M. le président. L’amendement n° 99, présenté par Mme de Marco, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 200 sexdecies du code général des impôts, il est inséré un article 200… ainsi rédigé :
« Art. 200…. – Lorsqu’elles n’entrent pas en compte pour l’évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu les sommes versées par un contribuable domicilié en France au sens de l’article 4 B, pour une durée d’un an, sous le nom de « bons pour l’indépendance de l’audiovisuel public » au titre de l’acquisition de bons émis par une société ou un établissement de l’audiovisuel public.
« Le crédit d’impôt est égal au montant un montant total des dépenses effectivement supportées par le contribuable, dans la limite de 150 euros par foyer fiscal.
« Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.
« Les sommes mentionnées au présent article ouvrent droit au bénéfice du crédit d’impôt, sous réserve que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, un reçu répondant à un modèle fixé par l’administration établi par l’organisme auprès duquel est souscrit le premier abonnement. Le reçu mentionne le montant et la date des versements effectués ainsi que l’identité et l’adresse des bénéficiaires et de l’organisme émetteur du reçu. Il atteste que le journal, la publication périodique ou le service de presse en ligne répond à la définition prévue au premier alinéa du même présent article et que l’abonnement respecte les conditions prévues audit présent article.
« En cas de non-respect de l’une des conditions fixées au présent article ou lorsqu’il est mis fin à l’abonnement mentionné au présent article avant une durée minimale de douze mois, le crédit d’impôt obtenu fait l’objet d’une reprise au titre de l’année de réalisation de l’un de ces événements. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public dans la loi de finances rectificative pour 2022, le Conseil constitutionnel a émis des réserves d’interprétation destinées à garantir l’affectation des ressources suffisantes pour les sociétés publiques, afin qu’elles puissent contribuer à poursuivre leurs missions de service public.
Dans le souci de garantir des ressources pérennes pour l’audiovisuel public, j’ai repris une proposition de la commission d’enquête relative à la concentration des médias en France.
Ainsi, cet amendement vise à instaurer un crédit d’impôt pour l’acquisition de bons émis par une société audiovisuelle publique.
Il s’agit également d’une proposition de l’économiste Julia Cagé, qui a inspiré en 2022 la proposition de loi des députés Paula Forteza et Matthieu Orphelin relative à l’indépendance des médias. Cela correspond à la volonté de rendre le citoyen plus actif dans son soutien aux médias publics, afin de renforcer l’indépendance de ces derniers.
Le montant maximal, établi à 150 euros, se situe entre le montant de l’ancienne contribution à l’audiovisuel public, soit 138 euros, et le prix d’un abonnement à la plateforme Netflix, à 14 euros par mois environ.
Pour le contribuable, il s’agit d’un mécanisme fiscal plus acceptable que ne l’était la contribution à l’audiovisuel public, faute de progressivité. Il renforce le consentement à l’impôt dans une période où l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat. Il peut s’agir d’une voie de réaffectation, comme d’une piste en faveur d’une contribution progressive.
Cette idée devrait être explorée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à créer un crédit d’impôt pour inciter les Français à financer l’audiovisuel public. Ses auteurs ne fixent cependant aucun objectif en termes de crédits attendus et ne proposent aucune évaluation du coût du dispositif pour les finances publiques.
Il paraît plus urgent de clarifier le financement de l’audiovisuel public, de son organisation et de sa gouvernance avant d’imaginer un autre dispositif, qui ne pourrait jouer qu’un rôle marginal dans le financement de l’audiovisuel public.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je comprends l’esprit de cet amendement, qui vise à permettre une adhésion encore plus forte des citoyens à l’audiovisuel public.
Reste que l’indépendance de l’audiovisuel public est déjà garantie : nomination des dirigeants par l’Arcom et non par le Gouvernement, totale indépendance éditoriale. En outre, je ne suis pas sûre que ce soit réellement le but de cette proposition de loi…
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Avant l’article 44, il est inséré un article 44 A ainsi rédigé :
« Art. 44 A. – La société France Médias est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, dont elle détient directement la totalité du capital, et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions définies à l’article 43-11. Pour l’accomplissement de ses missions, elle conduit des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Dans les conditions prévues à l’article 53, elle répartit entre ces sociétés les ressources dont elle est affectataire. » ;
2° Après le IV du même article 44, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – A. – La société Institut national de l’audiovisuel est chargée de conserver, de mettre en valeur et d’enrichir le patrimoine audiovisuel national.
