Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier
Article 2

Article 1er

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 541-10-1 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, y compris ceux susceptibles de l’être et ceux consommés hors foyer, les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte et les papiers à usage graphique, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ; »

b) Le 3° est abrogé ;

2° L’article L. 541-10-18 est ainsi modifié :

a) Le III est ainsi modifié :

– au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;

– le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le niveau de prise en charge de ces coûts est fixé par décret. » ;

– au début du troisième alinéa, les mots : « Par dérogation au deuxième alinéa du présent III, » sont supprimés ;

b) (Supprimé)

c) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :

« VII. – Sans préjudice des autres critères de modulation prévus à l’article L. 541-10-3, la modulation des contributions financières versées par les producteurs dont les produits sont soumis au régime de responsabilité élargie du producteur en application du 1° de l’article L. 541-10-1 prend la forme d’une prime accordée par les éco-organismes agréés lorsque ces produits contribuent à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent des critères de performance environnementale et que les dispositifs d’information d’intérêt général du public prévus au présent alinéa ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages ou de papier graphique mis sur le marché. Les critères de performance environnementale portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées.

« Les dispositifs d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets prévus au premier alinéa du présent VII ne peuvent avoir de visée publicitaire ou promotionnelle, y compris en faveur des entités bénéficiaires de ces dispositifs.

« Les modalités de mise à disposition gratuite des encarts d’information, leurs caractéristiques techniques et les critères de performance environnementale mentionnés au même premier alinéa sont définis par décret. » ;

3° L’article L. 541-10-19 est abrogé ;

4° Au second alinéa de l’article L. 541-10-25, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° ».

Article 1er
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Article 2 bis

Article 2

I. – L’article 1er entre en vigueur le 1er janvier 2023.

II. – Les agréments des éco-organismes mis en place par les producteurs des produits mentionnés au 1° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la présente loi, sont mis en conformité avec le même article 1er lors de leur prochain renouvellement, et au plus tard le 1er janvier 2024.

Article 2
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Articles 3 à 5

Article 2 bis

Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences de la présente loi, en particulier celles de la modulation des contributions financières de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les produits contribuant à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition d’encarts d’information.

Article 2 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 3 à 5

(Supprimés)

Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Articles 3 à 5
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines après l’examen en séance publique de la présente proposition de loi, nous débattons une nouvelle fois de la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et du papier, ainsi que du maintien de la presse dans ce dispositif. Absence d’étude d’impact, économie d’une deuxième lecture : nous regrettons autant de précipitation, pour une loi qui sera, quoi qu’il en soit, rétroactive.

Malgré l’accord trouvé en commission mixte paritaire, je ne suis toujours convaincu ni de la simplification apportée par cette fusion ni de la solidité juridique et politique d’un texte qui mutualise les écocontributions entre producteurs de déchets.

La rédaction de la commission mixte paritaire, à savoir le compromis adopté par le Sénat, maintient en vigueur ce que le droit européen nous reproche : le caractère non financier des contributions versées dans une filière REP.

Je me rangerai à l’avis du rapporteur de l’Assemblée nationale, qui a évoqué la possibilité que le texte « donne lieu à des décisions de justice du fait de la zone d’ombre dans laquelle nous nous sommes placés ».

La proposition de loi manque de clarté, et ses effets sont complexes à anticiper, que ce soit pour la presse, qui n’est pas complètement assurée d’être exonérée du caractère non financier de l’écocontribution, ou pour les autres producteurs, qui devront compenser les coûts d’une gestion des déchets dont ils ne sont pas responsables. Que devient alors le principe pollueur-payeur ? Dès lors, je regrette la suppression du rapport demandé par notre collègue Daniel Gremillet visant à évaluer l’impact de la prime accordée à la presse sur les autres contributeurs de la filière REP.

De surcroît, les enjeux ne sont pas identiques pour les deux filières fusionnées. Avant de combattre la production de papier issu de la presse, luttons contre la pollution des emballages ménagers, à commencer par le suremballage en plastique. Ne nous trompons pas de combat !

L’argument relatif à la régression environnementale résultant d’une sortie de la REP ne nous semble pas fondé, puisque les mêmes critères de performance environnementale pouvaient s’appliquer en dehors de la REP.

La commission mixte paritaire a d’ailleurs supprimé la précision selon laquelle ces critères ne pourront pas être moins exigeants que ceux qui existaient avant la réforme. Qu’il faille améliorer la performance du taux de collecte et de recyclage du papier, soit ; mais cela ne doit pas passer forcément par la réintégration de la presse dans une filière REP.

