyens. » Telle est la raison pour laquelle, en sus des moyens, ces textes contiennent des mesures concrètes de réforme de notre justice dans tous les domaines – pénal, civil, commercial, etc.
Je souhaite à ce sujet m’arrêter un instant sur les enjeux de simplification, notamment de la procédure pénale.
Permettez-moi tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de saluer le chantier inédit que va constituer la refonte complète du code de procédure pénale. C’est un travail attendu par tous les professionnels de la chaîne pénale, des magistrats aux forces de l’ordre, en passant par les greffiers et les avocats.
Comme je m’y étais engagé, si le Sénat confirme son vote dans quelques minutes, j’écrirai dès la promulgation de la loi de programmation aux présidents des deux assemblées pour que chaque groupe politique désigne son représentant au sein du comité de suivi parlementaire, dont seront par ailleurs membres de droit les présidents de la commission des lois de chaque chambre.
En termes de simplification des procédures, je vous annonce par ailleurs que le décret portant la réforme de l’amiable, tant attendue et inscrite dans le rapport annexé, entrera en vigueur le 1er novembre.
De même, la refonte de la procédure d’appel est en cours, en lien avec les avocats et les magistrats. Elle entrera prochainement en vigueur.
Je pense également aux enjeux d’organisation, avec la parution prochaine de textes qui feront, madame le rapporteur Canayer, la part belle à la déconcentration afin de donner plus d’autonomie aux chefs de cours. À titre d’exemple, je tiens à rappeler que, pour la première fois dans l’histoire du ministère, nous avons donné mandat aux chefs de cour pour répartir les 1 500 magistrats supplémentaires entre les juridictions de leur ressort, car ce sont eux qui ont la connaissance la plus fine du terrain.
Je pense enfin, madame la rapporteure Vérien, à l’organisation spécialisée des juridictions en matière de lutte contre les violences intrafamiliales, puisque le décret créant les pôles spécialisés est en cours d’examen par le Conseil d’État, comme je m’y étais engagé et conformément au rapport annexé que vous vous apprêtez à voter, mesdames, messieurs les sénateurs.
Puisqu’il m’est impossible d’évoquer l’ensemble des mesures, je veux conclure sur le défi majeur que constitue la rénovation de la gestion des ressources humaines du ministère de la justice.
Je compte employer tous les leviers à ma disposition pour assurer que le plan de recrutement sera non seulement réalisé, mais surtout, qu’il correspondra aux besoins du terrain.
C’est pourquoi, outre les recrutements massifs de contractuels dans les juridictions, la loi de programmation vous propose tout à la fois de pérenniser ces emplois en les « CDIsant » et de les institutionnaliser en instaurant la fonction d’attaché de justice, afin de créer autour du magistrat une véritable équipe composée des attachés de justice et des greffiers. Telle est la prochaine révolution qui, au sein de la justice, permettra de rendre plus rapidement des décisions de meilleure qualité.
Le chantier majeur de la modernisation des ressources humaines inclut aussi celui, figurant dans le projet de loi organique, de la réforme de la magistrature, qui est l’une des plus ambitieuses depuis 1958.
Celle-ci passe d’abord par l’ouverture du corps judiciaire. Recruter 1 500 magistrats nécessitera, de fait, d’ouvrir l’accès à la magistrature.
Il importait également de réformer la responsabilité du corps judiciaire, notamment par l’élargissement des conditions de recevabilité des plaintes des justiciables contre des magistrats devant le Conseil supérieur de la magistrature, car ces plaintes, vous le savez, ne donnent aujourd’hui jamais lieu à sanction in fine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, toutes les avancées contenues dans le projet de loi de programmation et le projet de loi organique rendent le vote qui interviendra dans quelques minutes absolument décisif pour l’institution judiciaire.
L’ensemble des acteurs de la justice nous regardent cet après-midi : ils attendent que le Sénat leur envoie un signal fort, un message de reconnaissance, mais surtout un message d’espérance. Il y va de notre pacte social, mais aussi de la qualité du service public de la justice rendu à tous nos compatriotes. En effet, si l’heure est à l’action – j’y mettrai toute mon énergie, comme je le fais depuis le premier jour –, elle est aussi à l’espoir pour la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, le meilleur est à venir ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)