M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Au 17° de l’article 138 du code de procédure pénale, après la référence : « 17° bis, », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « la décision de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur, dont la personne mise en examen est titulaire, est spécialement motivée ; ». – (Adopté.)
Après l’article 3 bis
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié sexies, présenté par MM. Bonneau, Pellevat, Le Nay et Belin, Mme Herzog, MM. Laugier, Kern et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert, Cadec, Panunzi et Hingray, Mme Thomas et M. Chasseing, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 17° de l’article 138 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’infraction constitue une atteinte sexuelle incestueuse contre son enfant, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention prononce la suspension du droit de visite et d’hébergement des enfants mineurs dont la personne mise en examen est titulaire ; la décision de ne pas ordonner le retrait total de l’autorité parentale est spécialement motivée. »
La parole est à M. François Bonneau.
M. François Bonneau. Cet amendement vise à compléter les dispositions du code de procédure pénale afin de systématiser la suspension, par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, des droits de visite et d’hébergement du parent mis en examen pour une infraction incestueuse.
Il s’agit non pas de remettre en cause la présomption d’innocence, mais de prendre une mesure de précaution à l’égard de l’enfant victime ainsi que de sa fratrie. Le principe de précaution repose sur la prise en compte de situations de risques potentiellement graves et irréversibles.
En l’espèce, tel est le cas d’un enfant ayant subi des agressions sexuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, le 17° de l’article 138 du code de procédure pénale visant toute infraction commise « contre ses enfants », cet amendement est satisfait par l’article 3 bis du présent texte.
J’en demande donc le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Bonneau, l’amendement n° 5 rectifié sexies est-il maintenu ?
M. François Bonneau. Puisque l’amendement est satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié sexies est retiré.
L’amendement n° 40, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, ou la suspension de l’exercice de cette autorité et les droits de visite et d’hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement doit, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Par cet amendement, nous souhaitons garantir le respect de l’enfant par l’écoute de sa parole. Nous pensons que chaque enfant doit être entendu dans sa singularité, et qu’aucune généralisation ne doit gommer celle-ci.
Cet amendement vise donc à s’assurer que l’enfant soit entendu par le juge ou par la personne désignée à cet effet, et ainsi à faire en sorte qu’il soit au centre de la décision qui est prise dans son intérêt.
Il est précisé que la parole de l’enfant doit être recueillie sans aucun préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Encore une fois, il ne nous semble pas opportun de rendre obligatoire l’audition de l’enfant par le juge.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Comme mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain l’ont indiqué lors de la discussion générale, nous aurions souhaité retrouver l’esprit de la proposition de loi présentée par notre collègue Isabelle Santiago à l’Assemblée nationale.
Nous sommes en effet très attachés à l’égalité entre les femmes et les hommes, et particulièrement révoltés contre toute manifestation de violence à l’égard des femmes.
La persistance d’un système qui minimise les violences, néglige leurs conséquences et hésite à sanctionner les auteurs constitue une entrave à la liberté des femmes victimes et à l’instauration de cette égalité.
Nous souhaitons corriger les failles de notre justice familiale et pénale, cette justice qui laisse parfois entendre qu’un mauvais mari pourrait être un bon père. Cette justice qui néglige les conséquences des conflits perpétue le continuum des violences.
Que vaut aux yeux de l’enfant la loi qui ne l’a pas protégé de la violence d’un parent ?
La psychologue clinicienne Karen Sadlier explique que l’enfant sculpte sa personnalité, par mimétisme, sur le modèle de l’auteur des violences. Elle précise qu’il ne saurait y avoir de lien parental en l’absence de protection.
C’est cette exigence de protection dans l’intérêt des victimes, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, que nous devons renforcer.
Notre souhait de revenir à l’esprit initial de ce texte n’a pas été satisfait, à l’exception de certains aspects. Considérant toutefois les légères avancées qu’elle permet, nous voterons toutefois cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je souhaite d’abord, avec le groupe Union Centriste, saluer la qualité du travail de la commission des lois et de la rapporteure.
