Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements, dont les objets sont en contradiction avec les règles européennes, c’est-à-dire avec les accords gouvernementaux transposés en droit français, en particulier dans le code de l’énergie, sur la capacité d’ouvrir les TRVE à l’ensemble des consommateurs.
Sont éligibles au TRVE les résidentiels, c’est-à-dire les particuliers, et les entreprises dès lors qu’elles ont moins de dix salariés et dégagent moins de 2 millions de chiffre d’affaires. Évidemment, on a envie d’aider tout le monde, sauf que c’est assez coûteux. (M. le ministre délégué acquiesce.)
Par ailleurs, l’adoption de ces amendements supposerait de casser des contrats qui sont actuellement établis entre des entreprises et des fournisseurs alternatifs privés.
Si la loi obligeait ces fournisseurs à prendre en charge des TRVE et si les contrats grâce auxquels ils gagnent leur vie étaient cassés afin de les obliger à vendre leur électricité moins chère – nous verrons ce que signifie : « moins cher » –, ils seraient alors fondés à demander au Gouvernement de les rembourser. Cela coûterait bonbon !
Enfin, le TRVE est calculé par la CRE par un empilement et par un jeu assez complexe, en effet, de lissage dans le temps. Nous ne pourrions avoir ces prix que dans une perspective assez longue ; Mme Lavarde, qui connaît le sujet mieux que moi, pourrait l’expliquer. Il faut un recul d’environ douze mois pour pouvoir établir des TRVE nouveaux.
Le système est donc non praticable. C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer les 36 kVA dans le cadre de l’Europe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.
J’ajoute que cet article, qui étendait le TRVE à tous les consommateurs, a été adopté en commission à l’Assemblée nationale. Vous n’y êtes pour rien, il vous a été soumis, mais il reste pour nous un cavalier, car il est sans rapport avec le schmilblick, si je puis m’exprimer ainsi. Cela étant, il est là ; il nous faut donc en discuter.
C’est vrai que vous avez limité le coût de cet article en réservant ses effets aux TPE, qu’elles soient consommatrices individuelles, comme vous et moi, ou consommatrices intensives, comme certains boulangers, dont on a beaucoup parlé.
Je comprends la logique de cet article. Il est moins coûteux, évidemment, que la version votée par l’Assemblée nationale. Et c’est vrai qu’il existe une incertitude sur son coût, tout simplement parce que ce type de dispositif est exposé au marché. Son coût varie donc toutes les semaines en fonction du prix de marché. C’est d’ailleurs le danger : vous exposez soit les finances d’EDF, si c’est elle qui paie, soit celles de l’État, au coût de marché, qui, on l’a vu depuis un an et demi, est extrêmement volatil.
La suppression du plafond du TRVE pour toutes les entreprises représenterait un coût de l’ordre de 20 milliards d’euros. Je l’avais estimé à 18 milliards d’euros à l’Assemblée nationale, parce que l’écart entre le prix de marché et le TRVE était alors de l’ordre de 200 euros le mégawattheure, pour une consommation de l’ensemble des entreprises concernées par l’amendement de Philippe Brun de l’ordre de 100 térawattheures.
Aujourd’hui, votre amendement coûte moins cher, pour deux raisons : d’abord, vous limitez ses effets, avec une consommation de l’ordre de 20 térawattheures ; ensuite, l’écart a lui aussi diminué, parce que le prix de marché a baissé. J’évalue son coût aujourd’hui à environ un milliard d’euros – il y a 50 euros d’écart entre le TRVE et le prix du marché – pour environ 20 térawattheures.
