M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
et d’adaptation des filières agricoles et agroalimentaires
par les mots :
économique, environnementale, de performance sociale et sanitaire de l’agriculture et de l’alimentation, permettant la transition agroécologique
2° Remplacer les mots :
et en lien avec le haut-commissaire mentionné à l’article L. 611-1 A, qui en assure le suivi.
par les mots :
en lien avec le ministère en charge de l’environnement, le ministère en charge de la santé, en concertation avec les filières agricoles et agroalimentaires, les syndicats agricoles représentatifs, des organisations agricoles professionnelles permettant la représentation d’une diversité de systèmes agricoles et notamment les systèmes en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13, d’associations de protection de l’environnement, d’associations de protection des consommateurs, des associations de lutte contre la précarité alimentaire, d’association de solidarité internationale, d’associations de protection des animaux, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, et après une démarche d’association du public. Les concertations et associations sont organisées en donnant aux acteurs concernés et au public une information claire et suffisante, et dans des délais raisonnables permettant leur participation effective et éclairée.
II. – Après l’alinéa 2
Insérer huit alinéas ainsi rédigés :
« Ce plan est articulé avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement et avec la stratégie nationale pour la biodiversité mentionnée à l’article L. 110-3 du même code, le plan d’action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques prévu à l’article L. 253-6 du présent code, et la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, mentionné à l’article L. 1.
« Il permet de déterminer des échéances et des objectifs chiffrés :
« - en termes de réduction de l’usage des produits phytosanitaires et des engrais azotés, permettant d’organiser une trajectoire de sorties de ces usages ;
« - en termes de développement des surfaces en agriculture biologique ;
« - en termes d’installation agricole en fixant une trajectoire permettant d’augmenter le nombre d’exploitants agricoles ;
« - en termes de diversification des productions agricoles en priorité pour les cultures pour lesquelles la consommation alimentaire est majoritairement assurée par des produits importés, et de déspécialisation des territoires, notamment via le développement des productions de protéines végétales ;
« - en termes de développement de systèmes d’élevage respectueux du bien-être animal garantissant un accès à un espace de plein air des animaux ;
« - en termes de réduction de la précarité alimentaire et d’accès à une alimentation de qualité.
III. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
la liste des investissements essentiels à la compétitivité et à la résilience de chaque filière. Les financements publics en faveur de l’investissement en agriculture et dans le secteur agroalimentaire
par les mots :
les pratiques agricoles et les systèmes alimentaires qui permettent le plus efficacement de renforcer la compétitivité économique, environnementale, et la performance sociale et sanitaire de l’agriculture afin de réaliser la transition agroécologique. Les financements publics de la politique agricole
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Par cet amendement, il s’agit d’élargir le périmètre du plan quinquennal, en en faisant un outil de planification au service d’une compétitivité prise dans sa définition élargie, qui comprend des dimensions sociale, environnementale et sanitaire.
La prise en compte de ces aspects permettra à ce plan de construire une véritable politique agricole et alimentaire de la transition agroécologique, nécessaire au regard des enjeux environnementaux, de santé, d’emploi et de bien-être animal. Nous en élargissons aussi la gouvernance, qui est, à ce stade, exclusivement agricole, au ministère de la santé et au ministère de l’environnement, mais aussi à une représentation de l’ensemble des modèles agricoles, à la société civile, aux élus locaux et aux citoyens.
Enfin, cet amendement vise à réorienter ce plan, uniquement axé sur l’investissement. À nos yeux, celui-ci ne représente pas l’unique solution et possède des effets pervers, à savoir la surcapitalisation, le surendettement, qui fige les systèmes et empêche les transmissions.
Il s’agit de déterminer les priorités d’accompagnement de projets de territoire, d’innovations sociales, d’accompagnement de pratiques agronomiques vertueuses, de rémunération des services écosystémiques via des paiements pour services environnementaux et agriculture de groupe.
Ce plan prévoit ainsi de définir collectivement des objectifs chiffrés ambitieux, afin d’organiser la nécessaire sortie des pesticides et des engrais azotés, de développer l’agriculture biologique dans des installations agricoles nombreuses.
