Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 266 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 236 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 3 ter.
(L’article 3 ter est adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin d’examiner les suites à donner au rappel au règlement de M. Patrick Kanner.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, je sollicite une brève suspension de séance, afin que la commission se réunisse pour étudier un amendement de rétablissement de l’article 3 bis.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, mes chers collègues, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, la commission demande qu’il soit procédé à une seconde délibération sur l’article 3 bis, qui a été supprimé.
Mme la présidente. La commission demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 3 bis, qui a été supprimé.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée soit par le Gouvernement, soit par la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de seconde délibération ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est défavorable, madame la présidente, car le Gouvernement était plutôt satisfait du résultat de la première délibération ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, contre la demande de seconde délibération.
M. Emmanuel Capus. Il me semblait que les auteurs de la proposition de loi s’étaient rendu compte que l’article 3 bis était un cavalier et qu’il était irrecevable. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la commission des finances ne l’avait pas voté. Cette seconde délibération me paraît donc totalement inopportune.
Il s’agit même quasiment d’un passage en force, madame la présidente, pour reprendre un argument que nous avons entendu récemment. (Sourires.)
Cette seconde délibération s’impose d’autant moins, d’ailleurs, que la réécriture de l’article 3 bis par le rapporteur Gérard Longuet améliorait ce texte, ce qui a peut-être induit en erreur nos collègues à gauche. En fait, nous ne supprimons pas l’effet de seuil à 36 kVA : nous ne faisons que le décaler des TPE aux PME.
Il me semble donc que cette seconde délibération n’est pas opportune.
Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération présentée par la commission. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Il n’y a pas d’opposition ?…
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement, lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui présente un nouveau rapport.
La commission est-elle prête à présenter son rapport ?
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Nous allons donc procéder à la seconde délibération de l’article 3 bis.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 3 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° A-1, présenté par M. Longuet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au I de l’article L. 337-7 du code de l’énergie, après les mots : « à leur demande », les mots : « , pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Longuet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de revenir au texte de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour les raisons que j’ai longuement exprimées tout à l’heure, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 bis est rétabli dans cette rédaction.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 267 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 206 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
5
Rappel au règelement
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, mon rappel au règlement a pour objet l’organisation de nos travaux.
D’après mes calculs, il ne reste plus qu’une heure et dix minutes avant la fin de la niche réservée au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Aussi, aurons-nous le temps d’examiner le prochain texte ?
Mme la présidente. La séance ayant été suspendue pendant dix minutes, il reste une heure et vingt minutes. Nous allons faire de notre mieux !
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
6
Loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements
Rejet d’une proposition de loi constitutionnelle
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (proposition n° 869 rectifié [2021-2022], résultat des travaux de la commission n° 472, rapport n° 471, avis n° 468).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « que les objectifs fixés au sein d’une loi d’orientation pluriannuelle soient déclinés au sein d’une loi de financement ou de finances, ils permettraient en tout état de cause d’inscrire les débats sur la fiscalité locale dans une nécessaire pluriannualité ». Si notre proposition de loi constitutionnelle opte pour une loi de financement des collectivités territoriales, nous souscrivons entièrement à ces propos du rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ou RCT, du projet de loi de finances pour 2020, M. Loïc Hervé.
Notre proposition est partagée par des acteurs aux horizons divers.
L’Association des maires de France (AMF), tout d’abord, l’a fait savoir par la voix de son précédent président François Baroin lors des débats sur la révision constitutionnelle de 2018. Elle l’a réaffirmé à l’occasion de l’élection présidentielle de 2022 et, plus récemment, dans son communiqué de presse du 14 mars 2023. Quelque 80 % des maires interrogés en 2019 sont favorables à ce projet.
La Cour des comptes, ensuite, l’a signifié dans ses rapports de 2013, 2016 et 2018. Les rapporteurs de la mission flash « Autonomie financière des collectivités locales », Charles de Courson et Christophe Jerretie, aboutissaient aux mêmes conclusions en mai 2018. Notre collègue Roger Karoutchi, enfin, a déposé une proposition de loi constitutionnelle comparable à la nôtre.
