Mme Nathalie Goulet. À ce jour, il n’existe aucun texte reconnaissant les crimes commis par l’État français entre 1940 et 1944. Ce texte pourrait être l’occasion, pour la Nation, de reconnaître sa responsabilité à l’égard des populations juives dans les agissements de l’État français de 1940 à 1944.
Il s’agit au fond d’un amendement mémoriel, mais le sujet est extrêmement important.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Cet amendement tend à introduire un article liminaire portant reconnaissance par la Nation de la responsabilité de l’État français entre 1940 et 1944 dans les préjudices subis par la population juive.
Si la responsabilité propre du régime de Vichy dans les persécutions antisémites est indéniable, l’objet du présent projet de loi n’est pas mémoriel. Il s’agit de créer une procédure de restitution des biens culturels spoliés.
Par ailleurs, les champs de l’amendement et du projet de loi ne coïncident pas. Le projet de loi couvre un champ plus étroit que l’amendement proposé, puisqu’il ne porte que sur les spoliations de biens culturels, et son périmètre spatio-temporel est plus étendu, puisqu’il couvre toutes les spoliations de biens culturels intervenues entre 1933 et 1945, quel qu’en soit l’auteur ou le lieu de perpétration.
L’amendement n° 4 de M. Pierre Ouzoulias, que nous examinerons dans un instant, vise à rappeler la responsabilité du régime de Vichy.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Le présent projet de loi n’aurait pas pu voir le jour s’il n’y avait pas eu le discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac.
Toutefois, comme vient de l’indiquer la rapporteure, l’objet du texte est à la fois plus restreint et plus vaste que celui de l’amendement n° 4.
Le projet de loi porte en effet sur la sortie du domaine public de biens culturels spoliés, soit un champ nettement plus étroit que celui de toutes les persécutions commises par le régime de Vichy.
À l’inverse, son champ géographique et temporel est plus vaste que celui du régime de Vichy, puisque le texte prévoit de pouvoir faire sortir du domaine public des biens spoliés en Allemagne et ailleurs en Europe par l’Allemagne nazie et divers spoliateurs, et ce dès 1933 pour ce qui concerne l’Allemagne.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, mais cela n’enlève rien à l’importance du discours fondateur que vous avez évoqué, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Sans entrer dans le débat relatif aux champs respectifs de l’amendement et du projet de loi, je demande à ma collègue de bien vouloir retirer son amendement.
Ce n’est pas la Nation qui est en cause ; c’est le régime de l’État français de Vichy. La Nation comptait des résistants, des Justes, des personnes qui, en aucun cas, n’auraient accepté ce qui s’est passé.
La Nation d’aujourd’hui n’a pas à assumer la responsabilité de celle d’hier, qui était diverse. Il est légitime de confondre le régime collaborationniste de l’État français, qui a permis les spoliations et les déportations. Mais c’est à la République de le faire ; cela ne concerne pas la Nation.
La Nation est un ensemble bien plus vaste que le régime politique. Et, à titre personnel, je ne veux pas que l’on inclue – ce n’est pas le sens de l’amendement de Nathalie Goulet, mais la rédaction proposée pourrait porter à confusion – les résistants et les Justes dans une nation responsable.
La responsabilité incombe à l’État français. Laissons la Nation à part !
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 18 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, madame la présidente. Les observations qui viennent d’être formulées me paraissent pertinentes. Je retire donc mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 est retiré.
projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Article 1er
Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Sortie des collections publiques d’un bien culturel » ;
2° Est ajoutée une section 1 intitulée : « Déclassement » qui comprend l’article L. 115-1 ;
3° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
« Art. L. 115-2. – Une personne publique prononce dans les conditions prévues à l’article L. 115-3 et aux fins de restitution à son propriétaire ou à ses ayants droit, par dérogation au principe d’inaliénabilité des biens des personnes publiques qui relèvent du domaine public inscrit à l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la sortie de ses collections d’un bien culturel relevant de l’article L. 2112-1 du même code, ayant fait l’objet d’une spoliation entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu’elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l’autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français”.
