M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans grande surprise, la commission mixte paritaire qui s’est réunie mercredi dernier est parvenue à un accord sur ce projet de loi très technique – raison pour laquelle il ne présentait aucune difficulté réelle, d’ailleurs. Comme cela a été rappelé, il a été examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission dans les deux assemblées.
Il nous est proposé par ce texte de ratifier des ordonnances, fruit d’un long travail de l’administration pendant trois ans, visant à recodifier plus de 500 articles du droit monétaire, bancaire et financier en outre-mer. Cette recodification fera gagner la loi en lisibilité et, de ce fait, la rendra plus intelligible pour les acteurs concernés établis dans les collectivités ultramarines.
Les députés avaient adopté conforme, en première lecture, l’article introduit au Sénat visant à prolonger de deux ans l’expérimentation relative au financement participatif pour les collectivités territoriales. L’arrêté précisant les critères d’éligibilité ayant pris du retard, il était nécessaire de procéder à une telle prolongation, afin que l’expérimentation s’effectue sur le temps réellement imparti, soit le délai initial de trois ans. Cela donnera aux collectivités plus de temps pour se saisir de ce dispositif méconnu.
Six articles demeuraient en discussion dans le cadre de la commission mixte paritaire. Cinq ont été retenus dans la version adoptée par les députés : les modifications n’étaient que d’ordre rédactionnel.
La commission mixte paritaire a également retenu les deux nouveaux articles introduits par les députés.
D’une part, l’article 3 bis applique à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna un règlement européen du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués.
D’autre part, l’article 4 bis corrige des erreurs rédactionnelles commises dans le cadre de la recodification, relatives à l’encaissement des chèques en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Là encore, ces deux articles ne posent pas de difficulté. Le seul débat a porté sur l’article 9, qui avait été supprimé par le Sénat, puis réintroduit par l’Assemblée nationale. Dans sa sagesse, la commission mixte paritaire a finalement décidé de s’aligner sur la position sénatoriale, ce dont nous nous félicitons ! Cet article est donc supprimé.
Comme l’évoquait notre rapporteur Hervé Maurey, dont je salue la qualité du travail, l’article visait à donner une base législative au fichier des comptes d’outre-mer, le Ficom, comme c’est déjà le cas pour le fichier national des comptes bancaires et assimilés, le Ficoba, qui concerne la métropole. En effet, le Ficom repose actuellement sur un fondement seulement réglementaire. La nouvelle rédaction de l’article 9 correspond exactement aux vœux du Sénat.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera le projet de loi, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne répéterons jamais assez que nos territoires ultramarins sont un pilier essentiel de la souveraineté nationale.
Dans un contexte géopolitique tendu et troublé, ils constituent pour la France un atout stratégique majeur. C’est pourquoi il est essentiel de veiller à ce que notre droit assure la cohésion nationale sur l’ensemble du territoire, singulièrement dans nos outre-mer. Toutes proportions gardées, le texte que nous examinons y contribue.
Certes, le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer est avant tout un texte technique.
Sans revenir en détail sur toutes ses dispositions, ce texte est important, car il a vocation à rendre notre droit plus applicable et donc mieux appliqué dans les territoires ultramarins. Il vient conclure un travail engagé depuis plusieurs années pour réorganiser et simplifier plusieurs dispositions du code monétaire et financier.
Je rappelle que ce travail avait été engagé par le Gouvernement lors du précédent quinquennat, avec la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
L’adoption d’un texte de compromis à l’issue de la commission mixte paritaire a permis de répondre à l’urgence de la situation telle qu’elle avait été décrite par le Gouvernement. Je me réjouis donc que les choses aient pu avancer si vite, sachant que nous avions été saisis dans des délais contraints.
Je me réjouis également que la commission mixte paritaire ait conservé le principal ajout du Sénat, à savoir l’article 1er bis. Ce dernier vise à prolonger de trois à cinq ans le délai de l’expérimentation sur l’accès des collectivités au financement participatif.
Notre groupe est favorable à tous les dispositifs qui permettent de mobiliser des capitaux privés au bénéfice des collectivités territoriales. C’est la ligne qui a guidé plusieurs de nos récentes initiatives législatives. Il nous paraît en effet pertinent que les collectivités puissent également bénéficier des effets de levier offerts par le financement participatif.
Ce qui était une revendication du Sénat figure désormais dans la loi. Espérons à présent que les collectivités s’empareront de ce dispositif, qui représente une liberté nouvelle et signifie potentiellement pour elles davantage de moyens financiers, donc davantage d’actions menées dans nos territoires.
