compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, mais aussi le respect du temps de parole.
finances publiques locales et dotation globale de fonctionnement
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Raymonde Poncet Monge et Esther Benbassa applaudissent également.)
M. Patrice Joly. Monsieur le président, mes chers collègues, vous connaissez, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, les difficultés que rencontrent nos élus locaux face à la crise sociale que nous vivons, laquelle suscite des attentes fortes de notre population.
Tout cela s’inscrit dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions, qui rejaillit sur les élus locaux et se traduit aujourd’hui par de la violence verbale et physique. C’est intolérable !
Dans ce contexte, nos élus sont en première ligne et créent de nouveaux services, souvent pour compenser les défaillances de services publics qui relevaient jusqu’à présent de l’État. On pense en particulier à la santé.
Aujourd’hui ces mêmes élus voient leurs marges de manœuvre financières fortement réduites, d’une part, par une évolution rapide des dépenses liées à l’inflation ainsi qu’aux revalorisations nécessaires des salaires, d’autre part, par une évolution plus faible de leurs recettes mises sous la tutelle de l’État.
Est en jeu la question de la préservation des capacités d’investissement des collectivités, qui, je vous le rappelle, représentent 70 % de l’investissement public. Comment les collectivités pourront-elles renforcer leur engagement dans les transitions ? Si des aides existent, le reste à charge est de plus en plus insoutenable.
Est également en jeu notre cohésion sociale et territoriale, dont, au mois de mai dernier, la Commission européenne elle-même a rappelé l’importance pour la dynamique de développement de notre pays.
Monsieur le ministre, pouvez-vous dès aujourd’hui nous assurer d’une évolution des dotations de l’État au moins égale à l’inflation à compter du prochain budget et d’une remise à plat rapide des dotations en vue de renforcer leur péréquation ?
Tout aussi urgente est la remise à plat de la fiscalité locale, sur laquelle les collectivités ont aujourd’hui perdu toute autonomie, cette autonomie pourtant affirmée par la Constitution qui permettrait de trouver un nouveau panel de ressources fiscales.
Pour garantir ce principe, à plusieurs reprises, le Sénat, en particulier le groupe SER, avec la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Éric Kerrouche du mois d’août dernier, a formulé des propositions pour que soit discutée chaque année une loi de financement des collectivités locales et éviter ainsi que celles-ci ne soient des variables d’ajustement budgétaire.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si, sur ce point, la position du Gouvernement peut évoluer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Joly, j’ai l’habitude de dire qu’il ne faut pas opposer l’État aux collectivités locales.
C’est pourquoi je vous remercie d’avoir insisté sur le fait que l’État a besoin des collectivités locales – et c’est une évidence ! – pour les services qu’elles apportent à la population, pour la part qu’elles ont dans l’investissement public dans notre pays, donc dans la transition écologique.
De la même façon, les collectivités locales ont besoin de l’État – et c’est là aussi une évidence ! – qui peut intervenir en cas de crise et les soutenir. C’est ce que l’on a fait l’an dernier avec le filet de sécurité.
D’ailleurs, je vous annonce que 400 millions d’euros ont été dépensés au titre du filet de sécurité inflation pour 2022. Je vous rappelle que, l’an dernier, quand je faisais des estimations autour de 430 millions d’euros, beaucoup doutaient du fait que ce filet trouve son public et que cette somme soit dépensée. Cela a été le cas et j’aurai l’occasion de donner des détails dans quelques jours pour que vous puissiez le constater : j’indique d’emblée que plus de 3 000 communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont pu bénéficier du filet de sécurité que vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs.
À ce propos, je rappelle également que vous avez décidé et voté une réédition de ce filet de sécurité en 2023, avec des critères assouplis, pour accompagner les collectivités locales les plus fragilisées par la hausse des prix liée à la crise de l’inflation.
On le sait, les collectivités locales ont besoin de pouvoir investir et nous avons besoin qu’elles puissent le faire. C’est pour cela que l’engagement de sanctuarisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), pris par le Président de la République en 2017, a été tenu.
Nous sommes même allés plus loin, puisque, cette année, le Gouvernement a abondé la DGF de 320 millions d’euros, ce qui fait que 90 % des communes ont vu leur dotation augmenter. Je sais que cela a été le cas dans votre département de la Nièvre, monsieur le sénateur.
Nous avons tenu cet engagement. Nous avons augmenté le concours aux collectivités locales. Nous avons créé le fonds vert et nous allons le reconduire pour faciliter les investissements massifs pour la transition écologique, conformément à l’annonce de la Première ministre.
