M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parlons tout d’abord des salles de cinéma. Ce sont non seulement des salles obscures, mais aussi des lieux de fraîcheur où les passants vont se réfugier pendant les vagues de chaleur. Des propositions émergent d’ailleurs pour pratiquer des tarifs réduits en période de canicule, comme l’a proposé dans son rapport Paris à 50°C le conseil de Paris.

Dans les territoires ultramarins, pays de la « saison unique » selon le romancier et philosophe martiniquais Édouard Glissant, la climatisation des salles est permanente. Le contraste climatique explique l’énorme différence de coût d’investissement par fauteuil ; il faut y ajouter le respect des normes parasismiques et anticycloniques ou encore l’usure du matériel liée au taux d’humidité supérieur. De ce fait, les coûts d’investissement sont deux fois plus élevés outre-mer que dans l’Hexagone : jusqu’à 11 000 euros, contre 4 500 euros.

C’est pourquoi, depuis cinquante ans, les exploitants de salle ultramarins bénéficient d’un taux de location plus faible que dans la France hexagonale : 35 % de taux de location, contre 46 % en moyenne. Cela est désormais remis en cause par les distributeurs de films, essentiellement basés hors de ces territoires, qui demandent un alignement sur le taux applicable en métropole. Cela intervient après le contournement des intermédiaires locaux par des distributeurs hexagonaux, pour une distribution dite « en direct ».

Dans le même temps, la forte inflation a réactivé la question du coût de la vie dans les territoires ultramarins. Une commission d’enquête a été créée à l’Assemblée nationale pour enjoindre au Gouvernement de réagir alors que la dernière étude de l’Insee sur le différentiel des prix avec l’outre-mer date de 2016. On pourrait appliquer l’analyse générale de son rapporteur au secteur du cinéma : les exploitants de salles, eux aussi, y subissent une forme de « captivité économique ». A contrario, les distributeurs avec qui ils traitent établissent leurs marges sur l’ensemble du territoire national. Les exploitants, qui sont attachés à leur territoire, ne peuvent pas ajuster leur activité au gré des aléas. Ce fut particulièrement le cas pendant le covid-19.

Les territoires ultramarins ont également été plus durement touchés par la crise sanitaire, ce qui s’est répercuté sur la fréquentation des salles. Selon le bilan d’activité du CNC pour 2022, la fréquentation y serait toujours en recul de 32,1 % par rapport à la moyenne 2017-2019. De plus, la forte concentration des salles à la Guadeloupe, en Guyane et à la Martinique y rend leur survie essentielle.

Nous soutenons donc cette proposition de loi de Catherine Conconne, qui offre une solution pour garantir le prix des places, donc l’accès au cinéma dans les territoires visés par l’article 73 de la Constitution.

À long terme, le goût de la salle continuera de faire naître – je l’espère – de nouvelles vocations dans des territoires disposant de tous les atouts pour attirer les tournages. La formation des jeunes doit s’y renforcer, en appui avec les régions et le CNC. Cela s’inscrit également dans la logique de l’aide sélective du CNC intéressant les cultures d’outre-mer : à quoi bon soutenir le développement de films si les salles mettent la clé sous la porte ?

Nous ne pouvons qu’encourager l’accès à la culture cinématographique, qui passe par le maintien d’un tarif raisonnable. En espérant que les négociations entre exploitants et distributeurs puissent être relancées prochainement dans l’intérêt de toutes et de tous, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST, SER, RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cinéma est un art qui transcende les frontières, les langues et les cultures. Il permet de nous divertir, de nous émouvoir, de réfléchir et de nous connecter aux histoires du monde entier. Il est essentiel que tous les citoyens, qu’ils résident dans l’Hexagone ou dans les territoires d’outre-mer, aient accès à une programmation cinématographique variée et de qualité.

Toutefois, outre-mer, cet accès est souvent limité, voire inexistant. À Mayotte, par exemple, seuls deux établissements diffusent des films, et leur fonctionnement n’est, de surcroît, pas régulier. Entre géographie, normes spécifiques liées aux phénomènes climatologiques ou géologiques et prix du billet plus élevé pour tenir compte de charges et de contraintes d’exploitation spécifiques, les cinémas ultramarins sont particulièrement fragilisés. Cela crée un fossé culturel inacceptable et limite les possibilités de développement artistique et économique local.