Pour nous, il s’agit tout simplement de donner un cadre juridique pour définir un véritable plan de transition agricole et alimentaire, que notre groupe appelle de ses vœux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement vise en effet à élargir le plan quinquennal de compétitivité durable et d’adaptation très au-delà de ce que les auteurs de la proposition de loi souhaitaient et probablement très au-delà du possible.
Ce plan comportant un grand nombre d’objectifs, un tel dispositif constituerait une sorte de doublon avec le ministère de l’agriculture et diluerait l’objectif central, à savoir la compétitivité durable. Par ailleurs, il exclut le haut-commissaire, qui ne correspond pas à l’esprit du dispositif prévu.
En outre, je le souligne, cet amendement est d’ores et déjà partiellement satisfait, puisque, à l’issue des travaux en commission, ce plan quinquennal a été élargi, pour prendre justement en compte la problématique de l’adaptation des filières agricoles.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. D’une part, les auteurs de cet amendement prévoient des prérogatives très larges sur un périmètre interministériel, en allant plus loin que ce que j’ai déjà estimé original tout à l’heure. D’autre part, outre la création d’un haut-commissaire à la tête de trois ministères, ils veulent définir l’ensemble de la politique agricole française !
Cet amendement a donc un caractère excessif, même s’il concerne des sujets pour lesquels il convient de penser en termes d’interministérialité.
Le Gouvernement y est donc défavorable. Nous n’avons pas besoin d’instituer un système dépossédant de leurs prérogatives non seulement le ministre de l’agriculture, mais aussi le ministre de la transition écologique et le ministre de la santé.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Personne ne m’ayant demandé de retirer mon amendement, je me garderai bien de le faire !
Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel… au secours, sur un véritable plan ou trajectoire, dont nous avons besoin.
Vous disiez tout à l’heure qu’on ne peut pas changer de modèle du jour au lendemain. C’est vrai ! Mais, à un moment, on se doit de se donner des objectifs et une trajectoire pour les atteindre.
L’adoption de cet amendement ferait disparaître votre grande solitude, en vous permettant de travailler à égalité avec vos deux collègues chargés de la santé et de l’environnement.
M. le président. L’amendement n° 122, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
ministre chargé de l’agriculture,
insérer les mots :
prenant en compte les spécificités des territoires ultra-marins,
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement vise à indiquer que le plan quinquennal de compétitivité et d’adaptation doit tenir compte des spécificités des territoires ultramarins.
Je rappelle que les secteurs agricole et agroalimentaire représentent dans les outre-mer 60 % des effectifs salariés. Je souhaite donc que ce plan ne se focalise pas uniquement sur l’Hexagone, mais englobe l’ensemble de l’agriculture française.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Par souci de cohérence, j’émettrai un avis favorable. Il s’agit de montrer notre préoccupation à l’égard des territoires ultramarins, car la question de la souveraineté et de la sécurité alimentaire ne s’y pose pas de la même façon qu’ailleurs.
Il est utile de signifier que nous souhaitons relever ces défis absolument immenses, d’autant qu’il s’agit des territoires les plus éloignés de la métropole. Il importe d’avoir un regard particulier et de conduire sans doute des actions spécifiques sur ces questions de compétitivité et de souveraineté, qui se posent dans des termes très différents par rapport à la France hexagonale.
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les collectivités territoriales établissent des contrats avec les exploitants agricoles de leur territoire pour le paiement pour services environnementaux que ces exploitants génèrent par leur activité.
Ces paiements pour services environnementaux sont financés par le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés prévu à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.
Les modalités d’application de ces contrats pour paiements pour services environnementaux seront fixées par décret.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, présenté par Henri Cabanel, a pour objectif de démocratiser le recours aux paiements pour services environnementaux (PSE), que les exploitants génèrent par leurs activités.
Si ces paiements ont déjà fait l’objet de débats au sein de notre assemblée, notamment lors du rejet en décembre 2018 de la proposition de résolution en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs, il me semble important de rappeler que l’agriculture constitue un maillon l’essentiel dans la stratégie d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2050.
Nos exploitations agricoles font face à des contraintes climatiques, économiques et conjoncturelles tout en s’exposant à des attentes sociétales de plus en plus fortes en termes de préservation de notre environnement, ainsi que de qualité des produits et des aliments que nous consommons.
