M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Vous connaissez le sort réservé par le Sénat aux demandes de rapport, sachant qu’il s’agit de sujets que nous examinons au moment de l’examen du projet de loi de finances. Nous serons évidemment attentifs à ces évolutions à ce moment-là. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien que l’on sente à quel point vous y croyez, je ne vous décevrai pas trop, madame la sénatrice, en vous disant que je suis quadruplement défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Chapitre Ier
Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale
Article 2
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d’ordonnance à la réécriture de la partie législative du code de procédure pénale afin d’en clarifier la rédaction et le plan, ainsi qu’à la modification de toute autre disposition de nature législative nécessitée par cette réécriture.
Cette nouvelle codification porte sur les dispositions en vigueur à la date de publication de l’ordonnance et, le cas échéant, sur les dispositions publiées, mais non encore entrées en vigueur à cette date. Elle est effectuée à droit constant sous réserve des modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs ou omissions, abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet et procéder aux adaptations terminologiques utiles, notamment pour revoir les dispositions dont la formulation peut paraître remettre en cause la présomption d’innocence.
L’ordonnance est prise dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de la présente loi.
L’ordonnance entre en vigueur au plus tôt un an après sa publication.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Par cet amendement, nous souhaitons exprimer nos réserves quant à l’habilitation accordée au Gouvernement pour prendre, par voie d’ordonnance, des mesures de clarification du code de procédure pénale.
En effet, nous considérons que cette habilitation manque d’encadrement. Nous estimons qu’il est nécessaire d’aborder la rédaction d’un nouveau code de procédure pénale avec rigueur, temps et contrôle. Cette tâche complexe demande une analyse approfondie, la prise en compte des différentes implications juridiques, ainsi que l’écoute des experts et des acteurs du système judiciaire.
Une approche précipitée ou insuffisamment réfléchie pourrait entraîner des lacunes ou des erreurs dans le nouveau code, compromettant ainsi son efficacité et sa cohérence.
Aussi, nous considérons que le délai d’entrée en vigueur d’un an, tel qu’énoncé dans l’habilitation, est insuffisant. Les acteurs du système judiciaire, comme les magistrats, les avocats et les autres praticiens, auront besoin de temps pour s’adapter aux nouvelles règles et se former adéquatement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous voilà parvenus au débat sur la simplification du code de procédure pénale. L’article 2 vise à donner une habilitation pour réécrire à droit constant le code de procédure pénale, dans un délai de deux ans.
Une telle habilitation est nécessaire, car la clarification du code de procédure pénale constitue un énorme travail. Ce code compte 2 400 articles. Nous devons ramener son volume entre 280 et 300 articles. Par ailleurs, 100 articles renvoient à d’autres articles. Bref, le processus est très complexe. La vraie question de fond, dont nous débattrons, est d’ailleurs de savoir ce qu’est le droit constant et jusqu’où il est possible d’aller dans un tel cadre, car un certain nombre de réformes – je pense notamment aux nullités – modifieront forcément le droit.
Certes, habituellement, le Sénat n’apprécie pas de procéder par habilitation, car il n’aime pas transmettre sa compétence à légiférer au gouvernement. Néanmoins, les travaux de codification sont toujours fastidieux : on l’a vu avec le code des douanes, le code pénitentiaire ou le code de la justice pénale des mineurs. La clarification du code de procédure pénale constitue un travail technique, qui a demandé la mise en place d’un comité scientifique. Ce dernier formulera des propositions.
Nous souhaitons que ces propositions aillent au-delà d’une simple clarification, car nous appelons de nos vœux une véritable simplification du droit, avec une réforme de fond.
La logique aurait voulu que l’on se pose d’abord des questions de fond avant de clarifier le code de procédure pénale : que veut-on pour le parquet, que veut-on pour la procédure, que veut-on en matière d’unification des enquêtes, etc. ?
