M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Belin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la malheureuse semaine de casse et d’émeutes que nous avons vécue a tout de même quelques vertus.
Elle nous permet de faire corps avec ce qui fait la République et de réaffirmer le soutien entier aux élus locaux, aux pompiers, à l’ensemble des services de l’État – police, gendarmerie, corps préfectoral –, totalement mobilisés, chacun ayant fait preuve d’engagement et d’efficacité.
Elle nous permet ce matin, monsieur le ministre, de parler simplification, par obligation. C’était l’objet initial de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, sans doute insuffisante et peut-être incomplète, voire décevante selon certains.
Ces casseurs stupides, hors-la-loi, qui ont brûlé leur mairie, leur école, leur pharmacie, voire leur bureau de poste, pourtant si important pour le versement de leurs minima sociaux, nous permettent ce matin de desserrer les trop nombreux freins qui contraignent trop souvent les motivations, les ambitions et les respirations des territoires. Il s’agit de donner aux élus locaux de nouvelles possibilités, de nouvelles prérogatives et, je l’espère, de nouvelles perspectives, de manière à pouvoir vite faire confiance à la France pratique.
Mais, monsieur le ministre, pourquoi n’irions-nous pas plus loin aujourd’hui ?
Le texte que nous examinons ce matin vise à régler la question du court terme. Il faut réparer, reconstruire.
Cependant, il faudra très vite voter de nouveaux textes pour éviter que cela ne se reproduise, peut-être généraliser la vidéosurveillance, décider de peines planchers, les appliquer et être clair : casser, c’est payer !
En outre, pourquoi ne pas faire de l’extraordinaire de ce matin l’ordinaire de demain ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Absolument !
M. Bruno Belin. Il faut supprimer les contraintes, les normes, les diagnostics, les études, les comités de suivi, les comités de pilotage, les dossiers… tout ce qui fait perdre du temps aux projets, tout ce qui coûte, tout ce qui use les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Vous savez très bien que des éléments sont facilement retirables ; le débat de ce matin montre que nous les avons identifiés. On peut supprimer le plafond d’autofinancement à 20 % pour un projet dès lors qu’il est financé. On peut très bien envisager de récupérer la TVA la même année ; on le fait bien pour les entreprises et les commerces. On peut ne pas forcément conditionner la perception des avances au service fait, ce qui bénéficierait aussi aux trésoreries des collectivités.
Les élus ont besoin de ces messages, au moment où nous risquons de manquer de candidats pour s’occuper de nos si précieuses communes.
Donnons-leur l’espérance et les moyens de faire ce pour quoi ils s’engagent, de façonner leur ville de demain et de rendre le quotidien plus aisé !
Liberté, égalité, fraternité ; moins de papiers ! Faisons en sorte que la France de la paperasse fasse plus de place à la France de l’audace. Faisons urgemment le pari de la France de l’agilité, de la flexibilité, de la fluidité. C’est la France de la proximité, celle que nous côtoyons tous les jours. La France de la rapidité : c’est ce que nous voulons aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, écoles, bibliothèques, commissariats, mairies, centres sociaux, commerces ou pharmacies : telle est la liste, non exhaustive, des bâtiments qui, lors des récentes émeutes urbaines, ont été attaqués, dégradés, incendiés, démolis.
Élèves, citoyens, maires, policiers, gendarmes, pompiers, patrons et employés : telle est, cette fois, la liste des victimes de ces délinquants. Plus de 2 500 bâtiments pillés par une poignée de criminels, et des millions de Français à devoir en payer l’addition !
Face à ces images de déferlement d’une violence inouïe, la Nation entière doit s’unir autour de ses forces de sécurité, de ses élus locaux, et j’en passe.
L’urgence aujourd’hui, c’est de reconstruire les bâtiments détruits, dans les meilleurs délais. C’était d’ailleurs l’objet de la proposition de loi visant à lever les obstacles en matière de réglementation de l’urbanisme déposée par notre collègue Sophie Primas, soutenue sans réserve par le président du Sénat.
Je me réjouis que nous ayons été entendus, comme le montre le projet de loi, similaire, que nous examinons ce matin, et je veux saluer le travail des rapporteurs.
Notre groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte.
Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une urgence économique, mais surtout d’une urgence républicaine.
Bien sûr, je partage l’avis de nos compatriotes : ce sont toujours les mêmes qui payent !
Mais on ne peut pas laisser des enfants sans école ou des citoyens sans service public. N’ajoutons pas du chaos au chaos !
Voilà quatre jours, nous célébrions la France, son drapeau, son histoire… Mais, en l’état de notre société, était-ce un jour de gloire ou un jour de défaite ?
Dix-sept atteintes aux élus ont été recensées. Les enfants d’un maire ont été attaqués à leur domicile. Il est temps de protéger ceux qui sont en première ligne et d’aggraver les peines pour les auteurs de violences à leur encontre.
Monsieur le ministre, il nous faut retrouver de l’ordre ! C’est la vocation première de l’État, pour surmonter cette crise civique majeure. La peur ne doit pas nous affaiblir. Et l’image des feux d’artifice du 14 juillet doit symboliser notre volonté de ne jamais rien céder à quiconque. Nous ne baisserons ni les bras ni les yeux.
Soyons lucides : la mort récente de ce jeune homme a servi de prétexte à des délinquants pour saccager tout ce qui se trouvait sur leur passage. Mineurs pour beaucoup, ils ont crié leur haine de la France.
Les refus d’obtempérer surviennent toutes les vingt minutes en France. Combien de temps allons-nous accepter cette défiance manifeste envers nos forces de l’ordre, donc envers l’État ?
Parmi les pays d’Europe, seule la France connaît de telles émeutes, alors que les difficultés sociales n’épargnent pas nos voisins.
Il faut le dire et le redire : notre société bascule dans l’ensauvagement.
Face au délitement acté de notre République, de grands devoirs s’imposent à nous : rétablir une réponse pénale dissuasive, avec notamment un accroissement de la capacité carcérale ; abaisser la majorité pénale à 16 ans ; rendre les parents des mineurs délinquants pénalement responsables ; transformer notre école, avec une défense affirmée de la Nation et de la laïcité ; soutenir sans relâche nos forces de sécurité ; remettre l’autorité au centre de notre société.
Telles sont les propositions pour restaurer l’ordre public que défend le groupe Les Républicains. Elles ont notamment été présentées par le président de notre groupe, Bruno Retailleau.
Aujourd’hui, l’incendie semble maîtrisé, grâce au travail acharné de nos forces de secours et de sécurité. Mais jusqu’à quand ? Des zones incandescentes menacent à tout moment de s’embraser de nouveau.
N’attendons pas et soyons au rendez-vous pour ne plus subir ces violences inacceptables et en payer l’addition ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023
Article 1er
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou à faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, en :
1° Autorisant la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées, de ces bâtiments sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, y compris lorsqu’un document d’urbanisme applicable en dispose autrement ;
2° Autorisant l’engagement des opérations et travaux préliminaires dès le dépôt, selon le cas, de la demande de permis ou de la déclaration préalable requise ;
3° Adaptant les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme et, le cas échéant, des autorisations préalablement requises au titre d’autres législations, en aménageant les procédures d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme ainsi que les délais prévus par des dispositions législatives, et en prévoyant que, lorsque la consultation d’un organisme ou d’une autorité administrative, ou l’obtention d’un accord ou d’une autorisation sont prévues, le silence gardé sur la demande d’avis, d’accord ou d’autorisation vaut, selon le cas, avis favorable ou décision d’acceptation.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.
M. Michel Canévet. Monsieur le ministre, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure dans votre exposé liminaire, l’objet du présent projet de loi n’est pas d’examiner les causes des incidents qui nous rassemblent aujourd’hui. Néanmoins, il faut se demander comment autant de jeunes – selon les statistiques du ministère de l’intérieur, il s’agissait essentiellement de mineurs – peuvent se trouver dans les rues aussi tardivement à causer des dégâts tels que ceux que nous avons pu observer. Les dégradations ont été très importantes.
Tout cela amène à s’interroger sur l’autorité parentale et à se dire qu’il faudra réfléchir aux mesures à mettre en œuvre pour éviter que de tels scénarios ne se reproduisent à l’avenir. Nous aurons un travail collectif à effectuer.
