M. Olivier Rietmann. La faire évoluer !
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. … pour ne plus avoir à respecter ces règles.
Sur votre remarque, monsieur le ministre, relative au mot « similaire », cet adjectif figure dans la définition de la sortie implicite du statut de déchet, et pas dans la différenciation entre les déchets et les sous-produits. Tout cela est très complexe. Après une vérification très attentive de plusieurs heures, je confirme la lecture qui est celle de la commission : nous pensons que la création d’une troisième catégorie ne rendrait service à personne, car elle serait frappée d’insécurité juridique au regard de la directive-cadre européenne.
C’est pourquoi je maintiens notre avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous allons voter l’amendement de Daniel Gremillet.
Personne ne pourra me taxer de vouloir alléger toutes les règles sociales et environnementales de notre pays ! (MM. Michel Canévet et Olivier Rietmann, ainsi que M. le rapporteur pour avis, le confirment.) Au moment où il faut réutiliser, réemployer, recycler, cet amendement me paraît être de bon sens – une expression que je n’aime pas trop. D’autant que, comme l’a évoqué notre collègue Gremillet, il pourra être revu lors de la navette parlementaire.
J’entends les interrogations sur les produits alimentaires, mais il précise qu’il faut s’assurer de l’absence de conséquences sociales et sanitaires. On peut estimer entre nous qu’il faut exclure ce domaine du dispositif. Mais, pour reprendre un exemple qui a été cité, jeter au rebut des tonnes et des tonnes de pneus qui doivent être mis de côté me semble complètement farfelu.
Comme je le dis toujours, si les règles ne sont pas bonnes, nous sommes là pour les changer. (M. Olivier Rietmann acquiesce.) Sinon, ce n’est pas la peine que le Parlement se réunisse pour débattre des lois. Si on le fait, c’est bien parce qu’il y a des questions à régler. Nous voterons donc, je le redis, cet amendement. Nous espérons pouvoir travailler sur le sujet. S’il faut alléger quelques points, notamment pour des processus industriels, allons-y, car nous sommes là pour ça !
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Le débat est intéressant parce que la question est complexe. On voit bien ici tout ce qui se joue autour du mot « similaire », qui ne veut pas dire « identique ».
Je reviendrai simplement sur l’exemple du plastique qui a été cité. Le plastique suit souvent un processus pour être thermoformé. On le sait, chaque fois que l’on travaille sur un plastique, on le fait évoluer. Le déchet, c’est-à-dire ce qui est autour du plastique que l’on a thermoformé, n’aura plus les mêmes caractéristiques que le produit originel. C’est pour cela que l’on ne peut pas le réutiliser de la même manière. Ce que je dis pour le plastique ne vaut peut-être pas pour d’autres exemples.
Mais le terme « similaire » induit, selon moi, un certain nombre de problématiques. C’est la raison pour laquelle je me rangerai à l’avis du rapporteur. Il existe déjà des procédures pour sortir du statut de déchet ; sans doute faudra-t-il les renforcer ou les examiner de manière plus attentive. On est là dans un entre-deux qui, à mon sens, pose problème.
Mme le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Nous voterons cet amendement. Il fut un temps où l’on appelait tout simplement cela des chutes. (M. Olivier Rietmann le confirme. – Mme Marta de Cidrac proteste.) C’était avant de parler de résidus, de rebuts, de déchets, similaires ou non… Dès lors que l’amendement prévoit des garde-fous, comme l’a dit mon collègue Gremillet, il me semble relever d’une louable intention.
Monsieur le ministre, pour vous donner un autre exemple, souvenez-vous que, lorsque nous avons visité Petit Bateau, nous avons vu ces résidus de tissu, puisqu’il reste toujours des petits morceaux qui sortent des métiers à tisser.
Faisons preuve de bon sens, tout en prévoyant des garde-fous, et nous devrions ainsi progresser.
