Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Salmon, Fernique, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – 1° Le bénéfice, à compter de la publication de la présente loi, pour les entreprises soumises à l’obligation de déclaration de performance extrafinancière prévue à l’article L. 225-102- 1 du code de commerce :
a) De subventions publiques ;
b) De garanties de prêts ;
c) De garanties publiques pour le commerce extérieur prévues au chapitre II du titre III du livre IV du code des assurances ;
d) De participations financières de l’État par l’intermédiaire de l’Agence des participations extérieures de l’État et de Bpifrance ;
est subordonné à la souscription, par lesdites entreprises, d’engagements annuels en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
2° Les engagements mentionnés au 1° du I doivent être en cohérence avec une trajectoire minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre définie pour la période 2020-2030 qui doit être compatible avec le plafond national des émissions de gaz à effet de serre défini par secteurs en application de l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ainsi qu’avec l’accord de Paris pour le climat.
II. – À compter du 1er janvier 2023, les entreprises ayant souscrit les engagements mentionnés au 2° du I publient, au plus tard le 1er avril de chaque année, un rapport annuel sur le respect de leurs obligations climatiques. Ce rapport présente le bilan de leurs émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre au cours de l’exercice clos ainsi que leur stratégie de réduction de ces émissions, assortie d’un plan d’investissement, pour les cinq exercices suivants. Le bilan précité est établi conformément à une méthodologie reconnue par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
III. – Le non-respect, par les entreprises mentionnées au 1° du I, de l’obligation de publication du rapport annuel sur le respect de leurs obligations climatiques prévue au II est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à 375 000 €. Le non-respect, par les mêmes entreprises, de leurs engagements annuels en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, mentionnés au 2° du I, est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à celui des avantages mentionnés au 1° du même I, majoré de 10 %.
IV. – L’opération d’acquisition d’une participation au capital d’une société par l’État, au sens de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, est subordonnée à l’attribution, au représentant de l’État, d’un droit d’opposition au sein du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou de l’organe délibérant en tenant lieu, à tout projet d’investissement incompatible avec les critères définis par le règlement du Parlement européen et du conseil n° 2020/852 du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.
V. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Vous avez évoqué, messieurs les ministres, la nécessité de mobiliser la Nation derrière les objectifs de réindustrialisation.
Dans cette volonté d’entraîner un pays uni, notre proposition s’inspire d’un amendement qui avait été défendu par la ministre Barbara Pompili lorsqu’elle présidait la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale. Notre texte est également issu de discussions avec le Réseau Action Climat et avec plusieurs de ses ONG membres, notamment le WWF (World Wide Fund for Nature).
Il s’agit de conditionner les aides publiques accordées aux grandes entreprises à des engagements climatiques contraignants. Il est important de préciser que, pour ne pas ajouter de délai supplémentaire aux décaissements des aides, nous proposons qu’il s’agisse de conditions ex post.
Vous l’aurez compris, le principe est simple : l’État accordant des aides aux entreprises, il ne peut le faire sans contrepartie, notamment en matière de transition écologique.
Ces aides représentent bel et bien une somme colossale : 160 milliards d’euros, comme l’a souligné mon collègue Fabien Gay. Parmi les bénéficiaires, il y a des entreprises comme TotalEnergies, ArcelorMittal ou Tereos, qui, en plus de réaliser des bénéfices monstres, continuent de multiplier les projets écocides.
Face à cette aberration écologique, nous demandons que les entreprises que nous soutenons s’inscrivent dans un projet de transition écologique pour bénéficier des aides publiques. Il n’y aura pas de réussite de la transition sans la mobilisation de tous. La puissance publique doit donner la direction.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition issue de la majorité présidentielle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Toutes les sociétés seront soumises à compter de 2024 au rapport de durabilité des entreprises (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive).
Dans ce cadre, elles devront publier des informations détaillées sur leurs risques, sur leurs chances et sur leurs externalités matérielles en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance. Les seules qui ne seront pas concernées par cette directive seront les microentreprises. Par ailleurs, le format de ce rapport sera harmonisé : nous y retrouverons donc la même chose, quelle que soit la société.