Le Gouvernement a opté pour la procédure inverse, dont acte. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de l’étape de l’habilitation. C’est pourquoi nous avons modifié l’article 2 afin de permettre au Parlement de se saisir des dispositions de l’ordonnance. Cette procédure doit aller jusqu’à une vraie simplification, qui est attendue par tous, pour une plus grande sécurité juridique. Voilà pourquoi la commission est défavorable à la suppression de cet article, même si, sur le fond, nous n’aimons pas les habilitations à légiférer par ordonnance et, ce faisant, perdre notre compétence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Lahellec, je comprends vos interrogations, mais il sera possible au Parlement de contrôler le processus et de s’assurer in fine que le Gouvernement a bien respecté le champ de l’habilitation accordée. La confiance – dans ma parole – n’exclut pas le contrôle !
Il y a, par ailleurs, le Conseil d’État. Or ce dernier, dans son avis, ne dit rien sur la question du droit constant.
De plus, entre l’habilitation et la ratification, les travaux du comité scientifique seront suivis par le comité parlementaire, que j’ai évoqué tout à l’heure dans mon propos liminaire. Pourquoi, d’ailleurs, un comité scientifique ? Parce qu’il s’agit en réalité d’un travail absolument titanesque. Si nous ne nous y attelons pas maintenant, dans vingt ans il ne sera toujours pas fait !
Parler de clarification n’est pas si simple que cela en a l’air. C’est même très compliqué. S’il me fallait vous présenter un texte clarifié, le projet de loi comprendrait 2 000 articles. Laissons ce comité scientifique, composé de professionnels du droit – universitaires, magistrats, hauts magistrats, avocats, personnels des forces de sécurité intérieure, gendarmes et policiers, représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) –, travailler, d’autant que les parlementaires effectueront leur contrôle au fil de l’eau.
Par ailleurs, l’ordonnance sera aussi soumise à la Commission supérieure de codification, dont le sénateur Richard fait partie. Il s’agit d’un contrôle supplémentaire. Il n’y a donc aucun risque.
De plus, monsieur le sénateur, j’ai envie de vous dire que je n’avais pas d’autre possibilité que de procéder ainsi.
Vous dites, madame la rapporteure, que, en quelque sorte, nous mettons la charrue avant les bœufs, parce que vous auriez préféré avoir le texte finalisé avant de le confier à un comité scientifique. Mais il faut deux ans pour simplifier… ou pour clarifier ! Au reste, je ne saisis pas très bien la nuance sémantique entre ces deux termes, monsieur Bonnecarrère : quand on clarifie, on simplifie. (M. Philippe Bonnecarrère exprime son désaccord.) Peu importe, je veux bien que l’on conserve cette nuance, je ne la redoute pas.
En 1959, notre code de procédure pénale était fin comme ceci (M. le garde des sceaux écarte légèrement son pouce et son index.) ; aujourd’hui, il est épais comme cela ! (M. le garde des sceaux décuple l’écart entre ses deux doigts.)
Il ne s’agit en aucun cas de bouleverser les équilibres ni de changer les règles, je le répète et je m’y engage. L’un de vous a parlé de fusion des cadres d’enquête, par exemple, mais voilà qui ne serait ni de la simplification ni de la clarification ! Cela conduirait à un autre code de procédure pénale, avec d’autres règles. Ce n’est absolument pas cela que nous voulons faire.
Je sais que vous vous inquiétez, monsieur Lahellec, et je sais que les parlementaires sont légitimement soucieux de leurs prérogatives, mais n’ayez aucune crainte : cela se fera avec vous, de façon transparente, et vous pourrez tout à fait suivre le cours des travaux. Les forces de sécurité intérieure, les magistrats, les avocats ont besoin d’un code de procédure pénale clarifié, mais, aussi, la clarification engendrant la simplification, simplifié, si vous m’autorisez l’emploi des deux termes, monsieur Bonnecarrère… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 210, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette codification à droit constant s’oppose à ce que soit réalisée une modification du fond des matières législatives codifiées.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’article 2 traite d’un sujet important, lourd, sur lequel nous avons beaucoup réfléchi, du moins autant qu’il était possible dans les délais qui nous étaient impartis…
L’ensemble du Sénat s’accorde à reconnaître la nécessité de réécrire le code de procédure pénale, afin de le rendre lisible, au moins par les professionnels. C’est un travail de titan, avez-vous dit, monsieur le garde des sceaux, et nous avons la même appréciation.
