M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la présidente Deroche, je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me posant votre dernière question d’actualité au Gouvernement.
J’en profite pour rendre hommage aux travaux que vous avez conduits au sein de la commission des affaires sociales. J’y ai toujours rencontré une écoute et nos dialogues ont toujours été extrêmement apaisés. La confrontation des idées a toujours servi à enrichir les nombreux textes dont nous avons eu à discuter ensemble. Vous avez en effet une douceur et une autorité naturelles qui permettent que les débats se déroulent sous les meilleurs auspices. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez raison, la relation entre le soignant et le soigné est essentielle. Il est très probable que la crise sanitaire, caractérisée non seulement par un accès facile à un flot d’informations, mais aussi par des contradictions que l’on a pu entendre chez des professionnels de santé, a contribué à éroder cette confiance au cours du temps.
Rien n’est pourtant plus important que cette relation, qui donne du sens aux métiers du soin et qui est très importante pour évoluer. Les nouvelles technologies ne doivent pas nous éloigner de cette relation : à mon sens, le numérique doit au contraire nous donner plus de temps et favoriser les discussions avec les professionnels.
Madame la sénatrice, vous le savez, j’ai mis l’éthique au centre du principe de la refondation de notre système de santé. Je l’illustrerai par trois exemples.
Premièrement, comme l’a voulu le Président de la République, nous déployons le Conseil national de la refondation (CNR) Santé, qui associe systématiquement les soignés, c’est-à-dire les citoyens, les élus et les professionnels de santé pour donner la parole à ceux que l’on n’entend pas assez souvent.
Deuxièmement, nous avons déployé le dispositif « patients partenaires » ou « patients experts », que le ministère accompagne et souhaite continuer à développer.
Troisièmement, nous mettons en place des indicateurs de perception de la qualité des soins par les patients eux-mêmes, outils largement développés dans les pays anglo-saxons, sur lesquels nous avons encore du retard à rattraper. C’est l’un des éléments clés du nouveau financement de la sécurité sociale.
Madame la sénatrice, je vous remercie de nouveau de nos discussions sur notre système de santé tout au long de cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Merci, monsieur le ministre.
Je forme un vœu : puissiez-vous, si vous me permettez cette expression familière, « secouer le cocotier » de l’administration de la santé ou de Bercy, dont on connaît la lourdeur administrative.
Surtout, n’hésitez pas à vous appuyer sur les rapports du Sénat ! Cela permettrait de gagner du temps, car nous sommes souvent précurseurs.
L’urgentiste que vous êtes sait combien le temps est précieux quand il s’agit des soins.
Ce conseil vaut pour l’ensemble des ministères ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
otan et soutien à l’ukraine
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
M. Philippe Folliot. Voilà quelques jours, j’étais avec notre collègue de l’assemblée parlementaire de l’Otan, le député allemand Marcus Faber, tout près de la ligne de front en Ukraine, pour notre seconde visite en quelques mois.
Lors de nos rencontres avec les soldats de la 47e brigade, équipée des puissants et flambant neufs chars lourds Leopard 2, ou avec la 37e brigade de marine, récemment dotée de nos antiques AMX-10 RC, nous avons fait deux constats : les préparatifs de la vraie contre-offensive battent leur plein ; les soldats ukrainiens sont fatigués, certes, mais plus que jamais déterminés.
L’enjeu est clair. Aujourd’hui, les défenses russes sont solides et structurées.
Il s’agit, pour le moment, de taper ici ou là sur ce mur, pour voir les points de faiblesse, afin, ensuite, d’y concentrer les efforts pour créer une brèche qui changera la nature du conflit.
Nous sommes à la croisée des chemins, entre l’enlisement jusqu’à l’épuisement de nos opinions publiques, souhaité par Poutine, et la percée, qui sera un pas décisif vers la victoire des forces de la liberté et de la démocratie.
Afin de réussir cette manœuvre, l’Ukraine a urgemment besoin de plus d’avions de chasse, de chars lourds, de systèmes de défense antiaériens, d’artillerie, de moyens de déminage, de missiles de courte et moyenne portées.
Si les canons Caesar que nous avons livrés jouent pleinement leur rôle, les vieux AMX-10 RC sont complètement inadaptés.
Madame la secrétaire d’État, nous devons changer de braquet. Si la récente décision de livraison de missiles Scalp est une bonne nouvelle, quid de la suite ?
En cet instant décisif, allons-nous être à la hauteur du soutien qu’attendent et méritent nos alliés ukrainiens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Folliot, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui est en train de rentrer du sommet de l’Otan, qui s’est tenu à Vilnius, pour se rendre à l’Assemblée nationale, laquelle doit se prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la programmation militaire, comme le Sénat le fera demain.