« Le certificat mentionné à l’article L. 111-2 du présent code est délivré de plein droit pour les biens culturels restitués en application du présent article.
« D’un commun accord la personne publique et le propriétaire ou ses ayants droit peuvent convenir de modalités de réparation de la spoliation autres que la restitution du bien.
« Art. L. 115-3. – Pour l’application de l’article L. 115-2, la personne publique se prononce après avis d’une commission administrative placée auprès du Premier ministre, compétente en matière de réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des persécutions antisémites. Cet avis porte sur l’existence d’une spoliation et ses circonstances.
« Art. L. 115-4. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la présente section. Il précise en particulier les règles relatives à la compétence, à la composition, à l’organisation et au fonctionnement de la commission administrative mentionnée à l’article L. 115-3. »
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la ministre, je tiens à saluer cette initiative de votre ministère, ainsi que le travail de Mme la rapporteure et de tous les collègues qui sont intervenus sur ce sujet particulièrement sensible, sous la houlette de M. le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’article 1er prévoit la création d’une procédure administrative pour la restitution des biens culturels spoliés intégrés aux collections publiques.
Permettez-moi de rappeler que le 6 juin 2018, dans le cadre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », la commission des finances avait adopté un rapport d’information intitulé La commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites : vingt ans après, redonner un élan à la politique de réparation dans lequel nous formulions un certain nombre de constats et de recommandations relatifs à la CIVS. Nous rappelions le rôle important du président Jacques Chirac et de toutes les personnes qui se sont investies et engagées.
Nous plaidions notamment pour une CIVS « augmentée », disposant des moyens suffisants pour apporter aux descendants et aux ayants droit une réparation dans un cadre de respect et de mémoire.
Je soutiendrai donc cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Après le mot :
nazie
remplacer le mot :
et
par le signe :
,
2° Remplacer le mot :
notamment
par les mots :
et par
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Dans l’expression « dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu’elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l’autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français” », j’estime que l’adverbe « notamment » est ambigu et pourrait laisser entendre que l’État français a organisé la spoliation des Juifs sous la pression de l’occupant nazi, ce qui n’est pas tout à fait la réalité.
L’analyse historique a bien montré que le gouvernement de Vichy avait organisé de lui-même, sans contrainte, une partie des persécutions.
Le directeur de cabinet de Pétain, Henry Du Moulin de Labarthète, indique d’ailleurs dans ses mémoires, publiés en 1946 : « L’Allemagne ne fut pas à l’origine de la législation anti-juive de Vichy. Cette législation fut, si l’on peut dire, spontanée et autochtone. »
Je propose donc de remplacer « notamment » par « et », afin de bien identifier la spécificité des lois votées par l’État français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Cette question avait déjà été très débattue lors de l’examen du projet de loi en commission. M. Ouzoulias nous avait promis de nous proposer une rédaction n’ayant pas d’incidence sur le périmètre des spoliations couvertes par le texte.
Si l’on peut s’interroger sur le bien-fondé de la distinction entre le régime de Vichy et les autres territoires occupés, contrôlés ou influencés par l’Allemagne nazie au cours de cette période, cet amendement a pour objet de répondre au souhait, partagé par de nombreux collègues, de voir reconnaître par le législateur la responsabilité du régime de Vichy dans les persécutions antisémites.
C’est une manière de prolonger le discours de Jacques Chirac, prononcé en 1995, à l’occasion de la commémoration du cinquante-troisième anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ce regard précis, car chaque mot compte. Bien entendu, l’intention du Gouvernement n’était absolument pas de minorer l’action du régime de Vichy.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je remercie Pierre Ouzoulias de cet amendement.
J’aurais peut-être des observations à formuler sur son intervention lors de la discussion générale. À mon sens, la responsabilité des antisémitismes dans notre pays est plus large que ce qu’il a indiqué. Mais nous en reparlerons en dehors de cet hémicycle, mon cher collègue. (Sourires.)