En plus de telles difficultés, les distributeurs pèsent de tout leur poids pour aligner le taux de location de leurs films sur celui qui est pratiqué dans l’Hexagone, afin de le faire ainsi passer de 35 % à 50 %. C’est David contre Goliath, et la mort assurée de nos établissements si nous ne faisons rien. Car, de fait, une telle mesure aurait inévitablement des répercussions sur la rentabilité de ces salles de cinéma, qui verraient leurs fragilités économiques s’accroître dans une période déjà marquée par les conséquences de la crise du covid-19 et par une inflation importante. Et cela se traduirait en outre par une hausse du prix du ticket qui accentuerait le risque de désintérêt à l’égard des salles de cinéma au profit des plateformes numériques et, mécaniquement, par une fermeture définitive de ces établissements.

Pourtant, le cinéma, qui combat l’oisiveté, est un facteur de cohésion sociale. Je pense à mon département et aux enjeux particuliers auxquels il est confronté : la fermeture d’un lieu de divertissement, alors qu’il n’en existe pas suffisamment sur place, serait délétère.

Aussi, le groupe RDPI soutiendra vivement la présente proposition de loi, qui vise à plafonner à 35 % les taux de location reversés par les exploitants d’établissement cinématographique ultramarins aux distributeurs de films.

Je remercie à ce titre notre collègue Catherine Conconne d’avoir pris l’initiative de ce texte, et je sais gré au Gouvernement d’avoir su comprendre l’urgence de la situation en engageant la procédure accélérée.

Je profite de mon intervention pour pousser plus avant la réflexion autour du cinéma ultramarin.

Tout à l’heure, le ministre chargé de ces territoires nous précisait les mesures prévues pour soutenir financièrement les établissements de spectacle cinématographique dans nos régions d’outre-mer. Des investissements essentiels sont de nature à maintenir la qualité des salles de cinéma et à améliorer l’expérience globale pour les spectateurs.

Il faudrait également accentuer les dispositifs de soutien à la création et à la production cinématographique locale. Il me paraît primordial de favoriser l’émergence de talents locaux, de renforcer la visibilité des cinéastes ultramarins, d’accompagner leur rayonnement sur la scène nationale, voire internationale, et de promouvoir la diversité culturelle au travers de films reflétant la réalité et les spécificités de ces territoires.

En définitive, en soutenant unanimement cette proposition de loi, nous envoyons un message clair : l’accès au cinéma est un droit fondamental qui ne devrait pas être limité par notre géographie ! Nous avons aujourd’hui l’occasion de faire réellement la différence pour la vie des habitants des outre-mer et de préserver notre patrimoine culturel. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, SER et UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

La première phrase de l’article L. 213-11 du code du cinéma et de l’image animée est complétée par les mots : « en France hexagonale et à 35 % dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ».

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 304 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. Le fait étant assez rare dans cet hémicycle, je vous félicite, madame Conconne, et je vous donne la parole pour conclure.

Mme Catherine Conconne, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer du fond du cœur la belle unanimité qui a présidé au vote de cette proposition de loi visant à garantir l’existence de nos cinémas.

Le grand poète a dit que si tous les hommes ont des devoirs, « du lot commun », il y en a qui ont plus de devoirs que d’autres. C’est ce sens du devoir qui me fait me battre au quotidien dans cet hémicycle pour réclamer en permanence plus d’équité et un changement total du prisme par lequel on regarde nos pays. Je le demande à cette république qui entend, qui comprend et qui s’accommode désormais de sa bienfaisante diversité ; à cette république qui, plus que jamais, fait et devra faire honneur aux notions d’équité et de solidarité, au sens légitime de la nuance ; à cette république qui doit aussi protéger !

Je conclurai par un mot pour les distributeurs : le lien ne doit pas se couper ; faites au mieux pour vous accommoder de nous, de nos évidences et de nos réalités. Cette loi n’est pas une loi contre vous. Le seul principe qui devrait désormais présider à ces relations, c’est celui des vertus républicaines que j’ai évoquées. Notre dénominateur commun, la culture, devrait, comme l’a souhaité aussi le poète, rendre nos vies vivables. C’est tout le bonheur que je souhaite à tous. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport
Discussion générale (suite)

Protection des mineurs et honorabilité dans le sport

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, présentée par M. Sebastien Pla et plusieurs de ses collègues (proposition n° 241, texte de la commission n° 700, rapport n° 699).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Sebastien Pla, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons la liberté de croire qu’en ce jour du 15 juin 2023, nous pouvons, par notre voix, envoyer un signe fort en amplifiant la lutte contre le fléau des agressions sexuelles sur mineurs.

