Mme Agnès Canayer, rapporteur. Si la réécriture des décrets Magendie est un travail complexe, la simplification du code de procédure pénale l’est tout autant. Nous aborderons lors de l’examen de l’article 2 la question de l’habilitation pour réécrire à droit constant la partie législative de ce code.
Toutefois, nous avons souhaité inscrire dans le rapport annexé une méthode pour engager dans sa feuille de route le Gouvernement sur la voie de cette véritable simplification des procédures pénales : cette dernière devra se faire en parallèle de la clarification du code de procédure pénale préalable à l’ordonnance de recodification, pour laquelle le Gouvernement sollicite une habilitation.
Cette simplification doit permettre la sécurisation juridique, la recherche d’une plus grande efficacité, l’allégement du poids des contraintes formelles, le respect des garanties des droits de la défense et la réduction des délais de jugement.
Un comité scientifique composé de professionnels du droit de tous horizons sera chargé de formuler des propositions de clarification du code qui serviront de base à cette ordonnance de recodification à droit constant prévue à l’article 2, qui lui-même vise à engager la simplification attendue.
En effet, le comité devra, en parallèle et après ce travail de clarification, proposer des simplifications attendues de tous ; un autre comité composé de parlementaires, représentant tous les groupes politiques des deux assemblées, sera chargé d’assurer le suivi des travaux qui lui seront présentés tous les trois mois pour que l’objectif puisse véritablement être atteint.
En parallèle, nous souhaitons que les travaux de réforme du code de procédure pénale pendant cette période soient limités pour assurer une stabilité attendue par tous les acteurs du monde de la justice.
M. le président. L’amendement n° 159, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 299
Insérer un alinéa ainsi rédigé
Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement faisant le bilan de l’utilisation des comparutions immédiates. Ce rapport analyse plus largement les types de peines prononcées, les recours aux peines alternatives à la prison, les taux de recours.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’objet de cet amendement n’a absolument rien à voir avec celui de l’amendement précédent, bien qu’ils fassent tous deux l’objet d’une discussion commune : il vise à demander la remise d’un rapport au Parlement pour dresser le bilan de l’utilisation de la comparution immédiate.
Il est indéniable que le développement des audiences en comparution immédiate s’est fondé sur une réflexion – bienvenue – relative au temps judiciaire, mais elle ne s’est pas attardée du tout sur les conséquences en matière d’incarcération. Dans un certain nombre d’avis qu’ils ont émis, certains organismes, par exemple l’Observatoire international des prisons (OIP), indiquent que le développement de procédures de jugement rapide, en particulier la comparution immédiate, est pourvoyeur dans l’immédiat d’un plus grand nombre d’incarcérations et aboutit à un taux plus important de peines de prison ferme et à des peines plus longues.
Pour l’instant, rien ne démontre si c’est le cas ou non. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’il y aurait un rapport mécanique entre la multiplication des procédures de comparution immédiate et la hausse du nombre de personnes incarcérées.
Comme nous cherchons à résoudre le problème de la « surincarcération » avec de nombreuses solutions, dont la création de places de prison supplémentaires, il ne serait pas inutile de faire une étude sur les rapports directs entre, d’une part, les procédures rapides, dont la comparution immédiate, d’autre part, le nombre d’incarcérations, la longueur et le type des peines prononcées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 159 ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis sera défavorable : s’agissant d’une demande de rapport, notre position est constante.
De plus, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) publie chaque année des rapports de politique pénale, remis par les procureurs généraux et par les procureurs de la République. Le rapport annuel du ministère public répond à la demande des auteurs de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. S’agissant de l’amendement qu’a défendu Mme la rapporteure, je trouve qu’il est excellent. J’y suis naturellement favorable parce qu’il permet tout simplement de préciser les choses.
J’ai toujours affirmé que la méthode que nous choisissions pour clarifier un certain nombre de règles était essentielle. Je pense à tous ces articles – il y en a une centaine dans le code de procédure pénale – qui renvoient à d’autres articles qui renvoient à d’autres articles et à d’autres articles…
Il ne s’agit évidemment pas de toucher au sens ni aux équilibres : nous légiférerons à droit constant. Un certain nombre de contrôles existent déjà, je les ai rappelés tout à l’heure. Voilà ce qui sera de nature à rassurer, une nouvelle fois, le Sénat, qui est légitimement soucieux sur ces questions. J’ai en mémoire cette vieille publicité : « La confiance n’exclut pas le contrôle »…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et la peur n’exclut pas le danger…
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes au Parlement, ici !