En revanche, je remercie Pierre Ouzoulias et Béatrice Gosselin du travail qui a été mené depuis notre réunion de commission pour parvenir à cette rédaction, qui me semble s’inscrire dans le droit fil du discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac.
Le Gouvernement n’avait certainement pas l’intention – je vous rejoins, madame la ministre – de revenir sur cette ligne bien établie, qui précise clairement que la politique antisémite de Vichy était autonome par rapport aux autorités d’occupation, dont elle a même anticipé les désirs. La rédaction proposée par Pierre Ouzoulias permet toutefois de le clarifier.
Je me félicite donc que cet accord ait été trouvé entre Pierre Ouzoulias et la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je soutiens à mon tour cette précision.
Toutefois – je réponds à M. Roger Karoutchi, dont je ne partage qu’à moitié les propos… –, je ne voudrais pas que l’on ait une vision réductrice du discours de Jacques Chirac. Jusqu’à ce discours, la France refusait de s’excuser pour les crimes d’un État qui ne représentait ni la Nation ni la République. Jacques Chirac a mis un terme au récit selon lequel la République n’aurait pas à s’excuser pour ce qu’elle n’avait pas fait. Il a eu le courage de dire que la France de Vichy était la France, sans chercher à esquiver.
Je soutiens donc l’amendement de M. Ouzoulias. Mais je tenais à rappeler que Jacques Chirac ne s’est pas contenté de pointer la responsabilité du régime de Vichy ; il a également affirmé que nous ne pouvions pas nous exonérer des moments sombres de notre histoire.
Je tiens donc à saluer, plus encore que ceux qui se réclament du chiraquisme, ce qu’a fait Jacques Chirac. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
se disant “gouvernement de l’État français”
par les mots :
« L’État français »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Dans le droit fil de l’amendement n° 4, le présent amendement vise à remplacer les mots : « se disant “gouvernement de l’État français” » par les mots : « l’État français », conformément au discours de Jacques Chirac, qui a reconnu la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs de France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Votre souci de ne pas minimiser la responsabilité de l’État français dans les spoliations antisémites est parfaitement compréhensible, ma chère collègue.
Si les mots : « l’État français » sont effectivement ceux qu’a utilisés le Président de la République Jacques Chirac lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, les mots : « autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français” » sont ceux qui sont employés par l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement l’a sans doute retenue, dans la mesure où il s’agissait du seul texte déjà en vigueur applicable aux spoliations antisémites.
Il y a un intérêt à créer une continuité entre le présent projet de loi et cette ordonnance, dans la mesure où c’est sur son fondement qu’un juge peut aujourd’hui annuler l’entrée dans les collections publiques d’un bien culturel et ordonner sa restitution. Cela permet donc de lier les deux voies de restitution possibles.
Dans ces conditions, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Les explications de Mme la rapporteure sont limpides. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec le Conseil d’État avant de vous proposer ce texte. Et c’est exactement pour les raisons qui ont été indiquées que nous avons retenu cette formulation.
Je me joins donc à la demande de retrait formulée par Mme la rapporteure.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai un doute à propos de cet amendement, mes chers collègues.
Lorsque le général de Gaulle signe l’ordonnance de 1945 par la formule « se disant “gouvernement de l’État français” », il veut montrer que la République était à Londres. Si l’État français était à Vichy, la République avait continué de vivre à l’extérieur, sous la forme, ensuite, d’un gouvernement provisoire et qu’en aucun cas, elle ne pouvait être confondue avec l’État français, qui avait sombré dans la collaboration.
Si cette formule pouvait avoir un sens en 1945, je ne suis pas certain qu’elle en ait autant aujourd’hui, en 2023. Peut-être une formule plus courte, telle que « le gouvernement de l’État français », serait-elle désormais plus opportune. Mais je n’en suis pas tout à fait certain.
Je tenais à exprimer ce doute, mes chers collègues.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je trouve que les deux rédactions ne sont pas terribles.