Nous sommes conscients que les collectivités locales craignent un manque à gagner d’une écocontribution sur la presse qu’elles ne perçoivent pas aujourd’hui. Mais cela n’apportera pas grand-chose rapportée au coût total du service public de gestion des déchets : une goutte d’eau de 15 millions d’euros à 20 millions d’euros dans un vaste océan de plus de 8,8 milliards d’euros.

Certes, quelqu’un paiera in fine : dans le premier cas, le contribuable local, dont le nombre est plus important ; dans le second cas, le lecteur, qui devient une espèce en voie de disparition. Cela se fera au profit d’une profusion de l’information rapide en ligne et des chaînes télévisées en continu, qui ne permettent pas d’aller au fond des sujets ou de s’intéresser au fonctionnement des institutions, et donc à l’exercice de la démocratie.

Non, les journaux ne sont pas des déchets. Ce sont des supports culturels, comme cela a été souligné par la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale ; cela ne pouvait pas être la commission de la culture du Sénat, puisqu’il n’y a pas eu d’avis… Le journal est tout aussi « vertueux » que le livre, et j’aurais souhaité que la commission de la culture du Sénat se prononce résolument en ce sens.

Cela a été dit à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle : le maintien de la presse dans la REP visait à ne pas créer un « dangereux précédent ». Espérons précisément que ce texte n’en crée pas un pour intégrer ultérieurement les livres. Certaines associations demandent d’ailleurs à rompre avec la logique de l’exemption des livres et calculent qu’une écocontribution pourrait rapporter 10 millions d’euros à 15 millions d’euros. Soyons tout de même vigilants quant au message que nous envoyons.

Enfin, il a été acté à la dernière minute que le taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets par les éco-organismes serait renvoyé au décret. Il s’agit d’un recul supplémentaire.

Mes chers collègues, je ne conteste absolument pas le bien-fondé de la REP. C’est un système qui a fait ses preuves. Je m’interroge simplement sur l’efficacité du dispositif retenu par la proposition de loi par rapport à tous les inconvénients que je viens de citer.

Le texte de la commission mixte paritaire n’a pas fondamentalement évolué par rapport au texte initial. Aussi, par cohérence, le groupe RDSE, qui n’est pas plus rassuré qu’en première lecture, pour les raisons précédemment développées, votera contre la proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

La commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte équilibré et ambitieux pour l’économie circulaire, qui conserve de nombreux dispositifs du Sénat. Je m’en réjouis et tiens à saluer ici le travail de mes collègues, plus particulièrement de notre rapporteure, Marta de Cidrac.

La proposition répond à présent pleinement aux deux objectifs qu’elle s’était fixés : d’une part, fusionner deux filières à responsabilité élargie des producteurs, celle des emballages ménagers et celle des papiers ; d’autre part, permettre, notamment pour les éditeurs de publications de presse, de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets. Bien qu’assez technique, comme de trop nombreux textes, elle aura des effets très positifs pour le secteur de la presse et pour nos territoires.

Je le disais au début de cette intervention, l’un des grands apports de ce texte est le maintien de la presse dans la filière REP. C’est un acquis décisif auquel le Sénat était très attaché, l’État ayant manqué d’anticipation en la matière.

Notre collègue Didier Mandelli avait d’ailleurs souligné qu’exclure la presse de la REP aurait constitué un dangereux précédent, un manque à gagner pour le service public de gestion des déchets et une régression environnementale et juridique. Je ne peux qu’abonder en ce sens.

Ensuite, si l’on entre plus au cœur des dispositions de cette proposition de loi, on peut se féliciter de la création d’un dispositif qui va bénéficier à toutes les publications de presse et aider ce secteur confronté à de graves difficultés.

En effet, l’article 1er permet, via des écomodulations, que le montant de la contribution financière des produits assujettis à la nouvelle REP fusionnée puisse être modulé sous forme de prime, lorsque ces produits contribuent à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets.

Le bénéfice de cette modulation est ainsi conditionné au fait que les dispositifs ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages. Il est aussi précisé qu’ils ne pourront pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Les critères de modulation prévus à l’article L. 541-10-3 du code de l’environnement pourront continuer à s’appliquer aux produits assujettis à la filière REP d’emballages ménagers et de papier.