Il est en cela nécessaire de repenser certains outils existants pour que nos politiques publiques puissent impulser de réelles mutations.
Par ailleurs, faut-il rappeler que l’agriculture française souffre d’un défaut d’attractivité dû, notamment, à un niveau de rémunération insuffisant de ses exploitants ? Nous faisons face à un défi inédit de renouvellement des générations. Il est désormais tant urgent que nécessaire de diversifier les ressources financières de nos agriculteurs.
Si nous souhaitons une agriculture attractive, innovante, compétitive, durable et souveraine, la restauration et le maintien des écosystèmes doivent devenir une source supplémentaire de revenus et non une contrainte supplémentaire par exploitant.
Ainsi, sur le modèle du principe « pollueur-payeur », selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur, cet amendement a pour objet de démocratiser ce dispositif sur le principe de « dépollueur-bénéficiaire » en se basant sur des critères mesurables de services écosystémiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Les paiements pour services environnementaux en agriculture sont des dispositifs qui rémunèrent les agriculteurs pour des actions contribuant à restaurer ou à maintenir des écosystèmes dont la société tire des avantages.
Ces paiements peuvent être réalisés par des entreprises ou des collectivités publiques. Le principe est en réalité similaire à celui du label bas-carbone, dont nous discuterons tout à l’heure à l’article 9.
Le fonds spécial de soutien à la compétitivité agricole est quant à lui destiné à soutenir des filières en difficulté, notamment en finançant la recherche. Ce fonds n’a pas vocation à financer les collectivités ou des entreprises voulant s’engager dans cette démarche.
Cependant, j’entends bien l’argument d’Henri Cabanel et de votre groupe sur la nécessité de massifier les PSE. Nous aurons l’occasion d’aborder de nouveau ce sujet prochainement à l’occasion d’une demande de rapport qui sera formulée un peu plus loin dans la discussion.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement a la même position que la commission.
À mon avis, nous avons encore besoin de creuser la question des paiements pour services environnementaux. C’est une démarche nouvelle. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, nous aurons l’occasion d’en parler également à propos du carbone puisqu’il s’agit d’un service environnemental. Il faudra donc penser le système, car il n’est pas très simple de savoir ce qu’est un service environnemental.
Par ailleurs, autre argument de poids devant le Sénat, qui représente les collectivités, il convient d’être attentif à ne pas créer de distorsions. J’entends souvent tel ou tel jeune agriculteur dire qu’il aimerait dépendre de telle ou telle région, qui ne dispose pas des mêmes dispositifs d’aides que la sienne. Le sénateur Laurent Duplomb sait à quoi je fais référence.
Attention à ne pas mettre en place des distorsions de paiements pour services environnementaux entre collectivités. Ayons plutôt à cœur d’avoir une définition des services environnementaux homogène à l’échelon national. Prenons le temps de dialoguer avec les collectivités, si elles le veulent bien, pour penser globalement ce que sont les services environnementaux qu’il s’agisse de biodiversité, de paysages, d’eau, de stockage carbone, etc.
C’est un point qui nécessite davantage de réflexion. L’amendement ne va donc pas dans le bon sens : demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 86 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. En l’absence de M. Cabanel, qui nous écoute très certainement, je maintiens son amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Le I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’État met en place un fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés.
« Ce fonds est géré par le haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires mentionné à l’article L. 611-1 A.
« Un décret en détermine le mode de fonctionnement et les conditions d’éligibilité. »
II et III. – (Supprimés)
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Après le mot :
compétitivité
insérer les mots :
économique et environnementale, et à la performance sociale et sanitaire
II. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
le haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires mentionné à l’article L. 611-1 A
par les mots :
par le ministère chargé de l’agriculture en concertation avec les ministères chargés de l’environnement et de la santé
III. – Après l’alinéa 3
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Ce fonds est orienté vers des solutions de transition agroécologique, et prioritairement vers l’accompagnement à la mise en place de solutions systémiques qui permettent la sortie ou l’absence d’usage de produits phytosanitaires et engrais de synthèse, ou de systèmes respectueux du bien-être animal.
« Il est doté d’outils spécifiques et de financements dédiés pour le soutien aux filières en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13.