Le constat est donc partagé. La révision constitutionnelle de 2003 n’a pas garanti l’autonomie fiscale des collectivités locales, se limitant à l’autonomie financière. Encore cette dernière était-elle interprétée de manière stricte par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment lors de la suppression de la taxe d’habitation. Cette consécration de l’autonomie financière n’a donc été, pour citer le professeur Michel Bouvier, « qu’un rendez-vous manqué, une illusion. »
Il en va de même de la jurisprudence concernant l’appréciation des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences. C’est particulièrement édifiant en ce qui concerne les dépenses sociales de nos départements. Quoique les collectivités territoriales aient soulevé de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), aucune d’entre elles n’a prospéré face à l’interprétation stricte retenue par le Conseil constitutionnel.
L’autonomie financière des collectivités locales a donc été vidée de son sens, alors qu’elle doit tout de même garantir la libre administration de ces dernières, donc le respect d’une véritable organisation décentralisée de la République.
La part de la fiscalité locale s’est progressivement réduite, au profit de dotations de compensation de l’État. Les dernières dispositions budgétaires issues de la loi de finances pour 2023 ont encore illustré cette évolution, avec la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Le système est de plus en plus opaque et illisible. En octobre 2022, la Cour des comptes soulignait « la sédimentation historique des recettes » et dressait le constat d’un « système complexe et à bout de souffle ». Ce système opaque et illisible entrave l’action des collectivités locales, qui n’ont pas de visibilité sur les réformes fiscales, les décisions d’attributions des dotations d’investissement ou l’imposition de normes de toute nature.
L’éparpillement des mesures budgétaires et fiscales concernant les collectivités locales dans la loi de finances ne fait qu’ajouter à la confusion qui s’est installée dans les relations financières entre l’État et nos collectivités locales. L’État cherche souvent à faire payer aux collectivités ce qu’il ne souhaite plus assumer.
Notre proposition est, d’une part, de créer une loi de financement des collectivités locales et, d’autre part, de prévoir une compensation dynamique dans le temps des transferts de compétences.
Cette idée remonte au rapport réalisé par Olivier Guichard en 1976. Elle a été reprise régulièrement, notamment dans le rapport Lambert-Malvy.
Les objectifs d’une telle loi de financement seraient simples : fixer un cadre de référence unique pour le Parlement et constituer un outil de transparence pour une meilleure information des élus locaux. Elle améliorerait la lisibilité et la visibilité pour les collectivités territoriales, qui ont besoin de prévisibilité. Elle nous donnerait une meilleure lisibilité des engagements financiers de l’État et clarifierait les responsabilités de chacun.
Articulée, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la loi de finances, qui fixe les grands équilibres financiers de l’État, elle constituerait avec ces textes une sorte de trépied des lois budgétaires.
Toutefois, notre proposition de loi a d’autres ambitions encore : accroître la clarté et la sincérité du débat parlementaire sur les collectivités territoriales et reconnaître les collectivités locales au sein de notre édifice constitutionnel, car celles-ci représentent 20 % du budget de la Nation et 57 % de l’investissement local.
Une telle évolution mettrait fin à l’infantilisation des collectivités locales par l’État et instaurerait un véritable espace de dialogue entre celles-ci et l’État.
Plusieurs arguments nous sont opposés par Mme le rapporteur, qui a évoqué des écueils pratiques, au regard du calendrier parlementaire. En vérité, il y aurait déjà matière à discuter du calendrier d’examen de la loi de finances, qui mériterait d’être revu.
On invoque également un problème d’articulation avec la loi de finances initiale. Or cette dernière retrace les versements de l’État à la sécurité sociale, ce qui n’empêche pas le Parlement de voter une LFSS.
On craint que ce texte ne confère un pouvoir de contrainte supplémentaire au Gouvernement. Mais les atteintes à la libre administration sont déjà légion : gel ou diminution des dotations, contrats de Cahors… Nous pensons que c’est plutôt le manque de transparence qui menace l’autonomie des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, ne nous laissons pas égarer par le parallèle avec la LFSS : la loi de financement des collectivités territoriales n’aurait pas pour objet d’instituer un plafond de dépenses, la libre administration des collectivités territoriales interdisant de donner à ce texte un caractère prescriptif.