Par ailleurs, le financement et le fonctionnement du service public de gestion des déchets, géré par les collectivités territoriales, sont garantis par le texte. C’est une bonne chose au moment où les marges de manœuvre financières de nos territoires se réduisent. Ne l’oublions pas, la gestion des déchets reste un enjeu majeur qui soulève de nombreuses interrogations dans les territoires.

Il reviendra néanmoins au pouvoir réglementaire de déterminer les taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets d’emballages ménagers et de papiers.

Enfin, l’article 2 entérine l’entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de l’article 1er et, à la suite d’un amendement de notre rapporteure, précise que les agréments des éco-organismes concernés devront être mis à jour au plus tard le 1er janvier 2024, date avant laquelle leur renouvellement est prévu.

L’article 2 bis, issu quant à lui d’un amendement de notre collègue Daniel Gremillet, garantit un suivi effectif des impacts de la loi, en particulier celui de la modulation des contributions financières de la filière REP pour la presse, par le biais d’un rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement.

Ainsi, la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier comporte de nombreuses avancées dont nous pouvons réellement nous réjouir. Elle vient répondre aux attentes des différentes filières concernées, en préservant l’intégrité de la filière REP et en y maintenant la presse. Elle n’aggrave pas les finances du service public de gestion des déchets et offre de véritables garanties environnementales.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la circularité de notre économie nous fait entrer dans la réalité de la lutte contre le gaspillage et une production de déchets envisagée de manière responsable.

Le mot sobriété, que nous entendons régulièrement, s’applique particulièrement à cette nouvelle forme de production et de consommation.

Nous consommons mieux – c’est du moins ce que nous souhaitons – et, surtout, nous innovons, afin de faire évoluer nos modes de vie. L’industrie verte s’invite dans nos débats. Nos réflexions se tournent vers la décarbonation et une pollution limitée. L’économie circulaire fait partie intégrante de notre futur et de la vision d’une écologie libérale qui allie responsabilité, économie, investissements, développement et préservation de notre environnement.

Je salue le travail fourni par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en particulier par la rapporteure de ce texte, Marta de Cidrac. Les deux assemblées sont parvenues à un accord en commission mixte paritaire, gardant beaucoup de ce que le Sénat avait inséré et renonçant à beaucoup de ce qu’il avait supprimé.

La fusion des deux filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier est la bienvenue. Cela suit, de manière logique, ce que nous avions déjà organisé au moment de la loi Agec.

Le point qui a particulièrement attiré mon attention est celui du sort de la presse écrite. Nous avons tous été alertés, notamment par notre presse quotidienne et hebdomadaire régionale. Leur contribution financière s’élèverait à plusieurs millions d’euros. Chacun sait la situation de crise que traverse cette presse écrite, notamment régionale.

Il y a la crise du papier, comme matière première, avec des prix qui augmentent significativement. En tout cas, ils augmentent assez pour que cela soit un enjeu pour le secteur.

Il y a aussi un abandon du format papier en faveur du format électronique. La numérisation a également provoqué l’arrivée des réseaux sociaux dans la vie des Français. Les citoyens s’informent différemment, sur des formats qui évoluent bien plus vite que nos politiques publiques.

À ce sujet, j’aimerais une fois de plus alerter sur l’utilisation que nous faisons des réseaux sociaux. À l’heure où nous évoquons la place que prend l’intelligence artificielle dans nos vies, nous sommes inévitablement bien plus exposés aux fausses informations et aux enjeux de vérification.

En l’état, cela fragilise notre démocratie. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est Barack Obama, dans un article paru voilà quelques mois dans le journal The Atlantic. Un citoyen bien informé est un électeur qui peut prendre en compte tous les paramètres d’une élection et arriver prêt devant un bulletin de vote.

Voter en conscience, c’est avoir la maîtrise de notre avenir. Une presse écrite et de qualité est au fondement de notre système et de notre destin. C’est vrai à l’échelon national, mais également vrai à l’échelon local.

Nous avons la chance d’avoir des presses écrites locales de qualité qui sont largement lues. Elles sont un des ciments des territoires et mettent en lumière leur dynamisme et leur rythme de vie. Bien que le secteur soit en difficulté – nous le savons tous –, il reste essentiel.

C’est dans cette perspective que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait été très attentif à la rédaction retenue de l’article 1er de cette proposition de loi. Nous connaissons aussi le poids, notamment financier, pour les collectivités territoriales chargées de la gestion des déchets. L’équilibre est complexe à trouver.