Aujourd’hui, nous avons la volonté d’affirmer que nous ne voulons plus un seul pleur, plus aucun sanglot ni aucune larme de honte sur les joues d’un enfant qui pratique une activité sportive. Nous voulons des larmes de joie et des étoiles dans les yeux, des émotions que seul le sport sait si bien nous procurer.

Mes chers collègues, nous avons le devoir de protéger les enfants – nos enfants ! – et de leur permettre de s’épanouir sans entrave aucune à l’accomplissement de leur humanité. Tous les enfants méritent que nous leur prêtions attention, et il en est trop parmi eux qui souffrent et que l’on n’entend pas, qui ne parlent pas et qui peut-être ne parleront jamais de leur enfance volée, portant en silence un lourd fardeau qui, après avoir détruit leur corps, a brisé leur âme.

Écoutons les témoignages rendus publics, ceux des victimes de la pédophilie ; écoutons leur exigence de justice ! Quelque 75 % des enfants connaissent leurs agresseurs, mais peu osent les dénoncer par peur de représailles et, surtout, par honte.

La pratique sportive fournit un terreau favorable à l’apparition de ces violences. Les contacts physiques, souvent nécessaires, et le dépassement de soi sont autant de situations à risque, tout comme l’écosystème de la pratique sportive : vestiaires, douches, covoiturage, stages, internats ou encore soirées festives sont autant de lieux ou de circonstances dans lesquels les prédateurs chassent leurs proies, vulnérables et prises au piège.

Le leadership autoritaire peut déséquilibrer le rapport de force entre les entraîneurs et les athlètes, d’autant que, dans le sport, le genre masculin prédomine et peut conduire à des abus de position dominante. En outre, c’est un milieu où les incidents sont facilement étouffés et où l’omerta prédomine.

Cette difficulté à assumer son état de victime et à le faire reconnaître, Sarah Abitbol, dix fois championne de France, médaillée de bronze aux jeux Olympiques et aux championnats du monde, femme courageuse, l’a subie durant trente longues années. Il en a fallu du temps pour que ce « si long silence » se brise et que l’omerta soit rompue.

Oui, il y a eu un avant et un après Sarah Abitbol ! Son témoignage est l’un de ceux qui font boule de neige, puisqu’en témoignant, Sarah a entraîné 200 athlètes dans son sillage dans près de quarante fédérations différentes.

Non, ce n’était pas elle la coupable ! Le coupable, c’était son entraîneur, cette personne de confiance, celui – je cite – qu’« on redoutait par ses colères, son charisme, sa violence durant les entraînements quand il nous projetait au sol, celui en qui mes parents avaient toute confiance pour m’accompagner après les entraînements, lui qui prétendait me faire travailler davantage, car j’avais mauvais caractère », lui qui demandait à Sarah de taire ce lourd « secret » ! Ce mécanisme d’emprise bien rodé est régulièrement décrit pas les sportifs qui ont accepté de se confier.

Pourtant, malgré ces témoignages, 40 % des victimes seulement pourront mener leurs agresseurs jusqu’au procès, puis à une condamnation. Pourquoi ? La raison est bien sûr la prescription, mais aussi la honte éprouvée par les victimes : elles ont peur de porter, une vie durant, le fardeau de leur confession. Grâce au courage de ces athlètes et au témoignage poignant de Sarah Abitbol, le mouvement de libération de la parole a gagné le champ du sport pour que la honte et la peur puissent changer de camp.

Mes chers collègues, le texte que nous allons examiner est la proposition de loi Abitbol. Je la défends avec beaucoup d’émotion, d’humilité et de pudeur, mais avec un profond engagement. Je sais pouvoir compter sur vous toutes et tous, mes chers collègues, et sur vous, madame la ministre.

C’est pourquoi, aujourd’hui, j’en appelle cette chambre à travailler de concert pour sanctuariser plus encore le milieu du sport, afin que les plus jeunes soient en sécurité, que chaque parent puisse confier son enfant sans crainte et que cela permette surtout de lever tout soupçon qui pourrait planer sur les clubs.

Dans ma quête de la compréhension du phénomène, j’ai été très souvent bouleversé par le récit glaçant des victimes. J’ai été le témoin indirect des souffrances qu’elles ont endurées. Ces témoignages d’une violence inouïe et d’une telle perversité m’ont touché au plus profond de l’âme.