M. Jean-Pierre Sueur. Nul besoin de surenchérir…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai fini : je sais terminer un propos.
S’agissant de l’autre amendement, j’y suis défavorable, vous l’imaginiez sans doute.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Au sujet de l’amendement défendu par la rapporteure concernant l’organisation des travaux de recodification du code de procédure pénale, ce qui est important – j’espère que c’est bien comme cela qu’il faut entendre le propos tenu à l’instant par le garde des sceaux – c’est la phrase : « Lui seront présentés tous les trois mois l’état de leur avancement et les propositions de clarification et de simplification... »
Nous aurons largement l’occasion de débattre tout à l’heure lors de l’examen de l’article 2 de la question de l’habilitation donnée au Gouvernement de recodifier par ordonnance. « La confiance n’exclut pas le contrôle » ? Je ne sais pas s’il y a confiance, mais nous aurons donc l’occasion à l’article 2 de démontrer que nous souhaitons un contrôle – je ne me prononce pas sur la question de la confiance.
Nous sommes favorables à cet amendement, mais nous souhaitons qu’il se traduise effectivement par des engagements forts de la part du Gouvernement afin de respecter l’ensemble des dispositions qui y sont prévues.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 159 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 158, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 304
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
Il est institué dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, un comité d’évaluation de l’inflation des normes pénales.
Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.
Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret.
Il établit un rapport public au plus tard dans les dix-huit mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi. Ce rapport établit un constat précis de l’inflation pénale, de ses conséquences et formule des préconisations visant à améliorer la construction normative dans sa qualité et dans sa quantité.
Il formule aussi des évaluations et prévisions liées à de possibles dépénalisations.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. J’ai eu le plaisir, il y a quelques mois, de travailler avec Mme la rapporteure Agnès Canayer dans le cadre du comité d’évaluation des cours criminelles départementales. Ce comité, mis en place par le Sénat, a permis d’avoir, sur un sujet important, un dialogue, une réflexion et des échanges sur un temps long avec une diversité d’acteurs impliqués. Ce temps de réflexion a permis d’établir des constats circonstanciés, de formuler des propositions et de tracer des pistes d’amélioration faisant consensus. Ce comité d’évaluation a donc eu des résultats positifs.
Au travers de cet amendement, nous proposons d’instituer un autre comité d’évaluation, chargé quant à lui de l’évaluation de l’inflation des normes pénales et de ses effets.
Sa composition serait fixée par décret, étant entendu qu’il comprendrait des parlementaires.
Il nous semble important, pour les raisons que nous avons développées au sujet du numérique et en cohérence avec les solutions en milieu ouvert que nous proposons, d’arriver à un moment donné à étudier correctement la possibilité de certaines dépénalisations. On travaille, on réfléchit – j’ai eu l’occasion, monsieur le garde des sceaux, de m’en entretenir avec vous – à des propositions en ce sens.
Après une évaluation de ce qui pourrait être dépénalisé et au vu des conséquences des pénalisations à outrance qui sont l’objet de plusieurs projets ou de propositions de loi qui ont été votés ces derniers temps, cette piste nous paraît pouvoir faire avancer d’une manière consensuelle tous les acteurs et l’écosystème, pour reprendre le mot que vous avez employé tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. En effet, monsieur Benarroche, nous aimons les comités d’évaluation parce que nous aimons l’évaluation des politiques publiques pour avoir une vision de la réalité de leur déploiement.
Votre idée, pensons-nous, est d’autant mieux venue qu’elle correspond exactement à ce que nous proposions au travers de l’amendement que nous venons d’adopter. En effet, puisqu’il y aura de toute façon un comité scientifique et un comité parlementaire de suivi, nous évaluerons naturellement l’inflation des normes en matière pénale. Votre amendement est donc redondant. C’est pourquoi je vous propose son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On a un Parlement démocratiquement élu qui dispose de tous les pouvoirs pour vérifier s’il y a inflation normative ou non. Personnellement, je refuse cet effacement du Parlement au profit d’instances sans légitimité et qui doublonneront avec l’action du Parlement sans aucune plus-value. Avis défavorable. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait semblant de jouer du violon. – Mme Laurence Rossignol rit.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je partage ce que vous dites.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. La légitimité du comité d’évaluation proviendrait d’un vote du Parlement : le premier serait donc tout aussi légitime que le second. Toutefois, je fais tout à fait confiance à la rapporteure : si, dans l’amendement qui a été voté à l’instant figure effectivement la création d’un comité de suivi et d’évaluation, c’est parfait. Je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 158 est retiré.
