M. le président. L’amendement n° 79, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Tout contenu à caractère sexuellement explicite doit être retiré ou bloqué à la demande de la personne filmée, immédiatement et gratuitement, sans avoir à attendre une collaboration des plateformes.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous reprenons ici la recommandation n° 10 du rapport Porno : l’enfer du décor, qui vise à exiger le retrait ou le blocage immédiat et gratuit de tout contenu à caractère sexuellement explicite, à la demande de la personne filmée.
Cette question est primordiale : lors des auditions effectuées par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et au travers du travail des associations de soutien aux victimes, nous avons constaté que les femmes ayant participé à des contenus pornographiques et demandant leur retrait n’obtenaient pas souvent satisfaction.
Cela devient un véritable combat, de surcroît coûteux. Nous demandons donc, aux côtés des victimes elles-mêmes, que ces retraits se fassent aussi rapidement que possible et sans frais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement ne me semble pas se trouver à la bonne place, puisque l’article 3 concerne les pouvoirs de Pharos par rapport aux contenus pédopornographiques.
Il me semble par ailleurs que, en raison de son caractère général, l’adoption de cet amendement viendrait remettre en cause le droit des contrats : une personne rémunérée pour participer à un tournage de film sexuellement explicite pourrait à tout moment exiger le retrait de ce film, quand bien même elle aurait cédé ses droits d’artiste interprète ou ses droits à l’image dans des conditions normales.
Je préfère la rédaction de l’amendement n° 70 rectifié de Mme Billon, qui sera discuté avant l’article 4, et qui me semble plus compatible avec le droit des contrats.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 79 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Si l’esprit de l’amendement n° 70 rectifié de Mme Annick Billon est le même, je retire le mien à son profit ; pour autant, monsieur le rapporteur, je suis perplexe quant à votre explication.
Nous pourrions débattre des histoires de contrat dans le domaine en question : nous avons observé que, pour les personnes exploitées et contraintes à tourner des contenus violents, des actes de barbarie, dans des conditions déplorables, le contrat ne représente rien. Il leur est extorqué et on peut tout leur faire subir en son nom.
Je me permets donc d’apporter un bémol à vos propos, mais je retire néanmoins mon amendement en faveur de celui d’Annick Billon : l’essentiel est que cette mesure soit adoptée.
M. le président. L’amendement n° 79 est retiré.
L’amendement n° 126, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« III.- Lorsqu’un fournisseur de services d’hébergement retire une image ou représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal, il en informe, dans les meilleurs délais, le fournisseur de contenu en précisant les motifs qui ont conduit au retrait de l’image ou de la représentation, la possibilité de solliciter la transmission d’une copie de l’injonction de retrait et les droits dont il dispose pour contester la demande de retrait devant la juridiction administrative compétente.
« Sur demande du fournisseur de contenus, le fournisseur de services d’hébergement transmet une copie de l’injonction de retrait.
« Les obligations prévues aux deux premiers alinéas ne s’appliquent pas lorsque l’autorité compétente qui a émis la demande de retrait décide qu’il est nécessaire et proportionné de ne pas divulguer d’informations pour ne pas entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des auteurs de l’infraction prévue au même article 227-23.
« En pareil cas, l’autorité compétente informe le fournisseur de services d’hébergement de sa décision en précisant sa durée d’application, aussi longue que nécessaire, mais ne pouvant excéder six semaines à compter de ladite décision, et le fournisseur de services d’hébergement ne divulgue aucune information sur le retrait du contenu au fournisseur de ce dernier.
« Ladite autorité compétente peut prolonger cette période d’une nouvelle période de six semaines, lorsque la non-divulgation continue d’être justifiée. En pareil cas, elle en informe le fournisseur de services d’hébergement. » ;
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cet amendement vise à permettre de différer l’information de l’éditeur d’un contenu pédopornographique qui a été retiré si Pharos – c’est-à-dire la police et la gendarmerie – estime que cette divulgation risque d’entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des responsables.