En outre, il ne vous a pas échappé, mes chers collègues, qu’un autre texte européen couvre pour partie le même type de préoccupations, à savoir la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
Enfin, comme je l’indiquais tout à l’heure, et je pense que les auteurs des amendements souscrivent à cet objectif, si on exclut des financements les entreprises qui ont besoin de fonds pour se décarboner, nous ne faciliterons pas la transition écologique et énergétique de notre pays.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je tiens à rassurer M. Gay sur la conditionnalité : toutes les aides y sont soumises. Celles de la BPI et de l’Ademe ne sont apportées qu’aux entreprises qui ont promulgué leur bilan des émissions de gaz à effet de serre.
À mon sens, ce texte contient un certain nombre de conditions, avec le standard triple E et le bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges). Il ne répond peut-être pas totalement à vos demandes, mais il est évident qu’il faut des conditions au versement des aides pour la transition écologique. Il serait quelque peu contradictoire de les verser à des entreprises qui ne respectent pas ces obligations.
Pour le reste, je rejoins évidemment l’avis de Mme le rapporteur pour avis : l’adoption d’un tel amendement serait source d’une trop grande complexification.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je ne suis pas tout à fait rassuré par votre réponse, monsieur le ministre.
La question est celle du conditionnement des aides. Vous avez raison, des critères doivent être respectés. Reste qu’il faut ensuite savoir dresser le bilan. Comment s’assure-t-on que l’argent public distribué va bien là où on le demande ? Combien d’entreprises ne respectent pas les règles ? Quelles sont les sanctions ?
Jamais nous ne débattons de ce dernier point au Parlement ! Si nous osons prononcer le mot « sanction », alors on nous répond « liberté d’entreprendre », « usine à gaz », « fuite des investisseurs étrangers », avec toujours les mêmes arguments ! Je voudrais donc que nous en discutions sérieusement, en allant au bout du sujet. Il suffit d’échanger avec la BPI pour remarquer que les critères sont bien flous.
Comment effectuer des contrôles ? Qui s’en charge ? Qui dit contrôle dit bilan. Or, si beaucoup d’entreprises respectent la règle du jeu, certaines ne le font pas.
Par exemple, j’ai posé tout à l’heure une question à M. le ministre délégué chargé de l’industrie, M. Lescure : puisqu’un euro de crédit d’impôt recherche accordé à une TPE-PME entraîne un investissement de 1,40 euro, mais de seulement 0,40 euro pour les très grandes entreprises, où passe le différentiel de soixante centimes pour ces dernières ? Il serait intéressant de le savoir. Qui contrôle, comment et pour quelle sanction ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Pour apporter une clarification et faire en sorte qu’il n’y ait pas de malentendu, madame le rapporteur pour avis, nous ne proposons pas d’interdire les aides aux entreprises qui sont en marche vers la décarbonation.
Au contraire, nous proposons que ces aides soient conditionnées à des engagements climatiques contraignants. « Engagements climatiques » signifie améliorer la trajectoire suivie et « contraignant » implique un contrôle, une notion que vient d’ailleurs d’évoquer mon collègue Fabien Gay.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Pour aller dans le même sens que mes collègues, je tiens à indiquer de nouveau que les Français se sentent de plus en plus concernés et sont de plus en plus vigilants au sujet du réchauffement climatique. Il est leur deuxième sujet de préoccupation.
Ce que nous proposons n’est pas si contraignant que cela, puisque le conditionnement n’obérerait pas la vérification ex post et, ainsi, ne bloquerait pas le décaissement des aides aux entreprises.
Toutefois, comme cela a été souligné, l’amendement vise à appliquer des pénalités financières à la fois si l’entreprise ne satisfait pas aux obligations de publication de sa stratégie et si elle ne respecte pas ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis saisie d’une demande de scrutin public sur les amendements nos 270 rectifié bis, 34 rectifié et 17 rectifié. Puis-je considérer qu’il s’agit toujours du même vote ? (Assentiment.)