On nous objecte aussi l’utilisation du 49.3. Mais quelle est la différence avec la situation actuelle, cet article pouvant être utilisé, et il l’a été largement, sur les lois de finances ?
L’absence de loi organique, enfin, empêcherait de se prononcer. Nous sommes prêts à y travailler avec vous, madame le rapporteur, notamment en faisant référence à la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Karoutchi, que vous avez cosignée.
L’article 2 de notre texte prévoit une garantie dynamique dans le temps des transferts de compétence. Cela répond à une demande récurrente des collectivités territoriales. Une telle disposition a été adoptée, sur notre initiative, lors de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, mais elle a malheureusement été retirée en commission mixte paritaire.
Ce dispositif avait également été intégré par Philippe Bas dans sa proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales. Cela n’enlève rien à l’intérêt de ce que nous proposons.
Notre texte vise à réaffirmer le rôle que jouent les collectivités locales dans l’organisation décentralisée de la République. Cette reconnaissance est, pour nous, impérative. Elle ne peut être sacrifiée sur l’autel de la politique partisane. Nous vous proposons donc de travailler ensemble, comme nous l’avons fait pour le « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Pour conclure, il est temps de sortir de la verticalité du pouvoir, qui place l’État et les collectivités locales dans un rapport de défiance permanent. Cette loi permettrait une nouvelle avancée des libertés et de la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà quarante ans, les lois Defferre instauraient la décentralisation. Vingt ans plus tard, ce nouveau principe d’organisation de la République était gravé dans le marbre de la Constitution.
Les fondements constitutionnels de la décentralisation sont nombreux et consacrent notamment deux principes, d’une part, la libre administration des collectivités territoriales, de l’autre, leur autonomie financière. Les deux sont liées, car sans autonomie financière, il n’y a pas de réelles marges de manœuvre.
Aujourd’hui, nous partageons un constat avec les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons : l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales est insuffisante.
Alors que nous traversons une crise inflationniste et énergétique, s’interroger sur le niveau et la prévisibilité des ressources des collectivités territoriales n’est ni un gadget ni une lubie de parlementaires.
Nous ne pouvons faire l’économie de ces sujets, ne serait-ce que pour éviter que l’investissement local ne fléchisse, alors qu’il représente une part déterminante de l’investissement public.
Aussi, les auditions menées dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle ont souligné, tout d’abord, l’amoindrissement des marges de manœuvre fiscales et financières des collectivités territoriales, du côté des recettes, du fait de la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE, et du côté des dépenses, avec l’introduction des contrats de Cahors.
Les auditions ont également mis en exergue, pour les élus locaux, le défaut de prévisibilité sur leurs ressources, en raison d’une absence de programmation budgétaire pluriannuelle, mais encore l’insuffisante lisibilité sur les décisions financières et l’attribution des dotations. Ainsi, l’enchevêtrement des réformes successives a opacifié les modalités d’attribution des dotations pour les collectivités territoriales.
Le défaut d’information des collectivités territoriales en amont des projets de loi de finances et lors des décisions d’attribution des dotations a été en outre largement souligné.
Enfin, on peut déplorer l’émiettement, dans le projet de loi de finances, des mesures budgétaires et fiscales ayant un impact sur les ressources comme sur les dépenses des collectivités territoriales. Cela nuit à une appréhension globale des relations financières entre l’État et les collectivités.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous nous accordons tous, me semble-t-il, sur la nécessité de remédier à la situation actuelle des collectivités territoriales, qui ont vu leurs marges de manœuvre se réduire, comme sur l’urgence de corriger les nombreux défauts du cadre législatif et constitutionnel actuel des finances locales pour les collectivités territoriales.
Face à l’absence de garantie réelle de l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Éric Kerrouche comporte deux mesures d’inégale portée : d’une part, la création d’une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, de l’autre, la rénovation des modalités de compensation financière des transferts de compétences, pour mieux appliquer le principe « qui décide paie ».