Cette possibilité de différer l’information de l’éditeur existe déjà dans d’autres domaines. Nous suggérons de l’appliquer ici, compte tenu de l’objet de l’article 3, afin de confondre plus facilement les auteurs qui diffusent de la pédopornographie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il est très favorable.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Dans l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 3.
Après l’article 3
Mme le président. L’amendement n° 89, présenté par Mme M. Vogel, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 9° de l’article 222-24 du code pénal est ainsi rétabli :
« 9° Lorsque des images ou vidéos de la commission du viol sont transmises en temps réel par un moyen de communication électronique à un ou plusieurs commanditaires. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous reprenons la séance en abordant un sujet difficile, puisque cet amendement de ma collègue Mélanie Vogel vise à créer, dans le code pénal, une nouvelle infraction réprimant le viol retransmis en direct en ligne.
Depuis quelques années, l’on observe en effet une nouvelle pratique choquante, terrible, mais pourtant bien réelle : la retransmission en direct en ligne des images d’un viol à un commanditaire.
Ce phénomène intolérable, également nommé viol en retransmission en direct, viol en live streaming ou viol en ligne, est commis en plusieurs actes : le commanditaire contacte le futur auteur réel des faits, le plus souvent via une plateforme en ligne, afin de lui demander de commettre un viol et de filmer ce crime contre rémunération. Le commanditaire détaille parfois précisément comment il souhaite que le crime se déroule. La victime, quant à elle, est souvent un proche de l’auteur réel des faits.
Une fois ce terrible accord conclu, l’auteur réel des faits et le commanditaire mettent en place une visioconférence ou un appel vidéo durant lequel l’auteur des faits commet le crime, dont les images sont alors retransmises en direct au commanditaire.
Le commanditaire est bel et bien responsable de ce viol, qui n’aurait pas été commis sans son paiement.
On me dira sans doute que cet amendement est satisfait, car le violeur comme le commanditaire d’un viol risquent, dans certains cas – mais pas dans tous, or les détails importent –, jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.
En effet, si ce viol en ligne est commis sur une mineure de 15 ans, il s’agit d’un fait aggravant qui porte la peine encourue de quinze ans à vingt ans de réclusion criminelle. Mais si ce viol en ligne ne correspond à aucun des cas de figure énumérés à l’article L. 222-24 du code pénal, la peine encourue ne sera que de quinze ans de réclusion criminelle.
Par cet amendement, nous proposons donc de porter à vingt ans de réclusion criminelle la peine encourue pour tous les viols commis en ligne.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les auteurs de l’amendement entendent mieux lutter contre les viols d’enfants diffusés en temps réel sur internet. Ils visent plus précisément les cas où un commanditaire prend contact par internet avec les familles pour la commission d’un tel crime.
Je ne peux que vous rejoindre sur le fond, mon cher collègue : la commission spéciale ne néglige aucunement la gravité de tels actes. Je relève toutefois que l’amendement est satisfait par le droit en vigueur.
En effet, le code pénal prévoit deux circonstances aggravantes qui permettent de couvrir ce cas d’espèce, puisque la peine de vingt ans est déjà encourue lorsque la victime est un mineur de moins de 15 ans et lorsque la mise en relation entre l’auteur et la victime s’est faite au travers d’un réseau de communications électroniques.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le rapporteur, êtes-vous certain que dans l’article du code pénal que vous citez, l’âge de la victime est une circonstance aggravante, non pas seulement pour l’auteur, mais aussi pour le commanditaire du viol ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État. En tout état de cause, et bien que nous ne disposions pas d’une jurisprudence en la matière, le commanditaire pourra être poursuivi au titre de sa complicité avec l’auteur des faits réels et passible des mêmes peines. Nous avons donc les moyens de mener une répression efficace.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Comme la procureure de la République l’avait indiqué devant la mission d’information sur l’industrie de la pornographie, les juges ne manquent pas tant d’articles du code pénal pour fonder leurs poursuites que d’enquêteurs pour parvenir à identifier les auteurs et les poursuivre.