En conséquence, les amendements nos 270 rectifié bis, 34 rectifié et 17 rectifié ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 290 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui bénéficient des dispositifs prévus dans la loi n ° du relative à l’industrie verte ou dans la stratégie de réindustrialisation verte du pays pour leurs projets industriels ne peuvent procéder à des délocalisations entendues notamment comme un transfert, par un investissement direct à l’étranger, de tout ou partie de l’appareil productif, durant une période de cinq ans après le versement de l’aide concernée. Ces dispositifs sont notamment les suivants :
a) De subventions publiques ;
b) Des garanties publiques pour le commerce extérieur prévues au chapitre II du titre III du livre IV du code des assurances ;
c) Le crédit d’impôt mentionné à l’article 244 quater B du code général des impôts ;
d) Des participations financières de l’État par l’intermédiaire de l’Agence des participations extérieures de l’État et de Bpifrance.
II. – La liste des entreprises concernées par le présent article est rendue publique au plus tard le 1er septembre 2023.
III. – En cas de non-respect des obligations prévues par le présent article, le montant total de l’aide visée au I est remboursé par l’entreprise et une sanction financière d’un montant égal à 3 % du chiffre d’affaires annuel total s’applique.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Notre amendement vise à imposer le remboursement des aides au bénéfice de l’industrie verte à toute entreprise qui procéderait à des délocalisations, et cela pour une durée de cinq années.
Ainsi, on ne pourrait pas nous reprocher de ne pas respecter le principe de la liberté d’entreprendre !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 130 rectifié ter, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Fialaire, Guiol, Requier, Bilhac, Cabanel et Gold, est ainsi libellé :
Avant l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – D’ici au 31 décembre 2023, il est instauré un crédit d’impôt pour les entreprises appartenant aux secteurs des énergies renouvelables telles que listées par l’article L. 211-2 du code de l’énergie, au titre des investissements réalisés dans le cadre de leurs activités de production d’énergie.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il est essentiel de soutenir les investissements dans l’outil de production industrielle pour favoriser l’implantation de sites industriels en France.
À cette fin, la mise en place d’un crédit d’impôt pour les entreprises appartenant aux secteurs des énergies renouvelables apparaît comme une mesure suffisamment ambitieuse, non seulement dans une optique de soutien de l’offre, mais aussi pour répondre efficacement à l’Inflation Reduction Act, par lequel le législateur américain a accordé plusieurs milliards de dollars sous forme d’incitations fiscales permettant de faire baisser les coûts des technologies décarbonées.
La mise en place d’un crédit d’impôt bénéficiant aux secteurs du photovoltaïque, des batteries, de l’éolien ou encore des pompes à chaleur figurait parmi les propositions du rapport des pilotes sur le projet de loi. Elle fut annoncée comme l’une des mesures autour du projet de loi lors de sa publication.
Si ce crédit d’impôt a vocation à être mis en place dans la loi de finances pour 2024, il serait néanmoins pertinent de sécuriser le principe d’un tel dispositif dès le projet de loi relatif à l’industrie verte.
Par cet amendement, Mme Delattre propose ainsi d’envisager une accroche législative au crédit d’impôt qui figurera dans la prochaine loi de finances pour 2024 et d’étendre son bénéfice aux secteurs de toutes les énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du code de l’énergie, dans la mesure où chaque source d’énergie renouvelable contribue à la transition énergétique et dispose d’un potentiel industriel significatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Monsieur Requier, je vous invite à retirer votre amendement. Nous aurons ce débat lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, lorsque le Gouvernement introduira le crédit d’impôt qui a été annoncé comme faisant un tout avec ce projet de loi.