Par ailleurs, votre article d’habilitation est, je dois le dire, plutôt bien rédigé : il est complet, précis. Il mérite toutefois quelques améliorations et c’est l’objet de cet amendement, au travers duquel nous souhaitons préciser la notion de droit constant. Au passage, je rends par avance hommage aux professionnels qui vont recodifier ce code à droit constant…
Je souhaite donc préciser les contours de cette contrainte en recourant à la formule employée par le juge constitutionnel dans une décision du 16 décembre 1999, qui précisait que « le principe de la codification “à droit constant” […] s’oppose à ce que soit réalisée une modification du fond des matières législatives codifiées ». Telle est la phrase que nous proposons d’introduire dans le texte pour définir les limites de la notion de droit constant. L’habilitation ne ferait qu’y gagner.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je félicite Mme de La Gontrie pour ses efforts ; nous avons eu de nombreux échanges pour tâcher de mieux encadrer cette habilitation.
Sur le fond, on voit bien que la notion de réécriture « à droit constant » soulève un certain nombre de questions, notamment un débat sémantique entre clarification et simplification ; c’est avant tout une clarification, puisqu’il s’agit de réécrire le plan, mais avec des incidences, puisque, dès lors que l’on restructure un raisonnement juridique, cela débouche sur des réformes.
Malheureusement, la notion de « modification du fond » n’est pas tellement plus claire…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’expression du Conseil constitutionnel.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Sans doute, mais elle n’est pas plus claire pour le cas d’espèce. Elle s’oppose à la modification de la forme, mais une telle modification aura forcément des incidences sur le fond.
En tout état de cause, cela n’apporte pas de garantie supplémentaire. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je pense la même chose, madame la sénatrice : c’est une mention superfétatoire.
En outre, je rappelle que l’étude d’impact précise que « la codification à droit constant s’oppose à ce que soit réalisée une modification du fond des matières législatives codifiées ».
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Exactement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais c’est dans l’étude d’impact, non dans le texte de la loi !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne reprendrai pas le contenu de ma réponse à M. le sénateur Bonnecarrère, à qui j’ai oublié de préciser que votre commission des lois avait déjà pris des précautions supplémentaires, essentielles.
Cet ajout n’apportant rien, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. La distinction entre simplification et clarification relève-t-elle d’un débat de pure sémantique ? Bien sûr que non ! Ce sont deux notions complémentaires.
Mme le rapporteur affirme que l’on a mis la charrue avant les bœufs, mais il est exact que, si l’on s’engage dans une réforme profonde et une simplification de la procédure pénale, on n’obtiendra jamais la lisibilité attendue ou bien on l’aura très tardivement.
Au contraire, si l’on ne fait que de la mise en forme, si l’on ne cherche que la lisibilité, cela prendra deux ans, à l’issue desquels nos magistrats, nos policiers et nos gendarmes devront s’adapter à une nouvelle numérotation et à une nouvelle organisation, mais on n’obtiendra jamais la simplification.
Ce qui est proposé, au travers de la rédaction de la commission des lois, c’est de pouvoir mener ces deux démarches. Une réécriture « à droit constant » garantit une meilleure lisibilité, mais, en parallèle – je n’ose pas dire « en même temps » –, le comité scientifique ainsi que les parlementaires supervisant les travaux au nom des groupes devront mener une réflexion sur la simplification. À mesure que la lisibilité s’améliorera, vous pourrez pointer du doigt les différentes difficultés qui apparaîtront. Ceux qui travailleront à la simplification devront tenir compte de la nouvelle architecture mise en place dans le travail d’amélioration de la lisibilité.
Ce sont donc deux sujets complémentaires, ce n’est pas une distinction sémantique. Ces deux démarches doivent être menées de front afin qu’il n’y ait pas « tromperie » sur la qualité du travail, si vous me permettez cette formule : nos policiers, nos gendarmes, nos magistrats ressentiraient quelque agacement s’ils s’apercevaient que la simplification annoncée n’est pas effective…
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je veux faire ici état d’une modeste expérience de codification, puisque j’ai l’honneur de représenter la Haute Assemblée depuis une douzaine d’années au sein de la Commission supérieure de codification.