Je vous sais très engagé sur le sujet de l’aide à l’Ukraine. Vous connaissez la situation, pour vous y être rendu à plusieurs reprises.
Comme vous le savez, depuis le début de la guerre, la France s’est engagée à soutenir l’Ukraine dans sa légitime défense contre l’agression de la Russie. Ce soutien militaire répond à des critères clairement définis par le Président de la République : une aide utile, une aide qui ne conduise pas à l’escalade et une aide qui n’affaiblisse pas la défense de la France.
L’une des spécificités de notre soutien militaire est que nous fournissons des capacités complètes, incluant non seulement les équipements, mais aussi la formation et les solutions de maintenance. C’est ce que nous avons fait pour nombre de matériels qui ont fait leurs preuves sur le terrain et apporté un avantage opérationnel à l’Ukraine, notamment les canons Caesar, les Mistral, les Crotale, les SAMP/T, pour la défense aérienne, ainsi que les blindés VAB ou encore des chars légers AMX-10 RC, demandés d’ailleurs par les Ukrainiens.
Dans ce cadre, le Président de la République a annoncé, hier, à Vilnius, que la France allait livrer de nouveaux missiles permettant des frappes dans la profondeur. Il s’agit de missiles Scalp, tirés depuis des aéronefs, avec une portée de 250 kilomètres environ. Ces missiles sont d’une grande précision et ont vocation à être utilisés exclusivement à l’intérieur du territoire ukrainien. Ils apporteront un avantage significatif à l’Ukraine dans sa contre-offensive.
Les discussions entre chefs d’État à Vilnius portent également sur les engagements supplémentaires que nous pouvons prendre pour garantir la sécurité de l’Ukraine pendant que les conflits continuent et sur les perspectives d’adhésion à l’Otan, à terme.
Ces discussions sont encore en cours à cette heure, et des annonces auront lieu dans la foulée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Salutations à une sénatrice
M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue Laurence Cohen.
Sénatrice du Val-de-Marne depuis 2011, elle a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat en septembre prochain.
Je la remercie de son engagement au sein de la commission des affaires sociales et auprès de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Son engagement important sur les sujets sociétaux mérite d’être salué. Je pense notamment à sa contribution aux travaux récents du Sénat sur la santé des femmes au travail ou encore sur la pénurie de médicaments, mais aussi au travail mené par la délégation sur la lutte contre la pornographie.
Je veux saluer ses convictions très fortes. Je me souviens d’une visite que nous avons faite ensemble à l’institut Gustave-Roussy, avec la présidente de la commission des affaires sociales.
Je veux vraiment la remercier, au nom du Sénat, dont elle représente la diversité des convictions. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
pénurie de médicaments
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Créée sur l’initiative de mon groupe, la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments a rendu son rapport, qui a été adopté dans la pluralité de nos sensibilités politiques.
Rapporteure de cette commission d’enquête, je tiens à saluer chaleureusement sa présidente, Sonia de La Provôté, et l’ensemble de ses membres pour le travail accompli, qui a débouché sur trente-six recommandations visant à combattre ces pénuries exponentielles et structurelles.
Les industriels pharmaceutiques français envisagent, en outre, d’abandonner la production de près de 700 préparations pharmaceutiques, dont des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.
Chaque fois, ce sont les conditions de soins qui sont remises en cause. C’est donc la santé des malades qui est menacée !
N’en déplaise aux industriels, leur responsabilité est grande.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous rétablir notre souveraineté sanitaire et industrielle mise à mal par la course à la rentabilité ? Quelles sont, parmi nos recommandations, celles que vous allez mettre en œuvre en urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je vous remercie de me réserver votre dernière question au Gouvernement.
Elle me permet de saluer votre engagement au sein de la commission des affaires sociales. Nous avons parfois pu avoir des discussions animées, nous n’avons pas toujours été du même avis, mais nous avons toujours été extrêmement respectueux l’un envers l’autre. Cette possibilité de discussion fait, j’en suis certain, la grandeur de notre démocratie.
Vous le savez, ce phénomène de tensions sur l’approvisionnement en médicaments est mondial. C’était d’ailleurs le seul sujet à l’ordre du jour de la dernière réunion des ministres de la santé de l’Union européenne.
Face à ce phénomène, nous activons l’ensemble des leviers, sous l’autorité du Président de la République et de la Première ministre, dans le cadre d’un plan de lutte contre les pénuries. Votre rapport sera une aide très importante aux décisions que nous aurons à prendre dans le cadre de ce plan.