« Les montants proposés via ce fonds sont mis en œuvre de façon à être accessibles à toutes les exploitations agricoles quelle que soit leur taille, et sont plafonnés afin de ne pas encourager la concentration ou l’agrandissement excessif des exploitations.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à réorienter le fonds prévu à l’article 3, axé presque exclusivement sur la recherche d’une compétitivité-prix via l’investissement, ce qui n’est pas souhaitable, vers une politique agricole prenant en compte une véritable définition de la compétitivité dans ses dimensions économique, sociale, environnementale et sanitaire.
Il tend ainsi à redéfinir l’objectif du fonds, à associer à sa gouvernance les ministères de la santé et de l’environnement et à le réorienter vers la transition agroécologique des filières en difficulté et vers le soutien à l’agriculture biologique, qui aujourd’hui n’entre pas dans les dispositifs existants de soutien aux filières.
Dans le même ordre d’idée, nous insistons pour que ces financements soient accessibles également aux petites fermes. Celles-ci sont trop souvent exclues des dispositifs de soutien.
Nous proposons également que les montants d’aide proposés soient plafonnés, afin de ne pas encourager l’agrandissement des exploitations. J’ai entendu tout à l’heure l’argument répété depuis cinquante ans : nos fermes – pardon, nos « exploitations », puisque dorénavant on exploite… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – sont trop petites. On est toujours dans ce rêve américain du toujours plus grand, avec plus de mécanisation. (M. Jean-Marc Boyer proteste.)
Il convient, selon moi, d’orienter ces fonds vers une agriculture intensive en emplois et respectueuse de l’environnement, et non forcément vers des exploitations plus grandes et faisant la part belle à toujours plus de mécanisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Cet amendement vise à réorienter radicalement l’objectif du fonds institué par la proposition de loi, qui est de soutenir prioritairement les filières en déficit de compétitivité.
Aucun type d’agriculture n’est visé par ce fonds, ce qui signifie que l’agriculture biologique pourrait tout à fait bénéficier des financements disponibles.
De même, aucun type d’exploitation n’est visé en particulier, ce qui signifie là aussi que les petites exploitations ne sont pas exclues du dispositif.
A contrario, à la lecture de l’amendement, il apparaît que c’est vers un certain type d’agriculture que le fonds serait réorienté, ce qui n’est pas souhaitable.
Chaque agriculteur et chaque filière doivent être soutenus, qu’il soit en agriculture conventionnelle ou en agriculture biologique.
Par ailleurs, je laisse le soin au Gouvernement de rappeler l’ensemble des fonds et des soutiens qui bénéficient à la filière biologique.
Je propose de maintenir le périmètre de l’article 3 tel qu’il est issu des travaux de notre commission. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Un certain nombre de dispositifs existent sur la question du bio, qu’ils soient fiscaux ou qu’ils relèvent de la politique agricole commune (PAC) et autres. Je le souligne au passage, nous avons besoin d’améliorer la compétitivité – ce n’est pas un gros mot pour moi –, y compris du bio. L’objectif de ce fonds est donc aussi d’aller dans ce sens.
À mes yeux, la priorité est à la fois d’améliorer la compétitivité de toutes les filières, sans exclusive, et de couvrir la variété des demandes ou des besoins des consommateurs. J’annoncerai demain un certain nombre de mesures sur le bio, qui sont en dehors du registre, car nous avons besoin de conforter la filière bio, y compris dans sa part de compétitivité : sur les étals, c’est quand même ça que regardent les consommateurs ! La question du prix, que vous avez vous-même évoquée, a donc son importance.
Par ailleurs, sortons des caricatures : le modèle américain n’a rien à voir avec le modèle français. La taille moyenne des exploitations en France est de 66 hectares. Nul besoin de franchir l’Atlantique ou le Pacifique ; il suffit de passer les frontières avec nos voisins les plus proches. Vous verrez alors la taille des exploitations !
Nous souhaitons évidemment tous défendre notre modèle agricole, qui n’est pas le modèle industriel que certains caricaturent. Si on pouvait tous l’admettre, cela contribuerait à l’attractivité du secteur, y compris vis-à-vis des jeunes qui souhaitent s’installer. Reconnaissons donc tous que notre agriculture est plutôt exemplaire et cessons de forcer le trait.