Monsieur le sénateur, j’en viens à votre question sur le prochain projet de loi de finances. Non, nous n’allons pas faire d’économies ni amputer la DGF, contrairement à ce qui a pu être fait entre 2012 et 2017 par le gouvernement que nous soutenions tous les deux à l’époque. (Exclamations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.) J’ai l’honnêteté de le dire !
M. Franck Montaugé. On a redressé les comptes !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous ne ferons pas d’économies sur la DGF, comme cela a pu être fait au cours de la présidence de François Hollande. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue Jean-Claude Requier, qui a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat en septembre prochain.
Sénateur du Lot depuis 2011, vice-président de la commission des finances, il préside depuis six ans le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et contribue à faire vivre le pluralisme politique cher à notre institution sénatoriale et particulièrement cher à son groupe, qui est l’héritier de groupes ayant façonné la République.
Jean-Claude Requier est attaché à cette idée du Sénat, faite de laïcité et d’ouverture.
Je le remercie, au nom de tous les membres du Sénat, de son engagement au service de nos territoires, notamment ruraux, dont il s’est fait le porte-voix tout au long de ses mandats. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
suites de la réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Dans quelques semaines, je partirai à la retraite, vous l’avez indiqué, monsieur le président. Ma dernière question d’actualité au Gouvernement portera donc… sur les retraites (Rires.), plus précisément sur les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR).
Les prévisions sont toujours un exercice difficile, « surtout lorsqu’elles concernent l’avenir », affirmait Pierre Dac. Celles du COR ne dérogent pas à la règle.
Au mois de juin 2017, le COR assure que la France peut envisager l’avenir de son régime de retraite « avec une sérénité raisonnable ». Cinq mois plus tard, il change d’avis et prévoit une explosion des déficits.
En 2023, après une première tentative avortée, le Président de la République et le Gouvernement, prévoyant un déficit de 13 milliards d’euros en 2030, programment une nouvelle réforme des retraites avec un départ repoussé progressivement de 62 à 64 ans.
Que dit le COR ?
Son président affirme que les dépenses de retraite ne dérapent pas, sont relativement maîtrisées et globalement stabilisées, même à long terme, pouvant laisser penser qu’il n’y aurait pas de problème de financement et peut-être pas besoin de réforme.
La réforme sera finalement votée au Sénat et, au forceps, à l’Assemblée nationale, avec le 49.3, et elle suscitera manifestations, colère et violence.
Le 22 juin dernier, changement d’analyse : le dernier rapport du COR assure que la réforme ne ramènera pas l’équilibre financier en 2030 et prévoit au contraire un retour durable des déficits dès l’an prochain.
Madame la Première ministre, que pensez-vous de ces diagnostics apparemment contradictoires du COR, sachant que, en matière de politique publique, l’efficacité des décisions dépend justement de la véracité du diagnostic ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Jean-Claude Requier, je regrette tout comme vous qu’une instance comme le Conseil d’orientation des retraites, qui a été créé pour rassembler tous les acteurs et partager des constats communs sur le financement de nos retraites, n’ait pas pu pleinement jouer son rôle ces derniers temps.
Je regrette en particulier que ses travaux aient pu prêter à toutes sortes d’interprétations et d’expressions, éloignant ainsi le Conseil de sa mission originelle.
Mme Élisabeth Doineau. Exactement !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. De mon côté, monsieur le président Requier, comme vous, mon gouvernement et moi-même nous en tenons à ce qui est écrit.
Que nous disait le COR au moment de la réforme ? Que notre système était déficitaire et que, dans aucun scénario, même le plus optimiste, nous ne pouvions retrouver l’équilibre d’ici à 2030.
Que nous dit le COR aujourd’hui ? Il confirme une nouvelle fois qu’il y aurait eu des déficits importants sans la réforme et que celle-ci permet de les réduire considérablement d’ici à 2030.
Le dernier rapport du COR confirme aussi, comme nous le disions, que notre réforme augmente le niveau moyen des pensions et que les retraités modestes sont les premiers bénéficiaires de cette hausse.
Monsieur le président Jean-Claude Requier, alors qu’il s’agit de votre dernière question d’actualité au Gouvernement, je voulais à mon tour, de façon plus personnelle, vous remercier et saluer votre engagement et celui de votre groupe.