L’amendement n° 146, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I – Alinéa 310, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 310
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
Le Gouvernement s’engage à mener une politique de déflation carcérale, qui prenne en compte les différents facteurs de l’inflation pénale et replace la privation de liberté en tant que « peine de dernier recours ».
Une telle politique implique :
- la dépénalisation de certains types de délits, en confiant leur prise en charge à des autorités administratives sanitaires (comme la consommation de stupéfiants) ;
- la limitation des possibilités de recours à la détention provisoire dès le placement initial, et la réduction de sa durée ;
- une stricte limitation du champ d’application des procédures de jugement rapide ;
- une meilleure prise en compte du principe de l’individualisation des peines ;
- une révision de l’échelle des peines qui allie réduction du recours aux longues peines et remplacement des courtes peines de prison par des mesures non carcérales, en particulier par des mesures de probation en milieu ouvert.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Parmi les facteurs concourant à une augmentation massive de la population carcérale – je m’excuse d’être aussi monomaniaque – figurent les orientations de politique pénale de plus en plus répressives, comme je viens de l’indiquer, et le phénomène d’inflation pénale avec la pénalisation d’un nombre important de comportements du fait de la création de nouveaux délits systématiquement assortis de peines d’emprisonnement ou du fait de l’aggravation de peines d’emprisonnement qui existent déjà.
Ces derniers mois, plus d’une dizaine de textes de loi pénalisant de nouveaux comportements et durcissant les peines encourues ont été présentés et discutés au Parlement. Cette politique contribue à banaliser l’incarcération, comme si elle était la seule solution, alors que cette peine devrait être réservée aux délits et aux crimes les plus graves.
La politique du « tout carcéral » a montré ses limites ; je ne redonnerai pas les chiffres concernant la surpopulation, dont nous parlions. Notre groupe milite pour une meilleure individualisation des peines et pour une réponse pénale graduée, en évitant le plus possible l’incarcération en cas de courtes peines et en privilégiant pour ces dernières des mesures non carcérales, notamment par des mesures de probation en milieu ouvert.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous n’avons pas du tout la même vision sur les moyens de limiter la surpopulation carcérale – nous en avons déjà débattu –, a fortiori sur la dépénalisation de certains délits comme la consommation de stupéfiants, qui pour nous n’est pas un bon moyen de régulation et n’est donc pas acceptable. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Benarroche, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice tend à favoriser les alternatives à l’incarcération. D’un taux d’aménagement qui était ab initio de 3 %, elle a permis de passer désormais à 16 %. On a favorisé le développement du travail d’intérêt général avec une plateforme, TIG 360°, à laquelle les avocats ont accès, de même que les magistrats. J’ai connu l’époque où ces derniers prononçaient un TIG sans savoir s’il y en avait un de disponible.
Des TIG sont spécialement prévus pour ceux qui travaillent déjà, avec des aménagements possibles le week-end ; d’autres prennent en considération la mobilité de celui qui vient d’être condamné. Pourtant, je l’ai dit, ces travaux sont de moins en moins utilisés. Je demande dans toutes les circulaires que je prends qu’ils le soient davantage en précisant toujours – la précision est importante, évidemment – chaque fois que cela est possible.
Dans le cadre de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, loi que j’ai défendue, j’ai créé la libération sous contrainte de plein droit pour limiter les sorties sèches de prison.
Vous parlez de limiter les possibilités de recours à la détention provisoire. Les dernières lois que je viens d’évoquer et l’article 3 du présent projet, que nous aborderons dans un instant, comportent des dispositions qui vont dans ce sens puisque nous souhaitons développer l’assignation à résidence sous surveillance électronique.
Dans la dernière circulaire de politique pénale que j’ai prise, le 20 septembre 2022, j’ai demandé que l’ensemble – je dis bien « l’ensemble » – de ces mécanismes soient totalement investis pour qu’ils puissent véritablement porter leurs fruits.