Si demain ou après-demain, le prix de marché explosait, il coûterait deux, trois, quatre, cinq, six ou sept milliards d’euros et il faudrait alors que l’on en assume les conséquences, soit directement sur les comptes d’EDF, dont on souhaite aujourd’hui tous qu’elle soit préservée, soit sur les comptes de l’État, dont on reconnaîtra tous, je pense, qu’ils ne sont pas dans un état fantastique.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement était défavorable à la généralisation du TRVE et a préféré mettre en place des aides énergétiques, qui ont, certes, été critiquées, mais dont il faut reconnaître aujourd’hui qu’elles fonctionnent. On a dépensé environ 250 millions d’euros au titre du guichet ouvert depuis le mois de janvier et entre 50 milliards d’euros et 80 milliards d’euros pour le bouclier tarifaire. Nous avons beaucoup aidé les ménages, les entreprises, y compris les énergo-intensives. Nous allons continuer de le faire. Je préfère qu’on le fasse dans le cadre actuel plutôt que dans celui de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je tiens à répondre sur un point à notre excellent collègue Capus.
En 1996, la déréglementation n’a pas été décidée par les socialistes ; elle a été prévue dans une directive européenne. Idem en 2003 et en 2009. En 2010, la loi Nome a mis en place trois dispositifs, dont l’Arenh, le mécanisme de capacité et les TRV. Ce n’était pas nous ! Il me semble que le Gouvernement était alors de votre couleur politique. Les responsabilités sont partagées ; on le sait bien.
Alors qu’EDF a aujourd’hui, et depuis toujours, des problèmes, il faut revoir le système lui-même, en particulier les marchés électriques en Europe.
M. Victorin Lurel. Il faut avoir le courage de dire ici et ailleurs que, contrairement à ce qui a été fait depuis 1946 et en 1974 par Pierre Messmer, la stratégie qui a été adoptée nous rend tributaires de l’Allemagne et d’autres concurrents. Il faut le dire !
L’avantage que nous avions dans le nucléaire profite à d’autres, et on n’ose pas le dire. On vient de perdre le combat de la taxonomie, les réacteurs classiques n’y seront pas intégrés, ce qui ne permettra pas l’accès de la filière à des subventions publiques. Nous avions pourtant mené un combat homérique en ce sens. Aujourd’hui, nous menons un combat d’arrière-garde.
C’est la raison pour laquelle faire d’EDF une entreprise nationale, intégrée, verticale, publique et unifiée est une urgence mobilisatrice pour les Français que nous sommes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, je souhaite me faire confirmer ce que vous avez dit sur le TRV, le tarif de marché et la grande fluctuation des prix. Vous avez évoqué les boulangers, mais ils ne sont malheureusement pas les seuls concernés.
Je pense qu’il est important d’envoyer un message aux publics concernés. Un certain nombre de fournisseurs ont écrit à l’automne dernier à leurs abonnés pour leur dire qu’ils ne pouvaient plus pratiquer les tarifs qui les liaient de manière contractuelle. Les prix se sont envolés et ont été multipliés parfois par cinq, six, sept ou huit, ils leur ont proposé de signer de nouveaux contrats, parfois des contrats triennaux, qu’ils disent aujourd’hui ne plus pouvoir modifier. Je le dis, car il va falloir clarifier la situation auprès de ce fournisseur, dont le nom est composé de trois lettres et dont on parle beaucoup aujourd’hui.
Vous l’avez dit, soit le fournisseur reverra ses conditions – on nous dit que cela n’est pas possible ; je l’entends –, soit l’État compensera, mais il faut le dire aujourd’hui, parce que des entreprises sont concernées. L’État doit envoyer un message pour garantir un traitement équitable de toutes les situations, dont les entreprises ne sont pas responsables.
J’attire votre attention sur ce sujet majeur, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Deux amendements portant sur l’Arenh ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution.
Nous pensons qu’il est souhaitable, d’une part, de limiter le volume de l’Arenh à 100 térawattheures et, d’autre part, de permettre le passage de 42 euros à 49,5 euros. EDF a besoin de ressources financières, en particulier pour financer ses investissements. Depuis la loi d’août 2022 et l’avis du Conseil d’État sur la nécessité, ou non, de notifier l’évolution des prix à l’Union européenne, il est possible de procéder à cette révision absolument nécessaire.