La rédaction finale, qui permet la modulation des contributions financières, conserve la possibilité de mise à disposition gratuite d’encarts d’information, afin d’informer sur la prévention et la gestion des déchets. La presse sait très bien le faire : qu’elle continue et participe à la sensibilisation de nos citoyens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (M. Joël Bigot applaudit.)

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte était de parvenir à l’équilibre délicat entre le respect des obligations environnementales de la responsabilité élargie des producteurs, l’efficacité du service public de gestion des déchets assuré par les collectivités et l’équilibre économique de la presse écrite, qui souffre depuis plusieurs années.

Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets dans leur produit, pour les inciter à l’écoconception.

Il s’agit de faire payer les producteurs pour les déchets qu’ils créent et de les pousser à concevoir des produits triables, recyclables ou réemployables.

C’est chose faite, puisque la commission mixte paritaire a, pour l’essentiel, conservé la rédaction proposée par le Sénat. Je salue le judicieux tour de passe-passe de notre rapporteure, qui maintient la presse dans la filière REP. Cette solution évite une régression environnementale, ainsi que la création d’un précédent risqué qui aurait affaibli les REP.

Une telle mesure évite également – c’est peut-être l’essentiel – un manque à gagner bien lourd pour les collectivités territoriales. Elles ont besoin de ces contributions pour assurer leur service public de gestion des déchets.

Ce compromis nous satisfait donc partiellement, dans la mesure où la ligne rouge n’est pas franchie : en maintenant la filière presse dans la REP papier, le principe pollueur-payeur, qui nous est cher, est préservé.

Nous serons maintenant vigilants sur les modalités de mise en œuvre de la contribution en nature et veillerons à son efficacité, car la crainte d’une contagion est légitime. D’autres filières, notamment celle des emballages, pourraient prétendre à l’écomodulation. Nous espérons donc, madame la rapporteure, qu’aucune ambiguïté ne subsistera et que l’application de ce texte évitera tout risque de contagion.

Nous soutenons la précision apportée en commission mixte paritaire pour que les dispositifs d’information d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets ne puissent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Nous regrettons en revanche la suppression de la précision selon laquelle les critères qui conditionnent l’octroi de la modulation à la presse ne pourront être moins exigeants au niveau environnemental que ceux qui existaient dans le droit antérieur.

Cette disposition, que les deux groupes écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat défendaient, est considérée comme étant source de confusion par le député auteur de la proposition de loi. Nous pensons au contraire qu’elle levait toute ambiguïté et apportait de la clarté sur le niveau d’exigence environnementale requis.

Mais la commission mixte paritaire n’en est pas restée là. Elle modifie de façon substantielle un mécanisme central du fonctionnement des filières REP et des contributions des éco-organismes tels qu’ils sont prévus par la directive déchets de 2018 et par la loi Agec, à savoir la question du taux de couverture.

La loi garantit le taux de couverture par la REP des coûts de gestion des déchets supportés par les collectivités : 50 % pour les papiers, 80 % pour les emballages.

Or, à ce jour, ce taux n’est pas respecté par les éco-organismes : autour de 20 % pour les papiers et 50 % pour les emballages.

Pour 2023, les pouvoirs publics ont évalué à environ 105 millions d’euros la somme que devrait verser Citeo aux collectivités pour couvrir 50 % des coûts des déchets papier. En 2021, cette filière a généré seulement 63 millions d’euros. Cela fait tout de même un écart.

Tout l’enjeu est donc de faire progresser d’une quarantaine de millions d’euros les versements aux collectivités. La presse exonérée représentant 17 % du gisement contribue naturellement à entretenir ce retard.

La commission mixte paritaire a donc décidé de renvoyer par voie réglementaire le niveau de prise en charge des coûts de collecte et de gestion des déchets de papiers graphiques. Ils ne seront donc plus inscrits dans la loi.

En d’autres termes, en renvoyant le sujet à un décret, on ouvre la voie à des négociations entre acteurs sur la répartition de la contribution globale : une facture de l’ordre de 950 millions d’euros au total pour l’ensemble de la nouvelle REP.

Il reste donc des incertitudes et une certaine confusion pour l’avenir.

Ainsi, le compte rendu de la commission mixte paritaire, où le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’a pas de représentant, ne traite pas clairement des modalités de transfert des contributions financières dues par la presse papier vers d’autres acteurs de la nouvelle filière fusionnée.

Quels metteurs en marché accepteront de compenser l’exonération accordée à la presse ? Comment les producteurs d’emballages combleront-ils le manque ? Est-ce juridiquement assez solide ?