Vous êtes ici un sénateur écouté, un président de groupe respecté, un défenseur inlassable de la laïcité, engagé pour votre territoire, pour les élus, pour nos compatriotes, notamment dans la ruralité.
Vous êtes, à l’image de votre groupe, un partisan du dialogue et des solutions, un artisan des consensus et des compromis. Je tenais à vous souhaiter le meilleur et à vous remercier de tout le travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Madame la Première ministre, à l’avenir, il faudra clarifier le son du COR. (Sourires.)
Poétiquement, je conclurai avec Alfred de Vigny sur « le son du cor, le soir au fond des bois ». (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)
situation des associations d’aide alimentaire
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également. – Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Près d’un Français sur six déclare ne pas manger à sa faim. Dans un contexte de crise inflationniste des prix alimentaires, part essentielle du budget des ménages modestes, les Restos du cœur constatent cet été une augmentation de 25 % des Français qui ont recours à l’aide alimentaire.
Aucun territoire n’est épargné et, au fil de vos réformes, les publics s’élargissent : travailleurs pauvres, jeunes, familles monoparentales, retraités, enfants de moins de 3 ans – plus 16 % cet hiver !
L’inflation déstabilise l’équilibre budgétaire des associations d’aide. L’achat des produits alimentaires et d’hygiène devient plus onéreux pour les associations, qui reçoivent moins de dons alimentaires, lesquels sont de moindre qualité, et qui sont obligées de prélever sur leurs fonds propres pour répondre à la demande.
L’année prochaine, si aucune mesure n’est prise, le budget des Restos du cœur consacré aux achats alimentaires aura presque doublé en deux ans.
En outre, 40 % des épiceries solidaires ont dû réduire la quantité des produits et parfois l’accès à l’épicerie, quand elles n’ont pas dû baisser le seuil du reste à vivre pour pouvoir prétendre à cette aide.
Emmaüs refuse cinq personnes par semaine et par communauté.
De façon inédite, face à l’affluence, certains Restos du cœur ont dû stopper les inscriptions et ont mis en place des listes d’attente.
Les associations tirent la sonnette d’alarme, car, face à ces effets ciseaux, elles ne pourront plus nourrir et accompagner convenablement les personnes les plus démunies.
Le filet de sécurité des associations se fragilise. Que prévoyez-vous dès aujourd’hui pour restaurer leurs capacités à faire face à l’extrême pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Poncet Monge, vous l’avez souligné, l’inflation a fragilisé une partie de nos concitoyens, notamment les plus modestes.
Les chiffres actuels montrent le début d’une éclaircie, mais ce n’est bien sûr pas suffisant – encore que. La mise en place dans la grande distribution, à la demande du Gouvernement, d’un trimestre anti-inflation pour garantir aux consommateurs des prix préférentiels pour un ensemble de produits du quotidien se traduit déjà par une consommation peut-être plus aisée.
Parallèlement, vous le savez, le Gouvernement a agi pour contenir la hausse des prix de l’énergie, ce qui représente une dépense de 46 milliards d’euros. Il a également engagé la revalorisation anticipée des prestations de 4 %, démarche qu’il a poursuivie au 1er avril dernier : ainsi, la revalorisation atteint 5,6 % en un an.
En matière alimentaire, sujet essentiel, il y a eu un renforcement exceptionnel des moyens des associations d’aide alimentaire. Ainsi, les crédits de l’État ont triplé en 2022, pour atteindre 156 millions d’euros. Cela a permis notamment d’affecter en urgence 10 millions d’euros d’aide alimentaire à destination des étudiants cet hiver et d’apporter des réponses spécifiques aux outre-mer.
La lutte du Gouvernement contre la précarité alimentaire se concrétise aussi dès 2023 par le programme « Mieux manger pour tous ! », qui est doté de 60 millions d’euros pour cette première année d’amorçage et qui permettra de financer des paniers et des chèques verts et solidaires.
Sur ces 60 millions d’euros, 40 millions d’euros ont vocation à financer des actions nationales. Grâce au travail mené par le ministre Jean-Christophe Combe avec les dix-huit associations agréées, ces crédits sont actuellement fléchés. Cette démarche touche à son but.
Madame la sénatrice, permettez-moi de tirer mon chapeau à tous les bénévoles qui œuvrent dans ces associations d’aide alimentaire et qui accomplissent un travail absolument extraordinaire. (Mmes Françoise Gatel et Évelyne Perrot abondent. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, vous parlez de 2022 : je vous parle d’aujourd’hui.