Je me félicite également des débats que nous avons eus ce soir. De nombreux amendements ont en effet pu être débattus, et M. le garde de sceaux nous a apporté des réponses claires et constructives.
Avant que nous ne nous prononcions sur ce texte, j’estime important de rappeler les faits. Si nous manquons de statistiques – ma collègue Laurence Rossignol l’évoquait tout à l’heure –, celles dont nous disposons montrent que la situation est dramatique.
Dans un rapport intitulé Droits des enfants en France – Aperçu des avancées et des défis 2022, l’Unicef indique qu’un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en moyenne. Dans 86 % des cas, les parents sont les auteurs présumés des maltraitances subies par les enfants.
Dans le même temps, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, présidée par le juge Édouard Durand, estime dans son rapport que 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année en France, un nombre longtemps sous-estimé, voire négligé, en particulier en raison du tabou anthropologique dont ce crime fait l’objet.
Plus largement, une personne sur dix est victime d’inceste dans son enfance, soit plus de 5 millions de femmes et d’hommes.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.
Comme je l’indiquais dans mon propos liminaire, ce texte n’est pas une fin en soi ; il marque le début d’un changement profond de l’approche de notre société sur les violences intrafamiliales, prenant en compte que le parent violent n’est jamais un bon parent.
Les débats et les propositions d’amendements issues de toutes les travées de notre assemblée attestent notre volonté collective d’améliorer le texte. La navette – je n’en doute pas – apportera des avancées nouvelles, puisque ce soir, en séance publique, vous avez proposé d’y travailler, monsieur le garde des sceaux.
La mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales menée par notre collègue Dominique Vérien apportera également – j’en suis persuadée – des solutions pour mieux traiter ces violences intrafamiliales et accompagner les enfants qui en sont victimes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Si nos débats ont été très intéressants, je regrette moi aussi que la commission se soit montrée quelque peu sévère vis-à-vis du texte de l’Assemblée nationale et qu’un certain nombre de recommandations, notamment celles de la Ciivise, n’aient pas été suivies.
C’est d’autant plus regrettable que – j’en suis persuadée – nous partageons le même but, à savoir la meilleure protection possible de l’enfant. Or j’estime à cette fin que l’avis du magistrat Édouard Durand, qui fait un travail remarquable, mérite d’être pris en considération.
Je regrette également qu’un certain nombre d’amendements n’aient pas été adoptés, mais je note la bienveillance du garde des sceaux, et sa volonté de retravailler ensemble sur ces propositions dont certaines étaient peut-être formulées de manière maladroite.
Il m’importe enfin de travailler sur le délit de non-représentation d’enfant par la mère quand celle-ci est certaine que son enfant est victime de violences ou d’attouchements. La rapporteure et le garde des sceaux en étant d’accord, nous pourrons avancer ensemble sur ce sujet, de même que sur celui du syndrome d’aliénation, trop souvent utilisé contre les mères. En la matière, j’estime que nous pourrons continuer à travailler de manière positive.
Pour toutes ces raisons, et comme je l’ai indiqué lors de mon propos liminaire, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voterai bien sûr ce texte, en tant que parlementaire, mais aussi en tant que mère soucieuse de la protection de nos enfants.
Je souhaite toutefois vous interpeller, monsieur le garde des sceaux, sur la nécessité de soutenir l’organisation de la justice dans les territoires ultramarins, pollués par ce mal. Outre l’éloignement, nos territoires sont en effet confrontés, dès lors que des enfants sont victimes, à la barrière des langues. Imaginez un enfant polynésien de 6 ans qui doit s’exprimer devant un juge !
Je vous lance donc un appel du cœur, monsieur le garde des sceaux : envoyez des renforts, et améliorez l’organisation de la justice dans nos territoires ultramarins !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Fusion des filières REP d’emballages ménagers et de papier
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique (proposition n° 305, texte de la commission n° 426, rapport n° 425).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) nous réunit aujourd’hui.