Monsieur le ministre, je souhaitais prendre la parole sur l’article 1er pour me réjouir des dispositions permettant d’accélérer la remise en état des immeubles qui ont été dégradés. Cela porte essentiellement sur le code de l’urbanisme, notamment pour alléger l’instruction.
Il me semble également nécessaire que la question des recours soit étudiée dans l’habilitation à légiférer par ordonnance. Il ne faudrait pas que des recours aient pour effet de retarder significativement les opérations de reconstruction, dont nous souhaitons tous ardemment qu’elles interviennent au plus vite. Il convient de se pencher sur ce sujet, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Cet article était-il indispensable ? Il semblerait que non, à en croire votre propre circulaire du 5 juillet dernier, dans laquelle vous défendiez une position inverse en vous appuyant sur l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme… Mais rassurez-vous : nous voterons l’article 1er sans ergoter, de même que les articles suivants.
Toutefois, je profite de l’occasion pour insister sur un point : s’il faut évidemment reconstruire le plus rapidement possible les équipements publics, cela ne concerne pas seulement les bâtiments. C’est l’ensemble des services à rendre à la population qu’il faut reconstruire, en engageant une sorte de reconquête républicaine, par un réinvestissement des services publics dans les quartiers populaires, dans les villes moyennes, dans la ruralité, dont les habitants, dans toute leur diversité, se sentent de plus en plus abandonnés.
La République est souvent invoquée dans les discours ; il faut qu’elle s’incarne dans une présence de proximité, une présence humaine, efficace et utile à nos concitoyens. Vous direz que je m’éloigne du présent projet de loi, mais je reste dans le sujet ; plusieurs d’entre vous ont fait référence au contexte.
J’illustrerai mon propos en évoquant l’école. À nos yeux, la rentrée scolaire ne doit pas se dérouler comme si rien ne s’était passé. Nous savons que des classes sont toujours surchargées et que des enseignants ne seront pas remplacés au cours de l’année scolaire, privant les élèves d’un nombre considérable d’heures d’enseignement. Certaines académies connaissent une profonde crise de recrutement ; il manquera des enseignants devant les classes à la rentrée. Un tel chantier nous semble au moins aussi urgent que ce dont nous débattons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Si nous sommes deux membres de notre groupe à intervenir, c’est parce que la présidente Éliane Assassi a demandé à Mme Borne la tenue d’un débat au Parlement sur les causes des événements que nous venons de subir.
Bien évidemment, il faut voter ce texte en urgence pour reconstruire et réhabiliter les bâtiments ; je pense par exemple à l’extension des dérogations aux bailleurs sociaux.
Monsieur le ministre, vous soulignez à juste titre que des symboles de la République ont été dégradés. Nous devons en tirer des leçons. Il faut organiser un débat pour comprendre ce qui s’est passé et pourquoi.
Pour notre part, nous estimons qu’il faut commencer par mieux reconnaître et respecter toute la population française. Il y a trop d’inégalités devant la République, et nous devons en débattre.
Monsieur le ministre, votre rôle est de nous donner rendez-vous pour un débat politique, car ces émeutes naissent tout de même d’un vide politique, d’une absence de relais sociaux et du manque de conflits, au bon sens du terme : les conflits des idées, ceux qui animent la démocratie, directe comme représentative.
Ainsi, notre groupe a demandé qu’en plus de mesures d’urgence pour accompagner les collectivités et les bailleurs, nous ayons un débat de fond, car notre société est confrontée à de nombreux problèmes. C’est vraiment nécessaire pour réfléchir aux moyens de corriger les inégalités devant la République et de reconnaître et respecter toute la population ; je dis bien toute la population. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’abonderai dans le sens de M. Savoldelli.
Le président de mon groupe, Patrick Kanner, avait lui aussi écrit à la Première ministre pour lui demander l’organisation d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Les jours ont passé, sans réponse. Et, hier, notre demande a été déclinée ; il nous a été indiqué qu’il fallait réfléchir…
Certes, c’est une très bonne chose de réfléchir. C’est pourquoi nous allons demander qu’après un délai de réflexion, c’est-à-dire à la rentrée parlementaire, le débat se tienne enfin. Vous l’avez noté, tout le monde débat de ce qui s’est passé en France, sauf le Parlement. Ce n’est pas normal ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Redon-Sarrazy, Mme de La Gontrie, MM. Raynal et Kanner, Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
au plus tard jusqu’au 31 juillet 2023
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Ma présentation vaudra également défense des amendements nos 3 et 4, qui ont le même objet.