Vous l’aurez compris, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. (MM. Christian Bilhac et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur ce texte très technique. C’est une bonne nouvelle.
Nous avions supprimé l’article 9 visant à donner un fondement législatif au fichier des comptes d’outre-mer, avant que l’Assemblée nationale ne le rétablisse ; il est de nouveau supprimé, conformément à l’analyse de notre rapporteur Hervé Maurey, que je partage. C’est très bien !
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette toutefois que vous ayez choisi de corriger l’erreur heureuse du Gouvernement, lequel avait maintenu la gratuité de tous les retraits d’espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. En effet, nos concitoyens ultramarins font face à des coûts de la vie plus élevés qu’en France métropolitaine. Les frais de tenue de compte et de retrait ou de virement sont souvent plus importants et pèsent lourdement sur les dépenses des ménages.
De plus, il y a non pas une réalité ultramarine, mais des réalités économiques, démographiques et sociologiques qui convergent toujours : dans ces territoires, « le niveau de vie et les revenus […] sont significativement moins élevés » que dans l’Hexagone, « les prix […] sont structurellement plus élevés » et ce de manière forte, les collectivités territoriales connaissent un « sous-financement » et « le traitement que réserve l’État » est insuffisant et « inéquitable ».
Mes chers collègues, je viens de citer les termes de la proposition de résolution du député socialiste Johnny Hajjar visant à créer à l’Assemblée nationale une commission d’enquête chargée d’étudier et d’évaluer l’ensemble des mécanismes qui concourent au coût de la vie outre-mer.
Lorsque l’inflation nous touche toutes et tous, elle frappe plus brutalement les portefeuilles des foyers ultramarins. La vie chère, le manque d’emploi, une jeunesse en déshérence et le manque de perspectives sont le quotidien – hélas ! – de nombreux habitants des outre-mer.
Je vous donne un exemple concret à propos d’un sujet qui me tient à cœur : le coût de l’eau et l’accès à cette ressource. En Nouvelle-Aquitaine, le prix moyen de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement est de 4,63 euros ; à la Guadeloupe, il est de 6,52 euros et à la Martinique de 5,45 euros.
D’après le Conseil économique, social et environnemental, un quart de la population de la Guadeloupe n’a pas accès tous les jours à l’eau, du fait des nombreuses coupures. De fait, les tarifs pratiqués en outre-mer sont les plus élevés de notre territoire. S’y ajoutent des difficultés supplémentaires : vétusté du réseau et des infrastructures, manque d’investissement, problèmes de gouvernance… Pourtant, l’eau est un droit fondamental, tout autant qu’un bien commun.
Dans son rapport remis il y a quelques jours, le Haut Conseil pour le climat dresse une liste de recommandations pour améliorer l’adaptation et appelle à une attention particulière pour les territoires des outre-mer. En effet, avec l’accélération du réchauffement climatique, il est probable, selon le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), que 70 % à 90 % des récifs coralliens disparaissent dans les vingt prochaines années.
La disparition des coraux entraîne déjà des répercussions sur les écosystèmes, mais aussi des conséquences économiques en matière de pêche, de tourisme et d’érosion côtière. Les cyclones seront de plus en plus intenses, avec tout ce que cela emporte de conséquences sanitaires, sociales et financières. Les submersions conduiront des populations insulaires à migrer.
La seule solution pour y faire face n’est pas dans le texte du livre VII du code monétaire et financier. Elle est dans des mesures nouvelles pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre et, ainsi, empêcher ces catastrophes.
Vous me répondrez que je me suis nettement éloigné du livre VII du code. Je vous l’accorde bien volontiers. En effet, sur ce sujet, il n’y aura pas de désaccord entre nous. Notre groupe votera en faveur de ce texte.
En ce qui concerne les enjeux climatiques et d’adaptation en revanche, notamment pour les territoires insulaires et ultramarins, le Gouvernement n’a pas encore pris conscience des dégradations irrémédiables qui sont en cours. Les écosystèmes des outre-mer rassemblent 80 % de la biodiversité française : cette richesse est inestimable. Il faut cesser de mettre en avant des solutions lentes et de réaliser de petits pas, pour mettre en place des trajectoires d’adaptation ambitieuses.