L’expression « se disant “gouvernement de l’État français” » ne veut pas dire grand-chose aujourd’hui, même si, comme l’a excellemment indiqué Pierre Ouzoulias, dans l’ordonnance de 1945, elle rappelait que la légitimité – la légalité, c’est moins évident – était à Londres.
Par ailleurs, la simple référence à « l’État français » peut prêter à confusion. Aujourd’hui, cela peut être interprété comme l’État actuel. Ou alors, il faudrait préciser « l’État français de Vichy », ce qui ne signifie rien.
En revanche, l’expression « le régime de l’État français » renvoie sans équivoque au régime des années 1940-1944.
Cela évite également d’employer la formule « se disant », qui semble sous-entendre que l’État français n’avait pas le pouvoir, ce qui est faux. Le gouvernement qui avait été mis en place par le Parlement était légal, même s’il était illégitime.
Si Nathalie Goulet est d’accord pour modifier son amendement en ce sens, une telle rédaction permettrait à la fois de ne pas reprendre les termes de l’ordonnance de 1945 tout en faisant référence au régime de Vichy, sans confusion possible avec l’État au sens courant.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je remercie notre collègue Nathalie Goulet d’avoir soulevé la question, qui est complexe. Nous le mesurons bien à travers les différentes interventions. Je l’avoue, je ne suis pas plus à l’aise avec les deux appellations proposées qu’avec celle que vient de formuler M. Karoutchi.
Pour moi, l’expression « le régime de l’État français » ne veut pas dire grand-chose. C’est soit le régime de Vichy, soit l’État français. Aussi, je propose d’en rester à la version initiale. Nous sommes en train de faire un texte de loi. Et même si la précision des éléments historiques est extrêmement importante, nous devons avant tout nous préoccuper de consolider la sécurité juridique de notre texte. C’est d’ailleurs dans cette optique que le Conseil d’État a demandé que nous fassions référence à l’ordonnance de 1945, qui reprenait ces mots. Pour bien faire le lien juridique, il m’apparaît plus prudent d’en rester à la proposition originelle du Gouvernement, même si nous n’en sommes pas totalement satisfaits.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je rejoins les propos de Pierre Ouzoulias, et je remercie M. Karoutchi. Pour moi, l’expression est totalement connotée. Évidemment, elle est reprise par le Conseil d’État, parce que c’est la formule qui existe depuis 1945.
Néanmoins, nous pouvons proposer une meilleure rédaction. J’avais un autre amendement que j’ai retiré entre-temps, car j’ai souhaité privilégier la dénomination « l’État français » pour ne pas affaiblir la portée du texte en utilisant une sorte de terme subsidiaire sur ce sujet, qui, comme vous l’avez compris, me touche personnellement, comme chacun d’entre nous, mais, dans mon cas, peut-être encore un peu plus…
C’est ce qui m’a fait aussi retirer l’amendement de repli avec l’expression « régime de Vichy », que j’avais proposé dans un premier temps.
Puisque nous devons faire un choix tout de suite, ce que propose M. Karoutchi me convient mieux que le « se disant “gouvernement de l’État français” », qui est – je le répète – complètement connoté, a fortiori dans une période très troublée, où la question des spoliations d’œuvres d’art appartenant à des Juifs, objet exclusif du texte, peut déboucher sur d’autres types de problématiques. Notre société évolue dans un climat très compliqué, et je trouve que le « se disant » n’est absolument pas conforme à l’idée que je me fais d’un texte juridique.
Je suis donc d’accord pour rectifier mon amendement en remplaçant les mots : « se disant “gouvernement de l’État français” » par les mots : « Le régime de Vichy ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
se disant “gouvernement de l’État français”
par les mots :
« Le régime de Vichy »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Pantel et MM. Requier et Cabanel, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
culturels
insérer les mots :
ayant été importés sur le territoire français et
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement concerne l’automaticité des certificats d’exportation des biens restitués.
Il n’est pas question de revenir sur la liberté des familles des ayants droit, qui pourraient toujours récupérer un bien ayant été importé. En revanche, je souhaiterais que les biens qui ont toujours été sur notre territoire puissent faire l’objet de la même démarche d’interrogation et de sensibilisation pour savoir s’il n’y a pas une possibilité de compensation ou de négociation, afin qu’ils restent en France.