Quand le Gouvernement va-t-il procéder à cette révision, qui est en théorie possible depuis le 1er janvier 2023 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je n’ai pas le temps de répondre à mon collègue Lurel, mais comme lui, je pense que nous avons besoin d’une filière nucléaire brillante qui permette de céder de l’électricité à nos voisins.
Je reviens à présent sur les trois amendements de M. Gay et, plus globalement, sur l’article 3 bis.
Évidemment, on ne peut qu’être favorable, sur le principe, à l’extension du tarif réglementé. C’est difficile d’être contre. Cependant, il nous faut aussi être responsables, en particulier quand on est membre de la commission des finances.
M. Emmanuel Capus. On parle tout de même d’argent public ! On peut évidemment étendre à tout le monde le tarif réglementé, nous y sommes tous favorables, mais cela aurait un impact sur les finances publiques.
À ce stade, je formulerai trois remarques.
Premièrement, comme l’a rappelé le ministre, l’article 3 bis ne figurait pas dans le texte initial. Les auteurs font ce qu’ils veulent, mais il n’en reste pas moins qu’il ressemble fortement à un cavalier législatif, cet article n’ayant rien à voir avec le texte initial relatif à la nationalisation d’EDF.
Deuxièmement, il est incontestable, comme j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le président de la commission des finances et comme vient de le dire le ministre, que c’est le contribuable qui paiera à la fin.
Même si, pour des raisons de procédure, on peut plaider le contraire, cet article aurait dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, puisqu’il grève nécessairement les finances publiques.
Troisièmement, et cette remarque découle des deux premières, cet article 3 bis n’a rien à faire dans ce texte. Il aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances, ce qui nous permettrait de disposer d’une étude d’impact sérieuse sur son coût.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous en sommes d’accord, les tarifs réglementés ont existé pendant cinquante ans pour tout le monde, pour les clients résidentiels, les entreprises et les collectivités. Tout le monde y avait accès, et cela fonctionnait plutôt bien. Je n’ai jamais entendu personne s’en plaindre à l’époque.
M. le rapporteur nous oppose les règles européennes. Mais tout le monde demande des dérogations ! Pourquoi ne le faisons-nous pas nous aussi pour protéger nos collectivités et nos petites entreprises et leur donner accès au tarif réglementé ? Il ne s’agit pas de le leur imposer. Si certaines souhaitent conserver des contrats à marché libre, tant mieux pour elles, mais pourquoi ne pas permettre à celles qui voient le montant de leurs factures exploser – les commerçants, en particulier les boulangers, les collectivités – d’accéder à ce tarif ?
J’ajoute que nous n’en sommes encore qu’au début de la crise, qui va encore durer deux ans et demi. Les factures vont continuer de pleuvoir !
Par ailleurs, monsieur le ministre, il va falloir que quelqu’un parle à un moment donné. Au 30 juin, 5 millions de particuliers n’auront plus accès au tarif réglementé du gaz, en pleine crise du gaz. Allons-nous laisser faire cela ou pas ? Allons-nous prendre une initiative, nous en tant que parlementaires, vous en tant que membre du Gouvernement, pour prolonger ces tarifs en pleine crise ? Ou va-t-on laisser les gens plonger avec les prix du marché ? Il faudra répondre à ces questions.
Enfin, monsieur le ministre, vous dites que l’extension du tarif réglementé coûterait cher. Certes, mais lorsque nous avons proposé le retour au tarif réglementé pour toutes les collectivités, on a commencé par nous dire que cela coûterait 60 milliards d’euros. Or une étude a conclu que le coût d’une telle extension s’élèverait à 3,5 milliards d’euros.
En outre, comme vous l’avez dit, le bouclier tarifaire, le filet de sécurité et l’attribution de volumes d’Arenh supplémentaires ont coûté, pour la seule année dernière, avec des trous dans la raquette, entre 50 et 80 milliards d’euros.