Nous avons collectivement construit notre socle de filière REP – Sénat, Assemblée nationale et Gouvernement –, en particulier lors de la discussion de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec. C’est une fierté française.
Madame la rapporteure, vous étiez déjà rapporteure de la loi Agec. Je sais votre attachement à ces principes, et comme vous, je considère que la loi Agec est une loi fondamentale.
Celle-ci, ainsi que la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, a démontré notre ambition environnementale et notre volonté d’accélérer notre transition écologique.
Elles permettent le déploiement de nombreux dispositifs.
Elles apportent également aux collectivités des moyens et des outils nouveaux dans leur gestion quotidienne des déchets.
Depuis ma prise de fonctions, je travaille pour que les collectivités disposent des moyens financiers suffisants pour rendre le traitement des déchets plus performant. C’est à ce titre que, pour 2023, le fonds vert alloue une enveloppe de 60 millions d’euros à la collecte et à la valorisation des biodéchets. En parallèle, 90 millions d’euros ont été ajoutés au fonds économie circulaire.
Je me suis enfin engagée à revoir les barèmes de soutien au regard de la crise énergétique que nous vivons et que les collectivités subissent de plein fouet.
Notre politique de développement de l’économie circulaire fait figure d’exemple sur la scène européenne et internationale. Je souhaite que le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrive dans cette dynamique.
Cette proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale posait un principe clair : donner les moyens à la filière papier-carton de gagner en performance environnementale via la fusion des REP papier et emballages.
Il avait aussi pour objectif de pérenniser, pour le secteur de la presse, la possibilité de contributions en nature, en prévoyant l’accès direct et majoritaire des collectivités à ce dispositif tout en restant exigeant sur l’ambition environnementale fixée par l’État dans ce cadre.
Les filières REP sont les clés de voûte de notre système de financement et de gestion des déchets. Elles sont aussi à la base de notre système de prévention, de réparation, de réemploi et de propreté.
Vous le savez, la loi Agec a créé onze nouvelles filières REP. En 2025, celles-ci permettront de dégager environ 6 milliards d’euros d’écocontributions.
En responsabilité, je suis chargée de la mise en place effective de ces nouvelles filières. Au regard des dispositions que nous examinons aujourd’hui, il m’importe d’insister sur mon entière mobilisation en faveur de l’amélioration constante des performances de chaque filière REP et de l’entrée en vigueur effective des nouvelles REP.
Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je maintiendrai le cap sur ces objectifs pour les collectivités que vous représentez et pour les citoyens qui nous écoutent.
La fusion proposée des filières papier et emballages est au cœur de cet engagement. Vous l’avez conservée lors des travaux de commission, et je m’en félicite.
Cette fusion est cohérente avec la logique de collecte simplifiée des déchets d’emballages et de papier que nous avons instaurée. Si cette proposition de loi est adoptée, nous aurons une filière REP pour un bac jaune.
Au-delà de la cohérence et de la simplification recherchées, cette fusion permet également d’avoir une vision commune entre ces deux filières concernant l’écoconception, et partant, de gagner en performance environnementale.
Par ailleurs, la filière papier connaît un changement d’équilibre économique. En seulement deux ans, l’activité de production de papier a diminué de 12 %, et cette trajectoire perdurera.
Dans ce contexte, la fusion devra dans tous les cas avoir lieu tôt ou tard. En la votant dès à présent, nous prenons nos responsabilités quant à la pérennité de la filière. Cette fusion permettra de mieux partager les coûts structurels de gestion du bac jaune et du recyclage, et ainsi, d’améliorer l’assise et la visibilité financière de la filière.
J’en viens à la deuxième disposition, qui – je le comprends – concentre l’essentiel des débats.
