Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 74.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise également à supprimer l’article 12 de cette proposition de loi, qui introduit un principe de non-surtransposition des directives européennes en l’absence de motif d’intérêt général.
Tout d’abord, nous avons de réels doutes sur la rédaction de cet article. Comme dans d’autres articles de ce texte, la notion d’intérêt général est utilisée pour justifier les dispositifs proposés, sans qu’aucune définition précise de cette notion soit établie.
Je pense, mes chers collègues, que nous aurions des approches bien différentes sur les critères que devrait intégrer une telle notion. La santé humaine et la préservation de l’environnement me semblent des critères de premier plan pour une potentielle définition.
De même, la notion d’exigence minimale pour la transposition est particulièrement inquiétante sur le fond, car elle reviendrait à contraindre le gouvernement français et le législateur à se positionner sur les critères les plus faibles. Pourtant, nous savons bien que les négociations européennes, souvent longues et complexes, aboutissent régulièrement à des échelles adaptables pour convenir à la grande majorité des États membres.
Adopter un tel article reviendrait à être le moins-disant possible dans les transpositions du droit européen, qui va du sanitaire au droit du travail, et à affaiblir considérablement la position française dans les débats européens. Il est pourtant indispensable que la France tienne une position forte pour demander une harmonisation des normes européennes à la hausse pour l’ensemble des États membres. L’harmonisation est le seul moyen pour éviter les distorsions de concurrence. L’objectif visé par cet article n’est donc pas le bon.
Enfin, cet article pèche également par incohérence, car il illustre votre opposition à toute surtransposition, alors que vous procédez vous-mêmes à des surtranspositions, notamment à l’article 10 sur l’étiquetage.
Pour toutes ces raisons, qu’il s’agisse de l’imprécision de sa rédaction ou de son idéologie anti-européenne, nous vous proposons de supprimer l’article 12.
Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 113.
M. Joël Labbé. Mes collègues communiste et socialiste l’ont bien explicité : l’article 12 est éminemment problématique. On nous accuse de caricaturer le débat, mais ce texte se caricature lui-même et nous en sommes les premiers désolés.
Cet article demande de justifier les mesures qui vont plus loin que les exigences européennes. Soit. Comment ? En s’appuyant sur un rapport du Gouvernement qui analyserait leurs conséquences financières sans envisager les conséquences sur l’environnement, la santé ou l’emploi. Il réduit l’analyse des politiques publiques aux seules conséquences financières. N’est-ce pas caricatural ?
De plus, présenter les surtranspositions comme une problématique majeure de l’agriculture française, comme le fait le rapport qui est à l’origine de cette proposition de loi, n’est-ce pas une caricature ?
Un rapport du Gouvernement de 2022 estime pourtant que les surtranspositions sont rares et que, quand elles existent, elles sont pleinement assumées. Encore une fois, on peut se demander de quel côté est la caricature.
Concernant le S-métolachlore, l’Anses n’a fait qu’appliquer le droit européen et l’autorisation de cette molécule à l’échelle européenne expire à la fin du mois de juillet 2023. D’ailleurs, les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) rejoignent celles de l’Anses. N’est-ce donc pas de la caricature que de crier à la surtransposition, comme on a pu l’entendre dans le débat public ?
Pour nous, et comme le rappelait ce rapport, aller plus loin que le droit européen est légal et légitime, notamment pour protéger les citoyens et notre environnement. Cet article cherche à contraindre cette possibilité ; nous estimons au contraire que la France doit être leader sur ces sujets, ce qui permettrait par ailleurs d’anticiper les problématiques à venir.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 12.
Il s’agit d’un article très important, qui vise avant tout à tirer la sonnette d’alarme sur les surtranspositions qui affectent massivement le monde agricole et dont les conséquences sont réelles, notamment en termes de concurrence déloyale sur le marché intérieur.
Les surtranspositions ne concernent d’ailleurs pas uniquement les produits phytosanitaires : nombre d’entre elles sont relatives à d’autres problématiques agricoles.
Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, cette alerte a également été émise par l’Assemblée nationale au mois de février dernier par le biais du dépôt d’une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole. Selon les termes de ce texte qui a été adopté la semaine dernière, l’Assemblée nationale « regrette […] les interdictions brutales de produits phytopharmaceutiques » et « réaffirme l’impérieuse nécessité de lutter contre les surtranspositions des directives européennes, pour éviter les distorsions de concurrence ».
