M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les deux amendements identiques nos 3 et 88 ont pour objet de supprimer la création d’un référentiel pour les systèmes de vérification de l’âge, inscrite à l’article 1er.
Or cette mesure reprend la recommandation n° 14 du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes – il nous a inspirés pour un certain nombre de mesures et d’amendements –, dont vous êtes toutes les deux auteures, mesdames Rossignol et Cohen. Aussi, je suis un peu surpris par les amendements que vous présentez.
Je ne pense pas qu’imposer aux plateformes pornographiques des systèmes de vérification de l’âge conformes à un référentiel établi par l’Arcom risque de les déresponsabiliser. C’est bien sur ces plateformes que repose la responsabilité pénale de ne pas laisser les mineurs accéder à leurs contenus.
Par ailleurs, le référentiel deviendrait la base d’un nouveau pouvoir de mise en demeure et de sanction de l’Arcom, pouvant aboutir au blocage des sites. Vous comprendrez que la commission spéciale émette un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 62 rectifié bis présenté par M. Fialaire, qui dispose que l’avis de la Cnil doit être conforme, ne répond pas à une demande de celle-ci, car nous l’avons interrogée à ce propos.
En effet, il n’y a pas lieu de donner à une autorité administrative indépendante la prééminence sur une autre, alors qu’elles travaillent main dans la main sur ce dispositif ; nous en avons même eu le témoignage lors de l’audition commune des trois présidents de la Cnil, de l’Arcom et de l’Arcep. Notre avis est donc défavorable.
En réponse à l’amendement n° 34 de M. Dossus et de ses collègues, je rappelle que le principal objet de l’article 1er est de mettre en place des systèmes de contrôle d’âge fiables et respectueux des données personnelles, c’est-à-dire, en l’espèce, du RGPD. L’aspect environnemental doit être pris en compte, à condition que cette première étape ait été franchie, monsieur Dossus.
Par ailleurs, c’est davantage le visionnage des sites pornographiques, vu leur poids dans la bande passante, que le contrôle des sites qui poserait une difficulté. (Mme la secrétaire d’État manifeste son approbation.) Madame la secrétaire d’État, je vous vois opiner du chef ! (Sourires.) Aussi, nous émettons un avis défavorable sur votre amendement, mon cher collègue.
En ce qui concerne l’amendement n° 37, relatif à l’anonymat en ligne, je rappelle que l’objet du référentiel est bien de protéger la vie privée des utilisateurs. Dans ce cadre, l’Arcom, la Cnil et le PEReN semblent enclins à suggérer, parmi d’autres solutions, un système de double anonymat et non simplement d’anonymat, comme vous semblez le proposer, mon cher collègue.
En effet, l’anonymat peut nécessairement être levé à un moment donné pour vérifier l’âge de l’utilisateur. En revanche, il est préconisé que la levée de l’anonymat se fasse auprès d’un tiers de confiance et non directement auprès de l’éditeur de la plateforme pornographique. La rédaction que vous proposez ne convient donc pas.
Par ailleurs, il ne semble pas utile d’entrer trop dans le détail des caractéristiques qui seront inscrites dans le référentiel. Selon nous, c’est aux deux autorités administratives indépendantes, qui ont la compétence technique et juridique plus encore que nous autres parlementaires, de se prononcer sur cette question, chacune selon son champ de compétences, et d’adapter ces caractéristiques au fil du temps et des évolutions technologiques. Notre avis est donc défavorable.
L’amendement n° 36 nous semble satisfait. C’est bien ce que recouvre la notion de respect de la vie privée des utilisateurs, déjà inscrite à l’alinéa 3, qui justifie précisément l’avis de la Cnil. La commission spéciale en demande le retrait ; à défaut son avis serait défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 38 relatif à la question du format ouvert et librement réutilisable des systèmes de vérification de l’âge. L’objet de cet amendement me semble déjà assuré par le RGPD lui-même, qui dispose dans son article 15, qui est d’application directe en droit interne – il s’agit d’un règlement –, que le responsable du traitement fournit une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement. S’agissant du format des logiciels utilisés pour le contrôle de l’âge, il faut d’abord regarder les solutions disponibles sur le marché, me semble-t-il. Il est trop tôt pour imposer un format plutôt qu’un autre. Aussi, j’émets un avis défavorable.