Je note que le Sénat et l’Assemblée nationale se retrouvent sur un même constat : la presse est dans une situation économique telle qu’il nous faut collectivement trouver des solutions. Pour autant, et j’y tiens particulièrement, il n’est pas question d’exonérer un secteur de sa responsabilité environnementale et de minimiser le manque à gagner pour les collectivités. Dans le cadre de ce texte, nous nous sommes donc tous interrogés sur la meilleure manière d’adapter le dispositif de responsabilité de la presse sans freiner l’ambition environnementale du secteur.
La proposition de loi initiale du député Denis Masséglia prévoyait ainsi que le dispositif de responsabilité qui préexistait depuis 2015 soit reconduit et renforcé. Grâce à un débat parlementaire de qualité, elle a été ajustée dans la bonne direction. Ce débat a permis que des amendements déposés par des élus issus de tous les groupes politiques soient adoptés. Ensemble, vos collègues ont amélioré le texte à l’Assemblée nationale.
En effet, ils ont tout d’abord garanti aux collectivités territoriales d’être associées à l’élaboration de la convention de partenariat ainsi qu’au contenu des encarts, alors que le texte prévoyait que les collectivités en bénéficieraient majoritairement.
A également été ajouté le fait de quantifier chaque année les économies dégagées par cette mise à disposition gratuite d’encarts pour les collectivités.
Ensuite, la lecture à l’Assemblée nationale a permis d’enrichir le texte de critères environnementaux demandés au secteur de la presse. Il a ainsi été prévu que les encarts concernent, en plus du geste de tri et de l’économie circulaire, la préservation de la ressource en eau et la protection de la biodiversité.
Par ailleurs, le texte a précisé que les exigences environnementales qui s’appliquent au secteur de la presse ne pourront pas être en dessous de celles que le secteur doit respecter jusqu’au 1er janvier 2023.
Votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la semaine dernière, a fait le choix de ne pas retenir cette disposition. J’en prends acte.
J’émets néanmoins des réserves sur la solidité juridique du dispositif prévu dans le texte que nous allons examiner en séance publique, ainsi que sur son bien-fondé écologique.
Je tiens tout d’abord à attirer votre attention sur deux points juridiques.
En premier lieu, le bonus d’écocontribution proposé ne correspond pas à un critère d’écoconception comme prévu par le droit européen sur les filières REP.
En second lieu, les bonus imaginés pour la mise à disposition gratuite d’encarts d’information devront bien être compensés par l’augmentation des écocontributions d’autres personnes. L’idée du dispositif proposé par la commission du Sénat serait de faire supporter cette compensation par le seul secteur de l’emballage. Cette piste soulève toutefois une interrogation sur l’équité de ce dispositif. Il me semble donc juridiquement fragile.
D’un point de vue écologique ensuite, le dispositif adopté en commission revient à ouvrir à tous les acteurs de l’emballage et des papiers la possibilité de bénéficier d’un bonus financier s’ils mettent à disposition gratuitement des encarts. Mais pour ajouter des encarts d’information équivalents à ceux que peut proposer la presse, il faudrait ajouter du suremballage. En d’autres termes, le dispositif adopté en commission incite les producteurs à ajouter encore plus d’emballages.
Madame la rapporteure, vous conviendrez que ce n’est pas l’esprit de la loi Agec, à laquelle nous sommes tous attachés. C’est même à l’opposé du combat que nous menons et que vous menez aussi, et à l’opposé de ce que nous demandent les citoyens et les responsables politiques.
Je sais que vous recherchez, comme moi, des solutions. Pour avoir exercé le mandat de députée, j’ai un grand respect pour le débat parlementaire. Je fais confiance aux parlementaires pour trouver, dans ce cadre, un consensus et une sortie par le haut.
Quoi qu’ils décident, je tiens à affirmer très clairement que ces encarts ne doivent pas être utilisés à des fins promotionnelles, mais exclusivement pour sensibiliser le citoyen, dans une optique d’intérêt général. Il me semble primordial que le dispositif qui sera voté à l’issue de la navette parlementaire intègre cette exigence.
Pour conclure sur ce point, le Gouvernement maintiendra son ambition dans le déploiement de toutes les filières REP de la loi Agec et il n’y aura aucune remise en cause de ces filières.