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Je voudrais apporter un soutien total à notre rapporteur qui, comme tout rapporteur qui se respecte, a mené de nombreuses auditions et analysé avec les services tous les éléments, notamment cet amendement, qui a été rejeté par la commission.
Je peux comprendre le fond de l’amendement de notre collègue, qui est toujours très pertinent. Cela dit, il porte en germe un certain risque de dérives. Qu’est-ce qu’une chute ? Quels volumes peuvent être pris en compte ? Importe-t-on des chutes, et d’où viennent-elles ? On peut faire le lien avec l’amendement suivant.
Je serais tenté de dire : votons cet amendement, mes chers collègues ! M. le ministre en prendra la responsabilité, puisqu’il s’agit d’un projet de loi présenté par le Gouvernement. Si demain il s’avère, en lien avec le ministère de la transition écologique, que cet amendement n’est pas acceptable en l’état, le ministre pourra le remettre en question.
Pour ma part, je considère que le rapporteur a correctement fait son travail : s’il nous propose cet avis, c’est qu’il doit être suivi, comme c’est souvent le cas, par le plus grand nombre, à tout le moins par les membres de la commission.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je veux être clair. Cette disposition n’était pas dans le texte initial : c’est un ajout proposé par le sénateur Gremillet que nous avons étudié en détail et qui nous agrée, car il nous semble élargir et simplifier l’utilisation de matières premières « recyclées » tout en assurant la sécurité, à la fois, des producteurs et des utilisateurs.
Les arguments en faveur et en défaveur de cet amendement ayant été bien exposés par les uns et les autres, je voudrais simplement répondre sur le risque d’insécurité juridique mentionné par le rapporteur. Les industriels peuvent toujours, s’ils sont inquiets, faire appel à l’administration pour demander une sortie explicite du statut de déchet.
Certains d’entre vous, notamment Mme Préville, s’interrogent sur le fait que l’adoption de cet amendement pourrait amplifier les risques sanitaires : tel qu’il est rédigé, celui-ci mentionne explicitement que « l’exploitant de l’installation de production s’assure du respect des conditions mentionnées aux points a) à d) du I de l’article 6 de la directive 2098/98/CE ». En bon français, cela signifie que l’exploitant doit s’assurer que toutes les dispositions de la directive, qui sont non seulement sanitaires, mais, comme cela a été mentionné, également environnementales, s’appliquent aux sous-produits utilisés.
Je veux donc être rassurant sur les risques d’insécurité tant juridique que sanitaire. Je le redis, les arguments pour et contre cet amendement ont été exposés. Nous serons très heureux de continuer à travailler ce dossier dans le cadre de la navette. Le Gouvernement reste favorable à cet amendement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 72 rectifié est présenté par M. Chevrollier, Mme Belrhiti, MM. Belin, E. Blanc, Brisson, Burgoa et Charon, Mmes Demas et Di Folco, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Gosselin et Imbert, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. Mandelli, de Nicolaÿ, Piednoir, Pointereau, Sol et Tabarot, Mme Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel.
L’amendement n° 228 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Moga, Levi, S. Demilly et Détraigne, Mme Vermeillet, M. Bacci, Mmes Létard, Dindar et Canayer, MM. Capo-Canellas, Poadja, Le Nay, Cigolotti et Kern, Mme Muller-Bronn, M. L. Hervé, Mme Billon, MM. Duffourg, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Férat, M. P. Martin et Mme Perrot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 14
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le a du 3° du I de l’article L. 541-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« a …) Les déchets non dangereux ; » ;
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Cet amendement a pour objectif de renforcer la traçabilité des déchets non dangereux en l’alignant sur celle qui s’applique déjà aux déchets dangereux via la mise en place de Trackdéchets. Le renforcement de la transparence des données de gestion des déchets non dangereux permet à la fois d’améliorer la lutte contre les exports illégaux de déchets et de répondre aux objectifs nationaux de développement de l’économie circulaire.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié ter.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement a été remarquablement défendu par notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je partage totalement les objectifs des auteurs de ces amendements identiques nos 72 rectifié et 228 rectifié ter : améliorer la lutte contre les exports illégaux de déchets et répondre aux objectifs nationaux de développement de l’économie circulaire. Le dispositif proposé, qui consiste à renforcer la traçabilité des déchets non dangereux, me semble répondre à ces objectifs.