Je crois que sur les cent cinquante auteurs de ce type de commandes qui sont identifiés par les services de cybercriminalité, seulement une trentaine sont poursuivis, faute de pouvoir engager toutes les enquêtes.
Nous avons donc d’abord besoin d’enquêteurs.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Pour vous répondre, madame Rossignol, le 2° de l’article L. 222-24 du code pénal précise que le viol, tel qu’il est défini à l’article L. 222-23 du même code, est puni de vingt ans de réclusion criminelle dès lors qu’il est commis sur un mineur de 15 ans. L’âge de la victime est donc une circonstance aggravante pour l’auteur des faits comme pour le commanditaire.
Mme le président. L’amendement n° 90, présenté par Mme M. Vogel, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport dressant les moyens mis en œuvre pour lutter contre les viols commandités en ligne via des plateformes de retransmission en direct.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’amendement n° 89 n’ayant pas été adopté, le présent amendement de repli a pour objet de demander la remise d’un rapport relatif à la répression des viols commandités en ligne et retransmis en direct.
Puisqu’il semble difficile de légiférer sur ce phénomène inquiétant dans le cadre du présent projet de loi, nous souhaitons que le Gouvernement rédige un rapport dressant la liste des moyens mis en œuvre pour lutter contre les viols commandités en ligne via des plateformes de retransmission en direct.
Bien que plusieurs articles de presse abordent ce sujet bien connu des enquêtrices et des enquêteurs de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), qui, au 6 décembre 2021, poursuivaient 300 Français suspectés d’avoir commis un viol en ligne, on nous oppose fréquemment que ce phénomène serait mal connu. Nous demandons donc un rapport pour remédier à cette situation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Mon cher collègue, vous connaissez la jurisprudence du Sénat sur les demandes de rapport : je demande donc le retrait de cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
PROTECTION DES CITOYENS DANS L’ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE
Avant l’article 4
Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mmes Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier, est ainsi libellé :
Avant l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa rédaction résultant de l’article 22 de la présente loi, il est inséré un article 1-… ainsi rédigé :
« Art. 1-…. - Les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mettant à disposition du public des contenus pornographiques affichent, avant tout accès à un contenu simulant la commission d’un crime ou d’un délit mentionné au deuxième alinéa du présent article, un message avertissant l’utilisateur du caractère illégal des comportements ainsi représentés. Ce message est clair, lisible, unique et compréhensible.
« Le premier alinéa est applicable aux infractions prévues par la section 3 du chapitre II et par le paragraphe 2 de la section 5 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal.
« La commission simulée d’un crime ou d’un délit est appréciée en fonction du titre du contenu ainsi que des mots-clés, expressions ou autres entrées renvoyant vers ledit contenu.
« Tout manquement à cette obligation est puni des peines prévues à l’article 1-2 de la présente loi.
« Tout contenu qui ne fait pas l’objet d’un message d’avertissement en violation du présent article est illicite au sens de l’article 3, paragraphe h, du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Les travaux du Sénat ont mis en évidence le caractère systémique et massif des violences perpétrées envers les femmes dans le milieu de la pornographie.
La massification de la pornographie en ligne et l’industrialisation de ce secteur économique ont eu pour conséquence, d’une part, la construction d’un système de domination et de violences faites aux femmes dans l’industrie pornographique et, d’autre part, l’affirmation d’une division sexuée et racialisée des rôles dans les rapports sexuels, emportant un ensemble de stéréotypes misogynes, racistes, lesbophobes et hypersexualisés poussés à l’extrême.
Afin de lutter contre ce phénomène, le présent amendement tend à imposer aux éditeurs de sites pornographiques de faire apparaître un message alertant le consommateur sur le caractère illégal des comportements représentés. Ce message devra s’afficher avant la diffusion de tout contenu comportant la simulation ou la représentation d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une infraction commise contre un mineur, qui sont autant d’infractions lourdement réprimées par le code pénal.
Permettez-moi, pour illustrer tout l’intérêt de cet amendement, de relever l’un des paradoxes auxquels nous sommes confrontés.