Je ne voulais pas aller au-delà : je suis radicalement opposé à la dépénalisation de la consommation de produits stupéfiants. C’est un très long débat que nous avons déjà eu tous les deux, mais il mériterait ici de longs, de très longs développements. Des événements et affaires récents me confortent dans cette idée. Je suis donc évidemment défavorable à votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. L’amendement n° 240, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 317, première phrase
Après le mot :
intrafamiliales
insérer les mots :
, opérationnels au plus tard au 1er janvier 2024,
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. C’est un amendement vraiment très gentil… Il a pour objet les pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences familiales. Comme cela a été souligné tout à l’heure, l’idée n’est pas la révolution du siècle, néanmoins elle va dans la bonne direction.
Cela dit, il y a quelque chose qui est un peu gênant dans le projet qui nous est présenté : même si les pôles ne sont pas suffisants – l’amendement suivant me laissera l’opportunité de dérouler ce que je pense pouvoir être fait au-delà – il n’y a pas de date pour leur entrée en vigueur. C’est pourquoi je propose de les rendre opérationnels au 1er janvier 2024 au plus tard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement, d’après ce que j’ai compris, correspond à la volonté du Gouvernement. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis de sagesse bienveillante. Nous avons tous évidemment envie que ces pôles se mettent en place au plus vite parce qu’ils sont susceptibles d’apporter de véritables améliorations.
Je le répète : l’idée m’a été présentée dans le cadre d’un rapport qui mérite toute notre admiration parce qu’il est complet et a été précédé d’un grand nombre d’auditions. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait de nouveau semblant de jouer du violon.)
Je partage donc votre avis, madame la sénatrice Vogel : je souhaite moi aussi que les pôles soient mis en place le plus vite possible, même s’il faut d’abord recruter et former, ce qui prend un peu de temps. Je m’engage à ce que les textes soient présentés rapidement devant le Parlement et j’espère que nous obtiendrons une approbation massive, voire unanime, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 241, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans la continuité de la volonté de mieux coordonner et d’accélérer les démarches, des centres d’aide aux victimes de violences intrafamiliales seront expérimentés dans sept départements, dont deux d’outre-mer permettant à toute victime d’effectuer les premières démarches juridiques, médicales et administratives et garantissant, le cas échéant, une protection aux victimes, co-victimes et témoins. À ces fins, ces centres permettront de déposer plainte, de demander une ordonnance de protection et de réaliser un examen médical. Par ailleurs, le centre d’aide propose un accompagnement psychologique aux victimes et, le cas échéant, aux co-victimes et témoins. Si la victime demande une ordonnance de protection, elle se voit automatiquement proposer une place d’hébergement d’urgence.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Comme vous, monsieur le garde des sceaux, je me suis rendue en Espagne pour visiter une des juridictions spécialisées qui ont été mises en place afin de protéger les victimes de violences fondées sur le genre. Personnellement, je suis convaincue par cet outil, pour diverses raisons.
Un de leurs avantages est qu’elles comprennent des magistrats et des avocats qui sont formés aux violences de genre, ce qui permet de mieux traiter ces questions, de mieux comprendre quelles en sont les logiques et de mieux traiter et sanctionner les crimes.
Autre avantage, outre cette logique des pôles qu’on retrouve dans votre projet, c’est l’existence d’un vrai guichet unique, qui permet de regrouper au même endroit des magistrats, des avocats, mais aussi des travailleurs sociaux, des assistants sociaux et des psychologues. Cela permet d’éviter d’avoir à faire l’ensemble des démarches séparément : aller à la police, puis aller au tribunal, puis aller chez l’assistante sociale, puis tenter de trouver un logement, puis essayer de savoir si on a droit à une aide, etc. Là, tout se passe au même endroit, l’ensemble des professionnels se parlent, traitent à la fois des victimes directes et des enfants, dans un processus spécialisé qui permet que les enfants n’aient pas à éventuellement témoigner plusieurs fois devant le père violent.