Je m’interroge toutefois sur la proportionnalité de cette proposition et sur son applicabilité. L’administration sera-t-elle en mesure de récolter l’ensemble de ces informations et de les traiter ? La charge sur les gestionnaires de déchets n’est-elle pas disproportionnée par rapport aux avantages induits ?
Par mesure de sagesse, mes chers collègues, je demanderai donc l’avis du Gouvernement.
Mme le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends l’objectif. Le registre national des déchets, terres excavées et sédiments, le fameux Trackdéchets, a moins d’un an de fonctionnement. Pour vous répondre, monsieur le rapporteur, la réponse est non à court terme. Nous souhaitons plutôt continuer à développer cet outil pour les déchets dangereux auxquels il s’applique, avant de l’étendre éventuellement à l’ensemble des déchets non dangereux, ce qui pourra être fait ultérieurement.
Je souhaite que les amendements soient retirés, afin de laisser le temps à ce nouvel outil de montrer toute son efficacité sur les déchets dangereux – c’est tout de même l’essentiel – avant de l’étendre peut-être plus tard aux déchets non dangereux. À défaut de retrait, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est finalement l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Je me fierai à la sagesse du Sénat !
M. Jean-François Longeot. Je retire l’amendement n° 228 rectifié ter !
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je retire également le mien.
Mme le président. Les amendements nos 72 rectifié et 228 rectifié ter sont retirés.
L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après l’article L. 541-41, il est inséré un article L. 541-41-… ainsi rédigé :
« Art. L. 541-41-…. – L’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets dans le pays destinataire est assimilée au transfert illicite de déchets. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. J’évoquerai un phénomène dont tout le monde a connaissance. Nous surconsommons toujours plus de textiles jetables, qui viennent notamment d’Asie ; en quinze ans, la consommation textile de la France a doublé.
Ces textiles qui sont très peu portés sont ensuite déposés dans des bennes à vêtements, avant d’être exportés en Afrique,…
M. André Reichardt. En Asie, aussi !
Mme Angèle Préville. … où ils deviennent, dès leur arrivée, bien évidemment des déchets, puisque, en tant que vêtements jetables, ils ne sont plus portables.
L’amendement que je propose vise donc à ce que « l’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets » dès leur arrivée « dans le pays destinataire soit assimilée au transfert illicite de déchets ». L’objectif est de mettre fin à une profonde hypocrisie qui consiste, sous couvert de leur donner une seconde vie, à se débarrasser de nos déchets textiles en les destinant à des populations défavorisées.
Je rappelle que la convention de Bâle interdit l’exportation de déchets dans des pays ne disposant pas de capacités de retraitement adaptées. Or on constate dans certains pays d’Afrique la présence de vêtements qui s’accumulent par monceaux sur les plages et au bord des rivières. Peut-être la vue n’est-elle pas agréable, mais si le problème n’était que cela : le pire est encore à venir. Ces vêtements, sous l’action du soleil, de la pluie et du vent se désagrégeront nécessairement en microfibres textiles, lesquelles polluent déjà et pollueront longtemps parce qu’un plastique – je le rappelle – ne se décompose pas dans la nature, mais y reste pendant des centaines d’années.
Par conséquent, cet amendement tend à endiguer ce fléau en empêchant l’exportation de vêtements qui deviendront des déchets.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Le règlement européen du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets, fondé sur les principes de la convention de Bâle, vise à renforcer la maîtrise de cette pratique afin de s’assurer qu’un déchet faisant l’objet d’un transfert soit traité dans des conditions qui garantissent le contrôle des conséquences sur l’environnement.