Tel est le message que je voulais défendre, en quelque sorte par effraction, à l’occasion de l’examen de ce texte relatif au livre VII du code monétaire et financier. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux au préalable adresser mes condoléances à la famille de Nahel et apporter mon plus grand soutien au maire de L’Haÿ-les-Roses.
Ce texte technique que nous nous apprêtons à adopter définitivement aujourd’hui ne révolutionnera pas la vie de nos compatriotes ultramarins.
Dans son chapitre Ier, il vise à ratifier les ordonnances qui réorganisent le livre VII du code monétaire et financier, consacré à l’outre-mer, et à en corriger certaines imprécisions et erreurs. Le but, louable, est de le rendre plus lisible, afin de simplifier le travail des opérateurs et des entreprises.
Le chapitre II de ce projet de loi est dans la même ligne. Il tend à intégrer au livre VII du code monétaire et financier des modifications et des réglementations européennes adoptées après la publication des ordonnances. Il a également pour objet de prolonger la période d’expérimentation permettant aux collectivités de recourir au financement participatif, leur offrant ainsi la possibilité de diversifier leurs sources de financement. Toutes ces dispositions n’ont pas soulevé de difficultés, que ce soit à la Haute Assemblée ou à l’Assemblée nationale.
En revanche, sur les deux chapitres suivants consacrés à la modernisation de l’action de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer et de l’Institut d’émission d’outre-mer, j’exprimerai un regret.
Certes, l’extension des missions de l’Iedom et de l’Ieom, de nature à renforcer l’information économique et le contrôle prudentiel dans les territoires ultramarins, est utile, voire nécessaire. Reste qu’il y a là une occasion manquée : nous aurions pu profiter de ce texte pour renforcer l’observatoire des tarifs bancaires.
Nos concitoyens ultramarins et les entreprises ultramarines continuent de payer des services bancaires à un prix supérieur à celui qui est pratiqué en France hexagonale. Sur quel fondement ? Pour quelle raison ? Certains parlent de manque de concurrence.
Depuis 2009, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer est chargé de suivre les coûts bancaires grâce à l’observatoire des tarifs bancaires. On constate que ce suivi a eu un effet quasi immédiat sur les frais de tenue de compte aux Antilles et en Guyane, avec une baisse d’un tiers du coût facturé aux clients au bout d’un an. À La Réunion, l’effet a eu lieu également, mais sur cinq ans, avec une baisse de moitié.
C’est donc un manque de transparence plus que de concurrence qui est responsable des surcoûts que connaissent les outre-mer. Malheureusement, l’observatoire ne surveille pas l’ensemble des produits ; il examine seulement quatorze services et trois tarifs réglementés, alors qu’il aurait fallu l’étendre à l’ensemble.
Malgré les progrès, il subsiste toujours un écart compris entre 10 % et 30 % suivant les territoires pour ce qui est des principaux services comme les frais de tenue de compte ou les cartes bancaires.
En 2021, une association nationale de consommateurs et usagers avait publié une enquête qui montrait que les tarifs des services bancaires étaient 10 % plus élevés en outre-mer. Du compte courant au crédit immobilier, la plupart des services et produits sont concernés.
Les coûts ne sont pas le seul problème des Ultramarins avec les banques. L’accès aux services bancaires est beaucoup plus difficile en raison d’une moindre présence physique sur les territoires ou d’exigences plus élevées en termes de solvabilité et de revenus.
Il y a donc encore un travail à mener pour améliorer l’accès aux services bancaires en outre-mer. Ce texte est certes nécessaire, mais il ne suffira pas en l’état. Ce n’était d’ailleurs pas son objet. Pour autant, mes collègues du groupe RDPI et moi-même voterons en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, avant comme après la commission mixte paritaire, ce texte demeure très technique et ne nous pose pas de réel problème de fond, la commission mixte paritaire ayant pris en compte notamment la position du Sénat sur la rédaction de l’article 9.
Notre groupe confirmera donc son vote favorable, mais je rappelle que la méthode a laissé peu de temps aux collectivités ultramarines et aux parlementaires pour étudier l’ensemble des dispositions du projet de loi, comme nous l’avons déjà déploré en première lecture par la voix de notre collègue Victorin Lurel.
Je profiterai à mon tour de mon intervention pour soulever trois problématiques auxquelles le texte ne répond pas, ou de manière trop partielle.
Premièrement, concernant le retrait de liquidités aux distributeurs automatiques de billets, l’article 5 a pour objet de corriger une erreur relative à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, comme le rappelait Daniel Breuiller. Il prévoit que seuls les retraits effectués dans la banque au sein de laquelle le client a ouvert ses comptes soient gratuits. Or le maillage territorial des distributeurs dans les deux territoires concernés est tel que cette correction aura des conséquences négatives sur le pouvoir d’achat des habitants.