Alerter sur les surtranspositions ne signifie pas pousser au moins-disant. Cela revient à insister sur la nécessité de prendre garde, avant d’adopter des mesures pénalisantes pour notre agriculture sans aucune concertation européenne ni évaluation des conséquences et des effets de bord. Poser un principe de non-surtransposition, comme l’ont fait d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, est un signal clair envoyé au Gouvernement.
Il ne s’agit pas de priver le Parlement de son droit fondamental à légiférer ; il n’en a jamais été question et ce serait juridiquement impossible. C’est sur l’évaluation a priori que cet article entend surtout mettre l’accent, pour que le Parlement ait bien conscience de ce qu’il s’apprête à voter et des conséquences de son vote.
Il ne me semble pas inacceptable de demander au Conseil d’État d’identifier dans ses avis les surtranspositions et de demander au Gouvernement de s’en expliquer. Cet article améliore l’information du Parlement. Les Allemands le font, je ne vois pas pourquoi nous ne le pourrions pas !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Sur l’article 12, comme sur les amendements identiques visant à le supprimer, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Cet article pose une bonne question : comment limiter la surtransposition ? Si la rédaction de l’article 12 nous semble insuffisante en l’état, sa suppression pure et simple reviendrait à considérer que la question n’est pas pertinente.
Or je rappelle que les surtranspositions ont des conséquences collatérales aux ramifications diverses, que ce soit en matière sanitaire, sociale, alimentaire, commerciale ou environnementale.
Pour autant, adopter cet article en l’état aurait des conséquences sur les concertations en cours sur le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles et le Gouvernement espère aller au bout de ces concertations pour construire collectivement une doctrine sur les surtranspositions.
Je crois par ailleurs que nous pouvons déjà agir sans nécessairement modifier la législation. C’est ce que nous faisons actuellement en ce qui concerne les produits phytosanitaires. Ainsi, nous voulons réviser les objectifs et les modalités de mise en œuvre du plan Écophyto 2030 : nous ne devons interdire une molécule qu’après nous être interrogés sur les alternatives crédibles et sur les moyens de parvenir à son remplacement.
Plus que de lutter contre les surtranspositions, il s’agit de préparer l’agriculture à sortir de certains produits phytopharmaceutiques.
Je le répète : supprimer l’article 12 reviendrait à dire que les surtranspositions sont sans incidence, ce qui ne me semble pas tout à fait exact, et reviendrait à éluder la question ; dans le même temps, la rédaction de l’article n’est pas complètement aboutie.
Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. À notre sens, la question des surtranspositions est un leurre que l’on agite pour éviter de débattre des véritables sujets agricoles, à savoir les inégalités liées à la PAC ou encore l’absence de régulation européenne des marchés et d’équité dans les relations commerciales. Par exemple, c’est la fin des quotas qui a été le principal souci de la filière betterave.
Puisqu’il est question de surtranspositions, parlons des néonicotinoïdes : ils se sont invités dans le débat ici même en 2014 lors de l’examen d’une proposition de résolution européenne. J’avais alors arraché ma cravate de colère. (Exclamations amusées sur certaines travées.)
Nous sommes parvenus à interdire les néonicotinoïdes en France dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi Biodiversité. On avait alors parlé de surtransposition, mais la disposition avait été maintenue et, deux ans après, l’Union européenne les interdisait à son tour.
À la suite de tous ces débats, des dérogations permettant la réintroduction de certains néonicotinoïdes ont été accordées, notamment pour la filière betterave. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et le Conseil d’État ont cassé ces autorisations ; c’est à ce moment-là que la France a été exemplaire et elle peut l’être dans d’autres domaines.
M. Franck Menonville. C’est cela, l’exemplarité ?!
Mme le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Les néonicotinoïdes sont un cas typique de surtransposition. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Menonville. C’est un cas d’école !
M. Laurent Duplomb. Cela ne s’est pas passé tout à fait comme l’a raconté Joël Labbé.
Il existe en Europe cinq familles de néonicotinoïdes. L’Union européenne en a interdit quatre et en autorise toujours une.
La France, par surtransposition totale, a interdit tous les néonicotinoïdes. Se rendant compte des incidences de cette décision sur la production de betteraves, elle a réintroduit les néonicotinoïdes dans l’enrobage de la graine, ce qui était interdit au sein de l’Union européenne. Par conséquent, très normalement, la CJUE est intervenue pour empêcher la France de continuer.