Une telle différence de traitement se justifie à mes yeux. Les familles spoliées, dans le cas que je vise, n’ont jamais eu en leur possession ces biens dans un pays étranger, puisqu’ils n’ont jamais quitté notre territoire. Aussi, nous devons nous interroger sur l’automaticité de la délivrance du certificat d’exportation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. En adoptant cet amendement, nous n’apporterions plus qu’une réparation partielle à la spoliation. À la différence de familles spoliées à l’étranger, les ayants droit de familles spoliées en France qui vivraient aujourd’hui à l’étranger pourraient in fine se voir refuser le droit de faire venir chez eux l’œuvre qu’on leur aurait restituée.
Les modalités doivent être les mêmes pour toutes les personnes spoliées, quel que soit l’endroit où elles habitent et où se trouve l’œuvre.
À partir du moment où le projet de loi offre déjà la possibilité de négocier à l’amiable le rachat du bien culturel, il me semble que nous disposons déjà d’une mesure permettant d’éviter, sous réserve de l’accord des propriétaires, la sortie du territoire de biens constituant des trésors nationaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je ne pense pas qu’il y ait de préjudice. Si le bien était resté en possession des familles, il aurait eu besoin d’un certificat d’exportation. Je souhaite accorder les mêmes droits et devoirs à tous les possesseurs d’un bien culturel.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Stanzione, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mmes Monier, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par accord entre la personne publique et le propriétaire ou ses ayants droit et le cas échéant conformément aux dispositions de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, la reproduction du bien culturel restitué peut être prévue, aux fins d’exposition dans la collection dans laquelle ce bien figurait avant sa restitution.
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à prévoir la possibilité de passation d’un accord entre la personne publique détentrice de l’œuvre ou du bien déclassé et le propriétaire ou ses ayants droit qui la récupèrent, ainsi que, si l’œuvre n’est pas tombée dans le domaine public, son auteur ou ses ayants droit.
Je tiens à rassurer Mme la rapporteure : notre amendement renvoie expressément à l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. »
Ainsi, le cas échéant, c’est-à-dire lorsque l’œuvre sera encore sous droits, l’accord sera tripartite et associera le premier concerné parmi toutes les parties, à savoir l’auteur du bien restitué ou ses ayants droit. Cet accord aura pour objet de permettre la reproduction de l’œuvre selon les modalités qui pourront être déterminées entre les parties aux termes d’un accord. Il pourra s’agir soit une photographie, soit d’un hologramme, soit d’une représentation en 3D. L’objectif est de garder une trace de l’œuvre qui constituait préalablement une part de l’identité de la collection publique. Ainsi, la reproduction pourrait figurer en lieu et place de l’œuvre restituée.
Cet amendement répond donc à une double préoccupation : le partage universel du bien culturel et l’intérêt pédagogique permettant au musée ou à l’institution concernée de garder une trace de cette œuvre et de communiquer sur la restitution.
Après en avoir débattu en commission et retravaillé notre amendement, je suis en mesure d’affirmer que l’article L. 122-4 est très précis sur cette question et ne prête pas à confusion. Notre proposition ne présente aucun problème majeur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Si l’on peut comprendre l’intérêt de préserver l’accessibilité au public des biens culturels et de mieux rendre compte des spoliations et de la restitution des biens spoliés, l’adoption de cet amendement n’est pas souhaitable.
D’une part, les établissements culturels ont la possibilité de conclure des accords avec d’autres personnes publiques ou privées sans avoir besoin d’une base légale à cet effet.
D’autre part, c’est l’artiste lui-même qui détient le droit d’autoriser la reproduction, et non pas le propriétaire du bien culturel. Il s’agit d’un droit patrimonial attaché à l’artiste ou à ses ayants droit tant que le bien n’est pas tombé dans le domaine public.
Pour ces deux raisons, je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.