Les associations proposent une augmentation du fonds d’aide alimentaire durable ou du fonds européen, comme lors de la crise de la pandémie. Nous attendons de vous un React-EU 2. Ce sont des mesures d’urgence.
Plus durablement, madame la ministre, portez les minima au seuil de pauvreté, et ce sans condition. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
lutte contre le harcèlement scolaire
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également.)
Mme Colette Mélot. Il s’agit de ma dernière question d’actualité au Gouvernement et je voudrais y associer mon collègue Jean-Pierre Decool, qui, comme moi, a choisi de ne pas solliciter de nouveau mandat.
Madame la Première ministre, mon engagement dans la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement est sans faille. Voilà six semaines, j’interpellais, une fois encore, M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse à la suite du décès tragique de Lindsay, qui est survenu quelques mois à peine après celui de Lucas.
Madame la Première ministre, vous avez annoncé au début du mois de juin dernier vouloir faire de la lutte contre le harcèlement scolaire la « priorité absolue » de la rentrée ; vous l’avez rappelé vendredi dernier. Nous saluons évidemment cette annonce, comme le futur déploiement d’un grand plan d’action contre un fléau d’une grande violence.
À la mi-juin, une heure de sensibilisation au harcèlement devait avoir lieu dans tous les collèges. Quels en ont été les retours ?
En 2021, j’ai proposé la création d’une mission d’information, idée retenue par le groupe Les Indépendants – République et Territoires, qui a réuni vingt-trois sénateurs et permis la publication d’un rapport d’information formulant trente-cinq préconisations.
Deux années ont passé, le harcèlement continue de faire des victimes malgré les mesures mises en place, comme le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe). Dans mes déplacements, j’ai pu constater les différences de mobilisation qui pouvaient exister entre les équipes éducatives.
Il est urgent d’agir et vous savez pertinemment qu’un grand plan mettra du temps à se déployer.
Pourtant, des mesures simples, comme aborder le sujet lors des prérentrées pour sensibiliser l’ensemble des enseignants et toute la communauté éducative, présenter le droit existant et les numéros d’aide dans le carnet de correspondance ou évoquer le sujet lors de la première réunion des parents d’élèves, pour ne citer que celles-ci, pourraient être appliquées dès les premiers jours de septembre.
Madame la Première ministre, quelles mesures concrètes seront mises en œuvre de manière effective dès la rentrée prochaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la sénatrice Colette Mélot, vous m’interrogez sur un sujet qui vous tient à cœur, je le sais, qui a été l’un des fils rouges de votre engagement en tant qu’élue et sur lequel vous avez écrit un rapport d’information important. La lutte contre le harcèlement à l’école me tient aussi tout particulièrement à cœur.
Le harcèlement est insupportable : c’est la violence et la bêtise qui s’abattent sur un jeune, le poursuivent à l’école et jusque chez lui sur les réseaux sociaux et peuvent le pousser à l’isolement, à la dépression et, parfois, à l’irréparable.
Aujourd’hui, comme vous, madame la sénatrice, j’ai une pensée pour Lindsay, Lucas, Chanel, Dinah, qui, ces dernières années, ont préféré mettre fin à leurs jours plutôt que de continuer à supporter cela. C’est inacceptable et révoltant.
C’est pourquoi j’ai voulu que la lutte contre le harcèlement soit une priorité absolue pour la rentrée 2023. Depuis six ans, beaucoup d’actions ont été engagées, notamment grâce au programme de prévention d’alerte et d’intervention pHARe et à la mobilisation de tous les acteurs.
Toutefois, nous devons aller plus loin encore. C’est pourquoi, la semaine dernière, j’ai réuni mes ministres spécifiquement sur le sujet. Pour mieux prévenir les risques, avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, j’ai décidé de déployer le programme pHARe dans tous les établissements dès la rentrée scolaire.
Pour protéger les élèves et s’assurer que la parole se libère, un coordonnateur sera nommé dans chaque établissement.
Pour répondre efficacement à toutes les situations et prendre en compte l’impact des réseaux sociaux, l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, de la protection judiciaire de la jeunesse et des forces de l’ordre seront sensibilisés aux enjeux du harcèlement scolaire et en ligne.
J’ai demandé à mon gouvernement de travailler et de bâtir autour du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse un plan interministériel pour la rentrée. Il devra permettre une meilleure prévention en sensibilisant les élèves et en responsabilisant les parents, et ce dès la rentrée. Il permettra de mieux détecter le harcèlement, de mieux accompagner les victimes et d’avoir un suivi plus rigoureux des auteurs.