Quand on procède à la refonte d’un code, surtout quand on constate son caractère défectueux dû aux ajouts successifs, la première grande opération consiste à réécrire son plan, c’est-à-dire à classer les matières dans un ordre cohérent. J’estime, à première vue, compte tenu de la masse à traiter, que ce travail devrait prendre environ une année.
Une fois que le plan est réalisé, il reste le travail de détail, consistant à vérifier la qualité – qui me semble perfectible en l’espèce, monsieur le garde des sceaux – de la rédaction d’un grand nombre de dispositions de ce code, dont certaines sont par exemple répétitives, pour me limiter à ce seul défaut.
Dès lors que l’on fera la remise en état, article par article, des diverses matières, on pourra détecter des points exigeant une réforme de fond. C’est la seule façon d’opérer. Ensuite, on finira le travail avec les dispositions restées en vigueur et ne nécessitant que la modification de rédaction qui est autorisée à droit constant, et il faudra intégrer au projet de loi de ratification les propositions de modifications de fond.
Tout cela justifie la solution adoptée par la commission, celle d’un délai entre la publication de l’ordonnance et son entrée en vigueur par ratification, qui sera décidée au travers d’une loi incluant les modifications de fond.
M. Philippe Bonnecarrère. Je suis totalement d’accord !
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des commissions chargées des affaires européennes, il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, un comité de suivi composé à parité d’hommes et de femmes représentant tous les groupes politiques, chargé de suivre, de proposer les mesures de simplification de la procédure pénale, et préparer le débat parlementaire nécessaire à la ratification de l’ordonnance de réécriture de la partie législative du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement vise à prévoir, au sein de chaque assemblée, la constitution d’un comité de suivi de cette recodification. Nous avons bien compris qu’il y aurait un comité scientifique, mais quid du Parlement ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. C’est déjà prévu dans le rapport annexé.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la même chose !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 115, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
vingt-quatre
par le mot :
douze
La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Un des grands défis auxquels, selon le Gouvernement, la justice française est confrontée et que le présent projet de loi est censé relever est celui de l’efficacité : plus d’efficacité et de rapidité pour les décisions de justice, mais aussi pour les actes administratifs.
Par principe, les ordonnances doivent être publiées deux fois plus vite. Cet amendement se justifie donc par son texte même.
M. le président. L’amendement n° 168, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
vingt-quatre
par le mot :
dix-huit
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Au travers de cet amendement, nous proposons de diminuer le délai dont disposera le Gouvernement pour élaborer ces ordonnances, mais en vertu d’un raisonnement différent de celui de notre collègue Brigitte Devésa.
Nous proposons de nous inspirer du mécanisme utilisé lors de la recodification du code du travail, en 2005, lorsque le ministre délégué au travail était Gérard Larcher : le délai octroyé étant trop court, une nouvelle habilitation avait dû être demandée pour le prolonger.
Pourquoi cette proposition ? Parce que ce mécanisme permettra au Parlement d’être pleinement informé de l’avancement des travaux et de vérifier s’il est suffisamment conforme aux orientations proposées pour autoriser la prolongation de l’habilitation et laisser le travail aller à son terme. Il s’agirait donc d’une habilitation en deux temps, ce qui permettrait au Parlement de conserver, autant que faire se peut, la main sur le processus de rédaction des ordonnances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. J’entends bien les différentes raisons motivant le raccourcissement du délai de rédaction. Cela aurait pu en effet constituer une solution pour contrôler que le travail de clarification et de simplification est mené à son terme.
Néanmoins, dix-huit mois, c’est très court.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est exprès !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Et redemander une habilitation alourdira le processus.
Je préfère pour ma part avoir le temps de débattre lors de la ratification, qui arrivera six mois plus tard, et d’engager le travail d’amélioration de l’efficacité et de contrôle de la simplification.
Douze mois, c’est encore pire : il est impossible de mener ce travail titanesque dans un délai si court, on l’a dit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il faut travailler vite, mais il faut aussi travailler bien. C’est un travail de longue haleine, une tâche titanesque.