Le 4 juillet dernier, le Président de la République a réuni les maires des villes particulièrement touchées par les violences urbaines. Il leur a annoncé un projet de loi d’urgence pour accélérer les chantiers de reconstruction et de réfection.
Le Gouvernement a traduit la volonté du chef de l’État par un texte d’habilitation à légiférer par ordonnance. Dont acte.
Toutefois, les délais prévus pour la publication de ces ordonnances repoussent potentiellement l’application de mesures concrètes à la fin du mois d’octobre, ce qui contredit l’impératif d’urgence affiché dans les discours.
Notre amendement vise donc à fixer la date de publication des ordonnances au plus tard le 31 juillet. C’est tout à fait réaliste. Depuis le 4 juillet, vous aurez disposé de quasiment un mois pour préparer des mesures qui relèvent de différents ministères et qui ne posent pas de difficultés particulières. Il s’agit de garantir l’effectivité du critère d’urgence qui est invoqué. L’urgence justifie d’ailleurs que le Parlement accepte de légiférer dans des circonstances exceptionnelles.
Qu’on se le dise, les mesures que comporte ce texte ont une portée très limitée au regard de l’ampleur des reconstructions à engager. Toutefois, ce projet de loi est important, car il envoie un signal de mobilisation et de solidarité aux populations qui sont les premières victimes des dégradations.
La dynamique de reconstruction des centres-villes et des quartiers doit être rapidement engagée. Sinon, les habitants risquent de se sentir de nouveau abandonnés.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre objectif est bien d’accompagner les collectivités pour qu’elles organisent rapidement les opérations de reconstruction. Car oui, il y a urgence à redonner aux habitants leur cadre de vie, leurs commerces, leurs services de proximité. Il y a urgence à restaurer la continuité des services publics dans toutes les communes qui ont subi des dégradations.
L’urgence de la reconstruction, c’est bien, me semble-t-il, ce qui nous réunit aujourd’hui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, un délai d’habilitation de trois mois n’empêche pas le Gouvernement de prendre les mesures déjà identifiées dans les tout prochains jours ; je suis sûre que M. le ministre reviendra sur ce point.
Si je rejoins notre collègue Christian Redon-Sarrazy sur l’impératif d’urgence, le délai de trois mois laisse une marge de manœuvre pour compléter, au besoin, la première salve de mesures de nouveaux cas qui nécessiteraient d’autres adaptations de nature législative pouvant émerger au cours de l’été ou à la rentrée.
Je le précise, c’est le Conseil d’État lui-même qui, dans son avis, a suggéré l’allongement du délai à trois mois.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Ainsi que Mme la rapporteure vient de le rappeler, c’est le Conseil d’État lui-même qui a suggéré d’allonger de deux à trois mois le délai que nous avions imaginé.
Malgré notre volonté d’aller vite, certains délais sont incompressibles. Nous devons saisir le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil d’État, de même que nous devons inscrire le projet de loi à l’ordre du jour du conseil des ministres. Certes, dans l’hypothèse que j’appelle de mes vœux, c’est-à-dire celle d’un vote conforme, nous gagnerions quelques jours. Mais si nous rédigions les ordonnances dans un délai aussi bref que celui qui est proposé, c’est-à-dire entre le 20 juillet et le 31 juillet, ce ne serait pas très rassurant quant à leur contenu.
Pour preuve, vos travaux en commission nous ont conduits à déposer l’amendement n° 5 rectifié, afin de n’oublier aucun élément relatif la voirie ou aux équipements publics. De la même manière, le temps de consolidation d’une partie des dégâts peut être précieux.