Certaines sont en cours de mise en œuvre, dès cette année, comme la filière REP bâtiment, celle des véhicules hors d’usage, celle des pneumatiques ou encore celle des emballages de la restauration.
D’autres viendront plus tard comme la filière des textiles sanitaires à usage unique en 2024 ou encore la filière REP des déchets d’emballages industriels et commerciaux en 2025. La mise en œuvre de ces filières REP est une attente forte des collectivités. Sachez qu’elle est entendue et qu’elle guide mon action au quotidien. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Michel Laugier et Yves Bouloux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour celles et ceux qui étaient présents dans cet hémicycle à l’automne 2019 pour débattre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, l’échange que nous aurons ce jour aura, à l’évidence, un goût de déjà-vu.
En effet, il y a quatre ans environ, nous avions dans cet hémicycle largement complété la copie proposée par le Gouvernement, afin notamment de renforcer la responsabilité élargie des producteurs, une application du principe pollueur-payeur qui permet de transférer le coût de la prévention et la gestion des déchets aux producteurs.
Pour les filières couvertes par le service public de gestion des déchets géré par les collectivités territoriales, la responsabilité élargie des producteurs se traduit par un soutien financier des producteurs aux collectivités territoriales via des contributions financières transitant par un éco-organisme.
Il y a quatre ans, le deal de la loi Agec était très clair. Oui, les collectivités territoriales doivent améliorer la prévention et la gestion des déchets, en modernisant leurs centres de tri, en mettant en place la collecte séparée des biodéchets ou encore en développant la collecte hors foyer ; mais ces politiques ont un coût. La loi Agec prévoyait donc de renforcer la responsabilité élargie des producteurs pour que l’amélioration de notre politique d’économie circulaire pèse non pas exclusivement sur le contribuable local, en aval, mais aussi sur le producteur, en amont.
Nous avons donc créé de nouvelles REP, par exemple sur les produits et matériaux de construction ou sur les articles de bricolage, de jardinage et de sport. Nous avons aussi étendu des REP existantes : une REP emballages professionnels a par exemple été créée pour compléter la REP emballages ménagers.
Le sens de l’Histoire était donc celui de la montée en puissance des filières REP, concomitante de celle du service public de gestion des déchets.
Les choses se sont depuis quelque peu déréglées, car la mise en place ou l’extension des REP a pris du retard et même de manière importante dans le cas de la REP bâtiment, pourtant très attendue dans nos territoires pour lutter contre les dépôts sauvages.
Les contraintes sur les collectivités territoriales n’ont, quant à elles, pas été reportées. Pendant que les REP tardaient à se mettre en place, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a continué d’augmenter et les investissements en matière de tri des biodéchets ou de modernisation des centres de tri n’ont pas été retardés.
C’est dans ce contexte qu’est arrivée la proposition de loi dont nous débattons ce soir. N’ayons pas peur des mots : ce texte est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour nos collectivités territoriales.
Le volet le plus problématique n’est pas celui qui est relatif à la fusion des filières REP emballages ménagers et papier, à laquelle notre commission est favorable et qui ne constitue pas le cœur du texte dont nous sommes saisis ; il porte sur la sortie de la presse de la REP.
Disons-le clairement : exclure la presse de la REP, comme le prévoyait la proposition de loi initiale, revient à faire payer, une fois de plus, les collectivités territoriales. Je rappelle que tout ce qui n’est pas pris en charge par les metteurs sur le marché doit être financé par les contribuables locaux.
J’entends déjà ceux qui estiment que le manque à gagner pour le service public de gestion des déchets est limité – une vingtaine de millions d’euros – et pourrait être facilement absorbé par les collectivités.
Je répondrai que sortir la presse de la REP pourrait constituer un dangereux précédent susceptible d’affaiblir l’ensemble des REP et, partant, le financement du service public de gestion des déchets. Ce serait en effet la première fois dans l’histoire de ce système, né en France dans les années 1990 et ayant essaimé partout en Europe, qu’un gisement serait retiré de la REP. D’autres secteurs pourraient à l’exemple de ce premier régime d’exception demander des aménagements et des exonérations pour l’avenir, au détriment des collectivités territoriales et de la protection de l’environnement.