Les publicités pour des boissons alcoolisées doivent afficher un message de prévention – « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé » –, mais les vidéos pornographiques qui proposent des infractions pénalement répréhensibles ne présentent aucun message de sensibilisation.
Je précise que le non-respect de cette obligation serait puni d’une amende de 75 000 euros et d’un an d’emprisonnement.
Les contenus porteurs des infractions précitées et qui ne seraient pas précédés d’un message d’avertissement seraient soumis aux obligations prévues par ce texte en matière de notification, de détection et de mise hors d’accès.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement tend à compléter l’article 2, qui vise à empêcher l’accès des mineurs aux contenus pornographiques.
La présente proposition s’appliquerait à tout utilisateur, quel que soit son âge, puisque les éditeurs des sites pornographiques auraient l’obligation de diffuser des messages d’avertissement avant de rendre possible la visualisation de contenus violents. Le caractère illégal des pratiques concernées dans la vie réelle serait ainsi rappelé.
À défaut, les contenus deviendraient illicites et pourraient donner lieu aux procédures habituelles de signalement auprès des hébergeurs.
Comme je l’ai indiqué précédemment, la commission spéciale est favorable à cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Si je partage votre intention, madame la sénatrice, j’estime qu’il convient de travailler davantage cette proposition dans le cadre de la navette.
Pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous avions déposé un amendement similaire à l’article 1er, mais le rapporteur nous a indiqué qu’il serait plus opportun d’introduire ce dispositif en cet endroit du texte.
Nous soutenons donc le présent amendement. Il importe que celui-ci soit adopté : je rappelle qu’un certain nombre de producteurs et d’acteurs sont actuellement mis en examen pour traite d’êtres humains, viol en réunion et proxénétisme aggravé.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous voterons également cet amendement, dont nous connaissons bien la genèse, l’intention et la portée.
Son adoption permettra de poursuivre les éditeurs de certains contenus pornographiques diffusés sur internet qui constituent d’ores et déjà des infractions pénales, mais qui ne sont pas poursuivis à ce titre.
À défaut d’une telle disposition, je ne vois pas par quelle magie les éditeurs pourraient être poursuivis, car c’est l’accès, non pas seulement des mineurs, mais de l’ensemble des usagers des sites pornographiques aux contenus visés qui est en cause.
En permettant d’identifier clairement la nature illicite de ces contenus, nous compliquons la vie des éditeurs de sites pornographiques, ce qui est notre but assumé.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Je soutiendrai moi aussi cet amendement.
Plus largement, je souhaite que le texte que nous sommes en train d’écrire ensemble protège vraiment les enfants, ce dont je doute.
La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, dont le décret d’application n’a été pris que quatorze mois après la promulgation, n’est toujours pas appliquée, sans que l’on sache pourquoi.
Sur ma proposition, le Sénat avait adopté un amendement visant à imposer aux éditeurs de sites pornographiques le contrôle de l’âge des usagers. Or les éditeurs n’ont absolument pas respecté cette obligation.
À la suite de 500 contrôles d’huissier attestant de telles défaillances, l’Arcom a déféré les éditeurs fautifs en justice. Le tribunal a imposé aux parties de rencontrer un médiateur, procédé que l’Arcom a dénoncé.
Dans trois jours, vendredi 7 juillet, le tribunal se prononcera sur la peine encourue par les éditeurs. Nous saurons alors si la justice est capable de faire appliquer la loi.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 4.
L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mmes Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier, est ainsi libellé :
Avant l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-1 … ainsi rédigé :
« Art. 6-1 …. - Les fournisseurs de services d’hébergement définis au 2 du I de l’article 6 de la présente loi agissent promptement pour retirer tout contenu pornographique signalé par une personne représentée dans ce contenu comme étant diffusé en violation de l’accord de cession de droits, ou pour rendre l’accès à celui-ci impossible, dès lors que ce signalement est notifié conformément à l’article 16 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a instauré un « droit à l’oubli » pour les contenus à caractère pornographique diffusés à l’insu des personnes exposées, pratique dénommée revenge porn.