Le retour au tarif réglementé coûterait 3,5 milliards d’euros, contre les 50 milliards d’euros ou 80 milliards d’euros que vous avez jetés à la poubelle et donnés aux acteurs alternatifs. Voilà la réalité !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Notre groupe votera ces amendements, qui, je l’admets très volontiers, auraient leur place dans un PLF.
J’en profite pour dire à notre collègue Capus qu’il nous prête beaucoup de pouvoir. Je l’en remercie !
Alors qu’on dépense 50 milliards d’euros pour le grand carénage, 56 milliards d’euros pour six EPR, selon l’estimation gouvernementale – alors que l’EPR 1 coûte 19 milliards d’euros, on va en faire six pour 56 milliards ! – et que la dette d’EDF atteint 64 milliards d’euros – c’est un tout petit peu d’argent ! –, il me paraît tout à fait acceptable de dépenser 3 milliards d’euros pour l’extension des tarifs réglementés !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement pense – il l’a dit à l’Assemblée nationale – que cet article est un cavalier et qu’il aurait pu ou dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Mais nous ne nous immisçons pas dans les discussions de la commission des finances de l’Assemblée nationale ni dans celles, évidemment, de la commission des finances du Sénat. Nous nous réservons toutefois le droit de porter éventuellement cette controverse devant le Conseil constitutionnel. Nous verrons !
Monsieur Gay, vous voudrez bien m’excuser de ne pas vous répondre sur le gaz. Nous consacrons déjà beaucoup de temps à l’électricité aujourd’hui. Vous aurez l’occasion en temps voulu de discuter dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie de tous ces sujets importants, de la manière dont on doit envisager la fourniture d’électricité, de gaz et, plus généralement, d’énergie en France pour les années qui viennent.
Permettez-moi à présent de vous donner quelques chiffres sur le coût des différents dispositifs.
Le bouclier tarifaire pour les particuliers, les TPE et les petites collectivités qui disposent d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, bouclier que vous proposez d’étendre aujourd’hui à toutes les TPE, a permis de limiter à 15 % la hausse des prix, au lieu de 120 %, sur deux ans. Le coût pour les finances publiques s’est élevé à 30 milliards d’euros en 2022 et à 45 milliards d’euros en 2023.
Pour répondre à votre question, monsieur Husson, on a adopté, sur la suggestion d’un certain nombre d’entre vous, un prix de l’électricité ne pouvant pas dépasser 280 euros le mégawattheure pour toutes les TPE ayant eu la malchance de devoir renouveler leur contrat à l’automne dernier et qui se sont retrouvées à négocier, le couteau sous la gorge, des contrats prévoyant des tarifs supérieurs à ceux qui étaient les leurs auparavant.
Ces 280 euros le mégawattheure sont intégrés en moyenne dans les factures qui sont actuellement envoyées par les fournisseurs d’énergie, y compris aux boulangers ou à d’autres TPE concernées.
Nous avons aussi adopté un amortisseur électricité pour les PME et pour les collectivités territoriales. Il est un peu compliqué, mais compatible avec la réglementation européenne. Nous prenons en charge 50 % du surcoût au-delà de 180 euros le mégawattheure, pour un coût de 2 à 3 milliards d’euros pour la collectivité nationale.
Enfin, pour ce qu’on appelle les énergo-intensifs, soit les plus grandes entreprises consommant beaucoup d’énergie, un guichet a été mis en place. Il permet aujourd’hui à un certain nombre d’entreprises de faire valoir la hausse de leur facture d’électricité ou de gaz et de demander des aides. À ce stade, 250 millions d’euros ont été attribués en quelques semaines. Une accélération assez forte a été constatée depuis dix jours, alors qu’arrivent les factures de 2023.