Il tend à encadrer différents cas de transfert, d’exportation et d’importation, et d’établissement des procédures et des régimes de contrôle en fonction de l’origine et de la destination du type de déchet transféré et du type de traitement réalisé.
L’amendement proposé relève donc d’un champ de compétence de l’Union européenne. C’est pourquoi je me vois contraint de donner un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. L’objectif est louable, mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement n’est pas opérant. Je lui préfère nettement l’amende pour exportation de déchets si je puis dire réellement illicites que la commission a renforcée en rehaussant son plafond à cinq fois le coût de traitement des déchets, si j’ai bien compris. Cette amende, extrêmement importante, reste sans doute la meilleure manière d’éviter ce genre d’exportations. En effet, nous n’avons pas les moyens à l’heure actuelle d’aller vérifier dans les pays de destination de ces produits que ceux qui y auraient été envoyés à des fins de recyclage seraient devenus des déchets. Il faut vraiment engager la responsabilité des producteurs en question au moyen d’amendes.
Nous demandons par conséquent le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. J’interviens pour rappeler, tout de même, que, lorsque ces vêtements quittent notre pays, ils ne sont justement pas des détritus, ce qu’ils deviennent à l’arrivée. C’est bien pourquoi notre amendement vise à préciser que leur exportation doit être assimilée à du transfert illicite de déchets.
Certes, il s’agit d’un amendement d’appel, mais nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la responsabilité qui est la nôtre. Tout de même, tout le monde a vu ce qu’il en est dans différents documentaires ! La réponse que vous m’avez donnée a trait à ce qui relève déjà du déchet, mais ces vêtements n’en sont pas quand ils quittent notre territoire. On ne peut pas ignorer ce qui est en train de se passer, pour notre plus grande honte. Le sujet est en train de prendre de l’ampleur et il nous reviendra à la figure très certainement… Il nous faut donc prendre les devants.
Certes, on ne pourra sans doute pas vérifier ce qu’ils deviennent dans les pays destinataires, mais, au moins, assimilons le transport de ces vêtements à du transfert illicite de déchets. Cela permet au moins de poser les termes du débat.
Je n’ai pas trouvé d’autre manière de rédiger ma proposition.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Sur le fond, Mme Préville a vraiment raison : ces vêtements, quand ils partent de France ou d’Europe, ne sont pas considérés comme des déchets ; ils le deviennent, pour 90 % d’entre eux, quand ils parviennent dans leur pays de destination, car ils sont alors inutilisables.
Mme Angèle Préville. Exactement !
M. Pierre Louault. Pour les récupérateurs, c’est un moyen de s’en débarrasser à moindre coût. C’est là un véritable problème. Dans ces pays d’Afrique, on voit s’amonceler, dans des dépôts sauvages, tous ces vêtements envoyés en tant qu’habits, mais qui, en réalité, sont des déchets.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Cet amendement est extrêmement intéressant parce qu’il tend à interroger la manière dont nous consommons et achetons. De plus en plus d’enseignes proposent des vêtements très peu chers ; comme les salaires sont bas, les gens s’y rendent. Il s’agit parfois d’articles qu’on utilise deux ou trois fois avant de les jeter. D’ailleurs, il peut parfois y avoir une trentaine de collections par an quand nous n’en connaissions que deux à quatre dans notre enfance.
Au-delà de cette question, l’enjeu est celui des vêtements qui partent en étant considérés comme tels, mais qui, en arrivant, deviennent des déchets. Le problème ne concerne pas seulement les vêtements : si l’on est lucide, il en est de même des batteries de véhicules.