Cependant, je veux d’ores et déjà souligner quelques points.
Je veux d’abord évoquer l’élaboration de la liste de 450 médicaments dits « essentiels ». Je le répète, cette liste vivante, amenée à évoluer, nous permet d’établir une cartographie très précise de la production de ces 450 médicaments, depuis l’usine jusqu’à l’étagère de la pharmacie.
Je veux également évoquer le soutien à une initiative belge, menée au niveau européen avec plus de vingt autres pays, sur une politique de gestion des pénuries de médicaments à l’échelle européenne, de souveraineté européenne, mais également de transparence sur les prix et sur les productions et d’élaboration d’une liste de médicaments essentiels.
Je veux saluer le milliard d’euros d’investissements des laboratoires en France, dans le cadre du sommet Choose France, justement pour travailler sur cette souveraineté industrielle.
En outre, j’œuvre, avec mon collègue Roland Lescure, à la relocalisation, annoncée par le Président de la République, de la production de vingt-cinq médicaments, puis de vingt-cinq autres dans les années à venir.
Enfin, je veux souligner les travaux menés sur les approvisionnements particulièrement innovants de médicaments.
Vous le voyez, nous sommes pleinement mobilisés. Toutefois, comme je l’ai dit, les conclusions de votre rapport viendront en appui des mesures que nous prendrons dans le cadre de ce plan « pénuries ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, j’espère effectivement que notre rapport va vous inspirer.
Comme nous l’avons souligné, le Gouvernement a manqué d’anticipation et mené une communication brouillée. Il manque un pilote dans l’avion !
Vous avez réamorcé les relocalisations. C’est bien, mais il faut raison garder : sur 106 projets financés par le plan de relance et France 2030, seuls dix-huit concernent une réelle relocalisation, et cinq, un médicament stratégique.
Réorientez les aides publiques et les incitations fiscales vers la production en France de médicaments essentiels : 710 millions d’euros de crédit d’impôt recherche ont été versés, en 2021, sans contrepartie !
Il faut au minimum retrouver la maîtrise publique sur la production d’un certain nombre de médicaments essentiels, en restaurant notamment la capacité de façonnage de la pharmacie centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Vous le savez, je plaide, depuis plusieurs années, avec mon groupe, pour un pôle public du médicament en France et en Europe.
Changez ce modèle économique qui engendre des pénuries ! Ayez ce courage ! Le médicament n’est pas une marchandise ; c’est un bien commun de l’humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDSE.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue André Gattolin, qui ne souhaite pas solliciter un nouveau mandat.
Sénateur des Hauts-de-Seine depuis 2011, il est vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que de la commission des affaires européennes.
Il a, en tant que rapporteur de la mission d’information sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français, que nous avons tous en tête, appelé à mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques face aux risques d’ingérence venant d’États étrangers, sujet toujours d’actualité…
Merci, mon cher collègue ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, applaudissent.)
tiktok face aux droits national et européen
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Monsieur le ministre, voilà maintenant dix ans, le Sénat publiait un excellent rapport d’information de notre collègue Catherine Morin-Desailly, intitulé L’Union européenne : colonie du monde numérique ? Ce rapport fit couler beaucoup d’encre et reste encore aujourd’hui une référence, même si, dans le domaine des technologies numériques, notre monde a, depuis lors, considérablement évolué.
À l’époque, l’espace numérique était dominé par quelques géants américains de l’internet, et l’Union européenne peinait à jeter les bases d’une régulation du secteur. Ce n’est que trois ans plus tard que fut enfin adopté le fameux règlement général sur la protection des données (RGPD).
La semaine passée, le Sénat a publié un nouveau rapport, fruit de quatre mois de travaux intenses d’une commission d’enquête menée par nos collègues Claude Malhuret et Mickaël Vallet, portant sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données et sa stratégie d’influence.
Mes chers collègues, ses conclusions sont édifiantes. Malgré l’adoption de nombreuses législations européennes et nationales visant à encadrer le développement souvent anarchique des réseaux sociaux, nous constatons que certains acteurs, au premier rang desquels le très puissant TikTok, sont loin, très loin de se plier aux exigences de la loi.
Pis, cette entreprise très particulière fait preuve d’une telle opacité et ses liens avec le régime de Pékin apparaissent si étroits que la commission d’enquête a proposé sa suspension pour des raisons de sécurité nationale si elle ne se conforme pas d’ici au 1er janvier 2024 à une série d’exigences légales et de transparence minimale quant à son fonctionnement et à sa gouvernance.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle est l’approche du Gouvernement sur ce sujet et quelles sont les mesures que vous entendez prendre afin que TikTok daigne enfin se conformer au droit national et au droit européen ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées des groupes GEST, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à mon tour, de rendre hommage à l’action qu’a menée André Gattolin tout au long de ses deux mandats au sein de cette vénérable institution.