Sur votre suggestion, nous avons adopté à l’été 2022 un filet de sécurité de 430 millions d’euros pour les collectivités dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Bref, tout cela nous coûte beaucoup d’argent. On peut en être fiers, parce que le taux de l’inflation en France est inférieur à celui des autres pays européens et que les entreprises ont plutôt bien passé la crise, contrairement à nos craintes. Soyons tout de même conscients que tout cela, je le répète, nous coûte beaucoup d’argent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis.
(L’article 3 bis n’est pas adopté.) – (Marques d’étonnement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Après l’article 3 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par M. Gay et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 août 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant avec précision le coût du bouclier tarifaire.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport, même si je sais que le Sénat n’en est pas friand, sur le coût du bouclier tarifaire. Vous venez de nous indiquer de premiers chiffres, monsieur le ministre, mais nous avons du mal à avoir les montants exacts. Pouvez-vous nous confirmer qu’il a coûté 20 milliards d’euros en 2022 et qu’il coûtera 37 milliards d’euros en 2023 ?
Pour que tout le monde comprenne, j’indique que l’État indemnise les acteurs alternatifs en leur donnant de l’argent public pour qu’ils appliquent le bouclier tarifaire.
Ainsi, les boulangers avaient un contrat au tarif de 40 euros, 50 euros ou 60 euros le mégawattheure. Lorsque leur facture a explosé, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a réuni les énergéticiens et leur a dit que leurs contrats ne devaient pas prévoir un tarif supérieur à 280 euros le mégawattheure.
Or les énergéticiens achètent 70 % de l’énergie qu’ils revendent au prix de 42 euros. Même s’ils achetaient les 30 % restants au prix de 900 euros le mégawattheure, ils feraient tout de même des bénéfices !
Comme cela ne suffit pas, que fait le Gouvernement ? Il indemnise les acteurs alternatifs et leur donne de l’argent public pour qu’ils appliquent le bouclier tarifaire !
Le boulanger, comme n’importe quel commerçant, comme n’importe quel chef d’entreprise, comme n’importe quel usager, est racketté deux fois, du fait de l’augmentation de sa facture électrique et, en tant que contribuable, parce qu’il donne de l’argent aux énergéticiens.
Cette affaire a coûté près de 50 milliards d’euros en deux ans. C’est un pur scandale, qu’il faut dénoncer !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, pour une raison très simple : nous souhaitons faire nous-mêmes le rapport que cet amendement tend à demander au Gouvernement.
L’indépendance du Sénat s’exprime à travers le travail de ses rapporteurs. Il se trouve que la commission des finances, dont je salue le président, a demandé au rapporteur spécial Christine Lavarde d’effectuer un contrôle budgétaire sur cette affaire.
Il y a des perdants et des gagnants. On aimerait savoir comment et dans quelles proportions les gagnants apportent leur contribution à l’État. Vous aviez évoqué cette question lors des débats budgétaires. Si le prix augmente, certaines entreprises gagnent plus que d’habitude, sans nécessairement – vous avez raison, monsieur Gay – avoir dépensé en proportion.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Gérard Longuet, rapporteur. Les producteurs d’énergie renouvelable, tant mieux pour eux, ne sont absolument pas tributaires du prix de l’énergie fossile. En outre, vous le savez – je ne reviens pas sur les démembrements –, le recours aux énergies renouvelables est prioritaire. Ces producteurs vendent leur mégawattheure à un prix délirant et empochent tranquillement les bénéfices. Je pense qu’ils doivent en restituer une partie.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a confié à Mme Lavarde la mission d’approfondir ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’émets le même avis que M. le rapporteur.
Je rappelle que, dans le cadre de l’exécution de la loi de finances, vous aurez toute liberté d’examiner ces sujets et de poser toutes les questions que vous souhaitez au Gouvernement.