J’ai rencontré des dirigeants de club qui, parfois, n’ont pas pris la mesure du fléau, cherchant à minimiser, souvent par méconnaissance des mécanismes utilisés par les prédateurs. Pourtant, nombre d’entre eux ont conscience que tout cela est inacceptable et s’engagent à lutter contre les violences sexuelles. Ils reconnaissent pourtant se trouver démunis par manque d’information, de formation et, surtout, de temps, pointant les contraintes et les limites du bénévolat.

Dans les faits, on estime que près d’un sportif sur sept déclare avoir fait l’objet d’atteinte à son intégrité. Il n’y a pas une semaine sans qu’un témoignage d’agression sexuelle soit rendu public. Nous devons agir en amont pour couper l’herbe sous le pied des prédateurs.

La lutte contre les violences sexuelles est un Everest que nous devons gravir pas à pas. Cette proposition de loi n’est qu’un pas de plus : elle vise à améliorer les dispositifs existants de protection des mineurs en renforçant l’incapacité d’exercer des potentiels prédateurs. Accompagnons Mme la ministre dans son combat pour un sport éthique, et en particulier contre les violences sexuelles.

Déjà en 2019, la mission commune d’information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d’organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d’être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l’exercice de leur métier ou de leurs fonctions, conduite par nos collègues Catherine Deroche et Michelle Meunier, tendait à appeler à un renforcement du contrôle de l’honorabilité des adultes en contact avec les enfants en appliquant partout les « meilleurs standards ».

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a complété le champ des personnes soumises au contrôle de l’honorabilité dans le sport : aux côtés des encadrants et des éducateurs sportifs professionnels, les éducateurs sportifs bénévoles sont désormais soumis à l’obligation d’honorabilité.

À cette fin, un système d’information automatisé des personnes concernées disposant d’une licence a été mis en place. Pourtant, force est de constater qu’il demeure des situations où des adultes sont placés au contact d’enfants sans qu’ils soient réellement contrôlés, sans qu’ils aient fait preuve de leur honorabilité.

Je propose d’inverser la charge de la preuve pesant actuellement sur les victimes en la faisant porter par les adultes, qui doivent attester de leur honorabilité dès lors qu’ils sont au contact de mineurs.

Je souhaite que l’on puisse s’assurer que ce contrôle est bien opéré, mais je souhaite aussi responsabiliser l’ensemble des acteurs du milieu sportif en incitant chaque club à prendre une part active dans la prévention, évitant ainsi d’exposer les enfants à des risques que l’on pourrait mieux anticiper. Que les agresseurs se sentent visés et traqués, qu’ils sachent que les adultes forment autour des enfants une chaîne solide de contrôle et de protection.

Je salue le travail de notre collègue rapporteur, Jean-Jacques Lozach, qui a su ménager les ambitions transcrites d’un texte visant à renforcer les contrôles pesant sur les adultes et le nécessaire besoin de préserver le bénévolat dans les clubs et associations.

Ce texte ressort enrichi des auditions qui ont été menées et du débat parlementaire en commission, grâce à une collaboration étroite avec les services du ministère. Je tenais à saluer cette avancée collective et transpartisane au service d’une cause universelle. Cette proposition de loi a été construite au travers d’échanges et avec la volonté d’agir vite.

Les membres de la commission ont complété le dispositif proposé en renforçant le régime des incapacités et l’obligation pour les dirigeants de club de signaler les comportements à risque sauf à s’exposer eux-mêmes à des sanctions pour lesquelles les préfets disposeront de moyens coercitifs.

Nous proposons d’introduire dans le champ sportif le renforcement du contrôle d’honorabilité dont a bénéficié le secteur social et médico-social par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, à savoir le fait qu’une inscription d’une condamnation au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) maintienne l’incapacité d’exercer même si la condamnation a disparu du casier judiciaire B2 de la personne en doute.

Preuve que la cible est juste, les auditions par la cellule ministérielle qui recense depuis 2021 les violences sexuelles dans le sport ont révélé que, sur la moitié des éducateurs et des encadrants licenciés bénévoles contrôlés, soit un million, 440 incapacités ont déjà été notifiées. La démonstration est ainsi faite qu’il est nécessaire d’ajuster les choses pour arriver à contrôler chaque année l’intégralité des 2 millions d’éducateurs bénévoles licenciés.

Je prends donc acte des améliorations adoptées à l’unanimité par la commission de la culture, et les fais miennes.