« B. – La société assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, y compris celles des programmes qu’elles diffusent sur des services non linéaires, et contribue à leur exploitation. Elle assure la mise à disposition de ces archives auprès de ces sociétés. Elle procède également à la conservation de l’ensemble des archives audiovisuelles des filiales des sociétés mentionnées à l’article 44 A et au présent article 44 créées en application du premier alinéa de l’article 44-1 lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes. La nature, les tarifs, les conditions financières des prestations documentaires et les modalités d’exploitation de ces archives sont fixés par convention entre la société et chacune des sociétés nationales de programme concernées.
« C. – La société exploite les extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et des filiales des sociétés mentionnées à l’article 44 A et au présent article 44 créées en application du premier alinéa de l’article 44-1 lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes, dans les conditions prévues par les cahiers des charges mentionnés à l’article 48. À ce titre, elle bénéficie des droits d’exploitation de ces extraits à l’expiration d’un délai d’un an à compter de leur première diffusion, à titre exclusif vis-à-vis de ces sociétés, chacune d’elles conservant toutefois, pour ce qui la concerne, un droit de réutilisation de ses archives dans les conditions prévues par les conventions qu’elle conclut avec la société.
« La société demeure propriétaire des supports et matériels techniques et détentrice des droits d’exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et de la société mentionnée à l’article 58 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée, ainsi que les délais relatifs à l’exploitation des œuvres cinématographiques, qui lui ont été transférés avant la publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 précitée.
« La société exerce les droits d’exploitation mentionnés au présent IV bis dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins du droit d’auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent IV bis et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes, ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes, et la société. Ces accords précisent notamment le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations.
« D. – La société peut passer des conventions avec toute personne morale pour la conservation et l’exploitation des archives audiovisuelles de cette dernière. Elle peut acquérir des droits d’exploitation de documents audiovisuels et recevoir des legs et donations.
« E. – En application des articles L. 131-2 et L. 132-3 du code du patrimoine, la société est seule responsable de la collecte, au titre du dépôt légal, des documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés ; elle participe, avec la Bibliothèque nationale de France, à la collecte, au titre du dépôt légal, des signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication publique en ligne. La société gère le dépôt légal dont elle a la charge, conformément aux objectifs et dans les conditions définis à l’article L. 131-1 du même code.
« F. – La société contribue à l’innovation et à la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle. Dans le cadre de ses missions, elle procède à des études et des expérimentations et, à ce titre, produit des œuvres et des documents audiovisuels pour les réseaux actuels et futurs.
« G. – La société contribue à la formation continue et initiale et à toutes les formes d’enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle. Elle assure ou fait assurer la formation continue des personnels des sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44, 45 A, 45 et 45-2 de la présente loi. » ;
3° L’article 44-1 est ainsi rédigé :
« Art. 44-1. – Pour l’exercice des missions qui leur sont assignées par le présent titre, les sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44 et 45 peuvent créer des filiales dont le capital est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques.
« Afin de poursuivre des missions différentes de celles prévues par le présent titre, ces sociétés peuvent également créer des filiales dont les activités sont conformes à leur objet social. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Bargeton.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 58 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 83 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Julien Bargeton. Nous entrons dans le vif du sujet, à savoir la holding…
Je présenterai cet amendement de façon détaillée, mais serai plus bref par la suite, puisque, par cohérence, j’ai déposé des amendements de suppression sur chaque article de cette proposition de loi.