Était-ce vraiment une priorité ? N’aurait-il pas fallu concevoir au contraire d’autres règles pour les outre-mer, où la densité de distributeurs de billets est plus faible qu’en métropole ? Ce sujet nous permet de revenir sur le thème de l’accessibilité bancaire, dont le groupe socialiste s’est saisi il y a quelques semaines en déposant une proposition de loi : il reste tant à faire.
Deuxièmement, nous approuvons bien sûr les dispositions relatives aux instituts d’émission d’outre-mer, l’Iedom et l’Ieom. Elles permettront de mieux appréhender les situations bancaires locales. Pour autant, elles sont encore insuffisantes, tant les déficits statistiques sur les territoires ultramarins sont importants, mon collègue Georges Patient vient de le rappeler.
C’est pourquoi nous prônons la mise en place d’un véritable observatoire bancaire dans les outre-mer. Plutôt que les décideurs politiques naviguent à vue, comme c’est trop souvent le cas, un tel organisme permettrait de fournir des informations utiles aux élus et aux acteurs locaux, facilitant ainsi la mise en place de politiques publiques pertinentes et leur évaluation.
Là aussi, la question des frais bancaires, sur laquelle nous avons présenté une proposition de loi adoptée par le Sénat, devrait davantage mobiliser le Gouvernement et prendre en compte la situation sociale dégradée des outre-mer.
Enfin, mes chers collègues, j’appelle votre attention sur la parité entre l’euro et le franc CFP, en circulation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
Chacun le sait, le conflit en Ukraine a fait baisser le taux de l’euro, jusqu’à un niveau historiquement bas à l’été 2022. N’aurait-il pas fallu prévoir une clause de rendez-vous concernant cette parité, afin de pouvoir s’adapter aux besoins des territoires français du Pacifique ?
Tels sont les quelques points qui nous auraient semblé pertinents pour enrichir le texte du Gouvernement. Pour autant, comme en première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte, la version issue de la commission mixte paritaire représentant un compromis qui ne dénature pas le texte adopté en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne puis ici faire l’économie des mots froids de l’assemblée de Polynésie française, porteurs d’une colère inaudible pour un gouvernement qui semble parfois mieux connaître que les représentants politiques locaux l’intérêt de leur population : « La méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées. »
En outre, devant notre assemblée, la ministre n’a pas hésité à rappeler que « le projet de loi […] est l’aboutissement d’un travail de recodification de plus de trois ans ». Ces années se sont donc révélées insuffisantes pour consulter, travailler, créer du consensus avec les instances politiques légitimes de ces territoires. C’est tout à fait incompréhensible !
L’article 1er bis perdure dans la copie finale et permet ainsi de prolonger la faculté, pour des entreprises privées, de financer « de façon participative » – formulation pour dire « directement » – des services publics locaux.
Il avait été précisé que les personnes morales des entreprises d’armement pourraient financer tout service public, à l’exception des missions de police et de maintien de l’ordre public. La sécurité est-elle la seule mission régalienne dont les collectivités exercent de façon partagée la compétence ? Laissons les entreprises tranquilles, qui ont déjà bien à faire pour financer, par des investissements massifs, la transition écologique de leurs moyens de production, plutôt que de nous atteler à leur faire financer les services publics locaux !
Aucun de nos arguments ne vous a convaincus en première lecture. Peu importe que ce financement soit plus onéreux, que des contreparties puissent être introduites, qu’aucune collectivité n’y ait eu recours, que ce soit la consécration d’une relation financière dégradée avec l’État et que la contribution volontaire remplace l’impôt ! Le lien fiscal avec le territoire serait numérique, lorsqu’il était adossé à la valeur ajoutée et aux emplois créés en son sein.
Cet article, loin d’être anodin, porte une ambition sociale aux antipodes de notre conception de la juste part que les acteurs économiques ont à prendre dans leurs relations aux services publics territoriaux. Pensant qu’il serait supprimé par la grande sagesse de l’Assemblée nationale, nous avions décidé de soutenir ce texte, ce qui est manifestement aujourd’hui impossible.
Le Gouvernement est également revenu sur une disposition qui prévoyait la gratuité pour tout retrait d’espèces dans des distributeurs automatiques de billets en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.