Nous espérons en tout cas que les collectivités ne seront pas affectées et que les coûts qui seront estimés nécessaires à la bonne gestion des déchets d’emballage et de papier ne seront pas réévalués à leur détriment.

L’État doit mieux jouer son rôle de régulateur et s’assurer que les producteurs versent ce qu’ils doivent aux collectivités.

Pour toutes ces raisons, comme en première lecture, nous optons pour une abstention fort bienveillante. (Sourires.) Nous saluons les évolutions constructives qu’a connues le dispositif et nous serons attentifs aux modalités de sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Michel Dagbert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est tenue le jeudi 30 mars dernier a permis d’aboutir à un accord entre nos deux assemblées, que le groupe RDPI considère comme équilibré.

L’esprit initial de cette proposition de loi était d’acter les synergies générées par la filière REP des producteurs d’emballages ménagers et par celle des papiers graphiques et imprimés.

La loi Agec du mois de février 2020 prévoyait déjà que, pour contribuer à l’efficacité du tri, les collectivités territoriales et leurs groupements veillent à ce que la collecte séparée des déchets d’emballages et des papiers à usage graphique soit organisée selon des modalités harmonisées sur l’ensemble du territoire national.

Elle prévoyait également une transition vers un dispositif harmonisé, en s’appuyant sur le renouvellement naturel des parcs de contenants de collecte, avec pour objectif un déploiement effectif de ce dispositif sur l’ensemble du territoire national au plus tard le 31 décembre 2022.

Désormais en place sur la quasi-totalité du territoire, ce prérequis nécessaire à la fusion des deux filières est rempli ; la fusion est désormais naturelle.

Le sujet qui a le plus créé de difficultés est bien évidemment l’exemption de la presse des obligations de la filière REP ainsi fusionnée.

Initialement, notre collègue député Denis Masséglia proposait d’exclure les publications de presse de la filière REP dès lors qu’elles auraient conclu une convention de partenariat, convention qu’il se proposait de créer pour tenir compte des évolutions du secteur de la presse écrite.

Une telle convention conclue entre le ministre chargé de l’environnement, le ministre chargé de la communication et les organisations professionnelles d’entreprises de presse représentatives devait préciser les modalités de mise à disposition d’espaces de communication destinés à informer le public sur la transition écologique, et ce à titre gracieux.

Étaient donc dispensées du principe pollueur-payeur les publications de presse ayant signé une convention de partenariat avec l’État.

Notre rapporteure a proposé une modification radicale de cette mesure avec la réintégration de la presse dans la filière REP et l’instauration d’une écomodulation pour les produits de la REP contribuant à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent des critères de performance environnementale.

En séance publique, notre groupe avait soutenu un amendement de notre collègue Jean-Claude Requier qui visait à rétablir la version proposée par l’Assemblée nationale. À la suite du rejet de cet amendement par le Sénat, nous nous étions opposés à la proposition de loi dans son ensemble pour trois raisons principales.

Tout d’abord, la version votée pouvait contrevenir à la directive européenne relative aux déchets de 2018, entraînant un risque important de contentieux juridique. En cas de recours, la presse aurait pu se retrouver à devoir payer une écocontribution de façon rétroactive sans solution de remplacement.

Ensuite, le choix des critères pouvait ouvrir le bénéfice du dispositif à d’autres organismes que celui de la presse ; c’était un précédent au sein de la REP nouvellement constituée. Ce risque d’appel d’air aurait eu des conséquences sur le montant global des écocontributions et in fine sur les objectifs environnementaux.

Enfin, il imposait aux autres opérateurs d’être solidaires du secteur, alors que certains d’entre eux sont également soumis à des contraintes économiques importantes.

Aujourd’hui, le texte de la commission mixte paritaire confirme le maintien de la presse dans la filière REP issue de la fusion et comporte quelques modifications importantes.

Il indique que les encarts d’information d’intérêt général du public ne doivent pas conduire à augmenter la quantité d’emballage ou de papier graphique et ne peuvent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle.

Il précise en outre que les critères de performance environnementale portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées.

Le dispositif final n’est sans doute pas parfait, mais il est néanmoins équilibré et semble, à nos yeux, acceptable pour tous. C’est pourquoi, en tenant compte des discussions qui ont eu lieu durant la commission mixte paritaire et des évolutions du dispositif final aboutissant à un compromis équilibré, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Michel Laugier et Franck Menonville applaudissent également.)