Enfin, en réponse à l’amendement n° 35, qui tend à exclure l’utilisation de technologies de reconnaissance biométrique, je pense qu’il faut laisser la Cnil poser les limites qui lui semblent utiles aux systèmes de vérification de l’âge. Actuellement et dans l’attente de systèmes plus vertueux, elle s’est déclarée favorable à des procédés d’estimation de l’âge reposant sur une analyse faciale et non pas une reconnaissance faciale. Il s’agirait donc d’analyser les traits du visage, afin d’en apprécier la juvénilité, et non d’identifier une personne. À cela s’ajoute la condition que ces procédés soient mis en œuvre par un tiers.
Il faut en effet être pragmatique dans l’attente de développement de solutions par le marché. Monsieur Dossus, je ne voudrais pas que l’adoption de votre amendement empêche la mise en œuvre de solutions pragmatiques, respectueuses de la vie privée, mais qui seraient des évolutions technologiques que les plateformes trouveraient par elles-mêmes. Aussi, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, d’où vient le principe du référentiel, sur lequel l’Arcom va pouvoir s’appuyer pour ordonner le blocage et le déréférencement de sites pornographiques qui ne vérifieraient pas l’âge de leurs utilisateurs ?
On en trouve d’abord l’origine dans le décret d’application de la loi du 30 juillet 2020, qui décrit la procédure par laquelle l’Arcom peut mettre en demeure les sites pornographiques et saisir le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir leur blocage et leur déréférencement.
Ce référentiel, comme l’a rappelé M. le rapporteur, on le retrouve ensuite à la page 127 et à la recommandation n° 14 du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il s’agit d’une condition pour que l’Arcom, assurée que le niveau de sécurité juridique est suffisamment élevé, puisse ordonner le blocage des sites pornographiques.
Comme M. le rapporteur l’a également rappelé, si nous n’avons pas de référentiel, en réalité, c’est non pas sur les plateformes que nous rejetons la responsabilité, mais sur le juge. Croyez-moi, les plateformes ne vont pas se précipiter pour mettre en place des systèmes de vérification d’âge extrêmement fiables !
Elles vont mettre en œuvre la première solution venue, à charge pour les juges de déterminer ensuite si, oui ou non, la solution est acceptable, suffisamment fiable ou protectrice de telles ou telles données personnelles.
En réalité, le référentiel vient sécuriser la capacité de l’Arcom à ordonner le blocage et le déréférencement. Et puisque nous prévoyons dans les articles 1er et 2 d’aller beaucoup plus vite, en contournant la procédure judiciaire, pour procéder à ce blocage, il faut que nous puissions fixer, à tout le moins, les conditions dans lesquelles le blocage et le déréférencement puissent être prononcés par l’Arcom.
Je veux faire observer qu’il n’y a aucun lien, ou plutôt qu’il ne doit y avoir aucune interférence, contrairement à ce que vous semblez envisager, madame la sénatrice Rossignol, entre la procédure judiciaire, qui est en cours depuis un an et demi devant le tribunal judiciaire de Paris, dont le verdict est attendu vendredi prochain, et les articles 1er et 2 du présent projet de loi.
Les dispositions de ces derniers articles ne seront applicables que pour les affaires ayant trait à des poursuites qui auront été engagées à partir du 1er janvier 2024, comme le prévoit l’article 36. D’ici là, le droit existant s’applique. Or que faut-il faire pour que les plateformes soient en conformité avec le droit existant ? Eh bien, pour le dire de façon imagée, il leur suffit de se baisser et de ramasser n’importe quel système de vérification d’âge pour satisfaire aux prescriptions légales. Comme l’ont dit Mme la secrétaire d’État, la Cnil et moi-même, nombre de systèmes d’estimation de l’âge existent aujourd’hui et sont librement accessibles sur le marché, comme pour l’utilisation de la carte de crédit pour un paiement à zéro euro. Tous ces systèmes seront en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023. Il n’y a donc aucune raison ni pour les sites ni pour le juge d’aller chercher la moindre référence dans le texte que le Parlement adoptera à l’issue de son examen, puisque ses dispositions ne s’appliqueront qu’à l’avenir, pour des affaires futures.
Pour revenir à la discussion des amendements, je demande le retrait des amendements identiques nos 3 et 88, qui tendent à supprimer le référentiel ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je répète mon argument principal : dans la mesure où il s’agit de demander à l’Arcom de prendre une décision assez lourde, à savoir ordonner en quelques semaines le blocage et le déréférencement du site, celle-ci doit pouvoir s’appuyer sur un référentiel. Peu importe si ce dernier est souple et permet simplement d’assurer ou d’attester un minimum de fiabilité des solutions de vérification d’âge retenues.