Je rappelle également au sénateur Gay que c’est le consommateur ultime qui bénéficie de l’Arenh, et non le distributeur, qui vend l’électricité au rabais, au coût de production d’EDF, et dont la marge est très encadrée. Il s’agit de permettre à l’ensemble des consommateurs, y compris aux industriels – j’y tiens – de bénéficier des investissements effectués par la Nation depuis soixante-dix-sept ans et d’une électricité décarbonée, en volume et pas chère.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Mon appel au règlement se fonde sur l’article 44 bis du règlement du Sénat et sur l’exigence de sincérité des débats. Cela rappellera des souvenirs à certains !
À la suite d’une incompréhension, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a voté contre l’article 3 bis, alors qu’il souhaitait voter pour. Est-il possible de procéder à une seconde délibération ?
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement. Nous verrons les suites qu’il convient de lui donner à l’issue de la discussion des articles.
Article 3 ter
Avant le 31 août 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui présente de manière détaillée l’intérêt de nationaliser la société « Électricité de Mayotte », dont « Électricité de France » est actionnaire minoritaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le calendrier et les étapes de mise en œuvre d’une nationalisation de la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement, sur lequel la commission s’en était remise à la sagesse du Sénat, vise à demander la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement. Nous vous soumettons aujourd’hui une version mieux rédigée que la version initiale déposée en commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission s’en était en effet remise à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
La rédaction nouvelle qui nous est aujourd’hui soumise est un peu particulière. L’amendement tend à prévoir que le rapport porte sur l’intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte et, simultanément, qu’il fixe un calendrier et les étapes de mise en œuvre de cette nationalisation. Le jugement est porté avant même que l’étude soit engagée, ce qui est un peu contradictoire.
Je suis gêné par la référence au calendrier et aux étapes, qui supposent le problème résolu. Je ne suis donc pas favorable à cette rédaction.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous sommes défavorables à cet amendement, non pas parce que nous sommes contre les rapports – nous adorons les produire, comme vous le savez ! –, mais, d’une part, parce que cette disposition est sans lien avec la nationalisation d’EDF et, d’autre part, parce qu’Électricité de Mayotte, vous le savez, est un opérateur distinct, dans lequel EDF ne détient qu’une participation minoritaire, inférieure à 25 %, l’actionnaire majoritaire étant le département de Mayotte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Le rapporteur a tout à fait raison : cette nouvelle rédaction est un peu problématique.
Pour ma part, j’aimerais savoir pourquoi les auteurs de l’amendement s’intéressent à Électricité de Mayotte ? Comme vient de le rappeler justement le ministre, son actionnariat est déjà largement public, cette société étant détenue à 50 % par le département de Mayotte.
Pourquoi ne pas vous être intéressés aux entreprises locales de distribution ? Ces entreprises font sur une partie du territoire national ce que fait aussi EDF.
Pour information, Électricité de Strasbourg est détenue à 88,64 % par EDF développement et environnement et à 11,36 % par d’autres actionnaires.
Qu’allez-vous faire de UEM, à Metz, détenue à 85 % par la ville de Metz et à 15 % par la Caisse des dépôts et consignations ?
Je vous épargne la liste de toutes les entreprises locales de distribution, mais j’avoue que je ne comprends pas pourquoi vous vous intéressez à Électricité de Mayotte. En outre, la rédaction de votre amendement est un peu absconse.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Nous nous sommes intéressés à Électricité de Mayotte, d’abord parce que le territoire de Mayotte est situé dans une zone non interconnectée (ZNI), ensuite, pour des raisons de continuité historique.
En 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing a nationalisé les sociétés locales de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, qui avaient la même structure de capital que celle de Mayotte. Aujourd’hui, EDF a le monopole du transport dans les ZNI.
Enfin, il y avait une ambiguïté sur l’application des TRVE dans les outre-mer. La question est réglée, le code de l’énergie est clair.
Je veux bien admettre que tel qu’il est rédigé, l’amendement ne vise pas à discuter du principe de la nationalisation. On admet qu’il faut nationaliser et on demande un calendrier.
Je le répète, cet amendement a reçu un avis de sagesse en commission.