Je ne puis que partager pleinement l’objectif de cette proposition de loi, qui s’attache à répondre aux attentes légitimes des élus locaux.
Toutefois, il semble que les mesures proposées présentent un certain nombre de difficultés opérationnelles et juridiques, n’apportant qu’une réponse imparfaite aux souhaits de lisibilité et de prévisibilité des élus locaux quant à leurs ressources financières.
En premier lieu, plusieurs personnes auditionnées, en particulier l’ensemble des représentants des associations d’élus locaux, se sont interrogées sur l’utilité de la création d’une loi de financement spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
Ainsi, les associations d’élus locaux ont rappelé que l’institution d’une telle loi ne figurait pas parmi leurs demandes et que d’autres mesures leur semblaient davantage répondre à leurs attentes.
En deuxième lieu, une telle loi de financement n’empêcherait pas une révision annuelle du montant des concours financiers de l’État aux collectivités, conformément au principe d’annualité budgétaire.
Dès lors, il n’est pas certain que l’inscription dans la Constitution d’un véhicule financier spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements aurait une incidence majeure sur leur autonomie financière ou sur la prévisibilité de leurs ressources.
En troisième lieu et de l’avis quasi unanime des personnes entendues, élus locaux comme professeurs de droit ou de finances locales, un tel véhicule recèle le risque de confier au Gouvernement un nouvel outil procédural lui permettant d’imposer unilatéralement aux collectivités territoriales et à leurs groupements de nouvelles réductions de leurs marges de manœuvre financières.
Comme pour tout véhicule financier, le Gouvernement serait libre de faire usage des facultés prévues à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution ou d’adopter par voie d’ordonnances les mesures proposées si le Parlement ne respectait pas les délais d’examen impartis.
En quatrième lieu, ces dispositions se heurtent à de nombreux écueils juridiques et pratiques, en particulier à la difficulté d’isoler, dans les finances publiques, les ressources des collectivités territoriales de celles de l’État.
De la même manière, il serait nécessaire de tirer les conséquences de toute loi de financement sur les recettes et les charges de l’État dans la loi de finances, ce qui semble, de facto, en relativiser l’intérêt.
Enfin, l’insertion d’un nouveau texte financier dans le calendrier parlementaire, déjà très chargé, est un point de vigilance qui peut sembler anecdotique, mais qui doit être soulevé.
En cinquième lieu, et ce sujet me semble être le plus irritant entre nous, la proposition de loi constitutionnelle vise « les collectivités territoriales et leurs groupements ». Or, aujourd’hui, les groupements, émanations des communes, ne bénéficient pas, en matière financière, des mêmes garanties que les collectivités territoriales, car ils n’en sont tout simplement pas.
Dès lors, ces dispositions modifieraient les équilibres constitutionnels et institutionnels existants au sein du bloc local et reviendraient à accorder aux groupements des garanties actuellement applicables aux seules collectivités, ce qui ne me paraît pas souhaitable.
Enfin, s’agissant des dispositions relatives au réexamen régulier des compensations financières des transferts de compétences et à une amélioration des modalités de ces compensations à l’article 2, je ne puis qu’y être favorable sur le principe.
Elles sont la traduction constitutionnelle d’un principe cher à la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation : « Qui décide paie ».
Néanmoins, je tiens à rappeler que les principales dispositions de cet article ont déjà été adoptées par le Sénat et transmises à l’Assemblée nationale, qui est libre de les inscrire à son ordre du jour.
En outre, la proposition de loi tendant à étendre ces garanties financières aux groupements, je ne pourrai qu’y être défavorable, par cohérence avec la position constante de la commission sur ce point.
Ainsi, mes chers collègues, si cette proposition de loi pose un débat essentiel, celui de l’équilibre à trouver en matière d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales au sein d’un État unitaire et décentralisé, les solutions qu’elle y apporte m’apparaissent imparfaites et insuffisantes pour répondre à l’enjeu soulevé. Le sujet a déjà été, de surcroît, largement exploré par la proposition de loi de notre collègue Philippe Bas.