Enfin, nous devons mieux coordonner les acteurs, faire connaître et simplifier nos dispositifs d’écoute et de prise en charge.
Madame la sénatrice, parce qu’il s’agit de votre dernière question d’actualité au Gouvernement dans cet hémicycle, je veux rendre hommage à votre travail, à votre volonté d’agir, et saluer la marque que vous laisserez au Sénat après plus de dix-huit ans de mandat.
J’en profite pour saluer également Mme la présidente de la commission des affaires sociales Catherine Deroche, Mmes les sénatrices Laurence Cohen et Françoise Férat, MM. les sénateurs André Gattolin, Jacques Le Nay, Charles Guené et Bernard Fournier. (Mmes et MM. sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, applaudissent.)
Madame la sénatrice Colette Mélot, j’évoquais votre engagement contre le harcèlement. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à mener ce combat, prendre toutes les mesures qui s’imposent pour éviter les drames, veiller à la civilité dans tous les échanges et protéger les enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Amel Gacquerre et Nassimah Dindar applaudissent également.)
Salutations à deux sénatrices et à un sénateur
M. le président. Je tiens à m’associer aux propos de Mme la Première ministre.
Chère Colette Mélot, depuis 2004, vous êtes engagée au Sénat, d’abord au sein de la commission de la culture, puis au sein de la commission des affaires sociales. Vous êtes également vice-présidente de la commission des affaires européennes.
Le sujet du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement, qui a fait l’objet de votre dernière question d’actualité au Gouvernement, a toujours été essentiel pour vous.
Je salue également Jean-Pierre Decool. Député, puis sénateur, il a toujours représenté le département du Nord, avec une inclination particulière pour la Flandre. (Sourires.)
En 2018, il a également été rapporteur d’une mission d’information sur les pénuries de médicaments – ce qui me donne l’occasion de saluer également Laurence Cohen, puisque notre assemblée vient de nouveau de se pencher sur ce sujet grâce à la commission d’enquête créée sur l’initiative du groupe CRCE. (Applaudissements.)
La dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement de cette session extraordinaire est l’occasion de saluer ceux de nos collègues qui ont pris la décision de ne pas renouveler leur mandat.
Avant de lui passer la parole, je veux donc saluer notre collègue Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, comment ne pas évoquer l’empreinte que vous avez laissée à la commission des affaires sociales, d’abord en tant que rapporteure du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche maladie, puis en tant que présidente ?
Vous avez su porter des valeurs, avec cette singularité angevine faite de douceur, de détermination (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) et d’autorité. Succédant à Alain Milon, vous avez toujours conduit les travaux de la commission des affaires sociales avec courtoisie et efficacité, vers des rivages qui n’avaient pas toujours le calme de ceux de la Loire – quand vous aviez des choses à dire, c’était d’ailleurs parfois les crues de la Loire ! (Sourires.)
Au nom du Sénat tout entier, je vous remercie également du travail que vous avez accompli, vous et tous vos collègues, durant la période si complexe de la covid-19, puisque votre commission a été au premier rang, notamment en ce qui concerne la situation de l’hôpital. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
confiance entre les soignants et les patients
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Deroche. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Monsieur le ministre, depuis un an, votre feuille de route est chargée. En commission, nous avons fait le point la semaine dernière sur tous ces chantiers, qu’il s’agisse des urgences, de la pédiatrie, de la psychiatrie, de la réforme hospitalière en matière de gouvernance ou de tarification, de la prévention.
Des colloques et des tables rondes récemment organisés au Sénat ont néanmoins montré des retards administratifs importants. Je pense à l’innovation en cancérologie ou à la prise en charge de la douleur chronique.
Bien plus, monsieur le ministre, demeurent chez les soignants une perte de sens dans leur métier et chez les Français en général, et chez les patients en particulier, une perte de confiance. C’est comme si quelque chose dysfonctionnait, s’était brisé, voire n’existait plus dans la politique sanitaire.
Dans le droit fil de la tradition de l’humanisme médical, je rappellerai cette formule du docteur Louis Portes au sortir de la guerre : « La médecine, c’est la rencontre d’une confiance, celle du patient, qui rejoint librement une conscience, celle du médecin. »
Nous voyons bien qu’il existe de réelles difficultés dans ce domaine. Monsieur le ministre, vous qui représentez la puissance publique, comment comptez-vous réenchanter cette rencontre ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)