Sur l’ensemble des vêtements déposés dans les 40 000 points de collecte, un quart seulement sont destinés à être réutilisés. Quant au reste, on ne sait plus quoi en faire ! C’est un vrai problème.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la fixation d’objectifs à un horizon de trente ans. Dès lors, peut-on envisager, à partir de 2030, de recycler, de réemployer ou de traiter ces déchets nous-mêmes, en mettant en place des filières, dans une optique de souveraineté ?
À ce jour – et tant mieux pour lui –, envoyer des déchets en Afrique ne coûte pas cher au capital. Quand bien même nous voudrions corriger le problème, nous n’aurions pas la filière industrielle pour le faire.
Monsieur le ministre, peut-on réfléchir ensemble à construire une proposition ou un projet de loi pour mettre en place une filière industrielle dédiée ?
Mme Marie-Claude Varaillas. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Madame Préville, votre préoccupation est tout à fait légitime : nous avons tous vu le problème à la télévision ; aussi, je ne reviens pas sur le sujet. Pourtant, votre amendement me paraît n’être pas opérant.
« L’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets dans le pays destinataire est assimilée au transfert illicite de déchets » : votre formulation signifie que l’on sait à leur départ que les produits textiles d’habillement en question deviendront des déchets. Or les lots qui partent n’en deviennent pas obligatoirement. En effet, comme on le sait, il y a des récupérateurs sur place qui font commerce de ces produits textiles d’habillement parce qu’ils sont encore vendables. Une grande majorité des articles deviennent véritablement des déchets, mais, au départ, on ne sait pas lesquels sont concernés ou non dans ce lot.
Je le répète : la rédaction de votre amendement n’est pas opérante, même si votre préoccupation est vraiment légitime. Il serait sans doute possible de l’améliorer au cours de la navette, de façon à prendre en compte vos préoccupations.
Même si je ne peux pas voter cet amendement en l’état, j’espère m’être bien fait comprendre, madame Préville : mes remarques relèvent d’une question de forme plutôt que de fond.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je remercie également notre collègue Angèle Préville d’avoir ouvert ce débat. Nous avons tous en tête ces images de montagnes d’habits, le plus souvent en Afrique. Ces amoncellements sont en lien direct avec notre mode de consommation : l’ultra fast fashion fait que les vêtements ont une durée de vie de plus en plus courte. On estime ainsi que chaque Français achète quarante-deux pièces de textile tous les ans, des textiles le plus souvent en matière synthétique, avec une pollution généralisée à la clef.
Il existe certainement une responsabilité élargie du producteur, mais il doit y en avoir également une de l’importateur. Nous faisons face à un vide juridique. Il faudra trouver le moyen de le combler parce qu’on ne peut plus tolérer ces exportations de vêtements.
J’entends bien que, a priori, cet amendement n’est pas parfaitement rédigé. Toutefois, je le voterai, en espérant qu’il sera adopté, tout simplement pour que cette question chemine dans la navette et que, au bout du compte, nous parvenions à arrêter une législation qui mette un terme à cette exportation vraiment indigne.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme Mme la sénatrice l’évoquait, nous avons tous en tête les images de ces montagnes de déchets textiles qui, en fait, ne sont même pas des détritus : il s’agit seulement de tee-shirts et de pantalons de survêtement qui par milliers jonchent les plages du Ghana.
Monsieur le sénateur Gay, vous avez été gentil en parlant des collections à répétition que nous connaissons tous : vous en avez compté six ou sept par an.
M. Fabien Gay. Plus !
M. Roland Lescure, ministre délégué. À l’heure actuelle, une marque propose même une collection nouvelle tous les jours ! Nous marchons vraiment sur la tête… Nous devons prendre collectivement nos responsabilités pour réguler ces pratiques. C’est en partie ce que nous essayons de faire au travers de ce projet de loi.
D’abord, il est essentiel que nous simplifiions la réutilisation des déchets ici, chez nous, de manière à pouvoir non seulement les y garder, mais aussi les recycler et les réemployer.