Aujourd’hui, parce qu’elle a surtransposé et s’est vu interdire la seule mesure sur laquelle elle était revenue, la France se retrouve sans solution, alors même que tous les autres pays européens auront la possibilité de traiter le puceron foliaire avec l’acétamipride.
Nous sommes donc dans l’impasse, et cela ne concerne pas seulement les betteraves. Par exemple, avec l’interdiction à venir de la spirotétramate, les Polonais continueront de traiter le puceron cendré de la pomme avec la cinquième famille de néonicotinoïdes, autorisée à l’échelon européen, mais interdite en France !
Mme le président. Veuillez conclure.
M. Laurent Duplomb. Pour la pomme, comme pour la betterave, les arboriculteurs français seront dans une impasse technique ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur Duplomb, je vous remercie d’avoir expliqué pourquoi il faut parfois surtransposer ! (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Quelle est la problématique des néonicotinoïdes ? Quelque 1 200 études, sinon plus, attestent scientifiquement de leur dangerosité (M. Laurent Duplomb proteste.) – c’est la réalité ! – : elles ont un impact sur l’eau comme sur la biodiversité. On en parlait tout à l’heure : si l’on réalisait des analyses, on trouverait des traces de néonicotinoïdes dans le miel. Oui, cela a un impact sur la santé et sur la biodiversité !
Dans ces conditions, heureusement – heureusement ! – que la France garde la liberté d’interdire ces produits qui sont dangereux pour la santé humaine et pour la biodiversité.
M. Laurent Duplomb. On mangera donc du sucre brésilien et des pommes polonaises ! (Exclamations sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. Guillaume Gontard. Heureusement que nous pouvons surtransposer ! Cela me paraît particulièrement important.
Par ailleurs, si l’on veut renoncer à toute surtransposition, il vaudrait tout de même mieux que la France respecte déjà le droit européen… Or elle a été condamnée un nombre assez important de fois pour non-respect de directives européennes, qu’il s’agisse de la qualité de l’air ou de l’eau, des gaz à effet de serre, etc. Soyons cohérents !
Sur la question de produits qui ont été établis comme dangereux par de nombreuses études scientifiques, la responsabilité du Gouvernement est engagée. Je me rappelle Barbara Pompili, alors ministre de la transition écologique, déclarant à cette tribune : nous savons et nous serons responsables.
Alors, oui, heureusement que nous pouvons surtransposer pour interdire certains produits. Il n’est qu’à prendre l’exemple du chlordécone : si la France avait pris les devants et interdit ce produit, nous n’aurions pas les problèmes sanitaires que nous connaissons aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Allons jusqu’au bout de votre démonstration, mon cher collègue.
Vous refusez le sucre fabriqué grâce aux néonicotinoïdes, mais puisque l’industrie sucrière française est en train de fermer en raison de ce qu’on considère comme un danger pour l’être humain, on importe du sucre fabriqué de cette manière… Votre démonstration n’est donc pas aboutie.
Dans le même temps, notre balance commerciale se dégrade et nous perdons nos producteurs et notre savoir-faire. Continuez ainsi et ce sera bientôt la fin de l’agriculture française ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je suis obligé d’intervenir… (Sourires.)
Il y a des solutions ! Des producteurs de betteraves proposent du sucre bio ; il est vrai que cela entraîne parfois des baisses de rendement, mais c’est tout à fait possible. (M. Laurent Duplomb ironise.)
D’ailleurs, on importe beaucoup de sucre de betterave bio.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Pour les riches !
M. Daniel Salmon. Il faudrait sans doute réfléchir aux moyens de favoriser cette production en France.
« Il n’y a pas de solution », « c’est inéluctable » : voilà ce qu’on entend tous les jours ! Il existe pourtant bien des possibilités, mais il faut avoir la volonté de les mettre en place, ce qui demande de travailler sur d’autres pratiques.
Le directeur scientifique agriculture de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a récemment été auditionné par la commission des affaires économiques. (M. Laurent Duplomb s’exclame.) Son explication était limpide : à force de pesticides, on détruit les écosystèmes et les pucerons n’ont plus de prédateurs.
On peut continuer ainsi longtemps – faire le vide, stériliser les campagnes – et on aura de plus en plus de soucis. Prenons le taureau par les cornes.
M. Laurent Burgoa. Pas vous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Salmon. Regardons les choses en face et faisons attention à la terre que nous léguerons à nos enfants. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. On parle de danger pour l’environnement ou pour la santé humaine, mais jamais de dose. Pourtant, c’est une notion fondamentale : les substances ne présentent de toxicité qu’à partir d’une certaine dose épandue.