Au cours des auditions de sportifs et d’associations de victimes, tous les intervenants ont insisté sur la nécessité d’impliquer plus encore les clubs. Je suis intimement persuadé que c’est au sein de ces derniers, au quotidien, en sensibilisant les acteurs de terrain placés au contact des jeunes sportifs, que se trouve l’une des clés de la réussite de notre combat.

C’est pourquoi, au-delà de ce texte et du contrat d’engagement républicain entre l’État et les fédérations, il nous faut étudier l’opportunité de créer un référent intégrité par club. Il serait en contact étroit avec la cellule Signal-sports, formé pour mieux détecter et prévenir les gestes et pratiques à risque, chargé de recueillir la parole des victimes et, le cas échéant, de signaler tout comportement déviant auprès des instances compétentes et de l’administration.

Je remercie vivement l’ensemble des sportifs, des artistes et des représentants d’associations de victimes qui ont publié une tribune ce matin dans LÉquipe en soutien à notre texte pour continuer à lutter contre les violences sexuelles dans les milieux sportifs.

Pour conclure, je vous propose, madame la ministre, en cette année de coupe du monde de rugby et à l’approche des jeux Olympiques, de décréter la lutte contre les violences sexuelles dans le sport grande cause internationale en demandant aux équipes de France de porter sur leur maillot la marque de cet appel.

Mes chers collègues, soyons dignes devant la souffrance de toutes ces sportives et de tous ces sportifs victimes. Soyons dignes devant leur courage à briser le silence. Montrons l’engagement fort de la France au reste du monde. Luttons pour que la honte change définitivement de camp. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission de la culture. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2018, une mission d’information sénatoriale créée sur l’initiative de mon groupe dressait dans son rapport Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité un terrible constat : le contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles est « un dispositif aléatoire et insuffisant qui présente des failles exploitables par les auteurs de violences sexuelles ». Quelque 90 % des éducateurs sportifs ne faisaient l’objet que d’un contrôle très partiel dans un secteur où l’omerta a régné pendant longtemps.

Néanmoins, on constate un tournant depuis quelques années du fait d’une triple action.

En premier lieu, du côté du mouvement sportif, les révélations de plusieurs athlètes de haut niveau, comme Sarah Abitbol, ont fait l’effet d’un électrochoc.

En deuxième lieu, du côté du ministère, l’ancienne ministre Roxana Maracineanu a fait preuve de volontarisme à ce sujet, un volontarisme confirmé depuis. En 2020, le ministère a mis en place une cellule de signalement de faits de violences. Ainsi, depuis son lancement, ce sont plus de 907 signalements qui ont été réalisés, conduisant à 424 interdictions d’exercer. Vous-même, madame la ministre, venez de lancer un comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Marie-George Buffet et par Stéphane Diagana, dont l’une des missions est la protection renforcée des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violence et de discrimination.

En troisième lieu, du côté du Parlement, plus particulièrement du Sénat, les jalons législatifs d’un contrôle renforcé ont été posés. Nous avons ainsi introduit dans la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République l’obligation pour les clubs sportifs de relever l’identité complète des personnes susceptibles d’être éducatrices sportives ou d’intervenir auprès des mineurs. C’est un préalable indispensable à la mise en place d’un contrôle automatisé de l’honorabilité des éducateurs sportifs. En quelques mois, les progrès réalisés sont notables.

La mise en place de ce procédé, en lien avec les clubs et avec les fédérations, qui en sont des rouages essentiels, a déjà permis de vérifier l’honorabilité de la moitié des éducateurs sportifs. Certes, le système reste perfectible et demande en ses premiers mois un travail considérable aux fédérations. Mais regardons le chemin parcouru : nous sommes passés de contrôles aléatoires et restreints en 2021 à 500 000 éducateurs sportifs contrôlés fin 2022 et à un million en mai 2023. Une fois les problèmes informatiques réglés et les bonnes pratiques dans la transmission des noms intégrées, ce contrôle sera bientôt routinier.

La proposition de loi de notre collègue Sebastien Pla tend à renforcer la protection des mineurs et le contrôle de l’honorabilité dans le sport. Je salue cette initiative, qui permet de combler certains trous dans la raquette. Elle vise notamment à la vérification de la capacité des éducateurs sportifs à la fois au regard du Fijais et du bulletin n° 2 du casier judiciaire, celui qu’on appelle le B2.

Je tiens à souligner les échanges très constructifs que j’ai pu avoir avec le mouvement sportif, ainsi qu’avec vos services, madame la ministre, dans le cadre de la préparation de ce texte. Nous partageons tous un même objectif : lutter contre les violences, notamment sexuelles, dans le milieu sportif.