Si, par mégarde, votre amendement était adopté cet après-midi, il aurait de grandes chances d’être censuré par le Conseil constitutionnel, notamment parce qu’il est assez imprécis : on ne connaît ni l’impôt visé par ce crédit d’impôt ni le taux de cette remise, et on connaît assez mal les entreprises qui seraient concernées. Je vous invite donc à le retravailler en vue du projet de loi de finances.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 130 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je retire cet amendement d’appel, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 130 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 282, présenté par MM. Gay, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois, le Gouvernement remet un rapport au Parlement visant à déterminer si et dans quelles proportions les baisses d’impôts de toute nature, notamment sur les bénéfices, le chiffre d’affaires et le foncier et les transformations du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales pérennes ont contribué au développement de site et d’emplois industriels ainsi qu’à la préservation du tissu industriel national.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous savons tous que le Sénat n’est pas très favorable aux demandes de rapport. Mais – qui sait ? –, le Gouvernement sera peut-être favorable à celle-ci
Nous souhaitons avoir un débat sur les faits une fois qu’ils auront été établis, de manière contradictoire. Nous demandons un rapport sur l’impact des baisses d’impôts de toute nature sur l’emploi industriel, qu’il s’agisse des impôts sur les sociétés, des impôts sur la production ou du CICE.
L’emploi et la part de l’activité industrielle ont diminué de 0,5 % dans la valeur ajoutée en cinq ans. Certes, depuis 2017, vous avez raison, monsieur le ministre, 101 600 emplois industriels ont été créés. C’est très bien. Mais, dans la même période, l’industrie manufacturière a perdu 9 200 emplois. Il peut donc y avoir des résultats contradictoires dans l’industrie.
Le CICE, transformé en baisse de cotisations – ou baisse de « charges », pour parler le même langage que vous –, a permis la création de 22 000 emplois industriels en 2022. Cela représente 2,404 millions d’euros de subventions publiques pour chaque emploi industriel créé en 2022 ! C’est un débat que nous pourrions avoir… Je sais bien que les salaires sont très hauts dans le pays, mais s’ils pouvaient augmenter de 2 millions d’euros pour chaque employé, cela irait mieux pour beaucoup de monde !
Voilà les faits. Certes, tout cela peut se discuter, d’autant qu’il est toujours possible de tordre les chiffres dans tous les sens. Quoi qu’il en soit, nous vous proposons, sans sectarisme, de prendre six mois pour établir un rapport, afin de pouvoir ensuite ouvrir un grand débat devant le Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Avis défavorable. D’abord, c’est une demande de rapport. Ensuite, la préoccupation des auteurs de l’amendement sera satisfaite, puisque le comité d’évaluation du plan France Relance a déjà prévu de mesurer les effets de la réduction des impôts de production.
Pour le reste, je vais laisser le Gouvernement vanter les mérites de la politique de l’offre… (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je crois effectivement à la politique de l’offre.
M. le sénateur Gay pose une question parfaitement légitime. Nos compatriotes sont en droit de savoir ce que rapporte tel investissement public pour l’ouverture de telle usine, en fonction des subventions ou des crédits d’impôt qui seront accordés.
Je rappelle que n’importe quel parlementaire peut saisir le Gouvernement et venir à Bercy consulter toutes les pièces qu’il souhaite. Il existe déjà des rapports de l’inspection générale des finances (IGF) totalement transparents sur le sujet. Tout parlementaire peut donc, très librement, faire le travail de comptabilité pour établir ce que rapporte un investissement public dans une usine.
Je précise que je suis très sceptique, à titre personnel, sur la comptabilité par emploi du coût d’une subvention ou d’un crédit d’impôt. En réalité, il est très difficile de mesurer ce que peut rapporter l’ouverture, par exemple, d’une gigafactory d’ACC dans le nord de la France, à Douvrin.
Au-delà de l’usine, au-delà des emplois salariés d’ingénieurs ou d’ouvriers qui sont créés, c’est tout un écosystème, toute une région, tout un territoire qui, tout à coup, se retrouve irrigué, avec des salariés qui ont un niveau de qualification élevé et un haut niveau de rémunération. Ce sont des services qui se développent ; c’est un territoire qui retrouve vie.
Je pense donc que c’est de l’argent bien placé que d’investir dans l’industrie française !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Vous avez raison, monsieur le ministre : un emploi industriel direct, c’est trois ou quatre emplois induits. Mais même en divisant 2,4 millions d’euros par quatre, ça continue à faire une belle somme ! Emplois directs et emplois induits : 600 000 euros de subventions chacun par an…
Vous voyez, monsieur le ministre, on peut s’entendre sur les chiffres ! C’est donc une question qu’il importe de se poser. Mettons-la en débat.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 282. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet amendement ? (Assentiment.)