L’amendement n° 130 du rapporteur vise à pousser l’Arcom à publier ce référentiel dans les six mois, soit d’ici au 1er janvier 2024, date à laquelle l’article 2 entrera en vigueur. L’Arcom devrait être en mesure de publier le référentiel dans ces délais ; le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
L’amendement n° 62 rectifié bis, de Bernard Fialaire, et les amendements nos 34, 37, 36, 38 et 35, de Thomas Dossus, soulèvent tous des questions légitimes relatives au RGPD, à l’empreinte environnementale, à l’open source, etc. Je propose à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, car nous préférons conserver un référentiel souple, à même de permettre à l’Arcom d’ordonner le blocage et le déréférencement en toute sécurité. Les sites pornographiques pourraient en effet tirer argument d’un référentiel excessivement complexe et coûteux pour ne pas s’y conformer.
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l’amendement du rapporteur, qui vise à demander à l’Arcom de publier le référentiel dans les six mois, et propose de ne pas toucher à la rédaction initiale de l’article.
Mme Laurence Rossignol. Mais n’est-ce pas déjà ce que prévoit le texte de la commission ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Oui, madame Rossignol, vous êtes bien à l’origine de cette disposition adoptée en commission, avec mon avis favorable.
Notre amendement n° 130 ne fait que déplacer cette disposition du texte de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite LCEN, vers le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le rapporteur, il ne m’avait pas échappé que le référentiel figurait dans les préconisations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Notre rapport d’information, élaboré il y a un an, a été publié en septembre dernier. Depuis lors, l’état de l’art a évolué. J’ai rencontré des spécialistes de la procédure judiciaire et je crains que ce référentiel ne se traduise que par une obligation de moyens à l’égard des sites. Il ne permettra pas, à lui seul, de faire appliquer la loi.
Vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu, monsieur le ministre, en déclarant que les sites n’auront qu’à se baisser pour mettre en place des outils conformes au référentiel…
Mme Laurence Rossignol. Soit, mais je ne vois pas ce que le référentiel apportera.
Je voudrais à tout le moins préciser que les sites ne devront pas se conformer qu’au seul référentiel. En outre, ce dernier devra être régulièrement mis à jour. La volonté des sites d’appliquer la loi sera aussi évaluée en fonction de l’état de l’art et des technologies, car les outils évolueront probablement plus vite que le référentiel.
Oui, monsieur le rapporteur, j’ai changé d’avis. J’espère que vous serez aussi soucieux de reprendre les préconisations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes lorsque nous examinerons l’amendement n° 83 de Mme Cohen, qui en est également issu…
Monsieur le ministre, j’ai quelques notions de droit et je connais le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Je sais bien que les affaires en cours seront jugées d’après la loi en vigueur. Mais ce qui se dit au Parlement sur le droit en vigueur peut éventuellement peser… Un appel n’est pas exclu.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Rossignol. Je tenais à faire cette mise en garde.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 88.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Bernard Fialaire. Je retire l’amendement n° 62 rectifié bis.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de communication au public en ligne qui diffuse des contenus pornographiques prévoit l’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous proposons une mesure concrète pour protéger les mineurs d’une exposition à des contenus pornographiques inappropriés en ligne. Elle s’inspire de la recommandation n° 13 du rapport d’information intitulé Porno : l’enfer du décor, qui a mis en évidence les risques et les conséquences néfastes auxquels les mineurs peuvent être confrontés lorsqu’ils accèdent à des contenus pornographiques.
L’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié constituerait une mesure efficace pour limiter l’accès des mineurs à ces contenus. Ce faisant, nous encourageons les sites internet à caractère pornographique à adopter des mesures de contrôle et de prévention de l’accès des mineurs, conformément à leurs responsabilités éthiques et légales.