Monsieur Labbé, j’ai fait partie, avec Chantal Jouanno, des premiers cosignataires pour interdire les néonicotinoïdes, lorsqu’il a été établi que c’était dangereux pour les abeilles. Je l’ai fait sans réserve, même s’il se trouve que cela n’a pas été suffisant, puisque les abeilles sont confrontées à d’autres dangers et qu’il s’agit d’un problème multifactoriel.
En matière de toxicité et de toxicologie, on ne parle pas suffisamment des doses, alors même que c’est fondamental, je le répète. Entre le danger et le risque se pose la question de la dose épandue, paramètre que l’on ne prend pas assez en compte.
Si l’on parle d’un système à zéro pesticide, comme le prônent certains de mes voisins dans cet hémicycle, il est clair que nous reviendrons rapidement aux famines du Moyen Âge. (M. Daniel Salmon s’exclame.) Nous aurons toujours des insectes, des bactéries, des champignons prêts à dévaster nos cultures. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Mais oui !
Avec le remembrement, nous avons des surfaces cultivées de plus en plus importantes et, en cas d’épidémie, ce sera la catastrophe. Il est vrai que nous ne connaîtrons pas de famine, parce que nous importerons !
J’ai des amis producteurs en bio qui sont ravis que leurs voisins traitent leurs champs… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Oui, c’est une réalité !
Soyons réalistes : l’agriculture bio à 100 % n’est pas possible aujourd’hui sur notre territoire. Certains s’y sont essayés, comme des viticulteurs alsaciens ou des producteurs du Sud-Ouest : ce n’est pas possible. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.
M. Pierre Cuypers. Soyons raisonnables ! Le Président de la République a dit : « Il n’y aura pas d’interdit sans solution. » Il a raison.
Voilà bien des années que les néonicotinoïdes sont utilisés sur la betterave, qui n’est pas une plante mellifère. Cela signifie qu’il n’y a aucune dangerosité avérée (C’est faux ! et protestations sur des travées du groupe GEST.) – aucune ! – et que la solution de l’enrobage avec des néonicotinoïdes permettait, pendant une période de quatre-vingts jours à quatre-vingt-dix jours, de protéger la plante le temps de son développement. Il n’y avait aucune trace, de quelque nature que ce soit, à part celle que certains veulent inventer, mais qui ne s’appuie sur rien de concret. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Vous pouvez vérifier !
Si vous ne permettez pas le développement de la recherche pour que nous puissions nous passer de néonicotinoïdes en 2028 et continuer à produire de la betterave, alors nous serons totalement dépendants de nos importations pour ce qui est du sucre, de l’alcool, du gel hydroalcoolique, du carburant ou de l’alimentation animale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Je ne vais pas revenir sur le débat que nous avons déjà eu il y a quasiment trois ans sur les néonicotinoïdes.
Je tiens juste à apporter certaines précisions.
Dans l’affaire des néonicotinoïdes, on peut parler d’un cas avéré de surtransposition. On peut aussi faire le constat d’un échec : quand on perd 30 % ou 60 % d’une récolte de betteraves, c’est non pas à cause des quotas, mais de la jaunisse. (M. Guillaume Gontard s’exclame.) La jaunisse, c’est la jaunisse et le prix de la betterave, c’est le prix de la betterave ! Essayons de décrire la réalité plutôt que de vivre dans un monde virtuel, sinon nous n’y arriverons pas !
Il nous faut crédibiliser les solutions de remplacement. Tel était d’ailleurs l’objet de la dérogation de trois ans qui avait été votée au Sénat et à l’Assemblée nationale.
La décision de la Cour de justice de l’Union européenne s’impose à nous, le sénateur Duplomb l’a très bien expliqué. Au fond, la Cour de justice a simplement rappelé – vous me pardonnerez cette tautologie – que, lorsque c’est interdit, c’est interdit…
Essayons de tirer une leçon de ce qui s’est passé. Lors d’une prochaine transposition, il serait bon de réfléchir en amont aux solutions de remplacement et aux moyens à consacrer à la recherche pour éviter de nous retrouver en situation de surtransposition et de fragiliser les filières.