En conséquence, l’amendement n° 282 n’est pas adopté.
TITRE III
FINANCER L’INDUSTRIE VERTE
Article 15
I. – L’article L. 131-1-2 du code des assurances est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1-2. – Le contrat comportant des garanties exprimées en unités de compte mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 131-1 fait référence à au moins une unité de compte constituée de valeurs mobilières ou d’actifs composés, pour une part comprise entre 5 % et 10 %, de titres émis :
« 1° Soit par des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées en application de l’article L. 3332-17-1 du code du travail ;
« 2° Soit par des sociétés de capital-risque mentionnées au I de l’article 1er de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ;
« 3° Soit par des fonds communs de placements à risque mentionnés à l’article L. 214-28 du code monétaire et financier, sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail.
« Pour chaque label reconnu par l’État au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable, le même contrat fait en outre référence à au moins une unité de compte constituée de valeurs mobilières ou d’actifs ayant obtenu ce label. La liste de ces labels ainsi que leurs critères et leurs modalités de délivrance sont précisés par décret pris après avis de l’Autorité des marchés financiers.
« La proportion d’unités de compte du contrat respectant les conditions posées aux cinq premiers alinéas est communiquée aux souscripteurs avant la conclusion du contrat ou l’adhésion à ce contrat.
« Le présent article ne s’applique pas aux contrats dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, sur l’article.
Mme Isabelle Briquet. Les besoins de financement de la transition écologique sont aujourd’hui considérables : France Stratégie rappelait dans une note du mois de novembre 2022 qu’il nous faut dégager entre 22 milliards d’euros et 100 milliards d’euros d’ici à 2030 pour financer la transition environnementale selon les scénarios envisagés. Malgré cela, on ne trouve guère de trace de financement direct dans ce texte.
De plus, alors que la puissance publique manque cruellement de moyens, c’est un crédit d’impôt à destination des entreprises – son acronyme nous a été précisé tout à l’heure – qui nous est annoncé et que nous découvrirons dans le projet de loi de finances pour 2024.
Le Gouvernement retient donc la voie d’un financement par l’épargne privée avec un objectif de 5 milliards d’euros, ce qui nous semble bien aléatoire et, surtout, bien en deçà des besoins.
M. le ministre de l’économie nous a dit au début de l’examen de ce texte attendre les propositions que nous pourrions faire. Or toutes les pistes de recettes supplémentaires ont reçu des fins de non-recevoir avec la complicité du scrutin public ; il faut bien le remarquer.
Pourtant, face aux enjeux de la transition écologique, l’exigence d’équité devrait logiquement vous conduire à surmonter votre allergie à tout nouveau prélèvement obligatoire, monsieur le ministre.
Pour l’heure, nous ne pouvons que constater la faiblesse du financement attendu, pas forcément orienté vers de l’industrie verte, mais faisant courir un risque certain aux épargnants.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Je trouve l’usage du scrutin public cet après-midi absolument abusif.
Certains d’entre nous ont fait l’effort d’être présents aujourd’hui. Certes, des collègues ont d’autres obligations dans leur circonscription. Mais tout cela ne donne pas, me semble-t-il, une bonne image du fonctionnement démocratique de notre assemblée. Le texte dont nous discutons est très important. Il ne mérite pas un tel traitement !
Le recours systématique et répété, certainement jusqu’à la fin de l’examen du texte, aux scrutins publics pour le vote des amendements n’est pas correct.
Mme la présidente. J’ajoute que les auteurs des amendements sont de bonne volonté en acceptant un même vote sur l’ensemble des amendements faisant l’objet d’une demande de scrutin public.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 296 est présenté par MM. Buis et Patriat, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lemoyne, Mme Havet, MM. Dagbert, Rambaud, Rohfritsch et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Bargeton, Mme Cazebonne, M. Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Mohamed Soilihi, Richard, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 396 est présenté par Mme Lavarde.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve que leur actif soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail
La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 296.