Il n’y a certes pas de disposition analogue en métropole, mais la réalité permet à nos concitoyennes et nos concitoyens de procéder à des retraits d’espèces gratuits dans la banque de domiciliation de leur compte. Plutôt que d’instaurer une gratuité totale des retraits dans ces territoires insulaires, le Gouvernement recule, plaidant une erreur.
Pourtant, il eût été possible de consacrer un nouveau droit, le droit au retrait gratuit pour toutes et tous, d’autant qu’une enquête du cabinet Odoxa de 2021 pour le Conseil national des barreaux, étendue pour la première fois à l’outre-mer, atteste que 58 % des Ultramarins affirment qu’il leur est difficile de faire valoir leurs droits.
La difficulté concerne notamment le droit au compte. En 2021, seulement 1 142 personnes ont bénéficié de la procédure de droit au compte dans la zone d’intervention de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, l’Iedom. Le nombre de désignations a fortement diminué au cours de l’année 2021, avec une baisse de 38 % par rapport à 2019.
Certains guichets bancaires ou agences Iedom ont été de nouveau fermés en 2021, en raison de la crise sanitaire et des événements sociaux. L’observatoire de l’inclusion bancaire en outre-mer constate froidement que 0,49 ‰ des habitants bénéficient du droit au compte dans l’Hexagone. C’est moins en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec seulement 0,39 ‰. La pauvreté y est pourtant sans commune mesure.
De la même manière, le nombre de clients considérés comme « fragiles » dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique, à savoir 10 103 personnes, est notablement en deçà des statistiques sur la pauvreté économique de ces territoires.
Or le montant moyen annuel des frais liés au compte pour ces clients s’élève à 326 euros : c’est le signe que les inégalités sociales et économiques s’accumulent dans chaque relation contractuelle ou marchande.
L’article 5 poursuit dans cette voie et acte le fait que les acteurs bancaires demeureront libres pour fixer les frais associés aux comptes et aux moyens de paiements.
Je souhaiterais conclure par une citation, relevée dans un rapport du Défenseur des droits de septembre 2019 intitulé Les Outre-mer face aux défis de l’accès aux droits. Il s’agit du témoignage d’un homme résidant à La Réunion : « Un conseiller de banque m’a dit qu’il fallait fermer le compte, parce qu’ils ne veulent plus les gens comme moi, à faibles revenus. »
La chasse au pauvre est un mauvais chemin. Les droits doivent être consacrés et relever de la gratuité. À ce titre, ce texte constitue une occasion manquée. C’est la raison pour laquelle le groupe CRCE s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste.
M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi un texte très technique. Il a donc fallu trouver un excellent rapporteur ! (Sourires.) Je salue à cet égard le travail de notre collègue Hervé Maurey, qui, dans un délai particulièrement court, a réussi à mener l’examen de ce texte et à nous proposer, sur un sujet aussi touffu et technique, des propositions intéressantes.
Les deux tiers des articles introduits par le Sénat ont été votés conformes par l’Assemblée nationale. C’est dire à quel point le travail préparatoire que nous avons mené fut excellent. Je renouvelle donc, au nom du groupe Union Centriste, mes félicitations à notre collègue.
Autre particularité, ce texte a été examiné dans le cadre de la législation en commission (LEC). Cela montre que cette procédure, inventée au Sénat et permettant de simplifier le travail législatif, fonctionne très bien, ce dont nous devons nous féliciter. En effet, l’agenda législatif étant contraint, nous devons travailler vite pour l’examen d’un certain nombre de textes.
L’article 1er de ce projet de loi tend à ratifier trois ordonnances, ce dont nous nous réjouissons également. Le Sénat souhaite simplement que la totalité des ordonnances soient ratifiées par le Parlement. En effet, durant la précédente législature, on a observé que moins de la moitié des ordonnances l’avaient été, ce qui est totalement anormal. Dès lors que le Parlement délègue au Gouvernement le soin d’élaborer la loi, il paraît logique que les textes concernés soient ensuite validés par le Parlement.
L’article 2 du projet de loi tend à adapter le code financier et monétaire. Nous nous réjouissons que soit ainsi introduite dans le droit la protection contre les influenceurs dans la sphère financière, ainsi que la limitation des frais de rejet des établissements bancaires.