Vous connaissez tous les bornes de recyclage que nous avons dans les rues, dans lesquelles nous mettons nos tee-shirts et nos vêtements qu’on ne souhaite plus utiliser. La filière derrière ces bornes – Le Relais, pour ne pas la citer – a dû faire face à une année de procédure pour pouvoir recycler des tee-shirts en chiffons et leur faire ainsi quitter le statut de déchet ; je donnais cet exemple tout à l’heure. Face à ce réel problème, il nous faut simplifier. (M. Daniel Salmon s’exclame.)
Ensuite, nous devons accompagner le développement des filières en leur donnant du volume et en nous assurant que les industriels qui doivent limiter leur empreinte carbone s’engagent à utiliser davantage de produits recyclés et réemployés. Ce projet de loi le permet également.
Enfin, il faut sanctionner ce qui est illicite ; nous nous retrouvons sur ce point. Le Sénat, au travers d’un amendement adopté par la commission – et l’article, tel qu’il sera voté tout à l’heure, conservera sans doute cet ajout –, propose d’accroître les sanctions à l’encontre des producteurs industriels français qui, dans leur déclaration de douane, assurent que les tee-shirts qu’ils expédient sont destinés à être recyclés ou vendus, mais mentent sur ce statut ultime, ceux-ci finissant incinérés ou abandonnés sur les plages comme déchets.
Dès lors, en aggravant de manière extrêmement forte la sanction, puisque l’amende administrative pourrait atteindre cinq fois le coût du traitement du déchet en France,…
Mme Angèle Préville. À ce stade, ce n’est pas un déchet !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … vous allez créer une incitation forte à ne pas mentir.
Avec votre amendement, madame la sénatrice, vous inversez la charge de la preuve en considérant, en somme, que tout tee-shirt contenant un peu de plastique et qui partirait à l’étranger serait un déchet illicite. Pourtant, du recyclage se pratique actuellement hors de nos frontières. Je pense que vous allez trop loin. Vous risquez même d’obérer un peu les filières de recyclage à l’étranger.
Pour ma part, je suis prêt, monsieur le sénateur Gay, à travailler sur le sujet de la fast fashion. Il est extrêmement important. Mme Paoli-Gagin parlait tout à l’heure de l’entreprise Petit Bateau, qui réintroduit actuellement une partie de sa production dans l’Hexagone, qui recycle, qui réemploie et qui réinvente de nouveaux modèles de textiles made in France. Réfléchissons à la manière de mieux encadrer la fast fashion parce qu’elle va vraiment trop vite.
Cet amendement allant trop loin à mes yeux, je vous invite de nouveau à le retirer. Nous sommes prêts à travailler avec vous sur la suite à donner, mais je pense que beaucoup de choses sont faites au travers de ce projet de loi. J’espère qu’il représentera un pas dans la bonne direction.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 82 rectifié bis est présenté par Mme Préville, M. Montaugé, Mme Briquet, MM. Marie et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 193 est présenté par MM. Fernique, Salmon, Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 249 est présenté par Mme Varaillas, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. L’alinéa 29 de l’article 4 a pour objet que le ministre chargé de l’environnement dispose d’un délai de trois ans après le constat d’un transfert illicite de déchets pour pouvoir infliger une amende.
Initialement, ce délai était d’un an, délai porté à trois ans par la commission à la suite de l’adoption d’un amendement de mon groupe, ce dont mes collègues et moi-même nous félicitons.
Toutefois, dans l’absolu, nous restons très dubitatifs sur le principe même. Si un transfert illicite est constaté, une amende doit être appliquée, quel que soit le délai avec lequel le ministère est en mesure de l’infliger.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 29. Si cet amendement venait à être rejeté, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce qui se passerait à l’avenir si le ministre concerné n’était pas en mesure d’appliquer une sanction dans les trois ans ? Les responsables du transfert illicite s’en sortiraient-ils sans être inquiétés ?