Enfin, monsieur Salmon, vous dites que la solution, c’est de consommer du sucre bio, mais connaissez-vous l’état du marché ? Seulement 0,5 % du sucre consommé en France est bio ! Il faudrait alors ajouter dans la proposition de loi un nouvel article pour interdire de consommer du sucre non bio… Ce serait évidemment une surtransposition, mais surtout un déni de réalité !
Je le répète : 0,5 % du sucre consommé en France est bio. Ce n’est pas l’offre qui va créer la demande ; il faut créer de la demande pour qu’il y ait de l’offre, sinon nous n’y arriverons pas et le sucre consommé en France ne sera pas produit dans notre pays.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je tiens à rétablir une vérité, car depuis le début de la soirée, on a l’impression qu’il y a, d’un côté, l’agriculture vertueuse, qui n’utilise aucun produit phytosanitaire, et, de l’autre, une agriculture qui ne pense qu’à ramasser du pognon, quitte à jouer avec la santé et le bien-être de nos concitoyens.
Nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires prétendent, chiffres à l’appui, que l’utilisation de produits phytosanitaires n’a fait qu’augmenter depuis des années, mais ils se sont arrêtés aux années 2017-2018. Or depuis, selon un rapport gouvernemental, la consommation par le monde agricole de produits phytosanitaires – je les appelle « produits de soin de la plante » – a chuté.
Ainsi, la consommation globale de produits phytosanitaires a baissé de 19 % entre 2019 et 2021, celle des produits dits à grands risques, les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR1), de 85 %. Les seuls produits dont l’utilisation a augmenté ces dernières années, ce sont les produits utilisés en agriculture biologique, que l’on appelle aussi biologiquement contrôlable : leur utilisation est en hausse de 15 %.
Il ne faut donc pas croire qu’il y aurait les bons d’un côté, les mauvais de l’autre. L’agriculture en général fait des efforts importants depuis un certain nombre d’années pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 rectifié, 74 et 113.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 95, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° B De veiller à ce que des normes législatives ou réglementaires soient conformes aux normes européennes en matière de protection de la santé et de l’environnement ; »
II. – Alinéa 5
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi qu’une analyse de la conformité des mesures proposées aux normes européennes, qui comprend une analyse des normes européennes en la matière qui ne seraient pas respectées par l’état du droit
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le Gouvernement présente également une analyse des conséquences pour l’environnement et la santé des non-conformités du droit français au droit de l’Union européenne identifiées, et les mesures qu’il compte mettre en œuvre pour y remédier.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement devrait vous satisfaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, car il vise à trouver un équilibre.
À l’inverse de la logique proposée à l’article 12, nous proposons ici un principe de non-« sous-transposition » et de lutte contre les sous-réglementations en matière environnementale, sanitaire et de protection sociale.
Il nous paraît essentiel de nous interroger sur une bonne harmonisation du droit de l’Union européenne entre les États membres et sur une juste articulation entre le droit national et le droit communautaire.
Or, en mettant l’accent sur les surtranspositions, cet article occulte un pan entier de la réflexion : le fait que la France est également concernée par des sous-transpositions ou des sous-réglementations.
Pour illustrer mon propos, j’évoquerai quelques exemples dans les domaines de la santé et de la préservation de l’environnement.
En février 2023, la Commission européenne a adressé à la France un avis motivé lui demandant de se mettre en conformité avec la directive Eau potable.
Dans une décision du 15 novembre 2021, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de prendre, dans un délai de six mois, les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’utilisation de pesticides soit effectivement restreinte, voire interdite, dans les zones classées Natura 2000 pour se conformer au droit européen.
La Commission européenne a également estimé prendre très au sérieux les potentielles infractions à la directive-cadre sur l’eau liées aux projets de stockage d’eau qui se développent sur le territoire français.
Par ailleurs, dans sa lettre d’observation sur la première version du plan stratégique national (PSN) français en matière de politique agricole commune, elle a formulé de nombreuses critiques et demandes d’ajustements, principalement sur une insuffisance de la prise en compte des enjeux environnementaux.
Au regard de ces exemples, il nous semble essentiel que le présent article prévoie également une étude des sous-transpositions dans notre droit.
On ne peut pas en permanence se victimiser et ne pas regarder les choses dans leur globalité. Tout n’est pas ou tout blanc ou tout noir. Il existe à la fois des sous-transpositions et des surtranspositions.
Mme le président. L’amendement n° 126, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
pas adoptées, sauf
par les mots :
adoptées que
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 95 ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 95 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 126, pour les mêmes raisons que sur les amendements précédents.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)