Vos travaux, monsieur le sénateur, notamment ceux qui ont porté sur le numérique et l’intelligence artificielle, font honneur au Sénat et à la République.
Permettez-moi ensuite de saluer l’engagement des membres de la commission d’enquête sur TikTok, notamment de son initiateur et rapporteur Claude Malhuret et de son président Mickaël Vallet.
Comme la Première ministre a eu l’occasion de le dire la semaine dernière, ce rapport fera date dans l’histoire du contrôle parental et du contrôle parlementaire et pour l’avenir de la régulation des grandes plateformes numériques.
Le Gouvernement partage le triple constat de ce rapport. Premièrement, TikTok enfreint les règles européennes sur la protection des données personnelles. Deuxièmement, TikTok, avec ses algorithmes, conduit à l’enfermement et à l’isolement de ses utilisateurs, notamment les plus vulnérables – je pense aux enfants –, ce qui soulève des questions de santé publique et, parfois, d’ordre public. Troisièmement, TikTok, du fait des 1,7 milliard de téléchargements et de ses liens avec la Chine, soulève des questions de géopolitique sur lesquelles nous devons rester particulièrement vigilants.
Sur la question des données personnelles, j’ai demandé à TikTok de nous fournir un état des lieux de l’avancement de ses efforts pour se mettre en conformité avec les règles européennes. Je m’engage à venir le présenter devant les membres de la commission d’enquête avant la fin de l’année. Ce n’est pas une faveur que nous demandons à TikTok : c’est une exigence absolue que nous posons.
Pour ce qui est de la toxicité des algorithmes, TikTok devra, comme toutes les grandes plateformes, se soumettre aux obligations de transparence, d’audits algorithmiques et de prise en compte des risques que ces plateformes font peser sur la santé de leurs utilisateurs, comme sur la sécurité publique, dès le 25 août prochain, date de l’entrée en vigueur du règlement sur les services numériques.
Vous le voyez, le Gouvernement partage l’esprit des auteurs de ce rapport. C’est d’ailleurs dans ce même esprit qu’il a présenté un projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, qui a été adopté la semaine dernière à l’unanimité du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Je souhaite saluer notre collègue Bernard Fournier, qui a décidé de ne pas se représenter, après vingt-six années de mandat de sénateur de la Loire. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres se lèvent et applaudissent.)
Gaulliste convaincu depuis ses années étudiantes, membre de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP), homme attaché à la mémoire et au patrimoine, il a été, comme représentant du Sénat à l’Assemblée parlementaire de la mer Noire, un observateur attentif d’une région au cœur de l’actualité. C’est un grand spécialiste de nos relations avec la Roumanie.
Je veux vous remercier de tout cela, mon cher collègue ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
propos sur la tendance politique des médias
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.
M. Bernard Fournier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Dimanche, sur Radio J, vous éloignant du cœur des préoccupations qui devraient être celles du ministre de l’éducation nationale, vous vous en êtes violemment pris, monsieur le ministre, à deux médias, dont le tort, sans doute, est de ne pas toujours être le relais de ce que vous pensez, de ce que vous prônez. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe SER.)
À court d’arguments, et sans aucune démonstration, vous avez brandi l’ultime mise en cause : ces deux médias seraient d’« extrême droite », de l’extrême droite la plus radicale. (C’est vrai ! sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Ces médias feraient même, selon vous, du mal à la démocratie ! Et d’exprimer votre inquiétude pour nos valeurs républicaines. L’heure est grave…
Comment, monsieur le ministre, avez-vous pu vous laisser aller à une telle facilité ? Comment pouvez-vous fustiger un média parce qu’il ne pense pas comme vous ? Que faites-vous de la liberté des journalistes à s’exprimer ? Que faites-vous de la liberté et de l’indépendance de la presse ?
M. David Assouline. Et Bolloré ?
M. Bernard Fournier. En jetant l’anathème contre ces médias, vous faites preuve d’un terrible mépris à l’égard de tous ceux, spectateurs et auditeurs, qui les regardent et les écoutent.