L’affichage d’un écran noir permet en outre de sensibiliser les utilisateurs, en particulier les mineurs, sur la nécessité de respecter les restrictions d’âge et promeut une utilisation responsable d’internet. Cette mesure s’inscrit dans une démarche de prévention, en évitant en amont aux mineurs d’accéder involontairement à des contenus qui pourraient nuire à leur développement et à leur bien-être.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cette précision relève du contenu du référentiel. J’imagine que l’Arcom s’inspirera des travaux parlementaires, et notamment du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Nous avons veillé à ne pas inscrire le détail du référentiel dans le présent article, afin de laisser de la souplesse aux deux autorités chargées de son élaboration, l’Arcom et la Cnil, qui pourront le faire évoluer au gré des avancées technologiques.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Madame la sénatrice, je comprends pourquoi vous souhaitez cet écran noir : même avec une vérification d’âge, le site internet peut faire apparaître des images explicites, éventuellement sur le côté de l’écran. Je suis tout à fait d’accord avec vous et c’est précisément la raison pour laquelle nous voulons un référentiel.
Il faudra donc pousser l’Arcom à tenir compte de cette recommandation de votre excellent rapport. La vérification d’âge, ce n’est pas une blague ; les sites doivent l’effectuer de manière très sérieuse. Tant que son âge n’a pas été vérifié, l’utilisateur ne doit avoir accès à aucun contenu pornographique.
Votre proposition montre combien il est difficile de poser une simple obligation de résultat en la matière. Nous devons fixer quelques obligations de moyens pour permettre à l’Arcom d’user de son pouvoir de police administrative en ordonnant le blocage et le déréférencement d’un site.
Je vous demanderai également de bien vouloir retirer votre amendement. Toutefois, je m’engage à pousser l’Arcom à retenir le principe de l’écran noir pour l’établissement du référentiel dans les six prochains mois.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Merci, monsieur le ministre, de vos explications détaillées. Toutefois, je m’étonne.
Notre rapport d’information est considéré comme extrêmement sérieux. Il a été adopté par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et le Sénat a adopté une proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique.
Quand nous avons pris nos bâtons de pèlerine pour présenter notre rapport d’information dans différents ministères, tous nous ont accueillies avec beaucoup d’intérêt et de bienveillance et nous ont dit qu’ils allaient s’appuyer sur notre rapport d’information.
Nous sommes à l’heure des travaux pratiques et nous formulons des propositions claires et nettes ; or on nous dit désormais : « c’est intéressant, mais nous venons de faire quelque chose de très sérieux, nul besoin de mettre cette mesure en application… » Franchement, cela ne me convainc pas. Allez sur les sites pornographiques et vous verrez tout l’intérêt d’un écran noir !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, vous voulez faire au mieux et je vous donne acte de votre bonne volonté. Toutefois, nous sommes législateurs.
Vous savez que notre proposition d’écran noir est efficace. Lorsque vous nous répondez qu’il faudra pousser l’Arcom à prendre en compte cette proposition sénatoriale, cela ne me satisfait pas. Je n’ai ni l’intention ni les moyens de pousser l’Arcom. Ils font d’ailleurs un peu ce qu’ils veulent par rapport au Parlement : nous les auditionnons, mais n’avons aucun moyen de les « pousser » – vous en avez certainement plus que nous, monsieur le ministre.
Je ne suis pas certaine qu’il faille laisser ce sujet dépendre du seul référentiel. Le meilleur moyen de garantir l’effectivité de cette mesure, c’est de voter l’amendement : plus besoin, alors, de pousser l’Arcom !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Le rapport d’information Porno : l’enfer du décor contient vingt-trois propositions, dont celle sur l’écran noir.
Le premier volet de nos propositions visait à imposer dans le débat public la lutte contre les violences pornographiques, grande absente et du débat public et de nos politiques publiques.
Nous le constatons dans notre débat d’aujourd’hui : il faut une volonté politique pour enfin appliquer la loi sur le contrôle de l’âge des utilisateurs. Monsieur le ministre, comme le soulignent mes deux collègues coauteures dudit rapport, nous avons besoin que le Gouvernement s’engage pour garantir que les mineurs n’auront pas accès à ces contenus.
Le référentiel devra évoluer, à l’instar de la technique, qui évolue tous les jours. Nous avons besoin de garanties, car l’Arcom, lorsqu’elle a été entendue au Sénat, s’est montrée assez réticente à appliquer certaines dispositions législatives en vigueur.
Je suivrai l’avis de la commission spéciale, mais je vous demande un engagement pour qu’enfin l’Arcom se plie à la volonté politique d’interdire l’accès des mineurs aux sites pornographiques.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Neuf recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont été reprises dans le périmètre ministériel dont j’ai la responsabilité. Certaines ont même structuré les premiers articles du présent projet de loi. Nous avons lu votre rapport d’information avec beaucoup d’intérêt et d’attention et lui avons emprunté un certain nombre de propositions.