Sur mon initiative, la commission de la culture a réécrit le texte avec un triple objectif : aligner, alléger et responsabiliser.

Premièrement, nous avons aligné les modalités de contrôle des éducateurs sportifs sur celles qui sont applicables dans le secteur social et médico-social pour les personnes encadrant des publics fragiles. Ces modalités ont en effet été renforcées par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. La présente proposition de loi vise notamment, par exception au principe de réhabilitation pénale, à ce que l’inscription d’une condamnation au Fijais entraîne l’interdiction d’exercer, même si cette condamnation n’est plus inscrite dans le B2. En effet, certaines condamnations peuvent être effacées de ce bulletin dès six mois après le prononcé de la peine, à la demande de la personne condamnée. Elles restent toutefois inscrites au Fijais au minimum vingt ans ; les faits commis lorsque la personne était mineure restent également inscrits pendant dix ans.

Ce nouveau dispositif répond à une attente forte des fédérations et des services déconcentrés du ministère. Ils sont actuellement confrontés à des contentieux lorsqu’ils souhaitent écarter un éducateur sportif inscrit au Fijais dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire ne mentionne plus la condamnation. Comme l’exception au principe de réhabilitation pénale n’est actuellement pas prévue pour le domaine sportif, certains de ces éducateurs contestent leur incapacité d’exercer. Selon les informations qui m’ont été transmises, plusieurs arrêtés d’interdiction d’exercer pour des personnes inscrites au Fijais ont été annulés par la justice.

Nous complétons également la liste des incapacités en interdisant d’exercer la fonction d’éducateur sportif aux personnes condamnées à l’étranger pour des faits qui, commis en France, auraient entraîné cette même incapacité.

Nous inscrivons aussi dans la loi le principe d’un contrôle annuel de l’honorabilité.

Deuxièmement, nous avons allégé les obligations pesant sur les dirigeants des clubs. Le texte initial tendait à leur faire porter la responsabilité du contrôle du bulletin n° 3 du casier judiciaire du futur éducateur sportif. Nous avons supprimé cette obligation pour plusieurs raisons : le contrôle de l’honorabilité doit rester une prérogative régalienne ; par ailleurs, tant les fédérations que le ministère nous ont alertés sur un risque d’alourdissement des charges pesant sur les présidents de club dans un contexte de crise du bénévolat. Je tiens au demeurant à saluer l’engagement des milliers de bénévoles qui rendent possible la pratique sportive sur l’ensemble du territoire.

Troisièmement, le bulletin n° 3 n’est pas exhaustif : il ne comprend que les condamnations les plus graves. Un dirigeant de club pourrait, de bonne foi, à la consultation de l’extrait judiciaire transmis par l’éducateur sportif, penser que celui-ci remplit les conditions d’honorabilité sans que cela soit juridiquement le cas.

Nous souhaitons toutefois responsabiliser les dirigeants en instaurant l’obligation de signaler au préfet des comportements au sein de leurs clubs présentant un danger pour les sportifs. Je pense notamment aux agissements déviants d’un éducateur.

Si les présidents de clubs ont le réflexe de prévenir le procureur, certains sont réticents à faire de même avec l’administration, en l’absence de base légale. Or le préfet dispose de pouvoirs de police lui permettant d’écarter rapidement une personne potentiellement dangereuse.

Par ailleurs, nous luttons contre des dirigeants qui pourraient fermer les yeux sur les violences commises dans leurs clubs. Ils pourront désormais être sanctionnés.

Nous créons une nouvelle sanction administrative d’interdiction de diriger un club sportif. Il existe aujourd’hui un vide juridique. Alors que le préfet peut prendre une mesure administrative d’interdiction d’exercer pour les éducateurs sportifs potentiellement dangereux, il n’existe aucune interdiction similaire pour les dirigeants de club. Le préfet dispose seulement de la faculté de fermer administrativement l’établissement.

La sanction administrative que nous créons pourra être prise dans trois cas : lorsque le comportement même du dirigeant de club fait peser un risque sur les sportifs ; lorsqu’il emploie ou maintient en emploi un éducateur sportif frappé d’incapacité d’exercer ; lorsqu’il refuse d’informer le préfet de comportements déviants au sein de son club.

Les premiers jalons d’une meilleure prévention des violences contre les sportifs et d’une protection renforcée des mineurs ont ainsi été mis en place. Cette proposition de loi permet de les compléter. Elle est attendue par tout le mouvement sportif. (Applaudissements.)