Autre rareté ayant fait l’objet de plusieurs interventions, l’article 9 est relatif à l’accès aux données. Parce que nous voulons garantir le droit à la liberté individuelle et à la protection des personnes, nous soutenons totalement la proposition de M. le rapporteur de supprimer cet article.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Union Centriste votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous examinons de nouveau les conclusions d’une commission mixte paritaire, je rappellerai tout d’abord qu’il s’agit d’un projet de loi assez technique – ce qui ne signifie pas mineur –, déposé par le Gouvernement pendant la suspension des travaux parlementaires en avril dernier.
La commission des finances l’a examiné, en première lecture, en procédure de législation en commission. Ajoutez à cela une procédure accélérée, comme c’est aujourd’hui la norme, et l’on peut parler de quasi-procédure simplifiée sur ce texte.
Le développement socio-économique en outre-mer reste une priorité, dans des territoires où le niveau de vie représente en moyenne le tiers de celui de la métropole. Les territoires ultramarins représentent pourtant une richesse incomparable, à la fois naturelle et culturelle. C’est le premier réservoir de biodiversité en France et un domaine maritime exceptionnel, qu’il convient de préserver face aux effets déjà palpables du changement climatique.
L’enjeu est de permettre, le plus possible, aux habitants de ces territoires d’être eux-mêmes acteurs de ce développement.
Le livre VII du code monétaire et financier est le dernier livre de la partie législative de ce code, qui concerne le régime spécifique des outre-mer.
Les territoires ultramarins se caractérisent par une diversité de statuts juridiques : les cinq départements et régions d’outre-mer sont régis par le principe d’identité législative avec la métropole, à l’inverse de la Nouvelle-Calédonie, qui est une collectivité sui generis. Il faut y ajouter les collectivités d’outre-mer, les anciens TOM, les territoires d’outre-mer, dont le statut est défini à l’article 74 de la Constitution, qui connaissent le principe de spécificité législative.
Il est à noter que les territoires du Pacifique – la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie – disposent d’une autonomie plus poussée, n’appartiennent pas à l’Union européenne et ne relèvent pas de l’ensemble de ses règles – espace TVA, espace Schengen, union douanière. Elles disposent de leur propre monnaie, le franc Pacifique, dont le cours, fixe par rapport à l’euro, est d’environ 1 euro pour 120 XPF.
Cette diversité de statuts juridiques se traduit dans nos textes par nombre de dispositions spécifiques aux outre-mer.
Le présent projet de loi vient tout d’abord ratifier trois ordonnances, dont celle du 25 février 2022, qui nécessite une ratification impérative dans un délai de dix-huit mois, selon la procédure non pas de l’article 38, mais de l’article 74 de la Constitution.
Les dispositions suivantes du projet de loi concernent beaucoup les territoires du Pacifique.
S’agissant de l’article 5, j’ai noté que le retrait d’espèces en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie n’est gratuit que dans les établissements où l’on détient des comptes, ce qui diffère de la situation en métropole.
Un désaccord en commission mixte paritaire sur ce projet de loi aurait été pour le moins étonnant. Notons que huit articles sur quatorze avaient été adoptés conformes par l’Assemblée nationale en première lecture. Sur les articles restant en discussion, les modifications ont été principalement rédactionnelles. La commission mixte paritaire a maintenu la suppression de l’article 9 sur le fichier des comptes bancaires d’outre-mer, votée par le Sénat.
Les députés ont en particulier voté conforme l’article 1er bis, issu du Sénat, qui prolonge pour deux ans l’ouverture du financement participatif obligataire aux collectivités territoriales d’outre-mer, compte tenu des difficultés de cette expérimentation, soulignées par le rapporteur.
La situation économique, sociale et politique en outre-mer fait régulièrement l’actualité. Il a beaucoup été question ces derniers mois du démantèlement de bidonvilles à Mayotte, dans le cadre de l’opération Wuambushu.
La situation en Guyane est également préoccupante, avec le décès à la fin du mois de mars d’un gendarme du GIGN, le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, dans une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. En outre, un homme est mort, ces derniers jours, dans le contexte des violences urbaines ayant émaillé notre pays depuis le milieu de semaine dernière.
Du point de vue politique, les récentes élections territoriales en Polynésie ont vu la victoire du camp indépendantiste, tandis que la période post-référendaire en Nouvelle-Calédonie n’a pas encore débouché sur une solution pérenne. Enfin, dans les Antilles, la situation sociale reste caractérisée par une certaine défiance, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.
Si ces sujets excèdent le cadre du présent texte, celui-ci n’est pourtant pas sans importance. Les membres du groupe du RDSE voteront donc pour l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.