Par ailleurs, il existe de petites structures agricoles, car la valeur ajoutée est importante. Mais d’autres types de productions nécessitent des exploitations de plus grande taille, y compris en élevage extensif. Acceptons-le et arrêtons de vouloir mettre les gens dans des cases. Si, pour vous, 66 hectares, en moyenne, c’est un modèle industriel et intensif, nous ne tomberons jamais d’accord. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je voudrais juste revenir sur la genèse de cet article, car nous nous en éloignons.
Il s’agit ici de créer un fonds spécial pour soutenir les petites filières que nous avons connues en France et qui ont fait parfois le bonheur économique et l’équilibre des exploitations, notamment des plus petites d’entre elles, souvent diversifiées. Celles-ci commencent à disparaître en raison du dogme que vous développez, monsieur Salmon.
Je citerai l’exemple de la moutarde. Au début de la guerre en Ukraine, nous nous sommes tous offusqués de ne plus trouver de moutarde dans les magasins. Pourtant, les consommateurs cherchaient de la moutarde en provenance d’où ? De Dijon ! Et Dijon n’est pas en Ukraine ! (Sourires.) Mais, année après année, à cause de votre dogme, on a pris toutes les mesures possibles pour empêcher la culture de la moutarde en Côte-d’Or. (M. Serge Babary opine. – MM. Daniel Salmon et M. Joël Labbé protestent.) Les agriculteurs s’en sont donc détournés et ont arrêté de produire de la moutarde en France. Voilà pourquoi nous nous sommes jetés dans les bras des Canadiens d’abord, puis des Ukrainiens, pour leur acheter cette même graine de moutarde. Le bon sens n’aurait-il pas plutôt été de moins interdire et de laisser la possibilité aux agriculteurs de faire leur travail ? Nous aurions ainsi toujours trouvé de la moutarde de Dijon française ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Bernard Fournier. La moutarde lui monte au nez !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Concernant l’agrandissement, il suffit de regarder les trajectoires. Depuis des décennies, les tailles des exploitations augmentent.
M. Olivier Rietmann. Et alors ? Où est le problème ?
M. Daniel Salmon. Les 66 hectares sont une moyenne. Or les moyennes cachent beaucoup de diversité. Il faut donc regarder les choses dans le détail.
Vous évoquez la compétitivité. Or vous savez qu’il existe une certaine relativité dans les prix. Vous dites que le bio devrait être compétitif. Mais il l’est déjà, à condition que l’on fasse payer à l’autre agriculture ses externalités négatives !
En effet, le bio paraît plus cher de prime abord, puisque c’est le contribuable et la collectivité qui payent in fine les externalités négatives, tous les problèmes d’eau et les problèmes sanitaires liés à un type d’agriculture. Mais il existe une relativité de la compétitivité ; j’aimerais bien qu’on l’admette ici. Il me semble en effet fondamental de ne pas toujours externaliser les coûts vers le contribuable.
M. Vincent Segouin. Je n’ai rien compris !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. En 2014, nous avions demandé au ministre Le Foll une étude pour évaluer les externalités négatives. Cette étude, réalisée partiellement par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), a été reprise.
La réhabilitation de la qualité de l’eau polluée par les pesticides et les nitrates est de l’ordre de l’ordre de 1 milliard d’euros à 1,5 milliard d’euros chaque année. On sait aussi que les pollinisateurs, qui ont un rôle économique, vont mal en raison d’un certain type d’agriculture. Une fois que nous disposerons de l’ensemble des chiffres, comme le soulignait à juste titre Daniel Salmon, il apparaîtra clairement que les produits bio coûtent moins cher que les produits conventionnels. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
M. Vincent Segouin. Ce n’est pas possible !
M. Olivier Rietmann. Aucune crédibilité !
M. le président. L’amendement n° 104, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À cette fin, ce fonds permet la mise en place d’une prise en charge des pertes liées à la destruction ou à la dévaluation de cultures consécutives à la détection de résidus de produits phytosanitaires sur ces cultures, lorsqu’une indemnisation par l’assurance responsabilité civile ne peut pas être sollicitée, faute de responsable identifiable.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Joël Labbé.