Nous devons trouver une ligne de crête qui nous permette de maintenir une obligation de résultat pour les sites pornographiques sans renoncer à fixer des moyens minimaux à mettre en œuvre, dont l’écran noir.
Je ne doute pas que l’Arcom, lorsqu’elle rédigera son référentiel, prendra en compte les différentes recommandations de votre rapport. Je n’ai pas autorité sur l’Arcom, mais je préconiserai, avec Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance, la prise en compte de votre proposition d’écran noir par l’Arcom et par la Cnil.
Prévoyons dans la loi un référentiel souple,…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … qui ne soit pas trop contraignant et qui puisse évoluer, afin que les mesures entrent rapidement en application.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Madame Cohen, sans vouloir faire de mauvais esprit, permettez-moi de relever qu’après avoir proposé la suppression du référentiel, vous demandez maintenant qu’il soit plus précis. (Mme Laurence Rossignol le conteste.) Je m’étonne de cette contradiction…
Regardons attentivement la proposition du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : il s’agit d’inscrire l’écran noir dans les lignes directrices du référentiel de l’Arcom – c’est écrit noir sur blanc. Il n’a jamais été prévu de l’inscrire dans la loi !
Dans ce texte de régulation et de sécurisation du numérique, le Gouvernement nous propose d’ajouter des mesures relatives au contrôle de l’âge pour interdire l’accès aux mineurs en suivant certaines des préconisations de votre rapport. Or vous demandez maintenant des mesures qui n’y figurent même pas ! Conservons de la cohérence.
Le ministre et moi avons eu des paroles fortes. N’allons pas non plus trop loin ! D’autres options auraient été possibles : le renvoi à un décret en Conseil d’État ou l’inscription du contenu du référentiel dans la loi. Nous avons décidé d’en confier la rédaction aux deux autorités françaises les plus légitimes, juridiquement et techniquement : l’Arcom, après avis de la Cnil. Sur ce point, nous sommes cohérents et très proches des préconisations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je suis très fier d’être membre.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Je soutiens les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. Nul ne peut douter de l’engagement du Gouvernement, et du mien en particulier, à faire en sorte que l’interdiction d’accès aux sites pornographiques des moins de 18 ans devienne réalité.
Pour pouvoir octroyer des pouvoirs importants et efficaces à l’Arcom, et réduire ainsi les trop longs délais judiciaires actuels, il fallait donner une base légale au référentiel. Mais inscrire le contenu du référentiel dans la loi irait trop loin, car ce cadre juridique très formel imposerait de repasser devant le législateur à chaque évolution technologique.
Ne fixons pas le contenu du référentiel dans la loi et conservons de la souplesse. Je m’engage, avec le Gouvernement, à ce que les délais soient tenus et à ce que les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et du respect de la vie privée soient pris en compte, à égalité.
Ce référentiel doit rester souple et constamment adaptable en fonction de l’évolution technologique.
M. le président. L’amendement n° 84, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les services de communication au public en ligne diffusant des contenus pornographiques doivent afficher, dès l’entrée de l’internaute sur la plateforme, des messages d’avertissement concernant des contenus violents, précisant qu’il s’agit d’actes sexuels non simulés, pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je ne voudrais pas laisser M. le rapporteur dans le flou : l’amendement n° 83 était un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 88. Sachons raison garder… J’en viens à l’amendement n° 84.
Nous appuyant sur la recommandation n° 3 du rapport d’information, nous souhaitons imposer aux sites pornographiques l’affichage de messages d’avertissement sur leurs contenus violents, précisant qu’il s’agit d’actes sexuels non simulés pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles. Cette précision est essentielle dans la mesure où rien n’est simulé, ainsi que nous l’avons constaté tout au long de nos travaux : quand une femme pleure et crie, elle pleure et crie vraiment ! Tous ceux qui consultent ces sites, et pas seulement les mineurs, doivent savoir qu’il s’agit d’actes réels, non simulés.
Je me réjouis que le Gouvernement soit attentif à nos recommandations. J’espère que les choses évolueront. Lorsque nous l’avons entendue, l’Arcom, qui a certainement besoin de plus de moyens humains et financiers, n’a pas fait preuve d’une grande appétence – c’est le moins que l’on puisse dire – à travailler sur ces questions.