Le seul avantage d’une holding, c’est de faire travailler des cabinets privés ! Pourtant, j’avais cru comprendre qu’il fallait en finir avec ces pratiques… (Sourires.) Pour la mettre en place, en effet, il va falloir mouliner et mobiliser des ressources, parce qu’une telle structure ne se crée pas du jour au lendemain.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, allez donc au bout de votre logique : la fusion ! On a l’impression que vous vous arrêtez au milieu du gué, et il y a une forme d’ambiguïté à ne pas avoir choisi cette solution qui, au regard de vos préoccupations, présenterait les avantages de la holding sans en avoir les inconvénients.
En effet, on le sait, une holding coûte beaucoup d’argent, puisque l’on ajoute une strate sans rien supprimer en retour – les exemples de ce genre abondent dans notre pays, tout comme les rapports sur le sujet et les critiques envers telle ou telle réforme.
Cela se traduit par des coûts et de la bureaucratie supplémentaires.
Cela prend beaucoup d’énergie et de temps, au détriment de l’action des dirigeants au service de l’objectif qui leur est assigné.
Cela pourrait retarder les contrats d’objectifs et de moyens, qui doivent être renouvelés pour la période 2024-2028. Par conséquent, cela freinera, voire retardera des mutualisations qui sont en cours et en voie d’approfondissement.
Enfin, cela ne répond pas aux enjeux qualitatifs que sont le rajeunissement de l’audience ou l’accélération de la transition numérique.
Au fond, il aurait fallu avoir le courage d’assumer votre radicalité jusqu’au bout.
M. Max Brisson. Vous le direz à André Gattolin ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 12.
M. David Assouline. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais, très franchement, les dispositions de cet article ressemblent à une marotte.
On aurait pu aborder cette problématique autrement en 2015. À l’époque, il y avait très peu de synergies, mais les débats d’alors, tout comme les positions du Sénat, ont servi.
En effet, depuis lors, plusieurs chaînes de Radio France ou de France Télévisions ont été poussées à travailler ensemble. Des efforts énormes et des investissements considérables ont été consentis par les salariés – eux que l’on oublie souvent –, puisqu’il faut à chaque fois un esprit pionnier pour construire une nouvelle façon de travailler. Or ils l’ont fait, et il faut les en féliciter.
Le prix à payer a été lourd : quelque 4 000 équivalents temps plein (ETP) supprimés à Radio France, qui a connu la plus grande longue grève de son histoire, et 900 emplois à France Télévisions, qui avait déjà essuyé plusieurs plans sociaux touchant des milliers de personnes.
Dans un tel contexte, malgré ces efforts et ces synergies, malgré les résultats tant dans le numérique que dans l’invention – Radio France, que l’on avait pourtant enterrée, détrône toutes les autres radios ! – et malgré la qualité des programmes – je pense à tout ce qui a trait à l’investigation –, on considère que, tant qu’il y a un salarié à France Télévisions, il est de trop. Voilà le message qu’on leur envoie, au lieu de les applaudir et de les encourager.
Enfin, nous le savons, loin de permettre une rationalisation des coûts, la création d’une holding entraînera pour l’audiovisuel public une charge supplémentaire de 20, 30 ou 50 millions d’euros, à rebours de ce que semblent vouloir les auteurs de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 58.
M. Jérémy Bacchi. Quelques mois après la suppression de la redevance, le service public de l’audiovisuel est, une fois de plus, remis en question, dans son modèle comme dans son offre.
Alors que le bilan des dynamiques des médias publics est plutôt positif – je l’ai souligné lors de la discussion générale –, le changement que représenterait la création d’une telle holding risque d’entraîner une nouvelle inertie des institutions publiques visées.
Pourtant, les défis auxquels doivent faire face nos entreprises de l’audiovisuel public sont immenses : numérisation, reconquête du public adolescent et jeune adulte, lutte contre la désinformation et les infox. Aussi, la mobilisation des forces vives de notre service public autour d’un projet bureaucratique ne prenant pas en compte la diversité des métiers et des savoir-faire est inutile, voire dangereuse.
D’abord, les modalités de désignation au sein de cette holding n’offrent pas de garanties suffisantes s’agissant de la préservation de l’indépendance de l’audiovisuel public.