Ce doit à l’oubli est cependant inexistant lorsque la vidéo a fait l’objet d’un « contrat », avec toutes les précautions dont il convient d’assortir ce terme. Bien souvent, les seuls contrats signés par les personnes participant à des tournages pornographiques sont en effet des contrats de cession de droits à l’image sur un territoire et pour une durée illimitée.
Pour le retrait d’une vidéo mise en ligne, les producteurs réclament entre 3 000 et 5 000 euros, soit dix fois plus que la rémunération perçue pour le tournage du contenu visé.
Cet amendement a pour objet de permettre aux personnes qui ont tourné dans un film pornographique d’obtenir sans délai le retrait de ce contenu dès lors qu’il continue d’être diffusé sur internet au-delà de la période contractuelle ou lorsque la diffusion ne respecte pas les modalités prévues.
Il s’inscrit dans la démarche que vous avez engagée, monsieur le ministre, en annonçant la constitution d’un groupe de travail conjoint avec la Chancellerie sur cette question spécifique.
Ce dispositif devra être complété par une future loi encadrant les relations contractuelles relatives à la cession de droits à l’image.
Si les conclusions du rapport sénatorial Porno : l’enfer du décor n’appelaient pas à des mesures réglementaristes, force est de constater qu’il n’existe actuellement pas d’autre solution satisfaisante pour venir en aide aux femmes victimes de l’industrie pornographique. Il s’agit donc d’une première étape pour mieux protéger les acteurs et actrices de vidéos pornographiques.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement tend à clarifier le statut des vidéos pornographiques diffusées au-delà des conditions fixées par les accords de cession de droits avec les personnes filmées.
Les dispositions qu’il est proposé d’introduire permettraient aux personnes qui veulent obtenir le retrait de ces vidéos de s’appuyer sur une base légale claire vis-à-vis des hébergeurs et des plateformes.
Comme le rappellent les auteures de cet amendement, ces dispositions ne permettraient de résoudre qu’une partie des difficultés. Il faudrait aussi, parallèlement, imposer des modalités de cession suffisamment claires dans les contrats. Il nous faudra donc aller plus loin, dans le cadre d’un autre débat.
La commission spéciale est favorable à cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Si la période de diffusion prévue contractuellement est terminée ou si les conditions de diffusion ne sont pas respectées, le contenu devient de fait illicite et son retrait peut être demandé par la personne concernée. En la matière, le droit à l’oubli est bien effectif.
Lors des consultations que nous avons menées auprès des victimes de l’industrie numérique, les créatrices de contenus en ligne nous ont indiqué que les sites pornographiques répondent en général bien plus rapidement que d’autres plateformes à leurs demandes de retrait d’images ou de vidéos leur appartenant et postées par des tiers.
En tout état de cause, comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, votre proposition n’a pas vocation à épuiser le sujet, car la durée des contrats peut faire l’objet d’abus.
J’estime que nous devons remédier à cette difficulté en mettant autour de la table des experts du droit des contrats et des experts du RGPD. Nous pourrons ainsi faire aboutir la demande que vous m’avez adressée dans le cadre des travaux de la commission spéciale.
Pour l’heure, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, il est d’autant plus important d’adopter cet amendement que le Parlement européen débat actuellement d’une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Une première version a été adoptée par la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres et sera débattue lors d’une séance plénière le 13 juillet prochain, avant que ne s’engage le trilogue.
Le Conseil européen a donc lui aussi préparé une version finale. Même si celle-ci ne sera pas adoptée en l’état à l’issue du trilogue, force est de constater que cette version est troublante, pour ne pas dire très inquiétante.
Il y est en effet indiqué que la diffusion d’images ou de vidéos montrant des activités explicites de sexualité ou de parties intimes de personnes publiques ne saurait être considérée comme illégale au regard de la liberté d’expression, en particulier de la liberté de partager des informations et des idées.
En adoptant l’amendement proposé par Annick Billon et Alexandra Borchio Fontimp, nous indiquons clairement que la France considère que l’on ne peut partager des images de personnalités publiques sans leur accord.