Pour terminer, j’ajouterai qu’il m’apparaît préférable de traiter ces sujets dans le cadre d’une réflexion plus large sur la place des collectivités territoriales dans l’architecture institutionnelle actuelle.
Cette réflexion est pour l’heure menée par le groupe de travail transpartisan sur la décentralisation, lancé par le président du Sénat et dont le président de notre commission, François-Noël Buffet, est le rapporteur général.
Dans ce cadre, nous avons discuté la semaine dernière, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, de propositions couvrant l’ensemble du champ des finances locales.
Dans ces conditions, je forme le vœu que nous continuions à cheminer, ensemble, pour redéfinir les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Je suis convaincue que l’autonomie financière des collectivités territoriales est une condition indispensable à l’effectivité de la décentralisation.
En l’espèce, mes chers collègues, je vous invite donc à ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien qu’une majorité de ses membres se soit prononcée contre l’adoption de la proposition de loi constitutionnelle déposée par Éric Kerrouche et plusieurs de nos collègues, la commission des finances partage le diagnostic qui a conduit à son dépôt.
Le manque de prévisibilité budgétaire qui frappe les collectivités territoriales, d’une part, et la sous-évaluation de plus en plus manifeste des compensations des compétences transférées, d’autre part, constituent, malheureusement, deux réalités.
À première vue l’instauration d’un éventuel projet de loi de financement des collectivités territoriales paraît séduisante. Cependant, le sujet n’est pas aussi simple, et l’institution d’une loi de financement des collectivités territoriales aurait tout d’une fausse bonne idée.
Non seulement elle risquerait de se retourner contre les collectivités territoriales, en conférant au Gouvernement un nouvel outil de contrainte financière, mais elle poserait également des difficultés d’articulation majeures avec la loi de finances.
Indépendamment du calendrier, un tel dispositif impliquerait de sortir du projet de loi de finances les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, soit, excusez du peu, un peu plus de 107 milliards d’euros ! La commission des finances pourrait difficilement admettre une telle atteinte au domaine des lois de finances.
À l’inverse, si l’on adoptait une solution intermédiaire et si les transferts financiers de l’État, c’est-à-dire un peu moins de la moitié des ressources des collectivités territoriales, continuaient à relever des lois de finances, l’intérêt supposé des lois de financement des collectivités territoriales, à la portée essentiellement programmatique, se révélerait très limité.
Plutôt qu’à une révision constitutionnelle aux conséquences et à la mise en œuvre incertaines, c’est à l’édification d’une nouvelle gouvernance des finances locales que nous devrions nous attacher.
Une telle évolution est indispensable pour que les collectivités puissent réellement être associées à la préparation des textes financiers qui les concernent, à plus forte raison dans le contexte d’un recours croissant à la fiscalité partagée.
Nous avons besoin de repenser les espaces de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d’élus.
Comme l’a rappelé la Cour des comptes, cette nouvelle gouvernance pourrait passer, entre autres, par une réflexion sur la composition et le champ de compétences du Comité des finances locales. Je souhaiterais d’ailleurs connaître, peut-être à une autre occasion – notre temps est contraint –, l’avis du Gouvernement sur ce point particulier.
S’agissant du second objectif de la proposition de loi constitutionnelle, à savoir le renforcement des exigences de compensation financière des transferts de compétences, je partage le constat dressé et la proposition formulée.
La commission des finances avait déjà donné un avis favorable sur le dispositif proposé, en le qualifiant de « réexamen régulier » des compensations, lors de l’examen, en 2020, de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, que le Sénat avait adoptée. Une nouvelle adoption de ce dispositif serait donc superfétatoire.
De nouveau, je souhaite néanmoins souligner qu’un renforcement de la gouvernance des finances locales constituerait un prérequis indispensable à sa mise en œuvre.
Un travail d’objectivation des charges supportées par les collectivités territoriales au titre des différentes compétences, qui ne peut être mené que dans le cadre d’une concertation approfondie, est au préalable nécessaire.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances émet un avis défavorable sur l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.