Je demande donc le retrait des amendements tendant à prévoir la publication des ordonnances au plus tard au 31 juillet, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Je profite de l’occasion pour répondre à une interpellation qui m’a été adressée. S’il est vrai que beaucoup de mesures peuvent être prises par décret, refaire à l’identique – je reprends les termes de M. Salmon – en tenant compte des nouvelles normes en matière de sécurité ou d’environnement, ce n’est pas exactement refaire à l’identique ! Il faut donc une loi d’habilitation. D’ailleurs, au-delà du débat qui nous occupe aujourd’hui, peut-être devrions-nous avoir une réflexion plus large sur nos procédures.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, en permettant aux acheteurs soumis au code de la commande publique :
1° De conclure un marché ou des lots d’un marché sans publicité préalable mais avec mise en concurrence pour des marchés inférieurs à un seuil défini par l’ordonnance ;
2° De déroger au principe d’allotissement et de recourir aux marchés globaux.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Redon-Sarrazy, Raynal, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
au plus tard jusqu’au 31 juillet 2023
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Ce sera le même avis que celui de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 2, mais pas tout à fait pour les mêmes motifs.
Je partage avec M. Redon-Sarrazy le souhait que les ordonnances soient publiées le plus tôt possible. J’ai invité M le ministre à faire en sorte qu’elles soient publiées, si possible, lors du dernier conseil des ministres avant la pause estivale, et je réitère ma demande. Peut-être – sait-on jamais ? – celle qui concerne la commission des lois est-elle plus facile à rédiger que les autres…
Quoi qu’il en soit, la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable.
Je souhaite répondre à Mme Di Folco. Je ne m’élèverai pas au-dessus de ma condition : je n’ai aucune maîtrise sur l’ordre du jour du conseil des ministres. Nous travaillons pour aller aussi vite que possible sur chacun des articles débouchant sur une ordonnance. Certes, nous fixons une date butoir. Mais plus vite nous pourrons aller, plus vite nous irons.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
réfection
insérer les mots :
des équipements publics et
La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. J’ai été interpellé ce matin à la tribune, comme je l’avais déjà été en commission, sur plusieurs sujets.
Parfois, il s’agissait de préciser que des dégradations pouvaient avoir affecté autre chose que des bâtiments : du mobilier urbain, des éléments de voirie, d’éclairage public, de réseaux de transports, etc.
Cet amendement vise à répondre très précisément à une telle demande en élargissant le champ des dispositions, au-delà des bâtiments, aux équipements publics.
J’ajoute que nous avons apporté une rectification rédactionnelle à cet amendement pour que le mot « publics » ne porte que sur les équipements et que le mot « bâtiments » soit suivi du terme « affectés », afin que des bâtiments privés puissent profiter des dispositions de l’ordonnance si le texte est adopté.
Je remercie le Sénat de ses remarques non seulement rédactionnelles, mais aussi de fond, qui nous éviteront d’avoir un trou dans la raquette lorsque nous nous retournerons vers les élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Une telle précision est la bienvenue. Avis favorable.
Monsieur le ministre, je me permets de vous reposer la question du seuil, à laquelle vous n’avez pas répondu.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Nous allons également vous écouter sur le fait de ne pas nous limiter à un million d’euros. Nous n’irons certainement pas jusqu’aux 5,3 millions d’euros prévus par les seuils européens, pour de nombreuses raisons, notamment parce que la disposition de la taille du marché entraînerait un défaut de concurrence transfrontalière sur plusieurs projets.
Je n’entrerai pas dans les détails, mais nous pouvons aboutir à un seuil de 1,5 million d’euros. (Mme le rapporteur pour avis manifeste sa préférence pour un seuil plus élevé.) Je vois bien que vous souhaiteriez aller au-delà, mais je vous donne déjà un premier élément de réponse aujourd’hui : mes services travaillent et nous ne nous limiterons pas à un million d’euros.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à faciliter la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023, en :
1° Déterminant les modalités particulières de versement des attributions destinées aux bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, au titre des dépenses éligibles au bénéfice des dispositions de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales ;
2° Déterminant les modalités de dérogation à l’obligation de participation minimale prévue au premier alinéa du III de l’article L. 1111-10 du même code applicables au financement des projets d’investissement ;
3° Déterminant les modalités de dérogation au plafond des fonds de concours définis à l’article L. 5215-26, au V de l’article L. 5214-16 et au VI de l’article L. 5216-5 du même code.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.