Ensuite, le pouvoir accordé au directeur général de la holding dans la répartition du budget entre les différentes entités fait craindre, au regard de l’objectif de concurrencer les plateformes de type Netflix, que la radio ne devienne le parent pauvre de l’audiovisuel public. Le risque lié à la création de cette holding est de supprimer toute obligation en matière de diversité.
En réalité, loin de défendre le service public de l’audiovisuel, le texte qui nous est proposé risque, en pratique, de réduire un peu plus les budgets des filiales, qui sont déjà largement érodés.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Monique de Marco. La création d’une holding rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA n’est pas souhaitable.
À notre sens, cette proposition ne repose sur aucune justification valable, pas même budgétaire. Nous avons suffisamment de recul pour savoir qu’une telle évolution aurait pour conséquence d’accroître non seulement les coûts de fonctionnement, mais également l’inquiétude des salariés.
Derrière ce projet, il y a évidemment la volonté d’ouvrir la voie à de nouveaux plans de restructuration. Cela n’est pas sans risques pour le pluralisme et la diversité électorale.
L’identité de RFI, par exemple, sera complètement diluée au sein de France Médias Monde. Et les salariés de Radio France craignent la marginalisation de leur média, au bénéfice de contenus visuels. Or la radio est le média le plus accessible à toutes les catégories de la population.
Le journalisme et la production audiovisuelle de qualité ont un prix. Il est donc nécessaire de renforcer les moyens accordés au journalisme de terrain, aux équipes d’envoyés spéciaux, et non pas ceux des technostructures.
C’est pourquoi nous nous opposons à la création de cette holding.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
J’aimerais revenir sur l’argument, souvent mis en avant, du coût de la holding. C’est un faux débat. La présidente de France Télévisions dit elle-même qu’aucune étude n’a été faite sur le sujet. L’argument vise donc avant tout à défendre le statu quo, quand bien même celui-ci risque d’être fatal à l’audiovisuel public.
Notre collègue Laurent Lafon a toujours défendu l’idée d’une structure souple et légère. Les auditions que nous avons menées ont montré que c’était possible. Selon la grille des rémunérations que nous avons obtenue, une équipe constituée d’une vingtaine de personnes coûterait environ 3 millions d’euros. À noter que la majeure partie de ces personnes travaillent déjà dans les entreprises considérées. Il s’agit donc d’un coût brut, et non d’un coût net.
Ces 3 millions d’euros correspondent à peu de chose près – pardon pour cette légère imprécision – au montant des hospitalités que France Télévisons vient de dépenser à l’occasion du Festival de Cannes. Or je n’ai entendu personne dans cet hémicycle dénoncer une telle dépense, qui n’était peut-être pas tout à fait indispensable…
J’ajoute que la nomination d’un responsable unique de la stratégie ayant la possibilité de trancher enfin les différends entre les filiales fera économiser beaucoup de temps et d’argent.
Avec une telle gouvernance, France Télévisions n’aurait pas eu besoin de s’aventurer, par exemple, dans Salto,…
M. Max Brisson. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. … qui lui a fait perdre 80 millions d’euros, car un agrégateur de l’ensemble de l’audiovisuel public existerait depuis des années. La chaîne France Info aurait été développée de manière attractive, sur la base de France 24. L’offre de proximité serait déjà effective.
En somme, l’audiovisuel public du futur serait déjà, et depuis longtemps, une réalité.
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Ainsi que j’ai eu l’occasion de l’indiquer lors de la discussion générale, je suis favorable aux amendements de suppression, puisque je suis défavorable à la création de cette holding.
Oui à une nouvelle ambition de l’audiovisuel public pour les cinq prochaines années ! Oui à une traduction de cette ambition dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) en renforçant les coopérations et leur suivi ! Oui à plus de souplesse, de concertation, d’avancées pragmatiques et ambitieuses ! Mais non à la bureaucratie ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. C’est la meilleure, celle-là !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Non aux lourdeurs d’organisation ! Et non à une strate hiérarchique qui aurait pour effet d’affaiblir et de disperser les énergies !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Le débat ne porte pas sur la coopération entre les acteurs, qui – tout le monde en convient – fonctionne très bien.