Plutôt que de vous en prendre à la liberté d’expression, il serait plus judicieux que vous apportiez de vraies réponses à l’effondrement du niveau scolaire,…
M. David Assouline. C’est vous qui l’avez provoqué !
M. Bernard Fournier. … au déclin de la France dans les classements internationaux, à la flambée des atteintes à la laïcité, aux difficultés de recrutement des enseignants ou encore au sentiment légitime d’abandon qui les anime.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que nos enfants et le personnel de l’éducation nationale méritent mieux de leur ministre que des anathèmes et des propos inutilement polémiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Huées sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. David Assouline. C’est du Zemmour !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Fournier, il y a la liberté de la presse, à laquelle je suis aussi attaché que vous (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais il y a aussi la liberté d’expression. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI.) Ces deux libertés sont essentielles.
À ce titre, il est de mon droit le plus strict de donner un point de vue sur la ligne éditoriale d’une chaîne de télévision. Il ne s’agit pas de censurer qui que ce soit.
Si, monsieur le sénateur, vous aviez écouté mon interview dans son intégralité, si vous m’aviez écouté sur les grands chantiers de l’éducation nationale, vous m’auriez interrogé sur la parentalité et l’implication des parents dans la scolarité des enfants.
Mme Pascale Gruny. Il serait temps !
M. Pap Ndiaye, ministre. Vous m’auriez interrogé sur l’orientation des élèves, avec la découverte des métiers.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ce n’est pas le sujet !
Mme Nadine Bellurot. Répondez à la question !
M. Cédric Perrin. Ce n’est pas la bonne fiche !
M. David Assouline. Laissez-le parler !
M. Pap Ndiaye, ministre. Vous m’auriez interrogé sur la réforme du baccalauréat et sur les pistes de travail pour la réforme du troisième trimestre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Esquive !
M. Pap Ndiaye, ministre. Vous m’auriez interrogé sur la question du niveau en français et sur l’introduction de critères formels dans l’évaluation des copies du bac en orthographe et en syntaxe, ce qui passe par un renforcement des disciplines fondamentales – c’est ce que nous faisons en classe de sixième, avec l’heure de renforcement et de soutien en français et en mathématiques. (Les protestations redoublent sur les mêmes travées et se transforment en brouhaha.)
Vous m’auriez interrogé sur l’augmentation des professeurs et des personnels d’orientation et d’éducation à partir de la rentrée, des augmentations significatives inédites depuis trente ans. (Le brouhaha couvre la voix de M. le ministre.)
Vous m’auriez interrogé sur l’autonomie des établissements, avec le Conseil national de la refondation.
M. Max Brisson. Baratin ! Police de la pensée !
M. Cédric Perrin. Remaniement !
M. Pap Ndiaye, ministre. Voilà, monsieur le sénateur, les sujets sur lesquels vous auriez pu m’interroger, des sujets tout de même plus essentiels que la dérive extrême-droitière d’une chaîne de télévision ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, GEST et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
pesticides
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vents violents, orages destructeurs, etc.
Qui aurait pu prévoir ?
Depuis des années, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et du Haut Conseil pour le climat nous alertent sur l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes. Et ce n’est que le début…
Qui aurait pu prévoir ?
Élisée Reclus, en 1864, dans La Terre détruite par l’homme, écrivait : « Quelle que soit la liberté relative conquise par notre intelligence et notre volonté propres, nous n’en restons pas moins des produits de la planète : attachés à sa surface comme d’imperceptibles animalcules, nous sommes emportés dans tous ses mouvements et nous dépendons de toutes ses lois. »
Qui aurait pu prévoir ?
À l’heure d’un vote a minima sur la restauration de la nature au Parlement européen, la dure réalité, implacable, c’est l’effondrement des populations d’insectes.
Le 29 juin dernier, l’État a de nouveau été condamné. Le tribunal administratif de Paris, à la suite de requêtes de plusieurs associations, enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et à prévenir l’aggravation des dommages, en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires.
La réparation du préjudice devra être effective au 30 juin 2024 au plus tard.
Oui, il y a « préjudice écologique », résultant – je cite – de la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable » des eaux et des sols par les pesticides.
En 2021, la note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de notre collègue Annick Jacquemet, sur laquelle s’appuie notamment la décision du tribunal – fait inédit –, mentionne qu’un tiers des espèces d’insectes sont menacées d’extinction dans le monde, alors que ces derniers sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire, et conclut : « Les pesticides constituent une menace particulièrement importante pour les insectes en raison de leur utilisation intensive depuis des dizaines d’années et des réglementations inadaptées pour évaluer les risques qu’ils font encourir. »
Vous n’avez plus le temps de tergiverser. Tous les signaux sont au rouge. La situation appelle une action urgente, ambitieuse et forte. Que proposez-vous pour enrayer ce désastre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)