Nous ne pouvons pas accepter une telle régression environnementale et une telle atteinte au service public de gestion des déchets géré par nos collectivités territoriales.
Cela étant dit, nous nous devons d’apporter une réponse au secteur de la presse, qui est actuellement en grande difficulté. Je le dis ici avec fermeté, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire avec mes collègues sénateurs de la commission de la culture, en premier lieu desquels le président Lafon et Michel Laugier, avec qui j’ai beaucoup échangé lors de mes travaux préparatoires.
Je salue à cet égard le travail de Michel Laugier, dont le récent rapport a mis en exergue les difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles fait face la presse, notamment notre presse quotidienne régionale : doublement du prix du papier en un an, augmentation des coûts de l’énergie et diminution structurelle des ventes de la presse papier de 5 % par an. Nous nous devons d’aider la presse, cela est certain.
Fallait-il, pour autant, le faire aux dépens des collectivités territoriales, au risque de fragiliser le bel édifice que constitue la loi Agec, matrice de notre politique d’économie circulaire ? Bien évidemment, la réponse est non.
Le Gouvernement avait d’autres options pour concilier protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse. Il n’a tout simplement pas voulu les étudier.
La première option était que l’État prenne sa responsabilité en aidant le secteur de la presse à payer son écocontribution à compter du 1er janvier 2023. Il ne l’a pas fait.
La seconde option, c’est celle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adoptée la semaine passée.
Le texte issu des travaux de notre commission maintient en effet la presse dans le champ de la REP, mais en permettant de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts, sous réserve de respecter des critères de performance environnementale fixés par décret. Cette modulation des contributions sous forme de prime pourra pleinement bénéficier aux publications de presse.
Les avantages de cette proposition sont nombreux. Elle préserve l’intégrité de la REP en maintenant la presse en son sein. Elle est financièrement neutre pour le service public de gestion des déchets, car les primes versées devront être compensées par la filière REP. Elle offre enfin des garanties environnementales, en conditionnant l’octroi des primes à l’atteinte de critères de performance environnementale. Elle répond enfin clairement aux préoccupations du secteur de la presse, qui pourra continuer à utiliser le système existant des encarts.
Cette option avait d’ailleurs été envisagée par les services ministériels au cours des travaux préparatoires à la loi Agec que j’avais menés il y a quatre ans.
Cette proposition me semble plus robuste juridiquement que la convention de partenariat hors REP qui était proposée dans le texte initial. Contrairement à la proposition faite par les députés, nous nous appuyons en effet sur un outil bien connu, appliqué dans l’ensemble des filières REP : la modulation des écocontributions. Le législateur peut tout à fait créer des critères d’écomodulation qui ne sont pas spécifiquement prévus par le droit européen et qui n’ont pas trait à l’écoconception du produit : c’est par exemple le choix que nous avions fait dans la loi Agec, en créant un critère d’écomodulation pour les produits ayant une visée publicitaire ou promotionnelle.
Je suis consciente que ce choix est moins confortable pour le Gouvernement que ce qui est proposé dans le texte initial, car il devra en assumer les conséquences et mettre en œuvre les modulations proposées au sein de la filière REP. Il eût sans doute été plus confortable pour lui de laisser le législateur assumer seul la responsabilité de faire payer les collectivités territoriales.
Vous l’aurez compris, ma priorité est d’abord de préserver les filières REP pour protéger le service public de gestion des déchets et nos collectivités territoriales. Elle est ensuite d’aider la presse, en lui apportant une réponse proportionnée pour faire face aux difficultés auxquelles elle fait face. Tel est le chemin de crête que notre commission a emprunté la semaine passée. Mes chers collègues, je vous propose maintenant de l’emprunter à votre tour. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)