La question est de savoir si l’on continue avec les COM ou si, n’étant pas satisfaits de ces derniers, on essaie une autre organisation permettant d’aller plus loin, plus vite en matière de coopération entre les différents acteurs.
Si nous proposons une holding, c’est parce que nous avons à présent du recul sur l’efficacité ou plutôt, devrais-je dire, l’inefficacité des COM. Notre point de vue sur le sujet n’a rien de subjectif ; il se fonde sur ce qu’en dit l’Arcom, qui est chargée de les contrôler.
Dans son avis du 7 octobre 2022 relatif au rapport d’exécution des COM, l’Arcom indique : « Dans son avis du 15 janvier 2021 sur les projets de COM, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait regretté le manque d’ambition de ces derniers en matière de synergies au sein de l’audiovisuel public et l’absence de structure de pilotage ou de coordination des chantiers communs. […] De fait, la coopération au sein de l’audiovisuel public demeure limitée et la convergence TV-radio est très en deçà de la situation d’autres services publics européens. »
Le point de vue de l’Arcom est malheureusement corroboré par les faits.
Premier exemple, les synergies immobilières. Sur les soixante-deux implantations mutualisables, c’est-à-dire situées dans une même ville, seules cinq font ou ont fait l’objet d’une mutualisation.
Les formations mutualisées ne représentent que 2 % à France Télévisions et 5 % à Radio France.
Alors que la généralisation des matinales communes entre France 3 et France Bleu était initialement prévue en 2022, l’objectif n’est pas atteint. Il ne le sera pas avant, au mieux, 2025, selon Philippe Martinetti, directeur du réseau régional de France 3.
Les marchés groupés, qui devraient permettre de faire des économies et de supporter largement le coût de la holding, sont marginaux, comme le note l’Arcom dans son rapport de la fin de l’année 2022. On en a dénombré seulement quarante, pour un montant cumulé de 45 millions d’euros, à comparer au budget global de plus de 3,5 milliards d’euros. On voit bien que les COM ne fonctionnent pas !
On pourrait évidemment se satisfaire des annonces faites lors de la négociation et de la signature de ces COM, mais il vaudrait mieux avoir la lucidité de mesurer les résultats – et ceux-ci ne sont pas bons !
M. Max Brisson. Très bien !
M. Roger Karoutchi. D’un point de vue politique, je suis admiratif : Salto a fait des émules ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Franchement ! J’entends notre collègue Bargeton, ou vous-même, madame la ministre, s’étonner et dire : « Comment ? Mais quelle horreur ! La création d’une holding serait bureaucratique ! Mais qu’est-ce que vous imaginez à droite ? »
La holding, je le rappelle, figurait voilà trois ans dans le projet de loi de Franck Riester, votre collègue au Gouvernement, qui fut ministre de la culture. J’en déduis que ce n’est pas chez nous qu’a germé l’idée d’une holding. L’idée circulait dans les milieux gouvernementaux, dans les ministères et dans une partie de cet hémicycle voilà déjà quatre ans. Il faut rester un peu cohérent avec ce qui a été dit auparavant.
Je partage les propos de Laurent Lafon : si les convergences avaient magnifiquement fonctionné, depuis le temps qu’on en parle – cela fait sept ou huit ans –, si elles étaient évidentes, personne ici ne viendrait parler de fusion ou de holding aujourd’hui ; on se satisferait des résultats probants des convergences, et on continuerait d’avancer à ce rythme.
Tout le monde, y compris les responsables de l’audiovisuel – ce n’est pas seulement l’Arcom –, convient qu’il faudrait faire plus et mieux en matière de convergences. Le problème, c’est qu’au bout de sept ou huit ans nous n’avons pas obtenu les résultats attendus.
Si on ne change rien, on envoie le signal à tout le monde, y compris aux acteurs, qu’aucune modification de structure n’interviendra et qu’on peut continuer au rythme actuel. La notion de holding doit permettre de secouer le cocotier pour que les choses bougent.