C’est ce que je propose dans cet amendement : s’inspirer réellement du modèle espagnol au-delà des simples pôles, créer un véritable guichet unique qui rassemble l’ensemble des professionnels formés et qui permette que les victimes soient réellement mieux prises en charge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Votre amendement, tel que j’en perçois le sens, présente, me semble-t-il, une ambition un peu plus réduite et – j’allais vous dire – satisfaite puisque nous avons en France les Maisons des femmes. Celle qu’a montée Ghada Hatem dans le 93 est à cet égard formidable ; elle a déjà commencé à essaimer et doit continuer à le faire. En effet, j’ai entendu la Première ministre le 8 mars dernier annoncer qu’il y en aurait une par département, où l’on pourra porter plainte directement, collecter les preuves et recevoir une assistance psychologique.
Elles ne relèvent pas du tribunal spécialisé tel que vous avez pu le voir en Espagne et tel que je l’ai vu moi-même à Madrid. Toutefois, je pense qu’il vous a aussi été expliqué dans la capitale espagnole que le tribunal en question était une réalité dans les grandes villes, mais, dès qu’il s’agissait de juridictions plus réduites, que le principe était celui des pôles spécialisés que nous proposons.
De fait, en France, 50 % des féminicides ont lieu en milieu rural, donc plutôt dans de petites juridictions, d’où notre choix d’aller vers les pôles spécialisés, ce qui n’empêchera pas à terme, pourquoi pas, d’aller vers une intégration de ces différentes entités. Pour l’instant, faisons avec les moyens du bord pour aller vite et agir tout de suite.
Nous demandons donc le retrait de l’amendement parce qu’il est satisfait par la proposition d’avoir une Maison des femmes dans chaque département. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les unités d’accueil pédiatriques des enfants en danger (Uaped) sont des lieux qui regroupent médecins, psychologues et forces de sécurité intérieure pour entendre les enfants au travers de dispositifs extrêmement ingénieux et pour que les intéressés se sentent le moins mal possible. On en trouve une par département.
Dans cet esprit, vous avez rappelé, madame la rapporteure, les déclarations qui ont été faites au sujet des Maisons des femmes par Mme la Première ministre. Nous étions ensemble, d’ailleurs, à Bobigny. Ayant été reçus à la Maison des femmes présente dans cette ville, nous avons pu constater à quel point la structure était utile pour toutes les raisons que vous avez rappelées dans votre intervention, madame Vogel. J’ai moi-même signé au mois de mai dernier une convention nationale interministérielle à Bobigny, justement ; nous avons signé avec le réseau Maisons des femmes pour promouvoir ces structures pluridisciplinaires.
Aussi, je pense que votre amendement est satisfait et je vous invite, madame la sénatrice, à le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. La proposition de Mélanie Vogel n’est pas contradictoire avec l’existence de ces Maisons des femmes ; je ne suis pas sûre qu’il s’agisse exactement de la même chose, ce que vous savez bien, madame la rapporteure.
Tout d’abord, les Maisons des femmes sont en cours de déploiement : on est loin d’en compter une par département. En outre, elles s’appuient le plus souvent sur des structures hospitalières, cependant que les centres d’aide aux victimes de violences intrafamiliales que Mélanie Vogel propose d’expérimenter ne seront pas systématiquement en lien avec des structures médicalisées.
Un petit détail sur lequel personne n’a rebondi est le fait que, dans ces centres, les femmes se verraient automatiquement proposer une place d’hébergement d’urgence. À ma connaissance, ce n’est pas encore une des fonctions qui ont été attribuées aux Maisons des femmes.
Pour bien connaître la première d’entre elles et parce que je suis quelque peu le développement de quelques-unes, je peux témoigner que ces Maisons ne seront pas toutes pareilles ni duplicables à l’identique.
Avoir deux types de structures me paraît donc plutôt une bonne chose parce qu’il y a des départements dans lesquels l’offre de soins ne permettra pas d’adosser une Maison des femmes telle qu’on les connaît.
M. le président. Madame Vogel, l’amendement n° 241 est-il maintenu ?
Mme Mélanie Vogel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 160, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 329
1° Deuxième phrase
Après le mot :
détention
insérer les mots :
ainsi que vers une juste rémunération et création du statut de détenu travailleur
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La réflexion de la rénovation du cadre normatif devra prendre en compte les nécessaires évolutions attendues en matière de conditions de travail, d’exercice des droits sociaux collectifs, ou du bénéfice de droits sociaux individuels comme ceux liés aux cotisations retraites et aux arrêts maladie.
La parole est à M. Guy Benarroche.