Tous ceux que j’ai rencontrés pour préparer ce texte ont souligné l’ampleur de la tâche et M. le sénateur Richard, un fin connaisseur en la matière, le confirme. Tout cela me conforte dans l’idée que nous aurons besoin de vingt-quatre mois.
Les deux amendements vont dans le même sens, mais n’ont pas le même fondement, je l’ai bien compris. Néanmoins, je suis défavorable aux deux propositions, il faut que les choses se fassent à leur rythme. L’exigence est celle de la qualité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’écoute ce débat avec une grande attention et avec beaucoup d’intérêt, et je trouve quelque peu étrange que, depuis des années, tout le monde s’insurge contre la complexité du code de procédure pénale, mais que rien ne bouge.
Il est maintenant proposé que l’on avance sur ce sujet, mais dix-huit mois représentent tout de même une certaine durée et, pendant celle-ci, les parlementaires peuvent être associés et suivre les travaux.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela donnera le sentiment que le Parlement a fait son travail ; ce sera d’ailleurs plus qu’un sentiment, ce sera la réalité !
Depuis 2008, la Constitution dispose que la ratification des ordonnances est expresse. C’est beau, c’est généreux, mais, dans la plupart des cas, cela ne s’applique pas : dès que l’ordonnance est publiée, elle est effective. C’est un véritable problème.
J’entends bien, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez pris l’engagement de soumettre au Parlement le texte, qui sera imposant, pour ratification expresse.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais j’insiste sur la nécessité de respecter cet engagement, sans quoi tout le débat que nous avons, sur le maintien à l’identique du fond du texte avec plus ou moins d’adaptations et d’arrangements, est nul, car nous ne pourrions pas nous saisir de ce texte.
Ce que ces amendements tendent à proposer, pour garantir que le Parlement soit effectivement consulté sur le travail principal et sur le résultat, me paraît opportun, car il y aura forcément des modifications de fond. Forme et fond ne peuvent jamais être totalement dissociés.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je veux faire état, à propos de la question de la durée, de toutes mes expériences de codification des dernières années : le temps d’examen des textes recodifiés ou nouvellement codifiés par le Conseil d’État est au minimum de trois mois. Une ordonnance est un texte écrit par le Conseil d’État. Quand je considère la masse que représentera le code réécrit, j’imagine que le Conseil d’État indiquera qu’il ne peut garantir la sécurité juridique du code qu’avec un délai d’au minimum quatre mois.
C’est, entre autres, pour cette raison que le délai comprimé de dix-huit mois n’est pas réaliste.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
Au deuxième alinéa de l’article 367 du code de procédure pénale, après le mot : « criminelle », sont insérés les mots : « ou s’il comparaît détenu devant la cour d’assises ». – (Adopté.)
Chapitre II
Dispositions améliorant le déroulement de la procédure pénale
Section 1
Dispositions relatives à l’enquête, à l’instruction, au jugement et à l’exécution des peines
Avant l’article 3
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié ter, présenté par Mmes Herzog et Saint-Pé, M. Folliot, Mme Dindar, MM. Delcros, B. Fournier, Genet, Moga et Duffourg, Mme Jacquemet et M. Henno, est ainsi libellé :
Avant l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article 61-1 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et du droit de disposer d’une copie certifiée conforme du procès-verbal, délivrée par l’autorité d’enquête dans le cadre de l’audition ou de la confrontation ».
La parole est à M. Alain Duffourg.
M. Alain Duffourg. Il s’agit de modifier l’article 61-1 du code de procédure pénale pour que les personnes entendues aient une copie du procès-verbal délivrée par l’autorité d’enquête ; les enquêteurs en ont d’ailleurs déjà la possibilité aujourd’hui.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 16 rectifié ter.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 16 rectifié ter, présenté par Mmes Herzog et Saint-Pé, M. Folliot, Mme Dindar, MM. Delcros, B. Fournier, Genet, Duffourg et Moga, Mme Jacquemet et M. Henno, et ainsi libellé :
Avant l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article 114 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Après chaque interrogatoire, confrontation et reconstitution, après qu’elle en a été informée verbalement, une copie du procès-verbal est immédiatement délivrée par tout moyen à la personne entendue. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.